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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/235/2014

ATA/129/2015 du 03.02.2015 ( PROF ) , ADMIS

Descripteurs : PROFESSION SANITAIRE; MÉDECIN; SANTÉ; FAUTE PROFESSIONNELLE; DEVOIR PROFESSIONNEL; SURVEILLANCE(EN GÉNÉRAL); MESURE DISCIPLINAIRE; PATIENT; DROIT DU PATIENT; CHIRURGIE; DEVOIR DE COLLABORER; OBLIGATION DE RENSEIGNER; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LS.45 ; LS.53
Résumé : Portée du devoir d'information d'un médecin dont l'intervention s'inscrit dans une prise en charge collective hospitalière d'un patient. Arbitraire dans la manière dont la commission a traité le médecin recourant par rapport aux autres médecins impliqués dans la même affaire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/235/2014-PROF ATA/129/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 février 2015

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Mes Sara Dousset et Grégoire Mangeat, avocats

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

Mme B______

représentée par Me Michael Rudermann, avocat



EN FAIT

1) Le 15 décembre 2006, Mme B______, née le ______ 1924, a effectué une échographie complète de l'abdomen à la Clinique des Grangettes. Le rapport y relatif du 18 décembre 2006 fait état de la présence d'une hernie graisseuse au pli inguinal droit.

2) Le 30 janvier 2007, sur demande de son médecin traitant, Mme B______ a été examinée dans le service de chirurgie viscérale des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG). Dans son rapport du 5 février 2007, le Dr C______, chef de clinique dudit service, a relevé la présence d'une voussure sensible et réductible sur le bord latéral droit de la cicatrice de Pfannenstiel. Il s'agissait certainement d'une éventration, mais il pouvait aussi s'agir d'une hernie inguinale droite. Le rapport, daté du 8 février 2007, approuvait pour opération le cas de Mme B______. Il précisait que l'intervention serait la mise d'un filet par voie antérieure et que l'hospitalisation durerait cinq à sept jours.

3) Le 6 juin 2007, Mme B______ a été convoquée aux HUG pour une consultation pré-opératoire d’anesthésie, qui a été réalisée par la Dresse D______. Son opération était prévue le 13 juin 2007. Il lui a été demandé à cette occasion de stopper son traitement médical anticoagulant (Sintrom).

4) Le 11 juin 2007, Mme B______ a été admise au service de chirurgie viscérale des HUG en vue de son opération.

5) Le rapport d’entrée mentionne le Dr C______ comme médecin référent. Il indique par ailleurs que le rapport est dicté par la Dresse E______.

6) Le résultat des bilans sanguins pré-opératoires prescrits le jour de cette admission ont révélé un quick à 19 % avec un INR (International Normalized Ratio) à 2.6 (coagulation insuffisante pour une opération). La patiente a expliqué qu’elle avait oublié d’arrêter son traitement anticoagulant la veille de son admission, comme demandé par le médecin lors de la consultation d’anesthésie.

7) Le 12 juin 2007, Mme B______ a reçu à son chevet la visite de la Dresse A______, médecin adjoint, qui l’a informée que c’était elle qui allait l’opérer le lendemain. Elle lui a confirmé que l’opération allait consister dans le traitement chirurgical de la hernie située au pli inguinal droit. L’examen clinique auquel a procédé ce médecin à cette occasion a révélé la présence d’une voussure sur le pli inguinal gauche qui l’a incitée à demander un examen médical complémentaire (échographie ou ultrason inguinal) pour en identifier l’origine et déterminer si un traitement - notamment chirurgical - était nécessaire.

8) Le 13 juin 2007, jour initialement prévu pour l’intervention, le quick de Mme B______, bien que remonté à 54 % avec un INR à 2.9, n’était pas suffisamment élevé pour permettre son opération. La Dresse A______ a alors décidé, avec le médecin anesthésiste, de renoncer à l’intervention et de la repousser jusqu’à amélioration de la coagulation du sang.

9) Elle a cependant décidé de ne pas renvoyer Mme B______ chez elle et de la laisser hospitalisée jusqu’à ce que ses résultats sanguins apportent satisfaction.

10) Se sachant de garde le 14 juin 2007 et à un congrès à Lausanne le lendemain, et vu la possibilité qu’elle n’opérât finalement pas elle-même la patiente, la Dresse A______ a informé ses collègues de l’examen complémentaire demandé et leur a fait part de sa suspicion d’une hernie inguinale gauche. L’ultrason n’étant planifié que pour le lendemain et le diagnostic de la voussure du pli inguinal gauche étant par conséquent encore méconnu, la stratégie opératoire ne pouvait être définitivement décidée. Les différentes stratégies opératoires possibles ont été évoquées et discutées entre ces médecins lors d’une discussion informelle, avec leurs hypothèses correspondantes.

11) Cette discussion, de même que la consultation du 12 juin 2007 par la
Dresse A______, n’ont pas fait l’objet de notes de suite dans le dossier de la patiente.

12) La Dresse A______ n’a pas informé Mme B______ de son absence des 14 et 15 juin 2007 et du fait qu’elle serait peut-être opérée par un autre médecin.

13) Le 14 juin 2007, la Dresse A______ a été affectée comme prévu aux urgences et Mme B______ a été suivie par les autres médecins du service. L’ultrason inguinal a été pratiqué par le Dr F______. Il a confirmé la présence d’une hernie de graisse dans la partie inguinale gauche.

La Dresse A______ n’a pas eu connaissance des résultats de cet examen qui, selon l’organisation du service, n’avaient pas à lui être transmis.

14) Le 14 juin 2007 toujours, la patiente était opérable, sa coagulation ayant atteint un niveau satisfaisant. Son opération n’a toutefois pas pu être programmée par le chef de service, faute de place dans le bloc opératoire.

15) Le 15 juin 2007, le programme opératoire électif ayant avancé plus rapidement que prévu, une place s’est libérée en fin de programme.
Mme B______ a été désignée pour prendre cette place, afin de ne pas prolonger inutilement son séjour hospitalier. Le Dr G______, chef de clinique dans le service de chirurgie viscérale des HUG, a été informé peu avant l’intervention, alors qu’il était au bloc opératoire pour un autre patient, qu’il serait le médecin opérateur de Mme B______. Il a vu la patiente pour la première fois au moment où elle se trouvait dans le sas d’anesthésie.

C’est à cette occasion que Mme B______ a été informée des résultats de l’ultrason, du fait qu’une cure bilatérale de hernie (soit gauche et droite et non seulement droite) serait pratiquée et de la stratégie opératoire choisie (pose d’un filet antérieur, selon la technique de Stoppa).

16) Au début de l’opération, le Dr G______ a trouvé assez rapidement une éventration d’une cicatrice de Pfannenstiel due à une ancienne laparatomie exploratrice, dont le sac herniaire pouvait être mobilisé sans effraction péritonéale. En poursuivant la dissection à gauche et à droite et en disséquant le plan ré-péritonéal, il a trouvé comme prévu une hernie inguinale gauche et une hernie inguinale droite, toutes deux de type indirect. Par la suite, la présence d’un kyste ovarien volumineux, à gauche, a été mise en évidence. La patiente se trouvant en rachi-anesthésie avec une sédation ne l’empêchant pas de parler, le médecin l’a informée de cette situation. La formation kystique était très suspecte de malignité et ses ovaires non fonctionnels depuis longtemps vu son âge. Il proposait de pratiquer l’ablation de la trompe et de l’ovaire gauche (annexectomie), ce qui a été fait.

17) La patiente a présenté des complications suite à cette intervention.

Le 26 juin 2007, elle a subi une seconde intervention effectuée par le Dr H______, chef de clinique au sein du même service, en raison d’un diagnostic de perforation de l'intestin grêle. L'intervention a consisté en une ablation du filet, une résection de l'intestin grêle et une anastomose latéro-latérale manuelle de l'intestin grêle.

18) Le 3 juillet 2007, Mme B______ a de nouveau été opérée par le Dr H______, suite à une fuite anastomotique de l'intestin grêle. La zone d'anastomose a été réséquée et la continuité rétablie.

19) Mme B______ a quitté les HUG le 12 août 2007.

20) Suite à sa sortie, Mme B______ a envoyé aux HUG plusieurs courriers mettant en cause la responsabilité de ceux-ci dans le cadre des trois opérations précitées.

Elle soulevait une violation des règles de l'art, et de ses droits à l’information et au consentement éclairé. Elle n'avait reçu aucune information sur les risques liés à l'opération du 15 juin 2007.

Les HUG ont contesté toute responsabilité dans les événements et transmis à Mme B______ un rapport médical du 4 décembre 2007 établi par le Prof. I______, chef du service concerné, et par le Dr J______, chef de clinique.

21) Le 3 novembre 2008, le Dr K______ a appuyé les conclusions de la patiente dans un document intitulé « expertise » établi à la demande de la patiente et de son neveu médecin.

Il y avait eu, dans la prise en charge de Mme B______, une violation crasse des règles de l’art, du droit à l’information et du droit au consentement éclairé.

22) Le 26 janvier 2009, Mme B______ a déposé une plainte contre « le service de chirurgie viscérale des HUG et en particulier contre les Drs I______, chef de service, J______ et G______, chefs de clinique », auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission). La Dresse A______ n’était pas mise en cause.

La plaignante invoquait la violation de ses droits de patiente, en particulier celle du devoir d'information prévu à l'art. 45 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) et celle de l'obtention préalable du consentement libre et éclairé du patient prévu à l'art. 46 LS en lien avec l'opération du 15 juin 2007. De plus, elle considérait que le Dr G______ avait violé les règles de l'art et que le Prof. I______ et le Dr J______ avaient violé leur devoir de fidélité à son égard pour avoir couvert, caché et justifié les erreurs des membres du service dans leur rapport du 4 décembre 2007. Elle concluait au prononcé d'une sanction disciplinaire à leur égard.

Le 30 janvier 2007, Mme B______ avait appris du Dr C______ que l'intervention consisterait en une petite incision dans l'aine à droite pour une cure d’hernie à droite, qu'il effectuerait lui-même. Elle pourrait rentrer chez elle deux à trois jours après l'opération.

Elle n'avait reçu aucune information sur les risques découlant de l'opération prévue. La veille de ladite intervention, la Dresse A______ l'avait informée qu'elle l'opérerait le lendemain et que l'intervention consisterait en une petite incision dans le pli inguinal droit. Mme B______ avait indiqué à ce médecin qu'elle n’accepterait ladite opération qu’à la condition que ce soit elle qui l’opérât. Or, l'opération avait été effectuée par le Dr G______, qui ne l’avait jamais vue avant l'intervention.

La perforation de son intestin grêle n'était pas un risque de l'intervention de cure d’hernie inguinale selon la technique de Stoppa, car le chirurgien n'avait pas à pénétrer dans la cavité abdominale. Elle était liée à l’annexectomie à laquelle elle n’avait pas adhéré.

23) Par courrier du 21 avril 2009, le Prof. I______ a transmis ses observations,rédigées après consultation, entretiens et rapports écrits des Drs G______, C______, A______, J______ et H______.

Il contestait que le Dr C______ ait dit à Mme B______ que l'opération consisterait en une petite incision dans l'aine droite et qu'il serait l'opérateur, vu la règle d'organisation du service selon laquelle le chef de clinique compétent disponible était l'opérateur le moment venu. Le Dr C______ avait mentionné une durée d'hospitalisation de trois à quatre jours sauf complications et avait clairement posé l'indication opératoire sur le plan chirurgical. La Dresse A______ avait été désignée ultérieurement comme opérateur principal.

Lors de l'examen d'entrée de Mme B______, une hernie inguinale avait été constatée et une éventration bilatérale suspectée par la Dresse A______. Ce doute ainsi que celui de l'examen d'entrée avaient conduit à l'ultrason du
14 juin 2007. Le 13 juin 2007, vu que le taux du quick ne se situait qu’à 54 % et qu'il s'agissait d'une opération élective, la Dresse A______ et l'anesthésiste avaient décidé de repousser l'intervention afin d'améliorer la coagulation du sang de la patiente. Ils ne l'avaient pas renvoyée chez elle pour pouvoir l'opérer dès qu'une place serait disponible dans le programme opératoire.

Le quick de la patiente s'étant amélioré, et une place s'étant libérée le 15 juin 2007 pour le jour même en fin de programme opératoire, il avait été décidé d'opérer Mme B______ dans ce créneau horaire de manière à ne pas prolonger son séjour hospitalier. Le Dr G______, chef de clinique expérimenté, avait alors été désigné pour opérer Mme B______ le 15 juin 2007. Vu son occupation au bloc opératoire avant l'intervention, il n'avait vu Mme B______ que dans le sas d'anesthésie. Toutefois, il était correctement informé de la situation médicale et chirurgicale la concernant car une discussion avait eu lieu préalablement entre le Dr C______, la Dresse A______ et lui-même au sujet de la stratégie opératoire à adopter.

Le Dr J______ ne devait pas être impliqué dans cette affaire, car son action s'était limitée à assister le Prof. I______ dans l'analyse du dossier de la patiente et à préparer un projet de rapport, qui avait ensuite été revu et corrigé par ce professeur.

Le devoir d'information lié à l'opération du 15 juin 2007 n'avait pas été violé car, avant l’opération, Mme B______ avait reçu par le Dr C______ et la
Dresse A______, des informations qui avaient été complétées ensuite par le Dr G______ dans le sas d'anesthésie, sur le traitement chirurgical bilatéral de la cure herniaire. La patiente avait également donné son consentement à l’annexectomie en peropératoire. Celle-ci était recommandée dans la littérature. Elle n’avait prolongé que très peu l’intervention, avait des conséquences bénignes sur une patiente ménopausée et avait pour but d’éviter une nouvelle opération. Le traitement apparaissait clairement justifié au vu des éléments constatés.

24) Dans un rapport du 1er septembre 2009, le Dr G______ a confirmé le rapport du Prof. I______ du 21 avril 2009. S'agissant de son devoir d'information, il reconnaissait avoir vu la patiente, dès qu'il avait pu avant l'opération, mais dans le sas d'anesthésie. Il relevait les difficultés du programme opératoire dans un service universitaire de grande taille.

25) Par courriers séparés du 17 décembre 2009, la commission a demandé à entendre la Dresse A______ « en qualité de partie ».

26) Une audience de comparution personnelle a eu lieu le 20 janvier 2010 devant la sous-commission 2.

Mme B______ a déclaré n'avoir pas été informée d'une intervention bilatérale, ni des résultats de l'échographie. Elle avait souhaité être opérée par la Dresse A______ et ne se souvenait pas de sa discussion avec le
Dr G______ avant l'opération.

La Dresse A______ ne se rappelait pas si elle avait parlé à la patiente d'une intervention bilatérale et du fait qu'elle ne pourrait pas l'opérer suite au report de l'opération dû aux problèmes de coagulation. Elle avait constaté une hernie à droite et un nodule à gauche, qui aurait pu être une petite hernie. Elle avait discuté avec les Drs C______ et G______ avant l'échographie, de l'éventualité que Mme B______ souffre aussi d'une pathologie à gauche.

Sur question, la Dresse A______ et le Dr G______ ont répondu qu'il n'existait pas, dans leur service, de formulaire de consentement éclairé à faire signer au patient.

27) Par pli du 25 octobre 2010, la commission a demandé au Prof. I______ de lui transmettre copie des notes de suite de la consultation de la
Dresse A______ du 12 juin 2007. En réponse, le Prof. I______ a, par courrier du 1er novembre 2010, informé la commission que les médecins voyant les patients dans les unités la veille d'une intervention n'établissaient pas nécessairement de notes de suite et que, dans le dossier de Mme B______, il n'y avait pas de notes de suite du 12 juin 2007 signées par ce médecin.

28) Par décision datée du 1er juin 2011 et communiquée aux parties par pli recommandé du 21 juin 2011, la commission a constaté la violation par la
Dresse A______ des droits de patiente de Mme B______, prononcé un avertissement à son encontre et classé la procédure ouverte contre les Prof. I______ et les Drs G______ et J______.

Ce dernier médecin a été mis hors de cause, car il n’avait jamais pris part au suivi médical de la patiente.

Il en allait de même du Prof. I______, auquel il était cependant fait remarquer que l’organisation de son service comportait des lacunes qu’il convenait de combler. D'une part, il n'était pas normal que le Dr G______ ait appris le matin même de l'intervention qu'il était l'opérateur car cela l'avait empêché de discuter avec la patiente et de s’assurer de son consentement éclairé. D'autre part, la tenue des dossiers médicaux devait être améliorée ; des notes de suite devaient être prises lorsque des constatations importantes avaient été faites et des examens complémentaires demandés.

Une violation du devoir d'information et de l’exigence de consentement éclairé ne pouvait être retenue contre le Dr G______. En apprenant le matin même de l’intervention qu’il serait l’opérateur, il s’était trouvé dans l'impossibilité matérielle d'informer la patiente sur les faits nouveaux survenus et sur le changement consécutif de stratégie opératoire avant de voir celle-ci dans le sas d'anesthésie. Certes, il était constant que l’intéressée n’était plus en mesure, vu la prémédication administrée, de recevoir ces informations et de donner son consentement éclairé. Cependant, au vu de l'examen clinique, de l'ultrason et des plaintes de la patiente, celle-ci présentait une double hernie à son entrée aux HUG et la cure d’hernie inguinale bilatérale était justifiée. Le Dr G______ avait agi dans l'intérêt de la patiente en ne se limitant pas à une intervention du seul côté droit. L'utilisation d'un filet selon Stoppa était acceptable vu le diagnostic. L’ablation de l’ovaire kystique et de la trompe pouvaient se fonder sur le consentement hypothétique de la patiente, aucune raison personnelle n’ayant été invoquée par celle-ci qui eût laissé penser qu’elle s’y serait opposée. Enfin, les complications subies par la patiente suite à l'opération du 15 juin 2007, soit la perforation de l'intestin grêle, ne résultaient pas d'une faute du chirurgien vu qu'elle n'était pas survenue dans les vingt-quatre heures consécutives et qu'il existait plusieurs hypothèses pouvant l'expliquer.

En revanche, la Dresse A______ avait violé le devoir d’information de la patiente. Elle aurait dû, lors de sa consultation du 12 juin 2007, faire part à Mme B______ de sa suspicion d’une hernie à gauche et donc d’une hernie bilatérale, et l’informer des conséquences qu’entraînerait pour elle ce diagnostic s’il était confirmé par l’échographie qu’elle avait demandé (changement éventuel de stratégie opératoire).

Sachant qu’elle ne serait pas présente pour l’opération, vu le report de celle-ci, elle aurait dû informer cette patiente qu’un autre médecin qu’elle serait désigné, vu l’importance que représente cette information pour chaque patient, qu’il ait le libre choix du médecin ou non.

Lorsque l’échographie avait confirmé le diagnostic d’une double hernie, soit le 14 juin 2007, elle aurait dû informer la patiente du nouveau diagnostic, du changement de stratégie opératoire ou, à tout le moins, prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que l’un de ses collègues le fasse.

La jurisprudence sur le fardeau de la preuve imposant au patient de prouver l’absence d’information lorsqu’aucun acte thérapeutique n’avait été exécuté ne s’appliquait pas en l’espèce, car Mme B______ avait bel et bien été opérée trois jours après la consultation du 12 juin 2007.

Enfin, la Dresse A______ avait violé l’art. 53 LS, en ne rédigeant pas de notes de suite après sa consultation du 12 juin 2007. Le fait que le service pratiquait de la sorte ne la disculpait pas. Elle aurait dû, en particulier, indiquer dans le dossier médical qu’elle avait suspecté une double hernie lors de l’examen clinique et demandé un examen complémentaire en raison de ce fait.

29) Cette décision a été annulée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), sur recours de la
Dresse A______, en tant qu’elle était dirigée contre cette dernière. Deux arrêts ont été rendus, l’un statuant sur la violation des droits de patient de
Mme B______ par ce médecin (
ATA/624/2012 du 18 septembre 2012), l’autre sur la sanction infligée (ATA/623/2012 du 18 septembre 2012), en raison du fait que Mme B______ ne disposait pas de la qualité de partie dans la procédure disciplinaire. Dans les deux cas, une violation du droit d’être entendu de la
Dresse A______ a été retenue.

En n’attirant pas l’attention de ce médecin sur le fait que, bien que la plainte de Mme B______ ne la visât pas personnellement, sa qualité de partie impliquait qu’elle pourrait faire l’objet d’une sanction, la commission avait violé ce droit.

30) La décision de la commission du 1er juin 2011 est entrée en force s’agissant du classement prononcé à l’égard des trois autres médecins incriminés, faute de recours.

31) Suite à ces deux arrêts, la Dresse A______ a été invitée par la commission à s’exprimer à nouveau. Ses arguments seront exposés ci-après, en tant qu’ils complètent l’argumentation ci-dessus exposée, afin d’éviter d’inutiles redites.

32) Par décision du 9 décembre 2013, la commission a confirmé les violations précédemment retenues à l’encontre de la Dresse A______, ainsi que l’avertissement, pour les mêmes motifs que ceux développés dans sa décision du 1er juin 2011.

33) Par acte du 27 janvier 2014, la Dresse A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, en concluant à son annulation, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Elle avait forcément informé la patiente, lors son examen clinique du 12 juin 2007, de ses suspicions s’agissant d’une hernie inguinale à gauche, puisque c’était lors de la palpation qu’elle avait pris la décision de demander une échographie. Une absence d’information n’aurait pas constitué une violation du devoir d'information car l'obligation d'informer selon l'art. 45 al. 1 let. b LS ne s'étendait pas à tous les diagnostics possibles. Son doute concernant le nodule palpé à gauche ne faisait pas l'objet d'un diagnostic soumis au devoir d'information. De plus, la présence de ce nodule à gauche était connue de la patiente le 12 juin 2007, même si sa nature n'avait pas encore été identifiée. Par ailleurs, la
Dresse A______ ne pouvait informer la patiente d'une éventuelle exploration bilatérale avant de connaître le résultat de l'échographie effectuée le 14 juin 2007.

La communication de ce résultat à la patiente, tout comme celle du changement de stratégie opératoire, n'incombaient pas à elle-même mais au médecin opérateur désigné, conformément à l'organisation du service de chirurgie viscérale des HUG. En effet, l'opérateur devait étudier le dossier médical, discuter avec le patient avant l'opération puis définir l'intervention. De ce rôle découlaient son devoir d'information et celui de recueillir le consentement éclairé du patient. De plus, lorsque l'opération était repoussée, la nouvelle date de l'intervention était fixée en fonction de l'état de santé du patient et des disponibilités du bloc opératoire, et non de celles de l'opérateur initialement désigné. Le nouvel opérateur devait réexaminer le cas et n'était pas obligé de suivre l'avis de l'opérateur précédemment désigné dans la mesure où il était seul responsable de l'opération. Le fait que le Dr G______ n'ait été informé que le matin même de l'opération résultait d'un problème d'organisation du service de chirurgie viscérale des HUG et ne devait pas être entièrement supporté par elle-même.

S'agissant du changement de stratégie opératoire, elle n'avait pas violé son devoir d'information car elle pouvait le cas échéant se prévaloir du consentement hypothétique de la patiente portant sur une cure d’hernie inguinale bilatérale sans emploi de la technique de Stoppa, qui avait été décidé par le Dr G______ seul. En effet, la patiente alléguait des éléments qui l'auraient conduite à refuser une cure selon la technique de Stoppa, mais elle ne mentionnait aucun motif personnel qui l'aurait amenée à refuser la cure d'une hernie inguinale bilatérale. Un patient sensé dans les mêmes circonstances aurait accepté une telle intervention.

Elle n'avait au surplus pas violé son devoir d'information en ne signalant pas à la patiente le changement d'opérateur, car cette donnée n'était pas soumise au devoir d'information prévu à l'art. 45 LS et que l'art. 43 al. 2 LS s'appliquait aux HUG.

Elle n’avait procédé à aucune lésion sur le corps de cette patiente. Selon les règles jurisprudentielles sur le fardeau de la preuve, la violation du devoir d’information incombait dès lors à Mme B______.

Concernant l’absence de notes de suite, l’art. 53 LS n'obligeait pas le médecin à en rédiger après des conversations informelles. En outre, il était usuel dans le service de ne pas en prendre dans de telles circonstances, ainsi que l’avait admis le Prof. I______ dans sa lettre du 1er novembre 2010 à la commission. Elle ne saurait dès lors supporter la responsabilité de l'organisation dudit service. Cette exigence était en outre disproportionnée. Elle nuirait à l’efficacité du service, ne répondait à aucune intérêt public et l’absence de notes de suite n’avait eu, en l’espèce, aucune conséquence sur l’exécution de sa mission.

La discussion entre le Dr G______, le Dr C______ et elle-même avait eu lieu avant la réception des résultats de l'échographie de sorte qu'elle était purement théorique et que le changement de stratégie opératoire ne pouvait pas être décidé à ce moment-là. Ce changement avait été décidé le 15 juin 2007 par le Dr G______ seul et l'obligation d'informer la patiente à ce sujet ne pouvait lui être imputée. Elle avait respecté toutes les obligations légales en vue de l'opération initialement prévue le 13 juin 2007. Le report de l'opération à une date où elle ne pouvait opérer avait eu pour conséquence de transférer l'obligation d'informer et d'obtenir le consentement éclairé du patient sur le médecin désigné pour cette nouvelle intervention. De plus, le nom de l'opérateur n'était pas une information obligatoire dont le patient avait besoin pour se déterminer de manière éclairée au sujet de l'intervention. Mme B______ n'avait pas rendu vraisemblable le fait qu’elle-même soit son opératrice était une condition absolue à son consentement éclairé.

34) Le 2 avril 2014, la commission a conclu au rejet du recours en persistant dans son argumentation.

35) Le 11 juin 2014, Mme B______ a déclaré faire « siens les considérants de la décision attaquée » et s’est référée à son écriture du 6 février 2013.

L’obligation d’informer comprenait le diagnostic final ainsi que le diagnostic différentiel. Si, vu son absence, la Dresse A______ n’était pas tenue de lui communiquer les résultats de l'échographie, elle aurait dû au moins l'informer du résultat de son examen clinique et de la raison de l'échographie. Elle n'avait pas demandé à ce que la Dresse A______ l'opère, mais la personne de l'opérateur avait déterminé le consentement éclairé qu’elle lui avait donné. La Dresse A______ avait donc violé son devoir d'information en ne l'informant pas qu’elle ne l'opérerait plus. Elle aurait également dû rédiger des notes de suite concernant sa consultation du 12 juin 2007, le résultat de l'examen clinique et le résultat de la discussion avec les Drs G______ et C______ au sujet des options thérapeutiques. La pratique de son service, même avalisée par le chef de ce dernier, était illégale.

Le Prof. I______ était également responsable de ces violations. En effet, l'organisation de son service les avait générées, faute de directives claires et de mécanisme de contrôle veillant à garantir l'obtention préalable du consentement éclairé du patient. L'art. 45 al. 1 LS s'appliquait non seulement à la relation thérapeutique entre le médecin et le patient, mais également à la relation entre le patient et l'institution. Le Prof. I______ devait donc aussi être sanctionné en sa qualité de responsable du service de chirurgie viscérale pour les violations des
art. 45 et 46 LS.

Quant au Dr G______, il avait commis une faute en décidant de l’opérer alors qu'il n'avait pu la renseigner ni obtenir son consentement éclairé sur le type d'intervention et sur la technique opératoire choisie. Il ne pouvait dès lors être exonéré de sa responsabilité.

36) Le 17 juillet 2014, la Dresse A______ a répliqué et maintenu sa position.

37) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le document intitulé « expertise », signé par le Dr K______ et produit par la recourante ne saurait avoir de valeur probante particulière dans la présente procédure.

En effet, selon la jurisprudence, pour qu'un rapport médical ait valeur probante, il faut que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée et motivée par l'expert et que le rapport d'expertise se fonde sur des examens complets, tenant compte des plaintes de l’assuré et des données exhaustives du dossier médical (ATA/513/2009 du 13 octobre 2009).

En l’espèce, il résulte de ce document et des pièces du dossier que les faits ont été établis en l’absence du dossier médical détenu par les HUG et sans référence à une détermination du médecin concerné.

Ce document sera donc considéré comme une appréciation personnelle venant appuyer la position de la patiente, et non comme une « expertise » au sens usuellement donné à ce terme.

3) D’une manière générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/332/2014 du 6 mai 2014 ; ATA/171/2012 du 27 mars 2012 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184 n. 2.4.2.3).

Les faits s’étant déroulés en juin 2007, la présente cause doit être jugée selon les dispositions de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), entrée en vigueur le 1er septembre 2006. La loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11), entrée en vigueur le
1er septembre 2007, n’est pas applicable (art. 67 et 43 LPMed).

La procédure est régie par la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS -K 3 03), entrée en vigueur le 1er septembre 2006.

4) Dans son acte de recours, la Dresse A______ conclut à ce qu’il soit constaté qu’aucune violation aux droits des patients n’a été commise et à l’annulation de l’avertissement.

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, confirmée par le Tribunal fédéral, si le professionnel de la santé recourt contre une décision de la commission statuant sur une telle violation et sur la sanction qui lui est attachée, le patient est partie à la procédure de recours, mais ne peut prendre de conclusions sur la sanction (ATA/17/2013 du 8 janvier 2013 et 2C_66/2013 du 7 mai 2013).

Les conclusions (implicites) de Mme B______ en rejet du recours doivent ainsi être interprétées comme visant uniquement la confirmation des violations de ses droits de patiente retenues par la commission.

5) Dans la décision attaquée du 9 décembre 2013, la commission reproche à la Dresse A______ d’avoir violé le droit à l’information de Mme B______ en ne l’informant pas :

-  de sa suspicion de l’existence d’une hernie inguinale gauche (donc d’une double hernie) et des conséquences liées à la confirmation éventuelle de ce diagnostic par les résultats de l’examen complémentaire demandé ;

-  qu’un autre médecin qu’elle l’opérerait ;

-  une fois les résultats de l’échographie connus, du changement de stratégie opératoire.

6) À teneur de l'art. 45 al. 1 LS, le patient a le droit d'être informé de manière claire et appropriée sur son état de santé (let. a), les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels (let. b) ainsi que les moyens de prévention des maladies et de conservation de la santé (let. c).

Le devoir d'information conditionne l'exercice par le patient de son droit à l'autodétermination en matière médicale, garanti par l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ACEDH Pretty c. Royaume-Uni, du 29 avril 2002, Recueil 2002-III, req. n° 2346/02, § 61). Il vise aussi bien à assurer la libre formation de sa volonté qu'à protéger son intégrité corporelle (ATF 117 Ib 197 consid. 2.c ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.265/2002 du 28 avril 2003 consid. 4 et les références citées ; ATA/182/2007 du 17 avril 2007 consid. 5.b). Il permet au patient de donner, cas échéant de refuser, en connaissance de cause, son accord à une atteinte à son intégrité corporelle. Corrélativement, le respect du devoir d'information permet au médecin de justifier cette atteinte au droit absolu du patient en invoquant le consentement éclairé de ce dernier (art. 46 LS ;
ATF 133 III 121 consid. 4.1.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.66/2007 du 9 janvier 2008 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.265/2002 précité consid. 4.1 et les références citées).

7) a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l'assurance (ATF 133 III 121 consid. 4.1.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.66/2007 précité consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.265/2002 précité consid. 4.2). Selon Olivier GUILLOD, le patient doit également être informé sur l'identité du médecin opérateur intervenant en milieu hospitalier (Olivier GUILLOD, Le consentement éclairé du patient - Autodétermination ou paternalisme ?, 1986, p. 141s).

b. Des limitations voire des exceptions au devoir d'information du médecin ne sont admises que dans des cas très précis, par exemple lorsqu'il s'agit d'actes courants sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte définitive ou durable à l'intégrité corporelle (ATF 119 II 456 consid. 2a et les références citées), s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente d'en effectuer une autre (arrêt du Tribunal fédéral 4P.265/2002 précité consid. 4.2 et les références citées ; ATF 108 II 59 consid. 2).

c. Lorsqu'un même patient est concrètement pris en charge par plusieurs médecins successifs dans la division commune d'un établissement public, l'identification du médecin débiteur du devoir d'information est difficile, faute de désignation d'un médecin traitant. Ni le Tribunal fédéral, ni la doctrine ne traitent de cette problématique, que toutefois certains auteurs signalent par un renvoi à la législation publique cantonale (Pascal PAYLLIER, Rechtsprobleme der ärztlichen Aufklärung unter besonderer Berücksichtigung der spitalärztlichen Aufklärung, 1999, p. 101 sous note de bas de page n. 294).

8) Au vu des considérations juridiques qui précèdent, chaque médecin est personnellement tenu de respecter ses obligations professionnelles à l'égard du patient. En effet, ni les relations internes (notamment hiérarchiques) existant entre les médecins, ni celles régissant le rapport entre l'établissement public et les médecins n'ont pour effet d'effacer les obligations juridiques susmentionnées du médecin vis-à-vis du patient. Celles-ci découlent non seulement de l'art. 10 al. 2 Cst., mais également de normes de droit international.

9) Il convient maintenant d’examiner l’étendue du devoir d’information auquel était tenue la Dresse A______ en l’espèce.

Lors de son séjour hospitalier, Mme B______ a été prise en charge à son admission, le 11 juin 2007, par le Dr C______, médecin référent. Elle a ensuite été confiée à la Dresse A______, désignée médecin opérateur par le
Prof. I______, chef du service. À partir du 14 juin 2007, elle n’a plus revu la patiente, qui a été confiée aux médecins présents jusqu’à sa prise en charge par le Dr G______ (première opération du 15 juin 2007), puis par le
Dr H______ (deuxième et troisième opérations des 26 juin et 3 juillet 2007).

10) Le devoir d’information de la Dresse A______ doit être analysé dans le contexte de cette prise en charge collective et focalisé sur sa propre intervention.

Lors de sa consultation du 12 juin 2007, ce médecin a palpé la patiente et suspecté une hernie inguinale à gauche. Elle a prescrit une échographie pour confirmer ou infirmer ses doutes, ce dont Mme B______ ne s’est pas plainte. Étant dans l’ignorance du résultat de cette analyse, ce médecin n’était pas tenu, à ce stade de sa prise en charge, de dresser à cette patiente le tableau des différentes stratégies opératoires possibles qui découleraient des résultats hypothétiques de cet examen. Il n’était pas contraire aux intérêts de la patiente, analysés au regard de son droit à l’auto-détermination et au consentement éclairé, qu’elle attende le résultat de cet examen pour lui donner une information claire et circonstanciée sur son état de santé, les mesures thérapeutiques possibles et les changements de stratégie opératoire possibles consécutifs.

Indépendamment du report de l’opération et du transfert de la prise en charge de cette patiente à d’autres médecins, la recourante n’avait pas d’obligation, jusqu’à ce transfert le 14 juin 2007, de donner d’autres informations à la patiente que celles qu’elle lui a transmises sur son état de santé et sur les mesures thérapeutiques envisagées.

11) La commission reproche à la Dresse A______ de ne pas avoir informé la patiente qu’un autre médecin prendrait finalement sa place comme opérateur.

Encore faudrait-il qu’elle ait eu connaissance de ce fait avant l’intervention. En effet, lorsqu’elle a décidé de repousser la date de l’opération, la
Dresse A______ ne savait pas quand Mme B______ serait opérée et par qui. Il n’est pas établi qu’elle ait exclu que ce fût par elle, malgré le report de l’opération et sa propre absence des 14 et 15 juin 2007. D’ailleurs, les événements prouvent qu’elle n’avait aucune maîtrise sur les événements, puisque
Mme B______, bien qu’opérable le 14, n’a trouvé une place que le 15 juin 2007 (en fin de programme et parce que celui-ci était allé plus vite que prévu), et que la décision a été prise par le chef du service seul. Il ressort clairement du dossier que ce type de décisions est pris au jour le jour, en fonction de l’état de santé des patients, des disponibilités du bloc opératoire et du planning de présence des médecins opérateurs. La conjonction de ces facteurs n’est pas prévisible pour le médecin dont l’intervention a été reportée. Il appartient donc, dans un tel contexte, au médecin opérateur nouvellement désigné, s’il a changé, de fournir au patient concerné toute information utile sur les changements intervenus dans sa situation. Cette solution se justifie également par le fait que c’est à ce médecin (et non au médecin précédemment désigné) que le patient doit donner son consentement éclairé à l’atteinte à l’intégrité corporelle qu’il va lui faire.

Il est également logique, dans le contexte d’une prise en charge en milieu hospitalier, que ce soit le dernier médecin en charge, et non celui préalablement désigné, qui s’assure que le patient a reçu toute information utile sur le résultat des examens récemment prescrits (en l’espèce, la confirmation par l’échographie du diagnostic de double hernie), des possibles stratégies opératoires correspondantes et de celle qui emporte sa préférence en l’espèce, la procédure ayant établi que les options choisies pour un même cas de figure pouvaient différer d’un médecin à l’autre. Il ne peut ainsi être fait grief à la Dresse A______ qui n’a au surplus jamais été informée des résultats de l’échographie demandée, de n’avoir pas informé la patiente de la stratégie opératoire qui serait finalement retenue (choix qui ne lui revenait pas) ou de ne pas avoir pris elle-même des mesures organisationnelles pour s’assurer que cette obligation serait respectée par le médecin ultérieurement désigné.

Au vu de ces éléments, c’est à tort que la commission a retenu à l’encontre de la recourante une violation du droit à l’information de la plaignante.

12) La commission reproche enfin à la Dresse A______ d’avoir violé l'art. 53 LS en ne rédigeant pas de notes de suite relatives à sa consultation du
12 juin 2007. Ces notes auraient dû indiquer qu’elle avait suspecté une double hernie lors de l’examen clinique et demandé un examen complémentaire en raison de ce fait.

En vertu de l'art. 53 LS, le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l'anamnèse, le résultat de l'examen clinique et des analyses effectuées, l'évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l'indication de l'auteur et de la date de chaque inscription.

En l'espèce, la recourante a suspecté une double hernie lors de la consultation susmentionnée. Elle a prescrit un examen médical complémentaire, sans le mentionner au dossier. Cependant, se sachant absente le lendemain et le surlendemain, elle a fait part à ses collègues de l’examen demandé et discuté avec eux des conséquences de son résultat sur les stratégies opératoires. Il n’est pas contesté que le résultat de l’ultrason inguinal demandé a été intégré dans le dossier médical de la patiente le jour même de l’examen, soit le 14 juin 2007.

Il a été établi que la procédure orale utilisée constitue une pratique dans le service. Son respect a pleinement assuré, en l’espèce, la qualité de la prise en charge, par les médecins suivants, de la santé de Mme B______, ceux-ci ayant été dûment informés de tous les éléments importants la concernant.

13) La commission a néanmoins considéré que l’existence d’une telle pratique ne pouvait être valablement invoquée par la recourante.

Si la commission peut faire preuve de sévérité dans l’application des dispositions protégeant les droits des patients et interpréter la loi de manière restrictive, elle doit adopter une attitude cohérente et conforme, notamment, aux principes constitutionnels de l’interdiction de l’arbitraire, de l’intérêt public et de la proportionnalité.

Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 p. 182 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière.

Par rapport à ses collègues, la Dresse A______ a été traitée avec une sévérité qui ne trouve pas d’explication dans le dossier. Le Dr G______, qui a procédé à la première opération - et qui est ainsi l’auteur de la première atteinte à l’intégrité corporelle - a pu se prévaloir des mauvaises règles d’organisation du service pour se disculper d’une absence d’information donnée à la patiente sur les résultats de l’échographie ayant confirmé l’existence d’une double hernie et pour s’affranchir de son consentement éclairé pour l’opération. Le Prof. I______ a été affranchi de toute faute et a fait l’objet d’une simple invitation à modifier ses règles organisationnelles (dont d’ailleurs celle relative à l’absence de notes de suite) alors qu’il en était responsable en sa qualité de chef de service. Ces deux procédures, portant sur le même complexe de faits, ont été classées. Ce classement est entré en force suite aux arrêts rendus par la chambre de céans du 18 septembre 2012.

De son côté, la recourante n’a pas été directement mise en cause dans la plainte, qui porte essentiellement sur les faits postérieurs à son intervention. Elle n’a causé aucune atteinte à l’intégrité corporelle de la patiente. Sa prise en charge n’a eu aucune influence sur les événements malheureux supportés ensuite par celle-ci, ce qui n’est pas contesté. Au regard du défaut d’information qui a été admis par la commission dans le cas du Dr G______, les manquements qui lui sont reprochés et qui fondent l’avertissement apparaissent dérisoires.

14) Cette différence de traitement n’est pas soutenable et choque le sentiment de la justice et de l’équité.La présente affaire marque en effet un grave déséquilibre entre, d’une part, la mansuétude de la commission à l’égard de violations dont l’origine se trouve dans une organisation dont le fonctionnement défaillant menace les droits de patients et favorise un contexte d’erreurs médicales et, d’autre part, sa rigueur à l’égard d’un médecin dont les manquements reprochés n’ont eu aucune influence concrète sur les problèmes de santé rencontrés par la patiente suite à sa prise en charge.

L’avertissement prononcé viole en conséquence l’interdiction de l’arbitraire.

15) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

16) Aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la Dresse A______, à la charge de l’État de Genève (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2014 par Mme A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 9 décembre 2013 ;

 

au fond :

l’admet ;

constate l’absence de violation des droits de patient de Mme B______ par Mme A______ ;

annule la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 9 décembre 2013 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Mme A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Sara Dousset et Grégoire Mangeat, avocats de la recourante, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ainsi qu'à Me Michael Rudermann, avocat de Mme B______.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :