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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3848/2008

ATA/164/2010 du 09.03.2010 ( FIN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3848/2008-FIN ATA/164/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 9 mars 2010

1ère section

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame et Monsieur C______
représentés par PricewaterhouseCooper S.A., mandataire


et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE


EN FAIT

1. Madame et Monsieur C______ (ci-après : les époux C______), ressortissants hollandais, sont domiciliés à Genève depuis 1995.

M. C______ a travaillé pour l'entreprise A______ international (ci-après : A______) jusqu'au 30 septembre 1997. Dès le 1er octobre de la même année, il a œuvré pour la société O______ (Suisse) Sàrl (ci-après : O______).

2. Un important litige fiscal a opposé les époux C______ à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) concernant les impôts fédéraux directs (ci-après : IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) de plusieurs années. Toutefois, dans la présente procédure, seul un point reste litigieux : le traitement fiscal, en matière d’ICC, d'un montant perçu au titre d'indemnité de résidence, versé par A______ en 1997 et concernant la période fiscale 1998.

3. AT&T a établi, le 3 décembre 1997, deux listes qu'elle a soumises à l'AFC.

La première liste, intitulée « liste du personnel bénéficiant de remboursement de frais forfaitaire ou confidentiel », indiquait, pour M. C______ :

Rémunération brute totale y compris les frais forfaitaires en 1997 (en CHF)

Montant des frais forfaitaires ou confidentiels alloués par l'entreprise (en CHF)

Montant des frais forfaitaires ou confidentiels admis pour l'exercice fiscal (en CHF)

628'685.-

69'303.-

69'303.-

 

La seconde liste, intitulée « liste du personnel dirigeant de nationalité étrangère délégué temporairement par le siège (société « mère ») à Genève », indiquait, pour M. C______ :

Salaire de base
en 1997
(y compris bonus) (en CHF)

Divers :
frais forfaitaires (en CHF)

Indemnités de résidence
(en CHF)

Déduction admise pour l'exercice fiscal 1997 (CHF)

491'882.-

69'303.-

67'500.-

62'896.-

 

Les deux listes ont été approuvées par un sous-directeur de l'AFC, le 12 décembre 1997.

4. Selon l'attestation-quittance concernant l'impôt à la source, remise à M. C______ par A______ le 15 décembre 1997, l'intéressé avait reçu durant l'année 1997 des prestations soumises à l'impôt, en espèces et en nature, de CHF 496'513.-, dont CHF 223'333.- constituaient une « indemnité de plan de carrière », ainsi que des indemnités pour frais non incluses dans les prestations soumises à l'impôt de CHF 133'972.-.

5. Le 20 novembre 2003, l'AFC a informé M. C______ qu'elle ouvrait une procédure de rappel d'impôts, notamment concernant l’ICC 1998. L'intéressé devait remplir et retourner les déclarations ICC et IFD pour les années concernées.

6. Le 5 décembre 2003, l'AFC a notifié à M. C______ un bordereau de supplément d'impôts, pour la période fiscale 1998, de CHF 50'172,20, se réservant le droit de lui infliger une amende.

7. Le 16 décembre 2003, M. C______ a réclamé de ce bordereau, annonçant qu'il communiquerait prochainement les déclarations fiscales des années 1998 et 1999, dûment remplies.

Ces documents ont été transmis le 27 février 2004. Il ressortait du certificat de salaire rempli par A______ que M. C______ avait perçu, pendant l'année 1997, un salaire brut total de CHF 496'513.- comprenant une indemnité de départ de CHF 223'333.-, ainsi que - exclus du salaire brut - une indemnité de frais de représentation de CHF 69'303.- et une indemnité de résidence de CHF 64'669.-.

8. Le 13 décembre 2004, l'AFC a remis à M. C______ diverses décisions, dont un bordereau d'amende de CHF 53'972.-, concernant pour partie l'année fiscale 1998.

Le 12 janvier 2005, M. C______ a saisi l'AFC d'une réclamation, notamment contre ce bordereau.

9. Par décision sur réclamation du 22 février 2005, l'AFC a, entre autre, dégrevé l'assiette fiscale de 1998 et adapté l'amende au rappel d'impôt 1998.

La déduction des frais de représentation, selon l’accord donné le 12 décembre 1997, était admise. L'indemnité de résidence était intégrée au revenu, sans faire l'objet d'une déduction.

10. Le 23 mars 2005, M. C______ a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôt, devenue depuis le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission).

L'indemnité de résidence avait fait, à tort, l'objet d'une imposition puisque la déduction forfaitaire de cette dernière avait été admise par l'autorité compétente, à hauteur de CHF 62'869.-, le 12 décembre 1997.

11. Le 31 janvier 2006, l'AFC s'est opposée au recours. Elle acceptait une déduction de CHF 40'715.- au titre d'indemnité de résidence. Cette somme représentait le 10% du salaire brut annuel de 1997, des frais de représentation et de l'indemnité de résidence perçus, sans tenir compte de l'indemnité de départ de CHF 223'333.-. L'accord donné par l'AFC correspondait au 10% de la rémunération ordinaire brute, ce qui excluait l'indemnité de départ. Selon l'information 6/2005 du 7 décembre 2005 concernant les « Frais de représentation des employés dans le cadre de leur activité professionnelle et prise en charge par leur employeur - Conditions à l'admission d'une prise en charge calculée de manière forfaitaire et traitement fiscal de celle-ci » (ci-après : l'information 6/2005), le salaire déterminant dont il fallait tenir compte pour calculer les frais de représentation excluait toutes les prestations n'ayant pas impliqué l'engagement de tels frais, telle l'indemnité de départ.

12. Le 14 février 2006, M. C______ a relevé qu'on ne pouvait se fonder sur une circulaire de 2005 pour déterminer les déductions concernant des revenus réalisés en 1997. L'AFC avait donné son accord, à l'époque, et ce dernier devait être respecté en vertu du principe de la bonne foi, même si la pratique actuelle avait évolué.

13. Le 22 mars 2006, l'AFC a persisté dans sa détermination. L'information 6/2005 ne faisait que clarifier la pratique de l'AFC, tant en ce qui concernait le taux des 10% que pour la détermination du salaire brut total à prendre en compte.

14. Par décision sur partie du 28 janvier 2008, la commission a déclaré le recours recevable en tant qu'il concernait l'ICC 1998.

Après qu'un échange d'écritures ait eu lieu, la commission a partiellement admis le recours, dans le sens des considérants, par décision du 29 septembre 2008.

M. C______ était au bénéfice d'un forfait négocié entre son ancien employeur et l'AFC, que cette dernière avait approuvé le 12 décembre 1997. Elle ne pouvait revenir sur son engagement sans violer les principes de la bonne foi et de la confiance.

15. Le 28 octobre 2008, l'AFC a saisi le Tribunal administratif d'un recours, concluant à ce que la déduction pour l’indemnité de résidence versée par AT&T soit réduite de CHF 64'669.- à CHF 40'715.-. Lorsque la seconde liste avait été soumise à l'AFC, cette dernière ne pouvait savoir que le salaire brut annoncé intégrait, à tort, une indemnité de départ. Les déductions forfaitaires concernaient exclusivement les dépenses exposées dans le cadre de l'activité professionnelle et ne pouvaient être calculées que sur les éléments de rémunération ayant un rapport direct avec cette activité. Tel n'était pas le cas d'une indemnité de départ ou de licenciement, sans lien avec les frais exposés dans le cadre de l'exercice de l'activité lucrative. Dans le cas d'espèce, les listes qui lui avaient été soumises ne reflétaient pas la réalité ; l'assurance donnée pouvait donc être modifiée sans violer le principe de la bonne foi.

16. Le 1er décembre 2008, M. C______ s'est opposé au recours. L'argumentation développée par l'AFC pouvait être soutenue en ce qui concernait les frais de représentation, or l'accord du 12 décembre 1997 avait été respecté en ce qu'il concernait ceux-ci.

17. La commission a transmis son dossier le 13 novembre 2008.

18. Le 3 décembre 2008, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. De nouvelles normes fiscales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, en application de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID ; RS 642.14). Elles ont abrogé, à partir de cette date, la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05). Ces dispositions demeurent cependant applicables, notamment en ce qui concerne l'imposition des personnes physiques, pour les périodes fiscales antérieures à l'année 2001. L'adaptation de la législation fiscale genevoise aux exigences de la LHID est en effet dépourvue d'effet rétroactif, comme l'a relevé le Tribunal administratif selon une jurisprudence constante (ATA/956/2004 du 7 décembre 2004 ; ATA/29/2004 du 13 janvier 2004 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 1994, p. 170; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, p. 116).

Seule la taxation de la période fiscale 1998 est visée dans la présente cause, de sorte qu’elle est intégralement saisie par le droit en vigueur avant le 1er janvier 2001.

3. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et du tribunal de céans, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004). Or, la prescription est précisément une institution de droit matériel qui concerne directement l’existence de la créance fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2P.227/2002 du 19 juin 2003 ; RDAF 2002 II 89 p. 94 et les arrêts cités).

Le présent litige qui concerne la taxation des revenus 1998 pour les ICC est donc soumis à l’aLCP dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2001 pour ce qui concerne les dispositions légales abrogées dès cette date.

b. Selon l'art. 368 aLCP, intitulé « prescription du droit de taxer » l'impôt non payé peut être réclamé à un contribuable dans un délai de cinq ans, non compris l'année courante, lorsque ce dernier n'avait pas fait de déclaration, ou avait communiqué à l'AFC une déclaration incomplète. D'autre part, l'art. 369 aLCP prévoit que les créances fiscales se prescrivent dans un délai de cinq ans dès le jour de l'entrée en force de la décision de taxation.

En l'espèce, la procédure de contrôle concernant la période fiscale 1998 a été ouverte en 2003, soit dans les cinq ans suivant l'année déterminante. La décision de taxation du 13 décembre 2004 n'est pas encore entrée en force. Il s'ensuit que le droit de taxer et la créance ne sont pas prescrits.

4. Selon l'art. 21 al. 1 let. a aLCP, de l'ensemble des revenus bruts effectivement réalisés par le contribuable ou fixés par évaluation, l'AFC déduit les dépenses nécessaires pour l'exercice de sa profession et de son métier.

Conformément à la doctrine et à la jurisprudence dominantes, seuls les frais effectivement dépensés, naturellement et logiquement liés à la réalisation du revenu taxé, sont déductibles du revenu brut. La preuve de leur nécessité et de leur montant est indispensable, elle incombe au contribuable. Dans certaines professions, les frais se composent de très nombreux éléments. De même, la classification de la dépense consentie comme déductible est malaisée et peut donner lieu à des appréciations subjectives. C'est pourquoi les déductions forfaitaires sont communément admises, soit dans les règlements, soit dans la pratique des autorités de taxation (ATA/621/2002 du 29 octobre 2002, et les références citées).

5. En l'espèce, les parties admettent que les intimés ont droit à la déduction d'une indemnité de résidence forfaitaire.

Il ressort de l'analyse de la deuxième liste approuvée par l'administration que cette déduction forfaitaire correspond au 10% de la somme du salaire de base, de l'indemnité pour frais de représentation et de l'indemnité pour frais de résidence. Toutefois, le montant indiqué par l'employeur à la rubrique « salaire de base y compris les bonus » est inexact, puisqu'il incorpore une indemnité qualifiée de « indemnités pour plan de carrière » dans l'attestation-quittance de l'impôt à la source et de « indemnités de licenciement » dans le certificat de salaire établi ultérieurement. En conséquence, l'accord donné par l’AFC était fondé sur une information erronée et peut dès lors être rectifiésansheurterle principe de la bonne foi de l'administration.

C'est en vain que les intimés soutiennent le contraire en se fondant sur le traitement accordé par l'AFC à l'indemnité de représentation. Dans la première liste approuvée le 12 décembre 1997, le montant indiqué n'est pas celui du salaire de base, mais celui de la « rémunération brute totale », qui englobe l'indemnité de licenciement.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la cause renvoyée à l’AFC afin de qu'elle notifie un nouveau bordereau de rappel d'impôts ICC 1998 retenant une déduction forfaitaire pour indemnité de résidence de CHF 40'715.- au lieu de CHF 64'669.-, et appliquant au surplus les éléments déterminés par la décision de la commission du 29 septembre 2008.

Au vu de cette issue, un émolument de procédure de CHF 1’000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des époux C______, qui succombent (art. 87 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2008 par l'administration fiscale cantonale contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 29 septembre 2008 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision rendue par la commission de recours en matière d'impôts le 29 septembre 2008 en ce qu'elle autorise une déduction forfaitaire de CHF 64'669.- pour l'indemnité de résidence ;

fixe cette dernière à CHF 40'715.- ;

confirme au surplus la décision litigieuse ;

met à la charge des époux C______, conjointement et solidairement, un émolument de procédure de CHF 1’000.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à PricewaterhouseCooper S.A, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :