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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/106/2021

ATA/1168/2021 du 02.11.2021 sur JTAPI/839/2021 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/106/2021-LCR ATA/1168/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 novembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Samir Djaziri, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2021 (JTAPI/839/2021)


EN FAIT

1) Le 7 novembre 2017, vers 02h00, Monsieur A______, né le ______1976, a été grièvement blessé à l'occasion d'un accident, alors qu'il circulait en état d'ébriété au guidon de sa moto.

À teneur du rapport de police établi le 28 janvier 2018 suite à cet événement, et de ses annexes, il avait alors une concentration d'éthanol dans le sang située entre 1.99 et 2.76 gr. ‰. Il avait circulé à une vitesse inadaptée, n'était pas resté maître de son motocycle et avait percuté un trottoir, ce qui avait provoqué sa chute.

2) Par courrier du 31 janvier 2018, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) lui a fait savoir que les autorités de police lui avaient transmis leur rapport. Son attention était attirée sur le fait qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale, de sorte qu'un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour produire ses observations écrites.

3) Le 23 février 2018 l'OCV a, à la demande de M. A______, suspendu la procédure dans l'attente de l'issue du volet pénal.

4) Par ordonnance pénale du 26 octobre 2018, le Ministère public (ci-après : MP) a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de cent jours-amende, assortie du sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 1'400.- pour infraction à l'art. 91 al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), laquelle absorbait en l'espèce l'infraction à l'art. 90 al. 1 LCR, vu l'état d'ébriété important du prévenu.

Il lui était reproché d'avoir circulé au guidon d'un motocycle avec un taux d'alcoolémie minimal de 1.99 gr. ‰ dans le sang ainsi que d'avoir perdu la maîtrise de son véhicule et heurté le trottoir.

Cette condamnation est entrée en force suite au retrait, annoncé le 3 février 2020, de l'opposition formée par M. A______ contre l'ordonnance pénale. L'OCV en a été informé par le MP le 30 octobre 2020.

5) L'OCV a accordé à M. A______ un délai au 16 novembre, puis au 23 novembre 2020 à sa demande, pour lui soumettre d'éventuelles observations, ce que celui-ci a fait par courriers des 23 novembre et 7 décembre 2020.

6) Par décision du 11 décembre 2020, prise en application de l'art. 15d al. 1 let. a LCR, l'OCV a fait obligation à M. A______ de se soumettre à une expertise auprès de l'unité de médecine et psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML). S'il ne donnait pas suite aux requêtes et convocations des experts, son permis de conduire serait retiré à titre préventif.

Sous « infraction(s) retenue(s) », il est indiqué :

« Conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit avec un taux d'alcoolémie minimum au moment critique de 1.99 gr. ‰, vitesse inadaptée aux circonstances ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation, de la visibilité, perte de maîtrise du véhicule, heurt d'un trottoir et embardée, le 07.11.2017 à 01:54 sur la route de B______ en direction d'C______ au guidon d'un motocycle ».

L'examen du dossier incitait l'OCV à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite, raison pour laquelle cet examen était ordonné. Les frais d'expertise étaient à sa charge. Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude auraient été élucidées ou, en cas de non soumission à l'expertise, dans un délai de trois mois.

Un recours contre cette décision pouvait être formé dans les dix jours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

7) M. A______ a formé recours contre cette décision, reçue selon lui le 14 décembre 2020, par acte expédié le 11 janvier 2021 au TAPI, concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCV « afin qu'une nouvelle décision soit prise dans le sens des considérants ».

Formé contre une décision finale et le délai de recours de trente jours, arrivant à échéance le 27 janvier 2021 compte tenu des féries judiciaires du 18 décembre 2020 au 2 janvier 2021, son recours était recevable.

Le MP ne l'avait aucunement reconnu coupable de vitesse inadaptée aux circonstances, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Les faits du 7 novembre 2017 étaient isolés, dans la mesure où il n'avait jusqu'alors « aucunement conduit s'il avait consommé de l'alcool ». Il n'avait d'ailleurs aucun antécédent jusque-là et n'avait fait l'objet d'aucune sanction administrative ou procédure pénale pour des faits postérieurs, étant souligné que son permis de conduire n'avait pas été retiré à titre préventif. Enfin, il consommait de l'alcool de façon très occasionnelle et ne conduisait pas dans une telle hypothèse. Dans ces conditions, il ne pouvait y avoir aucun doute quant à son aptitude à la conduite, de sorte que les conditions de l'art. 15d al. 1 let. a LCR n'étaient pas réalisées.

8) Le 12 mars 2021, l'OCV a conclu au rejet du recours.

9) Dans une réplique du 14 mai 2021, M. A______ a relevé qu'il s'était soumis à un examen sanguin le 21 avril 2021. Il ressortait notamment du rapport y relatif, sous la rubrique « produit d'addiction », qu'il présentait un taux de CDT (Carbohydrate Deficient Transferrinde) de 1.51 %, soit largement inférieur à la norme de 2.50 %. Cette analyse corroborait pleinement ses explications selon lesquelles les faits du 7 novembre 2017 étaient isolés et sa consommation d'alcool très occasionnelle.

10) Par jugement du 26 août 2021, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Ce dernier, qui était à tort parti du principe que la décision entreprise était une décision finale, ne s'était aucunement prononcé sur la question de l'existence d'un préjudice irréparable, alors qu'il lui incombait de le faire. Néanmoins, dès lors que ladite décision mentionnait que les frais d'expertise seraient à sa charge, qu'il devrait (très vraisemblablement) s'acquitter d'une avance et que s'il ne se soumettait pas à l'expertise, son permis lui serait retiré, la condition de l'art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) apparaissait réalisée.

Plus de trois années s'étaient écoulées entre l'évènement ayant donné lieu à la décision attaquée et le prononcé de celle-ci, ce qui était regrettable et entachait passablement la crédibilité, la justification et le caractère compréhensible de la mesure attaquée, étant souligné que lorsqu'il était question d'un retrait de sécurité, il n'était pas critiquable de ne pas attendre l'issue de la procédure pénale et de statuer sans délai. Il n'en demeurait pas moins qu'il n'appartenait ni à M. A______, ni au TAPI, à ce stade, de se déterminer sur la question de l'aptitude à la conduite de celui-là, à laquelle l'expertise souhaitée par l'OCV devait justement répondre. La seule question qui se posait à ce stade était celle de l'existence ou non de doutes quant à cette aptitude, susceptible de justifier la mise en œuvre d'une telle expertise. Or, il n'était pas contesté que M. A______ avait conduit un véhicule avec un taux d'alcool dans le sang situé entre 1.99 et 2.76 gr ‰, ce qui fondait en soi un soupçon préalable que son aptitude à la conduite pourrait être réduite, de sorte qu'il devait se soumettre à une enquête, comme l'exigeait l’art. 15d al. 1 let. a LCR.

L'OCV n'avait pas de marge de manœuvre à cet égard et les résultats d'analyse du 22 avril 2021 qui, à eux seuls, n'étaient pas significatifs, n'apparaissaient aucunement suffisants, au vu de la jurisprudence, pour lever de tels doutes. La mesure querellée ne prêtait donc pas le flanc à la critique.

11) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 6 septembre 2021, concluant à son annulation de même qu'à celle de la décision de l'OCV du 11 décembre 2020, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPI.

Il n'avait été condamné pénalement que pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié pour des faits isolés, en novembre 2017 et sa consommation d'alcool n'était qu'occasionnelle, ce que démontrait le résultat de l'examen sanguin du 21 avril 2021. Il ne pouvait partant y avoir aucun doute quant à son aptitude à la conduite.

12) L'OCV a indiqué, le 30 septembre 2021, ne pas avoir d'observations particulières et M. A______, le 19 octobre 2021, ne pas souhaiter répliquer.

13) Sur ce, les parties ont été informées le 21 octobre 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, c’est-à-dire dans le délai de dix jours s’agissant d’une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) car prise pendant le cours de la procédure et ne représentant qu’une étape vers la décision finale (ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités), et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3, 57 let. c, 62 al. 1 let. b et
63 al. 1 let. a LPA).

2) L'objet du litige est la conformité au droit de la décision incidente de l'OCV du 11 décembre 2020, faisant obligation au recourant de se soumettre à une expertise auprès du CURML.

a. En vertu de l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et à la lumière de laquelle l’art. 57 let. c LPA doit être interprété (ATA/12/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4 et les arrêts cités), un préjudice est irréparable au sens de
l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF - RS 173.110) lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ;
134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/12/2018 précité consid. 4). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de
celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

Selon le Tribunal fédéral, l'ordre de se soumettre à une évaluation psychiatrique porte irrévocablement atteinte au droit fondamental de la liberté personnelle tel que prévu à l'art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et constitue donc une menace de préjudice irréparable de nature juridique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_655/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.3).

b. En l'espèce, le TAPI a justement retenu que le recourant n'avait nullement exposé en quoi la condition de l'exposition à un préjudice irréparable serait réalisée. Il a néanmoins retenu qu'un tel risque existait conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle une décision est susceptible de causer un préjudice irréparable si le recourant encourt un retrait provisoire du permis de conduire et doit avancer les frais de l'examen médical auquel il doit se soumettre, et qui ne lui seront peut-être pas restitués (arrêts 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 1 notamment).

La décision attaquée mentionne expressément que les frais d'expertise sont à la charge du recourant. Elle ne prévoit en revanche pas que le recourant devrait s'acquitter d'une avance de frais, ce qu'il ne rend pas même vraisemblable.

La question de l'application de la jurisprudence du Tribunal fédéral susmentionnée en lien avec une expertise psychiatrique, à l'expertise destinée à déterminer l'aptitude du recourant à la conduite, toujours sous l'angle de l'existence d'un préjudice irréparable, se pose, vu l'atteinte moindre à la liberté personnelle que la seconde de ces expertises semble induire.

Cette question d'un préjudice irréparable, que le recourant aurait fût-ce succinctement dû aborder dans son recours, peut néanmoins souffrir de rester ouverte au vu de ce qui suit.

3) Selon l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès ou l'abus d'appréciation (al. 1 let. a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n'ont toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (al. 2).

4) En matière de répression des infractions relatives à la circulation routière, le droit suisse connaît le système de la double procédure pénale et administrative : le juge pénal se prononce sur les sanctions pénales (amende, peine pécuniaire, travail d'intérêt général ou peine privative de liberté) prévues par les dispositions pénales de la LCR (art. 90 ss LCR) et par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 34 ss, 106 et 107 CP), tandis que les autorités administratives compétentes décident de mesures administratives (avertissement ou retrait de permis) prévues par les art. 16 ss LCR. Une certaine coordination s'impose entre ces deux procédures.

La jurisprudence a ainsi établi que, en principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire ne peut pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2015 du 7 septembre 2015 consid. 2.1).

En l'espèce, le recourant a, par ordonnance pénale du MP du 26 octobre 2018, devenue exécutoire, été reconnu coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié, soit de 1.99 gr. ‰ dans le sang. Il lui a aussi été reproché une violation de son devoir de prudence (art. 26 LCR) et une perte de maîtrise de son véhicule (art. 31 LCR), soit une infraction à l'art. 90 al. 1 LCR, laquelle a toutefois été absorbée par l'art. 91 al. 2 let. a LCR, compte tenu de son important état d'ébriété.

5) a. Selon l'art. 14 al. 1 et 2 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite, à savoir en particulier avoir atteint l'âge minimal requis (let. a), posséder les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffrir d'aucune dépendance l'empêchant de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et ses antécédents doivent attester qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

b. Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, FF 2010 77055). Un examen d'aptitude est en particulier ordonné pour des personnes ayant conduit un véhicule à moteur avec une concentration d'alcool dans le sang de 1.6 gr. ‰ ou plus, ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 milligramme ou plus par litre d'air expiré (art. 15d al. 1 let. a LCR ; Message, FF 2010 7755), ce sans exigence de facteurs additionnels (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, Stämpfli, 2015, n. 10.3.1 p.  74).

c. Selon le Tribunal fédéral, l'art. 15d al. 1 let. a LCR, en vigueur depuis le 1er juillet 2014, impose en en tous les cas un examen de l'aptitude à la conduite lorsqu'un conducteur a circulé en étant pris de boisson avec un taux d'alcool dans le sang supérieur ou égal à 1.6 gr. ‰. Des concentrations aussi élevées sont l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'addiction (Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière, FF 2010 p. 7755 et les auteurs cités). Un tel seuil avait d'ailleurs déjà été mis en évidence comme référence dans la jurisprudence rendue sous l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid 5. et références citées).

La chambre administrative a retenu qu'un taux d'alcool dans le sang d'au minimum 1,74 g ‰, justifiait à lui seul la mise en œuvre d'un examen d'aptitude au sens de l'art. 15d al. 1 let. a LCR. Ce taux constituait un indice d'un problème de consommation abusive d'alcool, voire d'une addiction (ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 4)

d. Conformément à l'art. 16 al. 1 LCR, le permis de conduire doit être retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance, énoncées par l'art. 14 LCR, ne sont pas ou plus remplies. Il y a notamment lieu de retirer le permis de conduire, pour une durée indéterminée, lorsque la personne souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite (art. 16d al. 1 let. b LCR) ou que ses aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile (art. 16d al. 1 let. a LCR).

e. Dans son Message du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, le Conseil fédéral a relevé que la consommation d'alcool pouvait justifier un retrait du permis de conduire pour inaptitude même en l'absence de dépendance au sens de l'art. 16d al. 1 let. b LCR. Il a retenu qu'il y avait lieu dans ce cas de déterminer, par une expertise psychologique, si le permis de conduire devait être retiré à la personne concernée en se fondant sur l'art. 16d al. 1 let. a LCR, la personne n'étant pas en mesure, pour des motifs psychiques, de choisir entre boire et conduire (FF 1999 4106 ss, spéc. 4136 ad art. 16d LCR ; Cédric MIZEL, op. cit., n. 21.2 p. 163). Ce raisonnement a été confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014 du 9 décembre 2014 consid. 4).

6) a. Le retrait de sécurité pour cause d'alcoolisme constitue une atteinte importante à la personnalité du conducteur concerné. L'autorité doit donc, avant de prononcer un tel retrait, éclaircir dans chaque cas la situation de l'intéressé (ATF 129 II 82 consid. 2.2). L'examen de l'incidence d'une toxicomanie sur le comportement comme conducteur en général ainsi que la détermination de la mesure de la dépendance exigent des connaissances particulières, qui justifient le recours à des spécialistes, donc que soit ordonnée une expertise (ATF 133 II 384 consid. 3.1; ATF 129 II 82 consid. 4.1). L'étendue des examens officiels nécessaires dépend des particularités du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82 consid. 2.2).

b. Concernant spécifiquement les exigences que doit respecter une expertise pour constituer une base de décision suffisante en matière de retrait de sécurité, il résulte de la jurisprudence que la mise en évidence d'une consommation d'alcool nuisible pour la santé suppose d'abord une analyse de laboratoire où divers marqueurs sont mesurés ; les résultats ainsi obtenus doivent être appréciés en relation avec d'autres examens, tels que l'analyse approfondie des données personnelles, l'examen détaillé des courses effectuées en état d'ébriété, une anamnèse de l'alcoolisme - soit l'analyse du comportement de consommation (consommateur d'habitude ou occasionnel) de l'intéressé et de son impression subjective à ce propos - ainsi qu'un examen médical complet (ATF 129 II 82 consid. 6.2 et les références citées).

c. En l'espèce, compte tenu du taux d'alcool que le recourant avait dans le sang le 7 novembre 2017 au petit matin, de 1.99 gr. ‰ au minimum, soit nettement supérieur à 1.6 gr. ‰, l'OCV n'avait pas d'autre choix que d'ordonner la mise en œuvre d'une expertise afin de lever tout doute sur l'éventualité d'une dépendance à l'alcool et sur l'aptitude à la conduite du recourant. Ce taux constitue un indice d'un problème de consommation abusive d'alcool, voire d'une addiction. Que les faits remontent à bientôt quatre ans déjà de même que l'absence d'autres condamnations depuis lors ou antérieurement pour des faits spécifiques n'y change rien.

À cet égard, le rapport d'analyse de sang produit par le recourant, quand bien même il est récent, ne suffit pas à remplir les exigences d'une expertise telle que rappelées ci-dessus.

Le recours sera partant, dans la mesure de sa recevabilité, rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 6 septembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 août 2021 ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir Djaziri, avocat du recourant, à l'office cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral des routes.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Michel et Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :