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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1618/2018

ATA/1422/2019 du 24.09.2019 sur JTAPI/768/2018 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;CASIER JUDICIAIRE;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; CEDH.8; Cst.9
Résumé : Refus de reconnaissance d’un cas d’extrême gravité et de la mise au bénéfice de l’opération Papyrus s’agissant d’un étranger ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour infraction à l’intégrité sexuelle. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1618/2018-PE ATA/1422/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 août 2018 (JTAPI/768/2018)

 


EN FAIT

1) Originaire du Kosovo, Monsieur A______, né le ______ 1961, est arrivé en Suisse en 1989, où il séjourne sans autorisation depuis lors.

2) M. A______ est marié et père de cinq enfants nés entre 1995 et 2005. Sa femme et ses enfants vivent au Kosovo.

3) Le 19 août 2006, M. A______ a été arrêté par la police et mis en détention à la suite d'une plainte pénale déposée à son encontre. Il lui était reproché d'avoir, la veille, retenu dans son appartement pendant tout une nuit une jeune femme, qu'il avait frappée, menacée et forcée à entretenir une relation sexuelle avec lui.

4) Par arrêt du 12 octobre 2007, la Cour d'assises a reconnu M. A______ coupable de séquestration, viol et infraction à la législation sur le séjour et l'établissement des étrangers et l'a condamné à une peine privative de liberté de trois ans, dont dix-huit mois avec sursis, délai d'épreuve de cinq ans.

Les actes reprochés à M. A______ étaient graves. Celui-ci n'avait pas hésité à attirer la victime à l'intérieur de son appartement, à l'y enfermer, à user à plusieurs reprises de violence à son encontre, la frappant avec les mains et au moyen d'un ceinturon afin de briser sa résistance. Il n'avait pas respecté la liberté de mouvement de la victime ni son intégrité et son droit de se déterminer librement en matière sexuelle, lui imposant un acte qu'elle ne voulait pas afin de satisfaire ses pulsions du moment. Il n'avait pas collaboré à l'enquête et s'était contenté de nier les faits sans donner la moindre explication à leur sujet.

N'ayant pas été contestée, cette condamnation est entrée en force.

5) Le 15 février 2008, M. A______ a été libéré conditionnellement.

6) Le 30 avril 2008, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction d'entrée en Suisse, d'une durée indéterminée.

7) Le 1er décembre 2016, M. A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour en vue de régulariser sa situation. Il était intégré en Suisse et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale, étant financièrement indépendant. Il avait l'intention de faire venir en Suisse sa femme et ses enfants qui vivaient au Kosovo, dès lors qu'il ne les avait plus vus depuis plusieurs années et qu'une telle situation leur était insupportable.

8) Les 23 janvier et 14 juin 2017, l'OCPM a demandé à M. A______ des renseignements complémentaires.

9) a. Le 21 juillet 2017, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l'opération Papyrus.

b. Il a joint à sa demande plusieurs documents, dont :

- un extrait du casier judiciaire suisse destiné à des particuliers du 13 mars 2017 ne faisant état d'aucune condamnation ;

- une attestation de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 3 avril 2017 selon laquelle il n'avait perçu aucune aide au cours des cinq dernières années ;

- un relevé des cotisations auprès de l'office cantonal des assurances sociales au 15 mars 2017 ;

- un extrait du registre des poursuites du 8 mars 2017 selon lequel il ne faisait l'objet d'aucune poursuite ni d'aucun acte de défaut de biens ;

- une attestation de l'Université ouvrière de Genève du 20 mars 2017 selon laquelle il avait passé avec succès un examen oral de français de niveau A2 du portfolio européen des langues ;

- une attestation du 20 mars 2017 de l'entreprise de gypserie-peinture et de papiers-peints B______ 2000, dirigée par son frère, indiquant qu'elle l'employait depuis le 2 février 2002.

10) Les 7 décembre 2017 et 10 janvier 2018, M. A______ a précisé à l'OCPM qu'il avait travaillé de nombreuses années dans l'entreprise de son frère pour un salaire mensuel de CHF 4'350.-, qui lui permettait d'être financièrement indépendant. Bien que ses enfants et sa femme résident au Kosovo, son frère et plusieurs de ses cousins, desquels il était proche, habitaient en Suisse.

11) Le 15 janvier 2018, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de rejeter sa requête et de prononcer son renvoi de Suisse au vu de sa condamnation pénale du 12 octobre 2007, lui impartissant un délai pour se déterminer.

12) a. Le 15 février 2018, M. A______ a persisté dans sa demande. Il se trouvait en Suisse, où il était intégré, depuis plusieurs décennies et, malgré la présence de sa femme et de ses enfants au Kosovo, un départ dans ce pays se révélerait particulièrement insupportable, notamment du fait qu'il n'était pas en mesure d'y trouver un emploi afin de subvenir aux besoins de sa famille. Il était totalement indépendant financièrement, n'avait jamais été à l'aide sociale et ne faisait l'objet d'aucune poursuite. Les faits ayant donné lieu à sa condamnation pénale, laquelle avait au demeurant été radiée du casier judiciaire, étaient dus à une erreur de parcours et il n'avait jamais récidivé.

b. Il a annexé à son courrier plusieurs documents, notamment des lettres de soutien ainsi qu'un extrait du registre des poursuites du 23 janvier 2018 n'indiquant aucune poursuite ni acte de défaut de biens.

13) Par décision du 12 avril 2018, l'OCPM a refusé d'accéder à la demande de M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM.

Au regard de sa condamnation pénale pour des faits graves, il ne remplissait pas toutes les conditions pour bénéficier de l'opération Papyrus, nonobstant son indépendance financière et son intégration.

14) Le 14 mai 2018, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur.

Il remplissait toutes les conditions pour être mis au bénéfice de l'opération Papyrus. Résidant à Genève depuis près de trente ans, il avait toujours eu un emploi qui lui avait permis de subvenir à ses besoins, n'avait pas de dette et son intégration était réussie. La gravité des faits ayant donné lieu à sa condamnation pénale devait être relativisée, en lien avec son comportement postérieur, irréprochable, ainsi qu'avec l'écoulement du temps, étant précisé qu'il ne présentait aucun risque de récidive. Bien qu'il eût toujours contesté les faits qui lui étaient reprochés, la plaignante n'ayant pas accepté de contrôle gynécologique, il avait néanmoins accepté d'exécuter la peine prononcée, ce qu'il regrettait à présent. Lui refuser une autorisation pour cette seule condamnation était ainsi contraire au principe de proportionnalité.

15) Le 12 juillet 2018, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Au regard de sa condamnation pénale, M. A______ ne pouvait bénéficier de l'opération Papyrus. Il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse et avait porté atteinte à des biens juridiques importants. Il importait dès lors peu qu'il soit indépendant financièrement, qu'il ait passé de nombreuses années en Suisse et qu'une partie de sa famille s'y trouve. Aucun obstacle ne s'élevait en outre à son retour au Kosovo, son renvoi étant possible, licite et exigible.

16) Par jugement du 14 août 2018, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Même si le séjour en Suisse de M. A______ était long, il devait être relativisé au regard du temps passé au Kosovo et de son illégalité. Il en allait de même de son intégration socio-professionnelle, qui n'était pas exceptionnelle. L'expérience professionnelle acquise en Suisse lui permettait en particulier d'intégrer le marché du travail de son pays d'origine, où vivaient sa femme et ses enfants et dont il ne voulait pas être séparé. Il avait été condamné en 2007 pour des faits graves, son comportement ayant porté atteinte à un bien juridique important, et son absence de récidive n'était pas déterminante. Son renvoi au Kosovo ne constituait ainsi pas un cas de rigueur.

17) Par acte expédié le 17 septembre 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à ce qu'il soit autorisé à résider sur le territoire cantonal jusqu'à droit jugé. Principalement, il a conclu à l'annulation du jugement entrepris, à ce qu'il soit dit qu'il avait droit à l'octroi d'une autorisation de séjour en Suisse, au renvoi du dossier à l'OCPM dans ce sens ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI avait arbitrairement minimisé le temps passé en Suisse, soit plus de trente ans, au seul motif qu'il y avait vécu illégalement, en contradiction avec le but de l'opération Papyrus. De plus, en tant que sans-papier, il ne pouvait faire montre d'une carrière professionnelle exceptionnelle. Il avait néanmoins oeuvré dans le domaine du bâtiment, en qualité de peintre, et contribué à la construction et à la rénovation de nombreux immeubles, sans jamais recourir à l'aide sociale. Son salaire mensuel de CHF 4'350.- lui permettait de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, ce qui ne serait plus le cas dans l'éventualité d'un retour au Kosovo, au regard des perspectives d'emploi, qui y étaient illusoires, et de son âge déjà avancé. Quant au poids donné à sa condamnation pénale, qui ne figurait au demeurant plus au casier judiciaire, il était excessif, au regard du temps écoulé depuis les faits et de son comportement irréprochable depuis lors. Il était également intégré en Suisse, où vivaient son frère et d'autres membres de sa famille, et s'était constitué un cercle de connaissances avec qui il entretenait d'excellentes et cordiales relations, si bien qu'en interférant dans ses rapports familiaux et sociaux, les premiers juges avaient commis une ingérence injustifiée dans son droit à la protection de la vie privée et familiale.

18) Le 27 septembre 2018, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

19) Le 15 octobre 2018, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

M. A______ faisait actuellement l'objet d'une tolérance sur le territoire genevois au regard de la procédure en cours, sa décision n'ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours.

Les critères permettant à M. A______ de bénéficier d'une régularisation de son statut n'étaient pas réalisés, notamment au regard de sa condamnation pénale. Le grief tiré de la protection de sa vie privée et familiale était en outre inopérant, étant donné qu'il était majeur et en bonne santé.

20) Le 31 octobre 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 30 novembre 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

21) Le 2 novembre 2018, l'OCPM a informé le juge délégué qu'il n'avait pas d'observations ni de requêtes complémentaires à formuler.

22) M. A______ ne s'est pas déterminé à l'issue du délai imparti.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée de refuser au recourant une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité sous l'angle d'une régularisation selon l'opération Papyrus.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

4) a. Les faits de la présente cause s'étant intégralement déroulés avant le 1er janvier 2019, ils sont soumis aux dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, étant précisé que la plupart des dispositions de celle-ci sont demeurées identiques.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs. Comme le montre sa formulation potestative, un étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une autorisation de séjour en vertu de cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2). L'art. 30 al. 1 let. b LEI est complété par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), qui fournit une liste exemplative de critères à prendre en considération lors de l'appréciation.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit ainsi que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

c. La reconnaissance d'un cas d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI s'apprécie restrictivement. L'étranger doit se trouver dans une situation de détresse personnelle. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel d'extrême gravité ; il faut que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne peut pas exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et les références citées).

Lorsque le refus d'octroyer une autorisation de séjour se fonde sur la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts en présence (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_365/2017 du 7 décembre 2017 consid. 6.3 et les arrêts cités). Par ailleurs, la jurisprudence se montre particulièrement rigoureuse dans l'examen du risque de récidive en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (ATF 139 II 121 consid. 5.3).

5) a. L'opération Papyrus développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes bien intégrées et répondant aux critères d'exercice d'une activité lucrative, d'indépendance financière complète, d'intégration réussie et d'absence de condamnation pénale (https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter, consulté le 16 septembre 2019).

b. Les critères pour pouvoir bénéficier de cette opération étaient les suivants :

- un séjour continu sans papier de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; le séjour doit être documenté ;

- une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

- l'absence de condamnation pénale ;

- l'absence de poursuite ;

- disposer d'un emploi ;

- une indépendance financière complète.

c. Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6b et les références citées).

6) Le droit au respect de la vie privée et familiale est garanti par les art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 21 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

Cette garantie ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un État déterminé, la CEDH ne garantissant pas le droit d'une personne d'entrer ou de résider dans un État dont elle n'est pas ressortissante ou de n'en être pas expulsée (ATF 144 I 91 consid. 4.2 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée). Toutefois, le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 CEDH, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 141 II 169 consid. 5.2.1), les relations familiales protégées par cette garantie étant avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 120 Ib 257). Par ailleurs, il n'y a pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger (ATF 144 I 91 consid. 4.2 p. 96 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1009/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.1).

7) Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 305 consid. 4.4).

8) En l'espèce, bien que le recourant réside en Suisse depuis trente ans, la durée de ce séjour doit être relativisée, au regard de son illégalité, dès lors qu'il n'a jamais été mis au bénéfice d'une quelconque autorisation. Par ailleurs, ni son intégration professionnelle en qualité de peintre, ni son intégration sociale au regard des lettres de soutien produites ne peuvent être considérées comme exceptionnelles, au sens strict de la jurisprudence. Si le comportement du recourant a certes été louable en l'absence de dépendance à l'aide sociale, de poursuites ou d'actes de défaut de biens, il s'agit là d'un comportement qui est attendu de tout étranger souhaitant régulariser ses conditions de séjour.

Par ailleurs, le recourant a fait l'objet d'une condamnation pénale en date du 12 octobre 2007 pour des faits graves, pour laquelle il a purgé une peine privative de liberté. Cette condamnation, bien que remontant à plus de dix ans, ne doit toutefois pas être minimisée et ne saurait être réduite à une simple « erreur de parcours », comme le prétend le recourant, s'agissant d'infractions contre l'intégrité sexuelle, malgré l'absence de récidive et du fait qu'elle n'apparaisse plus dans l'extrait de son casier judiciaire suisse destiné à des particuliers.

Même si le recourant est proche de l'âge de la retraite, il est en bonne santé et est apte à travailler, si bien que sa réintégration professionnelle au Kosovo, si elle peut certes s'avérer délicate, est réalisable. Le recourant est né au Kosovo, où il a passé son enfance, son adolescence ainsi qu'une partie de sa vie d'adulte. Comme il l'a indiqué, sa famille la plus proche, à savoir sa femme et ses cinq enfants, nés entre 1995 et 2005, y vivent toujours, de sorte qu'il pourra les y rejoindre. En cas de retour dans son pays d'origine, le recourant ne se trouverait pas dans une situation différente de celle de ses compatriotes qui auraient vécu à l'étranger durant une période comparable. Certes, son renvoi impliquera potentiellement des difficultés de réadaptation. Toutefois, le retour dans son pays d'origine est possible. Il pourra par ailleurs conserver des liens avec son frère et ses cousins installés en Suisse par le biais d'appels téléphoniques ou d'autres moyens de communication.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du large pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée, celle-ci n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni fait preuve d'arbitraire en considérant que le recourant ne remplissait pas les conditions de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce qu'a, à juste titre, confirmé le TAPI.

9) a. Aux termes de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de cette mesure est possible, licite ou raisonnablement exigible (art. 83 al. 1 LEI).

L'exécution du renvoi d'un étranger n'est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

b. En l'espèce, le recourant étant dépourvu d'une quelconque autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse, c'est à juste titre que l'autorité intimée, qui ne dispose d'aucune latitude de jugement à cet égard, a prononcé son renvoi, les difficultés socio-professionnelles dont il se prévaut ne suffisant pas à réaliser une mise en danger pour sa personne. Il ne ressort dès lors pas du dossier que l'exécution du renvoi du recourant serait d'une autre façon impossible, illicite ou inexigible.

Il s'ensuit que le recours sera rejeté.

10) Le présent arrêt rend sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif présentée par le recourant.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 septembre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 août 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.