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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3539/2014

ATA/1342/2015 du 15.12.2015 ( FPUBL )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3539/2014-FPUBL ATA/1342/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt sur partie du 15 décembre 2015

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT



EN FAIT

1. M. A______, né en 1967, a été engagé par l’État de Genève en qualité de chargé d’enseignement HES en mars 2005.

Par arrêté du Conseil d’État du 23 juillet 2008, il a été nommé fonctionnaire dès le 1er septembre 2008, pour la même fonction, auprès de l'établissement D______ (ci-après : D______), au sein du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP ou le département), au taux d’activité de 100 %, classe 23, position 07 de l’échelle des traitements.

2. À la suite d’une postulation au sein de l’État de Genève, M. A______ a obtenu un poste de directeur (chef de service) de l'établissement E______ (ci-après : E_______), qui était rattachée au centre de formation professionnel F______ (ci-après : F_______), dès le 1er novembre 2013.

Il en a été informé oralement le 6 juillet 2013 par Mme B______, directrice du F_______.

À teneur de l’annonce du DIP parue le 16 avril 2013 avec délai de postulation au 2 mai 2013, ce poste était décrit ainsi :

« [L’E_______] recherche un-e directeur-trice pour assurer le bon fonctionnement sur les plans administratif, technique et financier de l’école. (…)

Le/la directeur/trice est également responsable de l’animation et de la gestion pédagogique des filières de l’école. Il/elle veille à la mise en œuvre des règlements fédéraux et cantonaux les régissant et propose les développements de dispositifs de formation. Il/elle peut exercer une activité d’enseignement et fait partie du conseil de direction du F_______. Il/elle représente l’école au plan national, régional et cantonal. »

3. L’intéressé a dès lors, dans une lettre du 9 juillet 2013 à l’intention du directeur de la D______, « [résilié son] contrat de travail, établi le 1er mars 2005 en qualité de chargé d’enseignement HES ».

4. Par courrier du 10 juillet 2013, le directeur de la D______, se référant à un entretien du même jour avec M. A______ qui lui avait appris sa désignation à la tête de l’E_______, a confirmé à celui-ci qu’en dérogation de l’art. 81 (démission) du règlement fixant le statut du corps enseignant HES du 10 octobre 2001 (RStCE-HES - B 5 10.16), il était prêt à négocier un départ anticipé avec son futur employeur.

5. Par lettre du 16 septembre 2013, le directeur des ressources humaines de la Haute École Spécialisée de Suisse occidentale – Genève (ci-après : HES-SO), dont faisait partie la D______, a fait part à M. A______ de ce que le directeur de cette dernière avait accepté sa démission pour le 30 novembre 2013, avec une diminution du taux d’activité à 20 % pour le mois de novembre, un avenant étant établi le même jour dans ce sens.

En outre, la direction générale de l’enseignement secondaire postobligatoire venait de faire parvenir à la HES-SO une demande formelle de transfert que le directeur général de cette dernière avait acceptée avec effet au 1er décembre 2013.

6. Le 7 octobre 2013, M. A______ a rencontré sa supérieure hiérarchique directe Mme B______, ainsi que Mme C______, consultante, qui lui ont fait part de leurs attentes à son égard concernant l’E_______ et rédigé une note d’une page à cette fin.

7. Par « contrat d’engagement en qualité d’employé » établi le 15 octobre 2013 par la direction générale de l’enseignement secondaire II postobligatoire
(ci-après : la G_______) du DIP et contresigné comme approuvé le 16 octobre 2013 par lui-même, M. A______ a été engagé à la fonction de chef de service affecté à l’E_______ dès le 1er novembre 2013, au taux d’activité de 100 %,
classe 23, position 12 de l’échelle des traitements 2013.

Ce contrat contenait les clauses suivantes :

« Le contrat d’employé est régi par les dispositions des articles 3, al. 2 et 6 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux [du 4 décembre 1997 (LPAC -
B 5 05)], ainsi que par celles de son règlement d’application (B 5 05.01) du
24 février 1999 (ci-après : règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 [RPAC - B 5 05.01]).

Conformément aux dispositions de l’article 20, al. 1 de la loi, les trois premiers mois constituent une période d’essai au cours de laquelle les rapports de service peuvent être résiliés de part et d’autre moyennant un délai de 15 jours pour la fin d’une semaine.

(…)

Nous vous invitons à vous référer, notamment :

-          aux articles 17 à 26 de la loi pour ce qui a trait à la fin des rapports de service ;

-          aux articles 27 à 30 du règlement d’application pour le droit aux vacances.

Nous vous remettons en annexe les textes mentionnés ci-dessus. »

8. À tout le moins entre le 1er octobre et le 31 décembre 2013, M. A______ recevait ses salaires de l’office du personnel de l’État et était en classe de traitement 23, annuité 12.

9. Après sa prise de fonction en tant que chef de service de l’E_______ le
1er décembre 2013, M. A______ a rencontré des difficultés dans ses relations avec une partie importante du personnel.

10. Lors d’un entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) du 5 mars 2014 concernant les trois premiers mois, « en période probatoire », plusieurs objectifs fixés à M. A______ ont été considérés comme non atteints par les évaluateurs, dont Mme B______.

L’intéressé a adressé des observations contestant le bilan général dressé lors de cet entretien.

11. Depuis le 12 avril 2014, M. A______ a été en arrêt de travail pour cause de maladie.

12. Par courrier recommandé du 25 juillet 2014 valant « entretien de service par voie écrite », la directrice du F_______ a fait part à M. A______ de nombreuses insuffisances reprochées, qui, si elles étaient avérées, constitueraient des violations des art. 20, 21, 22 al. 1 et 23 RPAC ainsi que 3 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC -
B 5 05.03), et seraient donc susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service au sens de l’art. 21 al. 1 LPAC.

13. Par lettre du 18 août 2014, le nouveau directeur, ad interim, de l’E_______ s’est adressé aux personnels enseignant ainsi qu’administratif et technique concernant la rentrée scolaire 2014-2015.

14. Par pli du 20 août 2014 dans le cadre de son droit d’être entendu,
M. A______ a adressé à Mme B______ ses observations et contesté les reproches qu’elle lui avait faits dans son courrier du 25 juillet 2014.

Il a notamment écrit ce qui suit :

« Afin de prendre mes fonctions à la tête de l’E_______ au plus tôt au
1er septembre, date de la rentrée, conformément à l’avis de nomination émis officiellement le 7 juillet 2013, j’ai formalisé ma démission auprès de la D______ le 8 juillet 2013, avec toute la notion de prise de risque liée à cette procédure, du fait qu’un transfert entre la HES et la G_______ au sein du DIP semblait impossible ».

15. Par décision du 17 octobre 2014, notifiée le 21 octobre suivant, le directeur général du DIP a résilié les rapports de service de M. A______ pour le
30 novembre 2014, soit, d’une part, dans le délai d’un mois après le temps d’essai et durant la première année selon l’art. 20 al. 2 LPAC et, d’autre part, après la fin de la période de protection pour résiliation en temps inopportun au sens de
l’art. 336c al. 1 let. b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) applicable par renvoi de l’art. 44A RPAC.

L’ensemble des faits présentés dans ladite décision amenaient le directeur général au constat de l’inaptitude de l’intéressé à remplir les exigences du poste tant au niveau de son comportement envers les collaborateurs placés sous sa responsabilité, les partenaires institutionnels et sa hiérarchie, qu’en regard des actions inappropriées en matière de direction de l’école.

16. Par acte déposé le 19 novembre 2014 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, concluant à l’octroi de l’effet suspensif et, au fond, préalablement, à l’ouverture d’enquêtes avec un délai pour produire une liste de témoins, principalement à l’annulation de la décision querellée, à la constatation qu’il restait fonctionnaire pour la période postérieure au 30 novembre 2014, subsidiairement, à la constatation que ladite décision était contraire au droit et qu’il restait fonctionnaire pour la période du 30 novembre 2014 au 31 janvier 2015, à la condamnation de l’État de Genève à lui payer les sommes brutes de CHF 12'714.30 avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 décembre 2014 et de
CHF 12'815.- avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 janvier 2015, à l’invitation à l’État de Genève de le réintégrer pour la période postérieure au 31 janvier 2015, à défaut de quoi l’État de Genève devait être condamné à lui verser la somme nette de
CHF 307'560.50 avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 janvier 2015. Dans tous les cas, l’État de Genève devait être condamné « en tous les frais et dépens de l’instance », y compris une équitable indemnité à titre de participation à ses honoraires d’avocat.

Dans la mesure où il avait été engagé en mars 2005 déjà et nommé fonctionnaire et où la D______ au sein de laquelle il travaillait jusqu’au 31 octobre 2013 n’était alors pas un établissement autonome doté de la personnalité juridique, mais une unité administrative de l’État de Genève, il n’avait pas changé d’employeur au 1er novembre 2013 et était resté fonctionnaire.

17. Dans ses observations du 8 décembre 2014, le DIP a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

18. Par décision du 15 décembre 2014, la présidence de la chambre administrative a refusé la restitution de l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

19. Dans sa réponse au fond du 22 décembre 2014, le département a conclu au rejet du recours, « avec suite de frais ».

En raison d’un changement d’emploi, accompagné d’une modification du statut et du régime légal applicable, le recourant cessant d’être soumis à la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10) pour l’être à la LPAC, celui-ci avait perdu le statut de fonctionnaire.

20. Lors de l’audience de comparution personnelle du 18 mars 2015, les parties se sont toutes deux déclarées favorables au prononcé par la chambre administrative d’un arrêt sur partie tranchant, d’une part, la question de savoir si, en passant de la HES à la direction de l’E_______, M. A______ était redevenu employé ou s’il était resté fonctionnaire, d’autre part, la question de l’ancienneté de celui-ci, qui pourrait être en particulier déterminante pour le calcul du délai de congé.

21. Dans ses observations du 14 avril 2015, le DIP a conclu à ce que la chambre administrative, par décision sur partie, constate qu’en passant d’une fonction de chargé d’enseignement auprès de la D______ à la fonction de chef de service à l’E_______, M. A______ avait perdu son statut de fonctionnaire pour redevenir employé, à compter du 1er novembre 2013, et qu’il effectuait sa première année d’activité lorsqu’il a été licencié par courrier du 17 octobre 2014, et déboute le recourant de toute autre, plus ample ou contraire conclusion.

22. Dans ses observations du 27 mai 2015, M. A______ a conclu à ce que la chambre administrative, statuant sur partie, dise que les règles de la LPAC sur le licenciement des fonctionnaires étaient applicables à son licenciement et que le délai applicable à la résiliation de ses rapports de service en 2014 était de trois mois pour la fin d’un mois, et déboute l’intimé de toutes autres ou contraires conclusions.

23. À la demande du juge délégué de la chambre administrative,
M. A______ et le DIP ont, par écritures du 20 novembre 2015, fourni des explications complémentaires.

Selon le département intimé, l’intéressé n’ayant jamais été nommé par le Conseil d’État au poste de directeur de l’E_______, les documents concernant son engagement à ce poste étaient le contrat d’engagement en qualité d’employé du
15 octobre 2013 et le cahier des charges relatif audit poste.

24. Le recourant a répliqué le 10 décembre 2015.

25. Par lettre du 11 décembre 2015, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger sur partie.

26. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 31 al. 1 et 32 al. 6 et 7 LPAC ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les conclusions des parties afférentes à l’arrêt sur partie à rendre sont recevables, dans la mesure où les questions qu’elles contiennent devraient en tout état de cause être tranchées dans l’arrêt au fond final, s’il n’y avait pas d’arrêt sur partie.

Statuer sur ces conclusions dans le présent arrêt sur partie apporte l’avantage important de donner un cadre précis au litige et de déterminer quelle était la marge de manœuvre de l’intimé dans le cadre de la résiliation des rapports de service – respect par l’employeur des principes et droits constitutionnels, notamment la légalité, la proportionnalité, l’interdiction de l’arbitraire et le droit d’être entendu, si le recourant était un employé (ATA/258/2015 du 10 mars 2015 consid. 6c), motif fondé s’il était fonctionnaire (art. 21 al. 3 LPAC) – et donc quelle est l’étendue des circonstances sur laquelle doit porter l’instruction, qui, au regard des circonstances particulières de la cause, pourrait le cas échéant être complexe.

3. Il n’est pas contesté que, depuis son passage, le 1er décembre 2013 – date pour laquelle sa démission avait été acceptée par le directeur des ressources humaines de la HES-SO –, du poste de chargé d’enseignement HES à celui de chef de service et directeur de l’E_______, le recourant a été soumis à la LPAC et non plus aux art. 120 ss LIP. L’intéressé ne demande en outre pas l’application par analogie des règles de la LIP.

4. a. Selon l’art. 1 al. 1 let. a LPAC, ladite loi s’applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l’administration cantonale.

Aux termes de l’art. 1 al. 2 de cette disposition légale, les fonctions qui relèvent de la LIP (let. a) et de la loi sur la Haute école spécialisée de Suisse occidentale – Genève du 29 août 2013 (LHES-SO-GE - C 1 26) entrée en vigueur le 1er avril 2014, en tant qu’elles ne sont pas exercées par des membres du corps administratif et technique (let. c), font l’objet d’une réglementation particulière. Avant le 1er avril 2014, cette let. c n’existait pas.

Il est précisé que les centres de formation professionnelle tels que le F_______ font partie du degré secondaire et sont prévus (______).

b. Aux termes de l’art. 21 de l’ancienne loi cantonale sur les Hautes écoles spécialisées du 19 mars 1998 (aLHES-GE - C 1 26), le corps enseignant des écoles HES est soumis au statut de droit public des fonctionnaires de l'instruction publique genevoise (al. 1), tandis que leur personnel administratif et technique est soumis à la LPAC (al. 2).

À cela s’ajoute le règlement fixant le statut du corps enseignant HES du
10 octobre 2001 (RStCE-HES - B 5 10.16), qui s’applique notamment aux chargées et chargés d'enseignement HES (art. 1 al. 2 let. c RStCE-HES) et règle de nombreux points, y compris la résiliation des rapports de service pour motif fondé (art. 52 RStCE-HES) et le reclassement (art. 52A RStCE-HES) en lien avec l’art. 129A al. 2 LIP.

Il découle des art. 123 al. 1 1ère phr. LIP (engagement) – à teneur duquel le Conseil d’État engage les membres du corps enseignant, de même que des art. 130 (sanctions disciplinaires), 134 ss (fonctionnaire de l’enseignement primaire) et 153 ss LIP (fonctionnaires de l’enseignement secondaire), que le champ d’application de ladite loi en matière de gestion du personnel ne porte que sur les membres du corps enseignant, ce que confirment notamment le préambule et le contenu du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04).

Les directeurs d’écoles, notamment professionnelles – comme en l’occurrence –, ne figurent pas dans la liste des catégories composant le corps enseignant secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles et énumérées à l’art. 1A RStCE.

Selon le projet de loi sur l'instruction publique (LIP) (C 1 10) présenté en juin 2014 par le Conseil d’État (P-11470, p. 72), il est primordial, parce qu'ils sont investis de la mission d'instruction et d'éducation et de la part d'autorité que leur confie l'État, que les devoirs et les droits principaux des membres du corps enseignant (ou du personnel enseignant) restent inscrits dans la loi sur l'instruction publique.

C’est donc de par la nature de leur fonction que les membres du corps enseignant sont soumis à un statut et un régime légal particulier, distinct de ceux des autres fonctionnaires de l’administration cantonale.

c. En vertu de l’art. 5 al. 1 du règlement de l'enseignement secondaire du
14 octobre 1998 (RES - C 1 10.24) relatif à la mission des directions d’écoles, le directeur assume, en collaboration avec les membres du conseil de direction (directeur adjoint et doyens), et selon la nature et les structures particulières de l’école, l’animation pédagogique et la gestion administrative de l’établissement dont il exerce la direction.

Conformément à l’art. 7 al. 1 RES, le maître doit participer à l’éducation des élèves ; il est responsable de l’enseignement qui lui est confié ; à cette fin, il reçoit des autorités scolaires les moyens nécessaires pour approfondir ses connaissances ; il applique les prescriptions légales et réglementaires.

d. Il découle de ces dispositions légales et réglementaires ainsi que de la distinction constante entre les membres du corps enseignant et les directeurs d’école, que c’est conformément au droit que le contrat d’engagement du recourant du 15 octobre 2013 se dit régi par la LPAC et le RPAC, auxquels s’ajoute le RCSAC comme indiqué dans une lettre du conseiller d’État en charge du DIP adressée le 24 avril 2009 à Mme B______ et produite par l’intimé.

5. Dans la cause traitée par un arrêt du 21 novembre 2006, la recourante soutenait n’avoir pas perdu son statut de fonctionnaire acquis au département de l’économie publique le 1er mars 2000, lorsqu’elle avait été engagée par le DIP, en qualité d’enseignante en formation, du 28 août 2000 au 31 août 2001. Le Tribunal administratif, devenu la chambre de céans, a considéré que lorsqu’un collaborateur de l’État est soumis à la LIP, il n’existe pas de place pour une application par analogie ou à titre supplétif, de la LPAC (ATA/613/2006 du
21 novembre 2006 consid. 3 ; ACOM/32/2005 du 27 avril 2005 consid. 3). Ainsi, lorsque la recourante avait voulu réorienter son activité professionnelle vers l’enseignement, elle n’avait pas seulement changé de travail et de département, mais aussi de statut et de régime légal applicable. Elle avait cessé d’être soumise à la LPAC pour l’être à la LIP, dans le cadre de laquelle elle avait été engagée au bénéfice d’un contrat d’enseignante suppléante. Elle avait donc bien perdu son statut de fonctionnaire (ATA/613/2006 précité consid. 3 ; confirmant la différenciation des régimes légaux applicables au personnel, en l’occurrence entre la LPAC et la loi sur l’université : arrêt du Tribunal fédéral 2P.74/2005 du 7 mars 2005 consid. 3.3).

Il découle de l’ATA/613/2006 que le passage de la LPAC à la LIP ou vice-versa implique en général la perte du statut de fonctionnaire, compte tenu du changement non seulement de statut et de régime légal applicable, mais aussi de nature de la fonction.

Cet arrêt, qui se réfère à une situation précise et concrète, ne permet toutefois pas d’exclure en toutes circonstances le maintien du statut de fonctionnaire lorsque la personne concernée passe de l’application de la LPAC à la LIP ou – comme en l’occurrence – de la LIP à la LPAC.

Il y a lieu d’évoquer ici la promotion au sens de l’art. 13 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du
21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), à teneur de l’al. 1 duquel les promotions, soit les mutations à une nouvelle fonction de classe supérieure à celle exercée jusqu’alors se font compte tenu des exigences de la nouvelle fonction et de son rang hiérarchique. La promotion est, en application de l’art. 8 al. 1 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du
17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), faite à titre d’essai pour une période de douze à vingt-quatre mois. Selon les explications de l’intimé, l’enseignant promu directeur passe du régime de la LIP à celui de la LPAC, mais, si la période d’essai ne s’avère pas concluante, il retrouve sa fonction antérieure d’enseignant ; le statut de fonctionnaire est maintenu, car il s’agit d’une promotion interne d’un enseignant interne au DIP.

Il convient dès lors d’examiner, en tenant compte non seulement du changement de statut et de régime légal ainsi que de fonction, mais aussi de l’ensemble des circonstances pertinentes si l’intéressé a perdu ou gardé son statut de fonctionnaire.

6. a. En vertu de l’art. 4 LPAC, le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d’employés, d’auxiliaires, d’agents spécialisés et de personnel en formation (al. 1) ; le Conseil d’État ou le conseil d’administration précise les caractéristiques de chaque catégorie; il peut leur donner des dénominations particulières (al. 2). À teneur de l’art. 5 LPAC, est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire. Selon l’art. 6 LPAC, est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (al. 1) ; le Conseil d'État, la commission de gestion du pouvoir judicaire, le conseil d’administration ou la commission administrative arrête la durée et les modalités de la période probatoire (al. 2).

L’art. 45 al. 1 RPAC précise que peut être nommée fonctionnaire, toute personne définie à l’art. 5 LPAC et qui remplit les conditions suivantes : a) avoir, en règle générale, occupé un emploi au sein de l'administration cantonale durant deux ans et avoir accompli à satisfaction les tâches qui lui incombaient à ce titre ; b) être capable d’exercer ses droits civils ; c) être, si la fonction occupée ou un intérêt public le commande, domiciliée dans le canton.

L’art. 47 RPAC précise que la nomination intervient au terme d'une période probatoire de deux ans, sous réserve de prolongation de cette dernière – dans les conditions prévues par l’art. 5A du RTrait – (al. 1) ; la nomination peut cependant être proposée ou sollicitée en tout temps dès le début de l'engagement au service de l'État (al. 2) ; l'auxiliaire ayant occupé un poste sans interruption depuis trois ans peut également être nommé (al. 3) ; la décision de nomination fait l'objet d'une lettre à l'intéressé (al. 4).

b. Aux termes de l’art. 20 LPAC, pendant le temps d’essai, d’une durée de trois mois au plus, le délai de résiliation est de quinze jours pour la fin d’une semaine (al. 1) ; après le temps d’essai et pendant la première année d’activité, le délai de résiliation est d’un mois pour la fin d’un mois (al. 2) ; lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d’un mois (al. 3).

L’art. 21 LPAC établit un régime juridique différent en ce qui concerne la fin des rapports de service pendant la période probatoire ou après celle-ci, en ce sens que pendant le temps d'essai et la période probatoire, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service (al. 1 1ère phr.), tandis que le fonctionnaire peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de résiliation (al. 2) et que l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé, après avoir proposé des mesures de développement et de réinsertion professionnels et recherché si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (al. 3).

c. Il découle de ces dispositions légales et règlementaires que seul un employé, et non un fonctionnaire, peut être licencié en temps d’essai puis en période probatoire.

7. a. En l’espèce, le recourant ne fait pas valoir que, dans le cadre de sa nomination à la fonction de chef de service de l’E_______, l’intimé lui aurait promis qu’il garderait le statut de fonctionnaire.

Au contraire, son contrat d’engagement du 15 octobre 2013 se définissait comme un « contrat d’engagement en qualité d’employé » et prévoyait, en se référant expressément à l’art. 20 al. 1 LPAC, une période d’essai de trois mois au cours de laquelle les rapports de service pouvaient être résiliés de part et d’autre, sans qu’un retour possible à son ancien statut de chargé d’enseignement HES soit évoqué.

Le recourant n’allègue pas avoir à un quelconque moment, à tout le moins pas avant le dépôt de son recours, contesté les clauses de son contrat d’engagement du 15 octobre 2013, ni la mention contenue dans le compte rendu de l’EEDM du 4 mars 2014 selon laquelle il était « en période probatoire ».

Il a en outre, par lettre du 9 juillet 2013, démissionné de son poste de chargé d’enseignement HES sans émettre de réserve, de distinctions ou de souhaits relatifs à un éventuel maintien de son statut de fonctionnaire.

La situation du recourant n’est donc pas comparable à celle d’un membre du corps enseignant promu au poste de directeur, ce d’autant moins qu’il a postulé au poste de directeur de l’E_______ de sa propre initiative et en toute indépendance. Qui plus est, comme le DIP l’allègue, l’intéressé n’était pas connu de ses subdivisions mais seulement de la D______. Il était au surplus soumis au RStCE-HES, en plus de la LIP, et avait ainsi un statut particulier par rapport aux enseignants soumis au RStCE.

La nomination du recourant au poste de directeur de l’E_______ ne constitue pas non plus un changement d’affectation au sens de l’art. 124 LPI, cette disposition légale visant les cas où c’est le département qui confie au fonctionnaire une fonction ou un enseignement dans une autre école ou un autre niveau d'enseignement que celui pour lequel il a été nommé ou stabilisé.

b. Il faut en conclure que l’intéressé a, d’une part, non seulement démissionné de son poste mais aussi de la fonction publique, d’autre part, accepté les conditions de son engagement fixées par l’intimé qui revenaient à lui faire commencer sa nouvelle fonction de chef de service et directeur de l’E_______ avec le statut d’employé et par une période probatoire.

c. Vu ces circonstances, il importe peu que le recourant soit de facto demeuré au service de l’État de Genève, en particulier du DIP, avant et après le
1er décembre 2013. Le fait que la HES Genève, de même que la D______ qui en faisait partie, étaient dépourvues de la personnalité juridique sous l'empire de l’aLHES-GE, avant l’entrée en vigueur le 1er avril 2014 de la LHES-SO-GE, cette ancienne loi ne leur conférant qu'une certaine autonomie, mais sans les distinguer formellement de l'État de Genève (dans ce sens, à tout le moins par analogie, arrêt du Tribunal fédéral 8C_587/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.3), est donc sans portée dans le cas présent.

Il est en outre sans pertinence que le recourant se soit vu verser des salaires par l’office du personnel de l’État et soit resté en classe de traitement 23, annuité 12, avant et après son entrée en fonction en tant que directeur de l’E_______.

C’est enfin en vain que l’intéressé invoque l’art. 8 RTrait, les circonstances n’étant en l’occurrence pas celles d’un changement avec promotion au sens de cette disposition règlementaire. Quant aux art. 7 et 9 RTrait, ils ne traitent que du traitement et sont donc sans pertinence en l’occurrence. On ne voit pas non plus en quoi le fait qu’en cas de suppression de poste, aucune indemnité n’est, selon l’art. 129 al. 6 LIP, due en cas de transfert du fonctionnaire dans une corporation publique genevoise, un établissement public genevois, une fondation de droit public genevoise ou toute autre entité qui se réfère, pour son personnel, à la LIP ou à la LPAC, pourrait impliquer, dans le présent cas particulier, que l’intéressé resterait fonctionnaire après son passage du régime de la LIP à celui de la LPAC.

d. En définitive, la perte du statut de fonctionnaire du recourant dans le présent cas se justifie par le fait qu’il a cessé d’être membre du corps enseignant, dont les caractéristiques particulières impliquent une réglementation et une prise en compte différentes de celles des autres fonctionnaires de l’administration cantonale et excluent une violation du principe de l’égalité de traitement de l’intéressé par rapport au passage d’un fonctionnaire qui changerait de poste, de fonction et de département et resterait soumis à la LPAC.

8. Vu ce qui précède, il sera constaté qu’en étant engagé et en entrant en fonction en qualité de directeur de l’E_______ avec effet au 1er décembre 2013, le recourant a perdu son statut de fonctionnaire et est redevenu employé au sens de la LPAC.

Il sera en conséquence constaté qu’à la date de la résiliation de ses rapports de service du 17 octobre 2014, il effectuait sa première année d’activité en qualité d’employé.

9. Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2014 par M. A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 17 octobre 2014 ;

statuant sur partie :

dit qu’en passant, au 1er décembre 2013, de la fonction de chargé d’enseignement de la l'établissement D_____ (D______) à celle de directeur de l’École E______ (E_______), M. A______ a perdu son statut de fonctionnaire et est redevenu employé au sens de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ;

constate qu’à la date de la résiliation de ses rapports de service du 17 octobre 2014, M. A______ effectuait sa première année d’activité en qualité d’employé ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt sur partie à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M- Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :