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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3844/2021

ATA/1325/2021 du 03.12.2021 sur JTAPI/1139/2021 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3844/2021-MC ATA/1325/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2021

en section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Sophie Bobillier, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2021 (JTAPI/1139/2021)


EN FAIT

1) M. A______, se disant né le ______ 2000 et originaire de la B______, est dépourvu de toute pièce d’identité mais est en possession d’une attestation de demande d’asile H______ (« première demande ») émise le 22 juin 2020 et valable jusqu’au 21 décembre 2020.

2) Le 3 février 2021, M. A______ a été interpellé au ______, C______ à D______ et prévenu d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) pour trafic de stupéfiants et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) pour séjour illégal.

Entendu par la police, M. A______ a admis s’adonner au trafic de cocaïne. Les stupéfiants qui avaient été retrouvés sur lui, soit 18.2 gr de cocaïne retrouvés dans ses sous-vêtements et 1.5 gr de marijuana, et dont il avait tenté de se débarrasser, étaient prévus pour une fête et non pour être vendus. Il habitait avec « sa copine » dans l’appartement qui avait été perquisitionné et sur la porte duquel figurait le nom de « L______ ». Il était arrivé en Suisse trois ou quatre mois auparavant et faisait des allers-retours entre E______, F______ et D______.

3) Par ordonnance pénale du 4 février 2021, le Ministère public genevois a déclaré M. A______ coupable d’infractions aux art. 19 al. 1 let. d LStup et 115 al. 1 let. a et b LEI et l’a condamné à une peine pécuniaire de cent cinquante jours amende à CHF 10.- le jour assortie du sursis avec un délai d’épreuve de trois ans.

Sur opposition, les incriminations ont été étendues le 26 février 2021 à l’art. 119 al. 1 LEI pour avoir enfreint une assignation à résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et une peine privative de liberté de cent quatre-vingt jours assortie du sursis avec délai d’épreuve de trois ans a été infligée.

4) Le 4 février 2021, le commissaire de police a notifié à M. A______ une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pendant une durée de douze mois.

5) Le 23 août 2021, saisi d’une opposition à l’ordonnance pénale du 26 février 2021, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable des infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b et 119 al. 1 LEI et 19a ch. 1 LStup, l’a acquitté de l’infraction à l’art. 19 al. 1 let. c LStup et lui a infligé une peine pécuniaire de nonante jours amende à CHF 10.- le jour assortie du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans.

6) Le 7 novembre 2021, M. A______ a été interpellé par la police au 1______, rue G______ à D______.

Dépourvu de documents d’identité, il a refusé de répondre aux questions que lui posait la police.

Il s’est vu notifier une interdiction d’entrée en Suisse prononcée par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le 20 octobre 2021 et valable jusqu’au 19 octobre 2026.

7) Par ordonnance pénale du 8 novembre 2021, le Ministère public genevois a reconnu M. A______ coupable d’infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119
al. 1 LEI pour les agissements de la veille, soit d’avoir séjourné illégalement en Suisse et de n’avoir pas respecté une assignation à un lieu de résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, l’a condamné à une peine privative de liberté d’une durée de nonante jours et a prolongé d’un an le délai d’épreuve du sursis assortissant la peine précédente.

M. A______ a fait opposition à cette ordonnance 12 novembre 2021.

8) Le 8 novembre 2021, les démarches en vue de la reprise en charge de M. A______ par l’État membre Dublin responsable ont été entamées.

M. A______ a été auditionné le même jour conformément à l’art. 5 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (règlement Dublin III - JO L 180 du 29.6.2013, p. 31).

Il a déclaré à cette occasion qu’il avait demandé l’asile en H______ et en I______, et qu’il pensait que sa demande avait été refusée dans les deux pays.

9) Le 8 novembre 2021 à 13h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de sept semaines.

M. A______ a déclaré au commissaire de police qu’il était d’accord de retourner dans l’État Dublin responsable de sa demande d’asile. Il souhaitait aviser son amie, Mme J______, domiciliée en Suisse.

10) Le 10 novembre 2021, M. A______ a demandé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’examiner la légalité et l’adéquation de sa détention administrative.

11) À réception de l’ordre de mise en détention, le TAPI a invité le conseil désigné d’office à la défense des intérêts de M. A______ à lui communiquer ses éventuelles observations le 11 novembre 2021 à 17h00 au plus tard.

12) Dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté de ce dernier, subsidiairement la réduction de la durée de la détention à une semaine.

Mis à part le non-respect de la décision d’interdiction d’entrer dans le canton de Genève, aucun autre élément ne permettait d’établir un risque de fuite. M. A______ se soumettrait à la décision de renvoi si elle devait être rendue. Il n’avait pas respecté la décision d’interdiction d’entrer dans le canton de Genève du fait qu’elle ne respectait pas son droit à la vie familiale, puisqu’elle ne prévoyait pas d’exception pour qu’il puisse rencontrer sa fiancée qui résidait à D______ et avec laquelle des projets de mariage concrets étaient en cours de réalisation. Il était dans l’attente d’une décision sur sa demande d’asile déposée en H______, n’avait jamais été mis en détention administrative auparavant et s’était fiancé le 14 février 2021 avec Mme J______. Ils comptaient se marier dans le courant de l’année 2022 et il pourrait alors bénéficier d’un titre de séjour sur la base du regroupement familial. Un éventuel renvoi Dublin devrait se faire en H______ et une durée d’une semaine suffirait amplement aux autorités pour organiser celui-ci.

Étaient annexés une copie du passeport suisse de Mme J______ ainsi qu’un courrier de sa part daté du 11 novembre 2021 par lequel elle attestait de ses fiançailles avec M. A______ et de leur projet de mariage en 2022. Elle était en apprentissage et avait le droit à des allocations de formation, de sorte que ses revenus lui permettaient de subvenir aux besoins de son fiancé et d’elle-même. Celui-ci souhaitait réellement s’intégrer en Suisse mais sa situation ne le lui permettait pas. Il avait tenté de trouver du travail mais sans permis valable, tous les employeurs avaient rejeté ses demandes. Il avait été arrêté le dimanche 7 novembre 2021 en bas de chez eux car il est dépourvu de pièces d’identité.

13) Le 12 novembre 2021, le commissaire de police a conclu à la confirmation de la détention administrative.

L’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) invoqué par M. A______ ne s’appliquait pas aux fiancés. M. A______ avait été interpellé le 3 février 2021 dans les parties communes d’un immeuble au ______, C______ et avait exposé vivre avec son amie dans un appartement au premier étage de celui-ci dont il avait la clé et qui était au nom de « L______ », ce qui contredisait totalement les affirmations de Mme J______. Il ressortait des registres que cette dernière habitait 2______, rue G______ chez sa mère, Mme K______, née le ______ 1972, dans l’appartement n° 3______. Le salaire d’apprentie de Mme J______, même augmenté des allocations de formation, ne permettait pas au couple de subvenir à ses besoins, le minimum vital fixé par les normes d’insaisissabilité en matière de poursuite pour dettes et de faillite étant de CHF 1'700.- pour deux personnes en 2021. Les conditions matérielles, notamment de logement, et financières exigées pour obtenir un titre de séjour en faveur de M. A______ n’étaient manifestement pas réunies, même en cas de mariage. À cela s’ajoutait que M. A______ s’était vu notifier le 7 novembre 2021 une interdiction d’entrée en Suisse valable du 20 octobre 2021 au 19 octobre 2026.

Le commissaire de police a encore transmis le procès-verbal d’audition « cas Dublin cat. III » de M. A______ du 8 novembre 2021.

14) Le 12 novembre 2021, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 8 novembre 2021 pour une durée de sept semaines, soit jusqu’au 26 décembre 2021 inclus.

M. A______ avait été condamné pour avoir pénétré dans le canton de Genève en violation de l’interdiction qui lui avait été notifiée en application de l’art. 74 LEI, ce qui constituait une infraction à l’art. 119 LEI, de sorte que la détention administrative était fondée dans son principe.

Le risque qu’il disparaisse sans qu’on puisse vérifier son départ pour le pays responsable de sa demande d’asile était suffisamment élevé, de sorte que toute autre mesure moins incisive serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait être reconduit dans l’État Dublin responsable, étant observé qu’il ne disposait pas de moyens de subsistance et n’avait ni lieu de séjour ni attache en Suisse. Les déclarations de Mme J______ étaient sujettes à caution puisqu’elle affirmait qu’ils étaient fiancés depuis le 14 février 2021 alors que quelques jours auparavant, soit le 3 février 2021, l’amie de M. A______ s’appelait « L______ » et vivait ______, C______. Rien n’indiquait par ailleurs que la mère de Mme J______ était disposée à héberger M. A______.

L’invocation des fiançailles et du mariage ainsi que d’une atteinte au droit à la protection de la vie familiale ne pouvait être examinée dans le cadre de la procédure de renvoi.

Les autorités suisses devaient soumettre à leurs homologues français une requête aux fins de reprise en charge conformément au règlement Dublin III. Le SEM devrait ensuite statuer sur le séjour de M. A______ en application de l’art. 64a LEI, étant observé que l’entretien individuel prévu par l’art. 5 du règlement Dublin III venait d’avoir lieu. L’État requis disposait d’un mois au plus pour se prononcer sur une requête de reprise en charge lorsqu’aucune nouvelle demande n’avait été introduite dans l’État requérant, ce qui était le cas en l’occurrence. La durée de la détention décidée par le commissaire de police respectait donc le cadre légal fixé par l’art. 76a al. 3 LEI et était adéquate, étant observé que si la décision du SEM devait être notifiée à M. A______ avant l’échéance de ce délai, sa détention en « phase préparatoire » prendrait immédiatement fin.

15) Par acte remis à la poste le 22 novembre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate assortie d’un délai de départ d’un jour. Subsidiairement, une mesure d’assignation territoriale au canton de Genève devait être ordonnée pour une durée de quatre semaines avec l’obligation de se présenter à un poste de police deux fois par semaine. Plus subsidiairement, la durée de la détention administrative devait être réduite à quatre semaines.

L’autorité s’était fondée sur la violation de la mesure d’interdiction du périmètre sans réellement analyser les autres circonstances concrètes du cas d’espèce. Ses déclarations du 3 février 2021 à la police devaient être appréciées au regard de son droit de se taire, de ne pas collaborer et de mentir, tel que garanti par l’art. 113 al. 1 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP -RS 312.0). Il ne souhaitait alors pas mettre en cause sa fiancée et lui éviter d’être à son tour auditionnée par la police. Il était également possible qu’il ait alors fait référence à une autre personne, car il avait utilisé le terme « copine », qui n’avait pas la même portée que « amie intime » ou « fiancée ». Il avait par ailleurs toujours affirmé qu’il se conformerait à un éventuel renvoi en H______, s’était montré collaborant lors de son audition et avait toujours reconnu avoir déposé des demandes d’asile en H______ et en I______. Rien ne permettait de supposer qu’il ne se soumettrait pas à une décision de renvoi.

La mesure était par ailleurs disproportionnée. La seule raison pour laquelle il avait enfreint la précédente mesure d’interdiction de périmètre était qu’elle portait atteinte à son droit à la vie familiale en ne lui permettant pas de voir sa fiancée avec laquelle des projets de mariage concrets étaient en cours de réalisation. Le non-respect de la mesure ne constituait pas un refus de se conformer aux décisions des autorités, mais résultait de l’absence de proportionnalité de la décision. Une autre mesure que la détention, qui lui permette de rencontrer sa fiancée dans l’attente d’une décision sur son renvoi, serait tout à fait apte à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’exécution du renvoi.

La durée de la détention était disproportionnée. Le protocole de réadmission prévu par l’accord entre le Conseil fédéral suisse et le gouvernement de la H______ relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière conclu le 28 octobre 1998 prévoyait que la partie contractante requise réponde à la demande au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant sa réception. Conformément au principe de célérité, les autorités suisses devaient présenter leur demande dans les plus brefs délais. Aucun élément du dossier ne laissait penser qu’un délai d’un mois serait nécessaire pour représenter la demande à la H______. Il était enfin notoire qu’après le 23 décembre 2021, la procédure n’avancerait pas.

16) Le 25 novembre 2021, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Lors de son interpellation le 3 février 2021 M. A______ avait déclaré habiter chez sa « copine L______ » au ______, C______. Il faisait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse prononcée le 20 octobre 2021, notifiée le 7 novembre 2021 et valable jusqu’au 19 octobre 2026. Il avait fait opposition à l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois qui lui avait été notifiée le 4 février 2021, mais avait retiré son opposition le 16 février 2021, alors qu’il allait être entendu par le TAPI.

M. A______ remplissait les conditions prévues par l’art. 76a al. 2 let. b, d et g LEI, dès lors qu’il avait été jugé coupable de trafic de cocaïne, une infraction qu’il avait expressément reconnue. Il avait violé par deux fois l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève et mis ainsi en évidence de manière irréfutable son mépris manifeste des ordres et instructions qui lui étaient donnés par les autorités, ce qui démentait ses affirmations selon lesquelles il se conformerait à une éventuelle décision de renvoi. L’invocation du droit de mentir lorsqu’il était entendu par la police achevait de discréditer sa promesse de respecter une décision de renvoi.

En présence de déclarations contradictoires, la préférence devait être donnée à celles que le justiciable avait données en premier lieu alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques. Alors qu’il se serait fiancé le 14 février 2021, qu’il prétendait que la décision du commissaire de police lui faisant interdiction de pénétrer dans le canton violait ses droits garantis par l’art. 8 CEDH et qu’il avait formé en temps utile opposition à cette décision, il avait retiré son opposition le 16 février 2021, soit deux jours après ses prétendues fiançailles et avant même d’avoir exposé sa situation au TAPI, ce qui était incompréhensible et contradictoire avec ses allégations quant à son état civil. Les conditions d’application de l’art. 8 CEDH à un couple de fiancés n’étaient en l’occurrence pas réunies.

M. A______ se méprenait enfin sur les délais et les dispositions applicables à sa reprise par la H______.

17) Le 29 novembre 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Le fait que, selon le règlement Dublin III, l’État requérant dispose de quatre semaines au plus pour présenter sa demande et l’État requis de deux semaines au plus pour y répondre ne signifiait pas que la procédure préparatoire devait durer six semaines.

En l’espèce, rien n’indiquait que le commissaire de police ou l’OCPM avaient engagé des démarches au-delà de son audition. Or, il ne s’opposait pas à son renvoi et les autorités devaient respecter le principe de célérité.

18) Le 29 novembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 23 novembre 2021 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 § 1 let. f CEDH et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4) Selon l’art. 28 du règlement Dublin III, les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle fait l’objet de la procédure établie par le présent règlement (§ 1) ; les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées (§ 2) ; le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement (§ 3, 1ère phr.) ; en ce qui concerne les conditions de placement en rétention et les garanties applicables aux personnes placées en rétention, afin de garantir les procédures de transfert vers l’État membre responsable, les art. 9, 10 et 11 de la directive 2013/33/UE s’appliquent (§ 4).

5) a. Depuis l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2015, de l'art. 76a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), la détention dans le cadre de la procédure Dublin est érigée en cas spécial de détention administrative. La procédure relative à ces cas est réglée à l'art. 80a LEI.

b. Aux termes de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi ; (b) la détention est proportionnée ou (c) d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 § 2 du règlement Dublin III).

Parmi les éléments faisant craindre que l’étranger entende se soustraire à l’exécution du renvoi, figurent le fait que son comportement en Suisse ou à l’étranger permet de conclure qu’il refuse d’obtempérer aux instructions des autorités (art. 76a al. 2 let. b), qu’il quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI (art. 76a al. 2 let. d) ou encore qu’il franchit la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement (art. 76a al. 2 let. e).

c. La durée maximale de la détention est réglée à l'art. 76a al. 3 LEI. À teneur de sa let. a – sur laquelle le commissaire de police et le TAPI se fondent –, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l’étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de sept semaines pendant la préparation de la décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d’asile ; les démarches y afférentes comprennent l’établissement de la demande de reprise en charge adressée à un autre État Dublin, le délai d’attente de la réponse à la demande ou de son acceptation tacite, la rédaction de la décision et sa notification.

d. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

e. Selon l'exposé des motifs contenu dans le Message du Conseil fédéral relatif à l’approbation et à la mise en œuvre des échanges de notes entre la Suisse et l’UE concernant la reprise des règlements (UE) n° 603/2013 et n° 604/2013 (Développements de l’acquis de Dublin/Eurodac) du 7 mars 2014 (FF 2014 2587), « comme le règlement Dublin III conditionne la détention Dublin à l’existence d’un risque sérieux de passage à la clandestinité, ce critère, qui n’admet aucune marge de manœuvre, a dû être conservé. Les critères déjà fixés dans le droit en vigueur concernant l’évaluation du risque de passage à la clandestinité ont cependant été conservés (ad art. 76a, al. 2, let. a à i, du projet LEI) ».

6) a. En l’espèce, s’agissant du principe de la détention, le recourant ne conteste pas avoir été condamné pour avoir pénétré dans le canton de Genève alors qu’une interdiction territoriale lui avait été notifiée en application de l’art. 74 LEI et commis ainsi une infraction à l’art. 119 LEI.Cependant, selon lui, ses fiançailles et ses projets de mariage avec Mme J______ excluraient tout risque qu’il se soustraie à son renvoi. Le recourant avait toutefois déclaré dans un premier temps, lors de son interpellation le 3 février 2021, qu’il habitait avec sa « copine » « L______ » dans un appartement portant le nom « L______ » au ______, C______. Or, de jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/195/2021 précité consid. 7c et les références citées). Le TAPI était ainsi fondé à retenir les premières déclarations du recourant.

Le recourant fait encore valoir qu’il aurait menti le 3 février 2021 pour épargner son amie. On ne voit toutefois pas en quoi le recourant aurait compromis Mme J______ s’il avait évoqué sa relation avec elle le 3 février 2021, étant donné qu’ils avaient le projet de se fiancer et de se marier, et donc d’accomplir des démarches officielles à ces fins. En outre, ainsi que le relève l’autorité, il est encore moins compréhensible que le recourant n’ait pas évoqué sa relation et ses projets avec Mme J______ lorsqu’il s’est opposé à l’interdiction territoriale à lui notifiée le 4 février 2021 et qu’il ait retiré son opposition le 16 février 2021, alors qu’il aurait précisément pu faire valoir cet élément devant le TAPI qui s’apprêtait à l’entendre.

L’attestation écrite au sujet des fiançailles produite par Mme J______, qui provient d’une proche et est pour ce motif déjà sujette à caution, ne saurait quant à elle lui être d’aucun secours.

Il résulte de ce qui précède que la relation du recourant avec Mme J______ n’avait pas à être prise en compte pour la solution du litige, de sorte que c’est à juste titre que le jugement attaqué a retenu que des éléments concrets du dossier faisaient penser que le recourant entendait se soustraire à son renvoi, au sens de l’art. 76a al. 1 let. a LEI, et que la détention décidée par le commissaire de police était fondée dans son principe.

Pour le surplus, le recourant ne soutient pas devant la chambre de céans que sa relation avec Mme J______ pourrait bénéficier de la protection de l’art. 8 CEDH, à juste titre.

b. Le recourant se plaint également du caractère disproportionné de la détention, tant dans son principe que dans sa durée.

Il a été vu plus haut que la détention est fondée dans son principe vu le risque que le recourant se soustraie à son renvoi, de sorte qu’aucune mesure moins incisive ne saurait être envisagée.

S’agissant de la durée de la détention, le recourant a d’abord invoqué les dispositions de l’accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la H______ relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière du 28 octobre 1988 (RS 0.142.113.499) et les délais stricts que celui-ci impose aux parties.

Or, c’est à juste titre que l’autorité intimée a relevé que ces dispositions générales ne s’appliquent pas aux cas particuliers de reprise Dublin III, qui sont régis par l’arrangement entre le département fédéral de justice et police de la Confédération suisse et le ministère de l’intérieur de la H______ sur les modalités pratiques relatives à l’application facilitée du règlement Dublin III du 9 octobre 2014 (ci-après : l’arrangement - RS 0.142.392.681.349).

Dans ses dernières écritures, le recourant fait valoir que même sous l’empire de l’arrangement de 2014, le principe de célérité commanderait de procéder en moins de six semaines au total, de sorte que la durée de sept semaines serait excessive.

L’autorité administrative doit entreprendre rapidement les démarches permettant l’exécution de la décision de renvoi (art. 76 al. 4 LEI). Bien que le texte de loi ne le mentionne pas, le principe de célérité s’applique aussi dans les détentions Dublin (SEM, Directives et commentaire, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021, ch. 9.9.1).

Contrairement à ce que semble supposer le recourant, rien n’indique que le commissaire ou l’OCPM ne procéderaient pas tempestivement. Son audition a déjà eu lieu, et il a pour le surplus affirmé vouloir coopérer à sa remise à l’État Dublin responsable. Il a admis avoir déposé deux demandes d’asile, en H______ et en I______, ce qui pourrait compliquer les requêtes. Les autorités suisses ne sauraient répondre de l’usage fait par les autorités requises du délai que l’arrangement leur impartit pour répondre. Enfin, et à supposer que les délais prévus par l’arrangement soient utilisés pleinement et la remise convenue, une septième semaine pourrait se révéler nécessaire pour exécuter celle-ci.

La durée de la détention apparaît dans ces conditions être proportionnée.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

7) La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2021 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie Bobillier, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :