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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4511/2017

ATA/1362/2018 du 18.12.2018 sur JTAPI/537/2018 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.02.2019, rendu le 14.02.2019, REJETE, 2C_151/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4511/2017-PE ATA/1362/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marco Rossi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 juin 2018 (JTAPI/537/2018)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né ______ 1959, est ressortissant de Bosnie-Herzégovine.

2. Il est arrivé à Genève le 8 octobre 1993 et a déposé, trois jours plus tard, une demande d’asile en sa faveur ainsi que pour son épouse et leurs quatre enfants, nés entre 1988 et 1993.

3. Par décision du 23 décembre 1994, l’office fédéral des réfugiés, devenu depuis le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté cette demande.

Ce refus a été confirmé le 18 mai 1995 suite à une demande de réexamen.

4. Le 10 juin 1999, M. A______ et sa famille, dont le renvoi avait été prononcé mais non exécuté, ont été, suite à l’admission collective provisoire prononcée par le Conseil fédéral le 7 avril 1999, mis au bénéfice d’une admission provisoire.

5. Le 6 avril 2002, M. A______, son épouse et leurs enfants ont été mis au bénéfice d’autorisations de séjour pour cas de rigueur. L’autorisation de séjour de M. A______ a été régulièrement renouvelée jusqu’au 6 avril 2011.

6. M. A______ a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales de Tribunaux suisses :

- le 22 juillet 1997, le Procureur général genevois l’a déclaré coupable de conduite en état d’ébriété et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six jours, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans ;

- le 6 novembre 2001, un juge d’instruction vaudois l’a déclaré coupable de violations graves des règles de la circulation routière, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et usage abusif de permis ou plaques de contrôle et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de sept jours ;

- le 20 décembre 2004, un juge d’instruction argovien l’a déclaré coupable de violations graves des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule défectueux, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et usage abusif de permis ou plaques de contrôle et l’a condamné à une amende de CHF 1'200.-, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans ;

- le 26 juillet 2006, un juge d’instruction genevois l’a déclaré coupable de dommages à la propriété et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de dix jours, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans ;

- le 24 avril 2007, le Procureur général genevois l’a déclaré coupable de lésions corporelles simples et l’a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans ;

- le 12 juin 2008, un juge d’instruction vaudois l’a déclaré coupable de vol, violation de domicile et circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et l’a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende ;

- le 10 septembre 2010, le Procureur général genevois l’a déclaré coupable de lésions corporelles simples, vol et violation de domicile, et l’a condamné à une peine pécuniaire de quarante jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 400.- ;

- le 28 août 2013, le Ministère public de la Confédération l’a reconnu coupable de falsification des timbres officiels de valeur et l’a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans, ainsi qu’à une amende de CHF 200.- ;

- le 19 mai 2014, le Procureur général genevois l’a déclaré coupable de violation de domicile et vol d’importance mineure et l’a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende ainsi qu’à une amende de CHF 200.-.

7. Le 15 juin 2012, la Cour d’appel d’Ancône (Italie) a confirmé la peine de réclusion de trois ans et huit mois et l’amende de EUR 46’000.- infligée le 9 mars 2011 à M. A______ pour avoir favorisé l’immigration clandestine.

8. Le 25 mai 2007, l’office cantonal de la population, devenu depuis l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a adressé un avertissement à M. A______.

9. M. A______ fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de biens qui s’élevaient au montant de CHF 28'493.50 en date du 9 novembre 2010 et à CHF 26'951.95 en date du 23 avril 2012.

10. À teneur de l’attestation d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 26 juin 2015, M. A______ a été au bénéfice de prestations financières du 1er mai au 31 juillet 2005, du 1er mai au 30 juin 2007 et durant le mois de décembre 2009. Il percevait à nouveau des prestations financières depuis le 1er janvier 2011. Le total perçu s’élevait à CHF 165'422.20.

11. Le 9 août 2017, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour.

12. M. A______ a fait valoir ses observations le 8 septembre 2017.

13. Par décision du 10 octobre 2017, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de M. A______ et lui a imparti un délai au 10 décembre 2017 pour quitter la Suisse.

La nécessité de préserver la Suisse d’une personne incapable de s’adapter à l’ordre établi et représentant une menace grave pour la sécurité publique, l’emportait sur le déracinement et les difficultés d’adaptation auxquels celui-ci serait exposé suite au refus de renouveler son autorisation de séjour. Cette mesure était compatible avec l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101).

14. Par acte du 13 novembre 2017, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour, avec suite de dépens.

Il séjournait en Suisse depuis 1993, soit depuis vingt-quatre ans, au bénéfice de diverses autorisations de séjour. Il bénéficiait de prestations de l’hospice, mais avait travaillé jusqu’en 2001, année durant laquelle il avait été victime d’un accident professionnel lui donnant le droit au versement d’une rente de la part de la SUVA. Son épouse bénéficiait également de l’aide sociale, souffrant d’importants problèmes de santé. Elle avait été contrainte de cesser de travailler.

Il vivait avec son épouse – titulaire d’un titre de séjour – depuis de très nombreuses années. Ses enfants et ses petits-enfants, avec lesquels il entretenait des liens étroits, vivaient à Genève. Compte tenu de ses problèmes de santé, il était essentiel qu’il soit entouré et aidé par les membres de sa famille.

Malgré sa situation financière délicate, il était parvenu à rembourser plusieurs créanciers. L’administration fiscale cantonale était, par exemple, remboursée à raison de CHF 900.- par année.

La longue peine privative de liberté avait été prononcée en Italie. Les autorités italiennes n’avaient pas estimé que l’ordre public italien était menacé puisque il n’avait pas fait l’objet d’une mesure d’expulsion.

Les infractions commises en Suisse étaient de peu de gravité. Se trouvant dans une situation financière délicate en raison d’un accident de travail et des problèmes de santé de son épouse, son intérêt à demeurer en Suisse était supérieur à l’intérêt public à l’exclure. La procédure d’instruction du dossier avait duré six ans. Avec l’écoulement du temps, l’intéressé, dont les infractions pénales commises étaient anciennes, était en droit de s’attendre à ce que son permis de séjour soit renouvelé. À défaut, seul un avertissement était proportionné.

Il pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH. Il vivait à Genève depuis de très nombreuses années avec son épouse et y bénéficiait d’une vie familiale avec des liens particulièrement intenses. Il n’avait plus aucune attache avec son pays d’origine où il n’aurait, vu son état de santé et son âge, aucune chance de trouver un emploi et un logement. Dans la mesure où ses soins ne seraient pas pris en charge par une assurance et que son invalidité ne lui donnerait droit à aucune aide financière, son renvoi le mettrait clairement en danger.

15. Par jugement du 7 juin 2018, le TAPI a rejeté le recours.

Vu la condamnation à une peine privative de liberté de trois ans et huit mois, prononcée par les autorités judiciaires italiennes, et le fait que l’intéressé était assisté depuis le 1er janvier 2011 par l’hospice, sans interruption, c’était à bon droit que l’OCPM avait refusé de renouveler son autorisation de séjour.

M. A______ ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH. Il n’entretenait pas une relation étroite et affective avec un membre de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse. Il n’avait pas de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire. Il ne pouvait pas tirer de droit du délai de près de six ans pris par l’OCPM avant de se prononcer. La mesure de renvoi prononcée par l’OCPM ne pouvait qu’être confirmée.

16. Par acte du 9 juillet 2018, M, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation du jugement précité et à ce que le renouvellement de son autorisation de séjour soit ordonné. Préalablement, il devait être auditionné ainsi que son épouse.

Les faits avaient été mal appréciés. Il était parfaitement intégré. Il n’avait plus aucune personne de référence en Bosnie Herzégovine. Sa dépendance à l’aide sociale faisait suite à son accident de travail professionnel. Le principe de la proportionnalité n’avait pas été respecté. Les infractions commises étaient de faible gravité. Elles s’étaient étalées sur dix-sept ans et la dernière s’était déroulée en 2014. Il avait séjourné pendant plus de vingt-quatre ans en Suisse. Sa femme, ses quatre enfants et ses petits-enfants vivaient en Suisse, il avait besoin de leur soutien à cause de sa maladie. L’art. 62 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) avait été violé. Le renvoyer de Suisse équivaudrait à une double peine, le fait de ne plus pouvoir travailler étant déjà une sanction. Malgré ses faibles revenus, il était parvenu à rembourser plusieurs de ses créanciers. La situation financière du couple s’améliorerait dès que son épouse percevrait des prestations complémentaires. Il ne devait pas être sanctionné pour une situation dont il n’était pas responsable.

17. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

18. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 20 septembre 2018.

M. A______ vivait avec son épouse et son fils dans un appartement à Grange-Canal. Sa femme avait parlé une fois de séparation. Cela était lié à sa dépression. Elle avait des problèmes de santé. Le permis B de son épouse avait été bloqué à cause du non-renouvellement de son propre permis, ce qui avait créé des tensions dans le couple. Il n’était toutefois plus question de séparation. Le recourant percevait CHF 860.- mensuels de la SUVA. Son épouse bénéficiait d’une rente AI pour un taux d’invalidité de 56 %. Ils restaient dans l’attente d’une décision du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC). Il ignorait s’il percevait encore des prestations de l’hospice dès lors que c’était son épouse qui s’occupait de gérer les questions financières. Leur fils, majeur, avait commencé une activité indépendante en ferblanterie et leur payait CHF 1'000.- par mois comme participation au loyer et aux frais divers.

Il s’était rendu la dernière fois en Bosnie Herzégovine en juillet 2018 pour rendre visite à la famille de son épouse, notamment sa belle-mère qui y était hospitalisée. Il n’avait pas d’autre famille en Bosnie Herzégovine, son frère habitant à Berne et sa sœur à Lugano. Il avait aujourd’hui trois enfants. Ses deux filles étaient suissesses et son fils avait un permis C. Ils vivaient tous à Genève. Il avait trois petits-enfants. Il avait perdu un de ses enfants vingt-cinq ans auparavant, lequel était enterré au cimetière Saint-Georges. Il s’y rendait régulièrement.

Il souffrait de diabète et de rhumatismes, était régulièrement suivi par son médecin et avait un suivi médicamenteux régulier. Il était autonome pour les soins liés à son diabète.

Sa condamnation en Italie consistait à avoir aidé une famille dont l’enfant était handicapé. Elle lui avait montré des permis de séjour suisses. Ceux-ci étaient faux, ce qu’il n’avait pas décelé. Depuis lors, il avait pu retourner en Italie où il avait deux frères. Il avait fait l’objet de contrôles sans que cela ne pose de difficultés. Concrètement, il avait été détenu vingt-huit jours. Il n’avait pas reçu de jugement. À sa sortie de prison, on lui avait rendu son passeport, dit qu’il était libre et, à sa question de savoir s’il lui était interdit de revenir en Italie, une réponse négative lui avait été donnée.

Il cherchait du travail. Il n’en avait pas trouvé, notamment compte tenu du fait qu’il avait 59 ans. Il envisageait de travailler avec son fils à environ 50 % si les affaires de celui-ci se développaient. Il fallait aussi que son était de santé le lui permette. Pour l’instant, il se limitait à donner des coups de main ponctuels.

19. Dans le délai qui lui avait été imparti à l’issue de l’audience, M. A______ a transmis copie de la décision du SPC du 26 septembre 2018. Le dossier était au nom de son épouse. Compte tenu, annuellement, d’une rente AI de CHF 6'720.-, d’une rente deuxième pilier de CHF 9'513.-, d’une rente accident de CHF 11'197.20 et d’une allocation de CHF 4'999.80, soit un montant de CHF 32'430.-, pour des dépenses reconnues de CHF 20'528.- annuels, comprenant CHF 9'924.- de forfait, CHF 9'600.- de loyer et CHF 1'003.80 de cotisations AVS pour le couple, elle ne bénéficiait plus de prestations mensuelles d’aide sociale depuis le 1er octobre 2018.

Une « attestation fiscale pour l’année 2018 » de l’hospice, établie le 1er octobre 2018, attestait que pour la période du 1er janvier 2018 au 30 septembre 2018, les époux avaient perçu CHF 22'808,20.

Des attestations de la SUVA sur le prélèvement de l’impôt à la source en Suisse, respectivement pour 2015 et 2017, mentionnaient des revenus imposables de CHF 11'197,20 pour 2015 avec un impôt de CHF 895,80 et de CHF 9'331.- pour 2017 avec un impôt de CHF 746,50.

L’extrait du registre de poursuites de M. A______ du 1er octobre 2018 faisait état de deux actes de défaut de biens en faveur de la Mutuelle Assurances
Maladie SA de CHF 626.80 et CHF 474.20, ainsi que d’une dette de CHF 410.- de l’État de Genève, service des contraventions. Il était mentionné que vingt et un actes de défaut de biens, pour un total de CHF 29'060.30, n’étaient pas éteints, suite à des saisies ces vingt dernières années.

20. Par courrier du 28 octobre 2018, dactylographié au nom des trois enfants, mais signé exclusivement de B______, les enfants de l’intéressé se sont opposés au renvoi de leur père et ont fait part de leur amertume. Il était résident suisse depuis le 8 octobre 1993 et avait vécu toutes ces années à Genève. Il avait travaillé comme maçon avant d’être blessé au bras et d’être pris en charge par la SUVA. Il considérait la Suisse comme son propre pays. Il était d’une grande aide pour ses petits-enfants. Il convenait de lui laisser une dernière chance et d’excuser les erreurs qu’il avait commises en Suisse.

21. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

3. Le recourant sollicite sa comparution personnelle et l'audition de son épouse.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le recourant a été entendu par la chambre de céans. Il a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant devant le TAPI que dans son acte de recours auprès de la chambre administrative, qui dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Il s’ensuit qu’il ne sera pas donné suite à sa requête d’entendre son épouse, dite audition n’étant pas nécessaire.

4. Le litige porte sur le refus du renouvellement de l’autorisation de séjour du recourant.

5. Le recourant invoque une violation de l’art. 62 al. 1 LEtr et du principe de la proportionnalité. Il invoque aussi un mauvais établissement des faits relatifs à son intégration.

a. L’autorisation de séjour est octroyée pour un séjour de plus d’une année (art. 33 al. 1 LEtr). Sa durée de validité est limitée, mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62 LEtr (art. 33 al. 3 LEtr).

b. L'autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l'exception de l'autorisation d'établissement, ou une autre décision fondée sur la LEtr, notamment lorsque l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée (art. 62 al. 1 let. b LEtr) ou si l’étranger ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale (art. 62 al. 1 let. e LEtr).

Selon la jurisprudence, une peine privative de liberté de plus d'une année est une peine de longue durée et constitue un motif de révocation de l'autorisation. Il s'agit d'une limite fixe, indépendante des circonstances du cas d'espèce (ATF 135 II 377 consid. 4.2). La durée supérieure à une année pour constituer une peine privative de liberté de longue durée doit impérativement résulter d'un seul jugement pénal. En revanche, il importe peu que la peine ait été prononcée avec un sursis complet ou partiel, ou sans sursis (arrêt du Tribunal fédéral 2C_117/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.4.2).

Le refus de l'autorisation ne se justifie par ailleurs que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances. Il convient donc de prendre en considération, dans la pesée des intérêts publics et privés en présence, la gravité de la faute commise par l'étranger, son degré d'intégration, respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison de la mesure (art. 96 al. 1 LEtr ; ATF 135 II 377 consid. 4.3 ; 135 II 110 consid. 4.2). Quand le refus d'octroyer une autorisation de séjour se fonde sur la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts en présence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_855/2012 du 21 janvier 2013 consid. 6.1; 2C_117/2012 du 11 juin 2012 consid. 4.5.1).

c. En l’espèce, la seule condamnation du recourant, le 15 juin 2012, à une peine privative de liberté de trois ans et huit mois, remplit la condition de l’art.  62 al. 1 let. b LEtr d’une peine privative de liberté de longue durée.

S’agissant de la proportionnalité d’un tel refus de renouvellement de l’autorisation de séjour et de la pesée des intérêts, il doit être tenu compte de l’intérêt privé du recourant à pouvoir continuer à demeurer en Suisse où il séjourne depuis longtemps, soit 1993. Il y a ses trois enfants, trois petits-enfants, et la tombe de son dernier enfant sur laquelle il indique se recueillir régulièrement. Ses descendants sont aujourd’hui suisses ou titulaires de permis d’établissement. Sa femme vit, en l’état, en Suisse. Son autorisation de séjour fait toutefois l’objet actuellement d’un examen. Le lien entre le recourant et ses enfants est décrit comme étant étroit tout comme celui avec ses trois petits-enfants. Un courrier signé par l’un des enfants en atteste. Le recourant indique ne pas avoir de famille en Bosnie Herzégovine, sous réserve de sa belle-famille. Il n’y a plus vécu depuis vingt-quatre ans. Âgé de 59 ans, la recherche d’un emploi y serait difficile. Le recourant allègue de surcroît des soucis de santé, à savoir du diabète et des rhumatismes. Il peut être suivi lorsqu’il indique qu’à la suite de son accident de travail, ses relations professionnelles se sont estompées, ce qui ne peut lui être reproché.

À l’inverse, l’intéressé a vécu plus longtemps en Bosnie Herzégovine qu’en Suisse, puisqu’il est arrivé sur le territoire helvétique âgé de trente-cinq ans. Il en parle la langue et y est récemment retourné. S’agissant de son intégration, le recourant ne travaille actuellement pas, sauf pour des aides ponctuelles à son fils qui vient de créer son entreprise. Sur le plan financier, le recourant a été assisté, depuis le 1er janvier 2011, par l’hospice, sans interruption. Il ressort des pièces nouvellement versées à la procédure que le recourant et sa femme n’auraient plus droit à des prestations d’aide sociale depuis le 1er octobre 2018. Ils n’indiquent toutefois pas non plus avoir droit à des prestations complémentaires comme le recourant a précisé le souhaiter tant dans son mémoire de recours que lors de l’audience de comparution personnelle. La santé du recourant est altérée, tout comme celle de son épouse. Il existe en conséquence un risque concret de dépendance aux prestations de l’aide sociale pour le futur, malgré le souhait, louable, de l’intéressé d’essayer de travailler. Le recourant ne le conteste d’ailleurs pas puisqu’il mentionne dans son recours que sa situation financière personnelle ne va vraisemblablement pas s’améliorer.

La situation de l’intéressé auprès de l’office des poursuites révèle par ailleurs l’existence de dettes, notamment d’importants actes de défauts de biens.

Sur un plan médical, il a indiqué en audience pouvoir assurer seul les soins qui lui sont nécessaires. Il ne dépend pas de ses enfants.

En outre, les éléments susmentionnés en faveur du recourant, notamment sa famille, ne l’ont pas empêché de commettre de nombreuses infractions en Suisse depuis 1997. La dernière est relativement récente puisqu’elle date de 2014. De même l’avertissement formel de l’OCPM, adressé à l’intéressé le 25 mai 2007 ne l’a pas dissuadé d’arrêter son activité délictueuse. Enfin, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il minimise la portée du jugement italien prononcé le 9 mars 2011. En effet, il a dû recevoir ledit jugement puisqu’un recours a été interjeté. La sanction a été confirmée par la Cour d’appel d’Ancône le 15 juin 2012, attestant de la gravité des faits commis.

En conséquence, le recourant ne répond pas à la définition de l’étranger particulièrement bien intégré, malgré le long séjour en Suisse. L’intérêt public à l’éloignement de la Suisse de l’intéressé doit en conséquence primer sur son intérêt privé à pouvoir y demeurer.

La décision de non renouvellement est apte à atteindre le but poursuivi, est nécessaire et reste proportionnée au sens étroit.

Le grief de violation de l’art. 62 al. 1 let. b LEtr et de violation du principe de la proportionnalité n’est pas fondé.

d. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de la décision litigieuse en tant qu’elle était aussi fondée sur l’art. 62 al. 1 let. e LEtr.

6. Le recourant se prévaut de l’art. 8 CEDH.

a. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1).

L’art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un État déterminé. Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut toutefois entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par cette disposition
(ATF 135 I 153 consid. 2.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.1).

Les relations visées par l’art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa ; 120 Ib 257 consid. 1d ; ATA/519/2017 du 9 mai 2017 consid. 10c). La relation entre les parents et les enfants majeurs qui vivent encore au domicile peut être couverte par
l'art. 8 CEDH, notamment lorsqu'ils n'ont pas encore 25 ans et n'ont pas
eux-mêmes de conjoint ou d'enfants (ACEDH Bousarra c. France du 23 septembre 2010, req. 25672/07, § 38-39 ; A.A. c. Royaume-Uni du 20 septembre 2011, req. 8000/08, § 48-49 ; ATA/513/2017 du 9 mai 2017 consid. 7a).

b. Dans un arrêt destiné à la publication, après avoir longuement rappelé la position de la Cour EDH sur le droit au respect de la vie familiale et le droit au respect de la vie privée, le Tribunal fédéral a précisé et structuré sa jurisprudence relative au droit au respect de la vie privée : ce droit dépend fondamentalement de la durée de la résidence en Suisse de l'étranger. Lorsque celui-ci réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, ce qui correspond en droit suisse au délai pour obtenir une autorisation d'établissement ou la naturalisation, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il a développés avec le pays dans lequel il réside sont suffisamment étroits pour que le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse ne doivent être prononcés que pour des motifs sérieux. Lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (arrêt 2C_105/2017 du 8 mai 2018 consid. 3 qui sera publié aux ATF).

c. En l’espèce, deux des trois enfants du recourant sont suisses et le troisième est au bénéfice d’un permis d’établissement. Ils sont toutefois tous majeurs, et ont tous plus de vingt-cinq ans. Son épouse n’est pas au bénéfice d’un droit de séjour assuré en Suisse, le renouvellement du permis B de celle-ci étant en cours d’examen. Le recourant ne peut en conséquence pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH.

De surcroît, il existe des motifs sérieux, conformément aux considérants qui précèdent, de ne pas renouveler l’autorisation de séjour du recourant.

7. a. Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEtr, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEtr).

Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr).

L'exécution du renvoi d’un étranger n’est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

b. Le recourant n’invoque pas que son renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de la disposition précitée, quand bien même un retour ne se fera pas sans obstacle, impliquera un effort de réadaptation et pourrait engendrer pour le recourant des difficultés.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

8. Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juillet 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Rossi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.