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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1867/2015

ATA/1069/2016 du 20.12.2016 sur JTAPI/31/2016 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; INTÉRÊT PUBLIC ; LOGEMENT ; MARCHÉ LOCATIF
Normes : Cst.29.al2 ; LDTR.25 ; LDTR.39 ; RDTR.13
Parties : ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES- ASLOCA / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE- OCLPF, BAEZA Guillermo
Résumé : Autorisation d'aliéner accordée par le DALE selon l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. Confirmation de l'autorisation par substitution de motifs par le TAPI, en vertu de l'art. 39 al. 2 LDTR. Confirmation du jugement du TAPI, qui a correctement effectué la pesée des intérêts. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1867/2015-LDTR ATA/1069/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2016

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES- ASLOCA

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE- OCLPF

et


Monsieur Guillermo BAEZA
représenté par Me Christophe Gal, avocat

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2016 (JTAPI/31/2016)


EN FAIT

1) Monsieur Guillermo BAEZA a acquis en janvier 2007, en copropriété, dans le cadre d'une société simple, l'immeuble sis 5, avenue Ernest-Pictet sur la parcelle 5246, feuille 30 du cadastre de Genève, section Petit-Saconnex.

2) Le 29 juin 2007, l'immeuble susmentionné a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE).

3) Parallèlement, les membres de la société simple ont procédé au partage-attribution des dix appartements constituant l'immeuble. M. BAEZA s'est vu attribuer l'appartement n° 3.02 de sept pièces au 1er étage.

Cette opération n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'aliéner soumise au département des constructions et des technologies de l'information, devenu par la suite le département de l'urbanisme, puis le département de l'aménagement du territoire et de l'énergie (ci-après : le département ou le DALE).

4) Le 13 mars 2015, M. BAEZA a sollicité auprès du DALE l'autorisation d'aliéner son bien en faveur de Monsieur Félix GANZ.

5) Par arrêté du 27 avril 2015, le département a autorisé cette vente pour un prix total de CHF 1'350'000.-, en appliquant l'art. 39 al. 4 let. d de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), et subsidiairement l'art. 39 al. 2 LDTR.

Bien que l'opération de partage-attribution n'ait pas été soumise au DALE pour que celui-ci délivre une autorisation d'aliéner, il fallait considérer que l'appartement en cause avait bel et bien été individualisé au sens de la jurisprudence et que par conséquent il avait fait l'objet d'une autorisation d'aliéner au sens de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. De plus, le requérant n'était propriétaire que d'un appartement sur les dix constituant l'immeuble, et l'acquéreur avait l'intention d'habiter dans ledit logement. La pesée des intérêts amenait le DALE à délivrer l'autorisation de vente.

6) Le 1er juin 2015, l'Association genevoise des locataires (ci-après : l'ASLOCA) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l'autorisation précitée, concluant à son annulation.

L'art. 39 al. 4 let. d LTDR comportait deux conditions cumulatives, soit la délivrance d'une autorisation d'aliéner et l'effectivité d'une aliénation individualisée, la première n'étant pas réalisée dans le cas d'espèce.

En effet, l'appartement dont était propriétaire M. BAEZA n'avait initialement pas fait l'objet d'une autorisation d'aliéner au moment du partage-attribution, de sorte que le DALE ne pouvait pas déduire de cette aliénation un motif d'autorisation pour l'appartement en cause.

Les conditions de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR n'étaient dès lors pas remplies, et rien au dossier ne faisait transparaître un quelconque intérêt privé de l'acquéreur pouvant primer l'intérêt public de sauvegarder le parc locatif genevois.

7) M. BAEZA s'est opposé au recours le 10 juillet 2015.

L'appartement litigieux n'était plus sur le marché locatif vu qu'il y habitait depuis plusieurs années. Il n'avait d'autre choix que de vendre le bien car son épouse ne souhaitait pas y vivre. Dès lors, la pesée des intérêts penchait pour une autorisation d'aliénation de l'appartement au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. De plus, selon la jurisprudence, les conditions d'autorisation d'aliéner de l'art. 39 al. 4 let. d étaient remplies de sorte qu'en tous les cas, l'autorisation de vente devait être confirmée.

8) Par observations du 27 juillet 2015, le département a conclu au rejet du recours.

Il fallait considérer, au sens de la jurisprudence, que l'appartement en cause avait fait l'objet d'une autorisation d'aliéner lors du partage-attribution, de sorte que l'art. 39 al. 4 let. d LDTR s'appliquait et que le DALE avait ainsi l'obligation de délivrer l'autorisation d'aliéner.

9) L'ASLOCA a répliqué le 20 août 2015.

L'appartement, même si le propriétaire l'avait occupé pendant une vingtaine de mois, avait gardé son caractère locatif. L'intérêt public à ce que les appartements de l'immeuble en question ne soient pas tous individualisés et vendus supplantait l'intérêt privé, de complaisance, de M. BAEZA et de l'acquéreur, ce dernier habitant déjà très probablement dans l'appartement litigieux.

10) Par jugement du 12 janvier 2016, le TAPI a rejeté le recours et confirmé l'autorisation d'aliéner par substitution de motifs.

L'appartement de sept pièces visé rentrait dans la catégorie de logements où sévissait la pénurie. Il n'avait pas déjà fait l'objet d'une autorisation en vertu de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR lors de son aliénation dans le cadre du partage-attribution, de sorte que le département avait à tort délivré l'autorisation d'aliénation sur la base de l'article susmentionné.

Vu l'effet dévolutif du recours, le TAPI pouvait procéder à la pesée des intérêts en présence au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. L'intérêt privé tant du vendeur, souhaitant déménager avec son épouse, que de l'acquéreur devaient primer l'intérêt public du maintien du logement dans le parc locatif. En effet, l'appartement était sorti dudit parc locatif depuis 2013 car le propriétaire l'occupait personnellement depuis cette date. L'interdiction de la vente constituerait une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété.

11) Par acte du 16 février 2016, l'ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité en concluant, « sous suite de frais et dépens », à son annulation ainsi qu'à l'annulation de l'autorisation d'aliéner.

Le DALE n'avait pas instruit les faits pertinents nécessaires à la pesée des intérêts et le TAPI avait dès lors constaté les faits de manière incomplète. Le TAPI avait revu la décision en opportunité. Il ne disposait d'aucun pouvoir d'appréciation et ne pouvait ainsi pas confirmer l'autorisation par substitution de motifs. Le TAPI aurait dû renvoyer la cause au DALE pour nouvelle instruction et pour qu'il procède lui-même à une pondération des intérêts. L'argumentation du TAPI selon laquelle l'appartement était prétendument sorti du parc locatif car le propriétaire l'occupait depuis deux ans était arbitraire car ne reposant sur aucun fondement juridique. De plus, la seule motivation à l'origine de l'aliénation était la volonté de réaliser un investissement ou des liquidités, intérêts de pure convenance. L'opération était hautement spéculative, le profit que réaliserait l'intimé était de CHF 920'000.-, soit environ 214 % de rendement, sur huit ans. En aliénant le bien à M. GANZ, l'appartement serait retranché du marché locatif, ce qui contreviendrait à l'intérêt public. Les intérêts privés devaient céder le pas à l'intérêt public à la préservation du parc locatif.

12) Le 26 février 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d'observations.

13) Le 17 mars 2016, le DALE a conclu au rejet du recours et a persisté dans sa décision et ses écritures de première instance, adhérant subsidiairement au jugement du TAPI.

14) Le 4 mars 2016, M. BAEZA a transmis ses observations, dans lesquelles il concluait, « sous suite de frais et dépens », au rejet du recours de l'ASLOCA.

Du fait de l'effet dévolutif du recours et du plein pouvoir d'examen en fait et en droit, le TAPI était à même de substituer un motif d'autorisation à un autre, sans nécessité de renvoyer le dossier au DALE. Le TAPI n'avait pas revu la décision du DALE en opportunité, mais avait procédé à une pesée des intérêts comme il était tenu de le faire selon l'art. 39 al. 2 LDTR. L'appartement litigieux, seul bien dont le recourant était propriétaire, était logiquement sorti du marché locatif du simple fait qu'il n'était plus mis en location. Concernant la pesée des intérêts, le fait que l'appartement était sorti du parc locatif, que le vendeur n'était pas un professionnel de l'immobilier et n'était propriétaire que d'un appartement qu'il ne pouvait plus occuper, que le profit engrangé était bien moindre vu les frais occasionnés par et après l'achat de l'appartement devait primer l'intérêt public à maintenir ledit appartement dans le parc locatif genevois. L'intérêt privé de l'acquéreur, ayant résilié son contrat de bail et fait déménager sa famille de France en Suisse pour occuper l'appartement, supplantait également l'intérêt public.

15) Le 15 mars 2016, l'intimé a produit un courrier de la régie gérant la copropriété indiquant que M. BAEZA s'était acquitté d'un montant de CHF 148'961.45 dans le cadre de travaux de rénovation de la copropriété.

16) Dans ses déterminations du 27 avril 2016, l'ASLOCA a persisté dans l'intégralité de ses conclusions et a contesté la pondération des intérêts en jeu effectuée par le TAPI.

17) Le 10 octobre 2016, une audience de comparution personnelle et d'enquêtes a eu lieu.

a. M. BAEZA a confirmé ses explications antérieures.

Il s'était marié en 2014 et s'était installé avec son épouse dans l'appartement litigieux pendant huit mois. Cette dernière ne désirant pas continuer à résider dans le quartier, les époux s'étaient installés dans le logement que M. BAEZA occupait antérieurement et entre-temps mis à disposition d'un tiers.

La vente ne s'étant pas concrétisée du fait du recours, M. GANZ lui avait expliqué être à la rue, avec sa famille. Malgré les conseils qui lui avaient été donnés, il avait alors mis à disposition l'appartement pour la somme de CHF 2'500.- par mois, correspondant aux intérêts hypothécaires et aux charges. Auparavant, l'appartement était loué pour CHF 4'500.- par mois.

Il désirait vendre ce bien pour en acquérir un autre. Il ne pouvait pas obtenir de prêts hypothécaires lui permettant de financer deux appartements. Il était aussi propriétaire d'un logement de 3.5 pièces loué CHF 650.- par mois.

b. Entendu en qualité de témoin, M. GANZ a indiqué occuper l'appartement litigieux depuis le 15 juin 2015 en versant la somme de CHF 2'500.- par mois. Il était lié au propriétaire de l'appartement par un contrat de prêt.

Lorsqu'il avait signé l'acte de vente, le notaire lui avait indiqué qu'il y avait peu de chances qu'il y ait un recours. Il avait résilié son bail antérieur, comme l'avait fait sa compagne, laquelle était venue avec son fils de Paris. Ils étaient donc prêts à s'installer dans l'appartement lorsque la vente avait été bloquée par le recours et il s'était retrouvé, de même que sa compagne et son fils, à la rue avec leurs meubles.

S'il ne pouvait pas acheter l'appartement, sa situation serait catastrophique, car sa compagne et lui-même avaient eu entre-temps un bébé alors âgé de six mois. Le financement qu'il avait obtenu ne concernait que cet appartement précis. En tout état, il ne désirait pas rester dans un logement en qualité de locataire car il voulait acquérir un logement.

18) Comme cela avait été convenu lors de l'audience, le recourant à transmis le 24 octobre 2016 le contrat de prêt à usage et les avenants le liant à M. GANZ.

Ces documents confirmaient les déclarations recueillies lors de l'audience.

19) Sur quoi, la cause était gardée juger, ainsi que cela avait été convenu lors de l'audience de comparution personnelle.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). En outre, de jurisprudence constante, l'ASLOCA jouit de la qualité pour recourir au sens de l'art. 45 al. 3 LDTR (ATA/80/2014 du 12 février 2014 consid. 1). Le recours est dès lors recevable.

2) La recourante reproche au TAPI d'avoir procédé à la pesée des intérêts en présence, sans avoir connaissance de tous les faits pertinents ni le pouvoir de cognition nécessaire.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2).

b. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l'affaire qui en est l'objet passe à l'autorité de recours (art. 67 al. 1 LPA).

c. En l'espèce, le TAPI, qui, tout comme la chambre administrative, a un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, a confirmé la décision litigieuse par substitution de motif en procédant à la pesée des intérêts prescrite par l'art. 39 al. 2 LDTR, de sorte qu'il n'a pas statué en opportunité et n'a pas outrepassé son pouvoir de cognition.

Par ailleurs, la recourante affirme que le TAPI n'aurait pas été en possession des faits nécessaires à la pesée des intérêts et aurait de ce fait dû renvoyer le dossier au DALE pour instruction complémentaire. Elle n'apporte toutefois aucune substance à son grief et n'allègue aucun fait pertinent dont le TAPI n'aurait pas eu connaissance, ceci tout en se référant dans son acte de recours aux faits tels qu'établis par ce dernier. Au surplus, le TAPI - à l'image de la chambre administrative à présent - disposait d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Ce grief sera par conséquent écarté.

3) La recourante affirme que le TAPI aurait à tort confirmé la délivrance de l'autorisation d'aliéner à M. BAEZA.

a. L'aliénation sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logement où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR). Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

b. Selon l'art. 11 al. 3 RDTR, par appartement jusqu'alors offert en location, au sens de l'art. 39 al 1 LDTR, il faut entendre, soit l'appartement loué lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner (let. a), l'appartement vide ou vacant lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, mais qui a précédemment été loué par son propriétaire actuel (let. b) ou l'appartement occupé, lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, par son propriétaire, si celui-ci a précédemment loué l'appartement considéré (let. c). Nonobstant la teneur de l'art. 11 al. 3 RDTR, une autorisation d'aliéner doit impérativement être requise en cas de vente d'un ou plusieurs appartement(s) acquis par voie d'adjudication (art. 11 al. 4 RDTR).

c. Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté, en 2015 et 2016, qu'il y a pénurie, au sens de l'art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logement où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR du 15 janvier 2015 et du 13 janvier 2016 - ArAppart - L 5 20.03).

d. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, la vente d'un appartement est soumise à autorisation pour autant que ce dernier entre, du fait de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (ATA/356/2012 du 5 juin 2012 consid. 8d et 10).

e. En l'espèce, l'appartement litigieux, situé dans un immeuble d'habitation en troisième zone et donc assujetti à la LDTR (art. 2 LDTR), comporte sept pièces et entre ainsi dans une catégorie de logement où sévit la pénurie.

Le TAPI a ainsi à juste titre constaté que l'appartement était soumis à autorisation d'aliéner.

4) a. Le DALE autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (let. a), était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b), n'a jamais été loué (let. c), a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en propriété par étages et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que l'acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée (art. 39 al. 4 LDTR).

En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le DALE est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner, ce qui résulte d'une interprétation tant littérale - le texte indique que l'autorité « accorde » l'autorisation, sans réserver d'exception - qu'historique - l'art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l'art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l'autorité ne pouvait refuser l'autorisation - du texte légal. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l'incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition (ATA/80/2014 précité consid. 8).

b. Au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé du recourant à aliéner l'appartement dont il est propriétaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011).

Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le DALE procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 RDTR). L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque le propriétaire doit vendre l'appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (let. b) ou du fait de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (let. c ; art. 13 al. 3 RDTR). Le DALE refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR).

La politique prévue par la LDTR procède d'un intérêt public important (arrêt du Tribunal fédéral 1C_143/2011 du 14 juillet 2011 consid. 2.2). Le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire au principe de la proportionnalité, dès lors qu'il est consécutif, de la part de l'autorité administrative, à une pesée des intérêts en présence et à une évaluation de l'importance du motif de refus envisagé au regard des intérêts privés en jeu. En effet, la restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa).

5) En l'espèce, les intérêts qui s'opposent sont, d'une part, les intérêts privés de l'aliénateur à la vente de l'appartement et l'intérêt de l'acheteur à acquérir celui-ci, et d'autre part, l'intérêt public à la protection du parc locatif genevois.

L'appartement litigieux a déjà fait l'objet d'une individualisation en 2007, lorsque M. BAEZA est devenu propriétaire de cet unique appartement par le biais du partage-attribution opéré en juin 2007. Cette individualisation n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'aliéner. Le bien a été occupé pendant près de deux ans par l'intimé, soit le propriétaire, de sorte que ce logement est sorti depuis lors du parc locatif genevois. À noter que la situation présente est différente de celle de l'ATA/784/2012 dans lequel l'appartement litigieux avait été précédemment loué avant la demande d'autorisation d'aliéner.

Par ailleurs, le souhait de M. BAEZA de vendre l'appartement afin de pouvoir emménager dans un nouvel appartement avec son épouse est un élément important que le TAPI a, à juste titre, pris en considération dans la pesée des intérêts. Le futur acquéreur a comme projet de vivre personnellement dans ce logement, avec sa compagne et ses enfants venant de France, ce qui constitue également un élément important à prendre en compte dans la pesée des intérêts, ce que le TAPI a fait à raison.

Au vu de ce qui précède, l'intérêt privé de M. BAEZA à aliéner l'appartement et de M. GANZ à l'acquérir doit être qualifié de prépondérant et le TAPI, à bon droit, a retenu qu'il serait disproportionné de contraindre l'intimé à en rester propriétaire.

6) Dans ces circonstances, le jugement du TAPI confirmant par substitution de motifs l'autorisation délivrée par le DALE est conforme au droit et le recours à son encontre, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'ASLOCA (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. BAEZA (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2016 par l'ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 janvier 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l'ASLOCA un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à Monsieur Guillermo BAEZA une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'ASLOCA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'ASLOCA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, à Me Christophe GAL, avocat de Monsieur Guillermo BAEZA ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :