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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/649/2020

ATA/1062/2020 du 27.10.2020 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;EMPLOYÉ PUBLIC;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;MOTIF;JUSTE MOTIF;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPAC.21; LPAC.22; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.22; RPAC.44; RPAC.46A; LOPP.7; LOPP.19; ROPP.26; ROPP.29
Résumé : Confirmation de l’existence d’un motif fondé de résiliation des rapports de service, la recourante, agent de détention, ayant remis à un détenu des photographies la représentant et propagé des rumeurs sur une collègue sous ses ordres durant plusieurs mois. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/649/2020-FPUBL ATA/1062/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2020

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Jamil Soussi, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1978, a été engagée le ______ 2004 par l’office pénitentiaire, devenu l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD), actuellement rattaché au département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci-après : le département). Le ______ 2005, elle a été nommée à la fonction de surveillante de prison, puis elle s’est vu octroyer le chevron d’appointée le ______ 2011. Le ______ 2016, elle a été promue au grade de surveillante principale adjointe avec effet rétroactif au ______ 2014, fonction requalifiée de gardienne principale adjointe dès 2017, à la suite d’une modification législative. Selon son cahier des charges, elle était notamment amenée à remplacer le gardien principal.

Dès son engagement, Mme A______ a été affectée à la prison de
B______ (ci-après : la prison), où elle a effectué l’entier de sa carrière, sauf entre décembre 2013 et octobre 2014, période durant laquelle elle a été détachée à la maison d’arrêt C______ jusqu’en mai 2014, puis à l’établissement fermé D______.

2) Les entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) de 2011 et 2016 de Mme A______ ont relevé qu’elle était travailleuse, dévouée et compétente dans sa fonction.

3) a. Durant son activité à la prison, Mme A______ a fait l’objet de diverses procédures disciplinaires, notamment :

- en 2010, d’un avertissement, pour avoir utilisé un téléphone interne à des fins privées ;

- en 2012, d’un blâme, pour avoir giflé et injurié une collègue ;

- en septembre 2013, pour un courriel déplacé, procédure disciplinaire classée pour cause de prescription ;

- en 2015, d’un entretien de service resté sans suite, pour avoir tardé à dénoncer à sa hiérarchie un ancien collègue, avec lequel elle avait entretenu une relation intime, qui avait proféré des menaces de mort à l’encontre du directeur de la prison.

b. Mme A______ a également fait l’objet de rapports d’incidents, notamment :

- le 16 octobre 2017, par Mme E______, surveillante, qui a fait état d’un incident survenu avec Mme A______ le même jour ainsi que de rumeurs propagées par cette dernière à son encontre, selon lesquelles elle aurait entretenu une relation amoureuse avec un détenu, à qui elle aurait permis la remise de divers objets en provenance de l’extérieur de la prison ;

- le 9 novembre 2017, par sa hiérarchie, qui a fait état d’insultes proférées par Mme A______ à l’encontre d’une surveillante, l’intéressée ayant quitté son poste lors de la surveillance des détenues en raison d’un différend avec l’une de ses collègues.

4) Le 9 avril 2018, Mme A______ a été reçue, à sa demande, par le
gardien-chef adjoint des ressources humaines (ci-après : RH). Lors de cette séance, Mme A______ a fait part à ce dernier des agissements de M. F______, agent de détention sous ses ordres, qui avait refusé d’accomplir les tâches qu’elle lui avait demandé d’exécuter, ainsi que des propos irrespectueux à son égard tenus par un autre gardien. Selon Mme A______, cette situation causait, depuis le mois de décembre 2017, une ambiance délétère au sein de sa brigade, une partie de ses membres s’étant liguée contre elle.

5) Le 19 avril 2018, Mme A______ a été reçue, à sa demande, par le
gardien-chef au sujet d’une garde effectuée le 17 novembre 2017 en compagnie de M. F______ au cours de laquelle celui-ci l’aurait agressée sexuellement.

6) Le 20 avril 2018, la direction de la prison a suspendu M. F______ de ses fonctions et dénoncé ces faits au Ministère public, lequel a ouvert une procédure pénale n° P/1______/2018, dont il a confié l’instruction à l’inspection générale des services (ci-après : IGS). Selon le rapport de celle-ci, le déroulement des événements, tel que relaté par Mme A______, n’avait pas pu être confirmé par les témoins entendus, qui avaient fait état d’une soirée de brigade intervenue deux semaines après les faits et au cours de laquelle la partie plaignante avait été vue très proche de M. F______.

7) À la suite de cette plainte, plusieurs gardiens travaillant au sein de la brigade supervisée par Mme A______ ont exprimé à la direction de la prison leur soutien à M. F______.

8) À compter du 20 avril 2018, Mme A______ a été en incapacité de travail.

9) En mai 2018, Mme A______ a été informée que sa candidature au poste de gardienne principale n’avait pas été retenue.

10) À sa demande, Mme A______ a été reçue, le 22 juin 2018, par la direction des RH de l’OCD pour un entretien, au cours duquel il lui a été expliqué que sa candidature au poste de gardienne principale n’avait pas été retenue non en raison de ses prestations, qui n’étaient pas remises en cause, mais de sa personnalité, à savoir de problèmes de « savoir-être », « au niveau du relationnel ».

Lors de cet entretien, Mme A______ a fait état de difficultés rencontrées sur son lieu de travail, indiquant néanmoins ne pas vouloir être déplacée dans un autre établissement mais souhaitant continuer à travailler au sein de la prison.

11) Le 9 octobre 2018, la direction des RH de l’OCD a informé les directions de deux établissements de détention que Mme A______ y ferait un stage, voire y serait détachée dès qu’elle recouvrirait sa capacité de travail, dans le courant du mois de novembre 2018, dès lors qu’en l’état un retour à la prison était compromis en raison de son implication, en qualité de victime, dans une procédure pénale.

12) Le 30 octobre 2018, la direction générale de l’OCD (ci-après : la direction générale) a écrit au Ministère public aux fins de vérifier des informations, portées à sa connaissance au début du mois d’octobre 2018 de source confidentielle et non vérifiée, au sujet de Mme A______, qui aurait transmis des photographies d’elle-même à un détenu dont elle avait la garde.

13) a. Le 13 novembre 2018, le Ministère public a répondu à la direction générale que la procédure n° P/2______/2015 ouverte consécutivement à la découverte d’une clé « USB » contenant des photographies de Mme A______ dans la cellule d’un détenu, soit Monsieur G______, avait fait l’objet d’un refus d’entrée en matière le 28 juin 2015, l’enquête n’ayant révélé la commission d’aucune infraction pénale.

b. Étaient annexées à ce courrier :

- deux photographies représentant Mme A______ vêtue de l’uniforme de la maison d’arrêt C______, deux autres sur lesquelles elle était partiellement dénudée et trois sur lesquelles elle figurait nue ;

- le procès-verbal d’audition en qualité de témoin de Mme A______ devant le Ministère public du 29 juin 2015, lequel lui avait demandé de se déterminer au sujet de ces photographies qui avaient circulé au sein de l’établissement I______ parmi les détenus et avaient été retrouvées en mains de
M. G______, incarcéré à la prison, sur une clé « USB ». Elle expliquait que les photographies en uniforme avaient été prises lorsqu’elle travaillait à
C______, les autres ayant été effectuées avant août ou septembre 2013. Elle avait transmis ces photographies à M. H______, un ami de M. G______, également détenu à l’établissement I______. Un an et demi, voire deux ans plus tôt, M. H______ lui avait confié que certains gardiens faisaient entrer des téléphones portables à la prison ainsi que des stupéfiants, ce dont elle avait fait part à l’IGS. Par la suite, alors qu’elle n’était plus en relation avec l’IGS, elle avait gardé contact avec M. H______, dans l’espoir qu’il lui transmette davantage d’informations à ce sujet, raison pour laquelle elle lui avait remis les photographies litigieuses ;

- le procès-verbal d’audition de M. G______ du 20 mai 2015, dans lequel il expliquait que la clé « USB » en question avait circulé entre une cinquantaine de détenus, qui y transféraient ainsi des films pour les visionner. Il utilisait la carte mémoire de ladite clé qu’il insérait dans son téléphone de manière à transférer son contenu sur sa « Playstation ». Il était arrivé à la prison I______ en janvier 2014 et avait eu la clé en main pour la première fois en novembre 2014.

14) Le 31 janvier 2019, la direction générale a convoqué Mme A______ à un entretien de service devant se tenir le 5 mars 2019 pour l’entendre au sujet des photographies trouvées sur une clé « USB » appartenant à un détenu et ayant circulé au sein de l’établissement I______.

15) À compter du même jour, Mme A______ a été libérée de son obligation de travailler.

16) Le 7 mars 2019, la direction générale a transmis à Mme A______ le procès-verbal de l’entretien de service effectué sous forme écrite le 5 mars 2019, y annexant le courrier de l’OCD du 30 octobre 2018 au Ministère public ainsi que la réponse de celui-ci et ses annexes. Sur la base de ces éléments, il lui était reproché d’avoir transmis des photographies la représentant dénudée ainsi qu’en uniforme à un détenu, incarcéré à la prison entre janvier et août 2013 avant son transfert à l’établissement I______. Ces faits, s’ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel et de service pouvant conduire à la résiliation des rapports de service pour motif fondé. Un délai lui était accordé pour faire valoir ses observations.

17) Le 29 mars 2019, Mme A______ a contesté l’existence d’un motif fondé de résiliation des rapports de service.

Son engagement personnel avait toujours donné satisfaction à sa hiérarchie, ce dont attestait sa constante évolution au sein de la prison, où elle avait œuvré avec fidélité, diligence et dévouement. Elle avait ainsi pris contact avec l’IGS après avoir constaté que des collaborateurs introduisaient illégalement des objets dans l’établissement, ce qui avait conduit au licenciement d’un gardien et à la démission d’un autre. Dans ce contexte, elle avait gardé contact avec M. H______ afin de recevoir davantage d’informations à ce sujet et lui avait remis des photographies la représentant alors qu’il ne se trouvait plus sous sa garde, ce qui n’était constitutif d’aucun manquement professionnel, ce d’autant que les faits en cause avaient été dénoncés anonymement en octobre 2018, quand bien même ils s’étaient déroulés entre 2013 et 2014. La résiliation de ses rapports de service apparaissait ainsi comme l’ultime étape d’un processus consistant à se débarrasser d’un élément perçu comme gênant au sein de la prison et constituait un prétexte, assimilable à du harcèlement psychologique.

18) Le 3 juin 2019, le conseiller d’État en charge du département (ci-après : le conseiller d’État) a ouvert une procédure de reclassement à l’endroit de Mme A______.

Dès lors qu’elle était amenée à suppléer sa supérieure en raison de son grade, elle ne pouvait pas se prévaloir des remplacements des collaborateurs dans un grade supérieur effectués, pas plus que de sa progression au sein de la prison, intervenue automatiquement en raison de son ancienneté. À plusieurs reprises, son comportement n’avait pas été exemplaire, au regard de son dossier et des sanctions disciplinaires infligées.

À la suite d’informations parvenues à sa connaissance, la direction générale avait immédiatement saisi le Ministère public en vue de la vérification des faits la concernant, lequel lui avait transmis les pièces pertinentes de la procédure pénale n° P/2______/2015. Ce n’était qu’une fois en possession de ces éléments que la procédure de résiliation des rapports de service avait été initiée. Le fait d’avoir dénoncé les comportements inadéquats d’autres collaborateurs n’excusait en rien ses agissements, graves de la part d’une collaboratrice occupant une fonction pour laquelle les exigences en termes d’intégrité étaient particulièrement élevées, étant précisé que le simple maintien d’un contact avec un détenu entachait déjà le lien de confiance l’unissant à son employeur. La remise de photographies à un détenu, dont certaines la représentant dénudée, constituait ainsi un manquement incompatible avec sa fonction. Il ne lui appartenait du reste pas d’enquêter sur des faits dénoncés à l’IGS. La procédure administrative était au demeurant distincte de la procédure pénale et indépendante de l’entrée en matière du Ministère public sur cette dernière. La prescription n’était pas non plus applicable auxdits faits, en l’absence de sanction disciplinaire prononcée à son encontre, mais d’une résiliation des rapports de service pour motif fondé, l’existence d’un prétendu harcèlement psychologique n’étant pas démontrée.

Ses griefs étaient ainsi mal fondés et les motifs invoqués par sa hiérarchie étaient dûment établis et constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service, justifiant l’ouverture d’une procédure de reclassement, d’une durée de deux mois.

19) Le 11 juin 2019, les responsables des RH ont reçu Mme A______ pour un entretien concernant son reclassement, dont le terme a été reporté au début du mois de septembre en raison de la période estivale. Un bilan intermédiaire a également eu lieu le 5 juillet 2019.

20) Le 14 juin 2019, les responsables des RH ont transmis le curriculum vitae de Mme A______ aux autres départements de l’administration afin de s’enquérir de l’existence éventuelle d’un poste pouvant correspondre à ses compétences, le délai de réponse étant fixé au 31 juillet 2019. À l’issue de cette échéance, seules des réponses négatives leur sont parvenues.

21) Entre les mois de juin et août 2019, les responsables des RH ont informé Mme A______ qu’aucun poste paru dans le bulletin des places vacantes de l’État ne correspondait à son profil, hormis un seul qui lui a été transmis.

22) Durant la même période, Mme A______ a informé les responsables des RH avoir postulé à plusieurs offres d’emploi au sein de l’État, candidatures que
ceux-ci ont alors soutenues.

23) Le 2 septembre 2019, les responsables des RH ont reçu Mme A______ pour un dernier entretien, au cours duquel il a été constaté que la procédure de reclassement n’avait pas abouti, de sorte que celle-ci serait clôturée et les rapports de service résiliés. Un délai lui était accordé pour d’éventuelles observations.

24) En parallèle, à la fin du mois d’août 2019, l’IGS, au bénéfice d’un « n’empêche » du Ministère public, a transmis à la direction générale les pièces de la procédure pénale n° P/3______/2018 ouverte contre Mmes A______ et E______, à savoir :

a. une plainte pénale déposée par Mme A______ le 27 août 2018 en raison d’affichettes apposés sur les véhicules stationnés sur le parking de la prison, intitulées « nympho recherche bite d’une nuit », sur lesquelles figuraient sa photographie, son numéro de téléphone et un texte indiquant en substance qu’elle offrait son corps ;

b. une plainte pénale déposée le 30 octobre 2018 par Mme E______ contre Mme A______ à laquelle elle reprochait d’avoir, dès fin 2016, propagé des rumeurs à son encontre, en particulier qu’elle aurait entretenu une relation sentimentale avec un détenu, qu’elle aurait fait entrer des objets au sein de la prison en faveur de celui-ci, qu’elle aurait fait des « parties à plusieurs » dans différents lieux de la prison et que son époux ne serait pas le père biologique de son enfant. Cette dernière rumeur, dont elle avait eu connaissance après son accouchement en mai 2018, avait créé des tensions dans son couple, son mari étant également agent de détention à la prison, raison pour laquelle elle avait décidé de se venger en apposant sur les voitures stationnées sur le parking de la prison des affichettes à connotation sexuelle concernant Mme A______ ;

c. le procès-verbal d’audition de Mme A______, aux termes duquel elle niait les faits que lui reprochait Mme E______, se souvenant toutefois avoir dit à un collègue que celle-ci lui avait confié avoir embrassé un détenu.
Mme E______ lui avait également révélé avoir remis à ce détenu une carte « SIM », ce qu’elle n’avait toutefois pas répété. Elle n’avait pas davantage émis de doute quant à la paternité du mari de Mme E______, ignorant du reste que celle-ci avait accouché. Des rumeurs circulaient d’ailleurs déjà au mois de décembre 2017 à ce sujet ;

d. le procès-verbal d’audition de Mme E______, selon lequel
Mme A______ avait, dès le mois de décembre 2016, propagé des rumeurs la concernant, notamment qu’elle se faisait « tourner par tous les collègues » et, au mois d’octobre 2017, qu’elle « couchait » avec des détenus et qu’elle leur procurait des téléphones. Elle avait dénoncé ces faits à sa hiérarchie, qui lui avait indiqué qu’elle agirait par la voie administrative. Elle s’était toutefois trouvée par la suite en arrêt maladie, de sorte qu’elle n’avait plus eu de contact avec le milieu de la prison. Après son accouchement au mois de mai 2018, elle avait eu connaissance d’une nouvelle rumeur la concernant, qui disait que son mari n’était pas le père de son enfant, ce qui l’avait excédée et avait été à l’origine de fortes tensions dans son couple, raison pour laquelle elle avait confectionné les affichettes sur Mme A______ ;

e. les procès-verbaux des agents de détention entendus, soit :

- M. J______, selon lequel Mme A______ lui avait confié, en septembre 2017, que Mme E______ faisait entrer dans la prison des téléphones pour un détenu qu’elle embrassait, faisant même des « parties à plusieurs » ;

- M. K______, qui a expliqué avoir discuté avec Mme A______, laquelle lui avait dit que Mme E______ faisait entrer des objets au sein de la prison ;

- Mme L______, selon laquelle elle avait entendu dire, mais pas de la bouche de Mme A______, que l’enfant de Mme E______ n’était pas celui de son mari ;

- M. M______, qui a indiqué avoir vu sur les réseaux sociaux un commentaire de Mme A______ sur la paternité de l’enfant de Mme E______ dans le courant du mois de juillet 2018 ;

- M. E______, selon lequel Mme A______ lui avait indiqué en décembre 2016 que son épouse était volage.

f. le rapport de l’IGS du 16 janvier 2019, selon lequel il ne ressortait pas des auditions menées que Mme A______ était la lanceuse des rumeurs à l’encontre de Mme E______, dès lors qu’elle avait indiqué s’être limitée à répéter ce que diverses personnes lui avaient dit.

25) Le 30 octobre 2019, la direction générale a convoqué Mme A______ à un nouvel entretien de service devant se tenir le 18 novembre 2019 pour l’entendre au sujet de la procédure pénale n° P/3______/2018 ouverte à son encontre, en particulier s’agissant des rumeurs répandues sur Mme E______ à compter du mois de décembre 2016.

26) Le 19 novembre 2019, la direction générale a transmis à Mme A______ le procès-verbal de l’entretien de service effectué sous forme écrite le 18 novembre 2019, y annexant les pièces de la procédure pénale n° P/3______/2018. Sur la base de ces éléments, il lui était reproché d’avoir propagé des rumeurs concernant Mme E______ dès décembre 2016, selon lesquelles celle-ci se serait montrée volage lors d’une soirée de brigade, qu’elle aurait fait des « parties à plusieurs » dans différents endroits de la prison, qu’elle avait fait entrer des objets dans l’enceinte de la prison en faveur d’un détenu, qu’elle avait également embrassé, et que l’enfant qu’elle portait n’était pas celui de son mari. Ces faits, s’ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs de service et du personnel pouvant conduire à une résiliation des rapports de service pour motif fondé. Ces motifs s’ajoutaient à ceux évoqués lors du précédent entretien du 5 mars 2019, étant précisé qu’elle avait déjà bénéficié d’une procédure de reclassement. Un délai lui était accordé pour faire valoir ses observations.

27) Le 20 décembre 2019, Mme A______ a contesté l’existence de tout manquement professionnel. Les faits nouvellement reprochés s’inscrivaient dans le seul litige l’opposant à Mme E______, dont la direction de la prison avait connaissance à tout le moins depuis 2017, de sorte que sa responsabilité disciplinaire était à présent prescrite. Aucune suite n’avait ainsi été donnée au rapport d’incident de Mme E______ du 16 octobre 2017, alors même que la direction de la prison avait tout loisir de procéder à des investigations, ce qui pouvait laisser penser que les faits en cause ne justifiaient le prononcé d’aucune sanction ni d’ailleurs de licenciement.

28) Par ordonnance du 7 janvier 2020, le Ministère public a classé la procédure pénale n° P/3______/2018, à la suite du retrait des plaintes respectives de Mmes A______ et E______.

29) Par décision du 21 janvier 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseiller d’État a résilié les rapports de service de Mme A______ pour motif fondé, à savoir inaptitude à remplir les exigences du poste, avec effet au 30 avril 2020.

Les motifs lui avaient été communiqués lors de deux entretiens de service et étaient fondés au vu des éléments du dossier, ses observations n’étant pas de nature à remettre en cause son licenciement.

La procédure de reclassement s’était soldée par un échec, en dépit de la prolongation du délai de deux mois initialement accordé et des efforts déployés par les responsables des RH.

Elle n’avait pas œuvré avec fidélité, diligence et dévouement dans l’exercice de ses fonctions. Durant sa carrière, son comportement ne s’était pas révélé exemplaire, au regard des sanctions administratives dont elle avait fait l’objet, sa progression au sein de la prison s’étant limitée aux grades automatiques. De surcroît, il revenait à l’employeur de juger de la nécessité et de la pertinence de traiter les manquements par la voie administrative, indépendamment de leurs conséquences pénales.

Le simple maintien d’un lien avec un détenu était déjà répréhensible et la transmission de photographies personnelles constituait un manquement totalement incompatible avec sa fonction, tout comme le fait de répandre des rumeurs sur une collègue, qui tendait à déstabiliser l’harmonie devant régner entre collègues pour le bon fonctionnement du service. Dans ce cadre, la prescription disciplinaire ne trouvait pas application et l’accord trouvé avec Mme E______ ne faisait pas obstacle à la présente procédure administrative.

Compte tenu des graves manquements qui lui étaient reprochés, la poursuite des rapports de service n’était plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration.

30) Par acte du 21 février 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, « avec suite de frais et dépens », à son annulation et à sa réintégration, subsidiairement au versement d’une indemnité de CHF 198'068.40 en sa faveur, correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement.

Aucun motif ne fondait son licenciement. Elle avait œuvré au sein de la prison durant seize ans, son travail ayant donné entière satisfaction à sa hiérarchie au regard des échelons qu’elle avait gravis, les sanctions disciplinaires dont elle avait fait l’objet étant anciennes. Les faits en lien avec la transmission des photographies résultaient d’une dénonciation anonyme, à laquelle la direction générale ne pouvait donner aucune suite. Indépendamment de la question de l’ancienneté de ces faits, le maintien du contact avec un prévenu était non seulement connu de l’IGS, mais également encouragé par celle-ci. Elle avait par ailleurs agi dans l’intérêt de l’État, dans l’unique but d’obtenir des informations, ce qui n’était pas de nature à ébranler la confiance de son employeur, ce d’autant que personne n’avait eu connaissance desdits faits. En outre, la procédure l’opposant à Mme E______ ayant été classée, il ne se justifiait pas non plus de retenir les faits en lien avec celle-ci à son encontre, étant précisé que ceux-ci étaient connus de la direction depuis longtemps et n’avaient donné lieu à aucune sanction ni reproche la concernant.

Son licenciement, abusif, s’inscrivait dans le contexte d’une « cabale » menée à son encontre par certains de ses collègues à compter du mois de novembre 2017, avec l’appui de sa hiérarchie, dès lors qu’elle subissait quotidiennement les attaques de gardiens placés sous sa responsabilité, sans compter l’agression sexuelle dont elle avait fait l’objet à la même époque. Aucune mesure n’avait au demeurant été prise à la suite de l’affaire des affichettes.

31) Le 2 juin 2020, le département a conclu au rejet du recours.

Le licenciement de Mme A______ était fondé. Elle n’avait pas adopté un comportement exemplaire, puisqu’elle n’avait pas respecté la distance professionnelle dont elle devait en tout temps faire preuve à l’égard des détenus. Plus grave encore était le fait de remettre à un détenu des objets personnels, étant précisé que les photographies litigieuses avaient vraisemblablement circulé auprès d’une cinquantaine de détenus. Ce faisant, Mme A______ avait perdu toute crédibilité et il n’était pas exclu que des détenus sous sa garde aient pu avoir connaissance desdites photographies. Elle ne pouvait pas non plus être suivie lorsqu’elle alléguait avoir agi dans l’intérêt de l’État, n’ayant au demeurant pas dénoncé à sa hiérarchie les présumées infractions perpétrées par ses collègues et empêchant son employeur de prendre les mesures requises. En outre, les faits qui avaient été portés à la connaissance de la direction générale émanaient d’une source confidentielle, et non anonyme, l’employeur étant alors en droit, ce qu’il avait fait, de solliciter le concours du Ministère public.

En répandant au sein de la prison des rumeurs sur Mme E______, surveillante sous ses ordres, Mme A______ s’était montrée irrespectueuse et avait porté atteinte à l’honneur de celle-ci afin de la rendre méprisable aux yeux des autres collaborateurs ainsi que de graves accusations à son encontre qui mettaient en cause son intégrité professionnelle. Ces manquements résultaient des témoignages de plusieurs collaborateurs entendus dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre, étant précisé que les faits se trouvant dans le rapport d’incident du 16 octobre 2017 n’avaient pas pu être vérifiés à la suite des incapacités de travail successives des collaboratrices concernées. Ce n’était qu’en prenant connaissance du rapport de l’IGS en août 2019 que la direction générale avait été informée de l’ensemble des manquements commis par Mme A______.

Les allégations selon lesquelles son licenciement constituait un prétexte étaient tout aussi infondées, étant précisé que des mesures avaient immédiatement été prises à l’encontre de M. F______ après qu’elle eut dénoncé son comportement, intervenu au demeurant cinq mois plus tôt. Le harcèlement psychologique de la part de ses collègues dont elle se prévalait était en outre sans lien avec les faits qui lui étaient reprochés.

Le principe de proportionnalité avait également été respecté, le licenciement ayant été prononcé à la suite de l’échec de la procédure de reclassement, étant précisé que Mme A______ avait fait l’objet de plusieurs sanctions administratives et avait un problème récurrent de comportement qu’elle n’avait pas été en mesure de corriger.

32) Le 3 juin 2020, Mme A______ a persisté dans ses précédentes écritures, concluant au surplus à l’établissement en sa faveur d’un certificat de travail conforme à son certificat de travail intermédiaire.

Le 4 mai 2020, son employeur avait établi un certificat de travail indiquant qu’elle avait œuvré à l’ensemble de ses tâches à sa satisfaction, alors même que le certificat de travail intermédiaire établi le 11 juillet 2019 indiquait qu’elle s’était acquittée de se tâches à l’entière satisfaction de celui-ci.

33) Le 23 juin 2020, le département a persisté dans ses précédentes écritures. Mme A______ ne pouvait modifier ses conclusions au-delà du délai de recours, sous peine de forclusion. La demande d’établissement d’un certificat de travail était irrecevable. En tout état de cause, il n’existait pas de différence significative notable entre « notre satisfaction » et « notre entière satisfaction ».

34) Le 13 août 2020, Mme A______ a répliqué, persistant dans les termes de son recours.

La procédure pénale l’opposant à M. F______ avait été reprise, tous deux ayant été entendus par le Ministère public durant l’été.

35) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (al. 2).

L’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/805/2020 du 25 août 2020 consid. 3b et les références citées).

b. En l’espèce, les conclusions nouvelles prises par la recourante dans son écriture du 3 juin 2020 tendant à la correction de son certificat de travail reçu dans l’intervalle sont tardives et, dès lors irrecevables (ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3), quand bien même ledit certificat a été établi postérieurement au recours.

3) Le litige porte ainsi sur la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante pour motif fondé.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA).

5) La recourante, membre du personnel pénitentiaire de la prison, est soumise à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC -
B 5 05) et à ses règlements d’application, sous réserve des dispositions particulières de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50 ; art. 1 al. 1
let. c LPAC ; art. 6 al. 1 LOPP) et du règlement sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 22 février 2017 (ROPP - F 1 50.01 ; art. 1 al. 1 ROPP).

6) a. En matière de résiliation des rapports de service, les dispositions contenues dans la LOPP, entrée en vigueur le 1er mars 2017, relatives aux agents de détention qui sont confirmés dans leur fonction, notamment la résiliation pour motif fondé (art. 22 al. 3 let a à c LOPP) et les délais applicables (art. 22
al. 4 LOPP), sont analogues aux dispositions contenues dans la LPAC.

b. À teneur de l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé.

Le motif fondé, au sens de l’art. 22 LPAC, n’implique pas l’obligation pour l’employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/560/2020 du 9 juin 2020 consid. 8a).

c. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l’aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATA/805/2020 précité consid. 5).

7) a. À teneur de l’art. 20 du règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Selon l’art. 21 RPAC, les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés et de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c).

En présence d’une situation de conflit, ce sont avant tout des motifs d’inaptitude et des manquements dans le comportement qui justifient la fin des rapports de travail. Des manquements dans le comportement de l’employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu’ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l’employé perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise (en l’espèce, de la prison) ou qu’il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (ATA/562/2020 précité consid. 6f et les références citées).

De jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s’intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l’intéressé (ATA/856/2020 précité consid. 7a et la référence citée).

S’agissant de l’exécution du travail, l’art. 22 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (al. 1). Ils se doivent de respecter leur horaire de travail (al. 2), d’assumer personnellement leur travail et de s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (al. 3).

b. Selon l’art. 7 al. 1 LOPP, le personnel pénitentiaire est chargé d’assurer les tâches de surveillance interne et externe, de maintien de l’ordre, de conduite et de sécurité intérieure au sein des établissements (let. a) ainsi que de garantir les tâches d’accompagnement et d’encadrement nécessaires aux personnes détenues dans le respect des droits fondamentaux et des principes en matière de privation de liberté, en particulier l’accompagnement à la réinsertion (let. b).

Avant d’entrer en fonction, les agents prêtent serment et s’engagent à remplir avec dévouement les devoirs de la fonction à laquelle ils sont appelés, à suivre exactement les prescriptions relatives à leur office qui leur sont transmises par les supérieurs dans l’ordre hiérarchique, à garder le secret de fonction sur toutes les informations que la loi ou les instructions reçues ne leur permettent pas de divulguer, à dire, dans les rapports de service, toute la vérité sans faveur ni animosité et, en général, à apporter à l’exécution des travaux qui leur sont confiés fidélité, discrétion, zèle et exactitude (art. 19 LOPP).

Selon l’art. 26 ROPP, le personnel pénitentiaire observe à l’égard des personnes détenues une attitude courtoise et exemplaire (al. 1). Il est notamment interdit au personnel pénitentiaire de vendre ou de remettre à titre personnel des produits ou objets quelconques à une personne détenue (al. 2 let. a), de transmettre de la correspondance, des colis, des produits ou objets quelconques, de l’extérieur à l’intérieur et inversement, sans l’autorisation de la direction de l’établissement (al. 2 let. b), de favoriser une personne détenue, les membres de sa famille, son avocat ou toute autre personne désireuse d’entrer en contact avec elle (al. 2 let. d).

Par ailleurs, le membre du personnel pénitentiaire signale immédiatement à son supérieur hiérarchique ou à la direction de l’établissement notamment toute irrégularité dans le fonctionnement du service, ainsi que tout fait ou comportement suspect (art. 29 al. 1 let. b et c ROPP).

c. Les agents de détention de la prison sont également soumis au respect du code de déontologie du 21 mars 2012 (ci-après : le code) qui établit les principes généraux dans lesquels s’inscrivent leurs activités (ch. 1.1 du code). Le personnel doit ainsi adopter, en tout temps et en tout lieu, en et hors service, un comportement digne, respectueux d’autrui et exemplaire en matière de représentativité de la fonction publique en général (ch. 3.1 du code). Envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés, le personnel porte une attention permanente visant à établir, maintenir et renforcer l’esprit de corps et la camaraderie. Il applique en particulier envers eux les principes de bienveillance, de respect, de loyauté, de transparence, de confiance et de courtoisie (ch. 3.5 du code).

8) La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (ATA/1780/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4b et les références citées). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019 consid. 13e). Lorsqu’un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1).

9) Selon l’art. 44 RPAC, un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (al. 1). La convocation doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l’entretien, ce délai pouvant être réduit lorsque l’entretien a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (al. 3). La convocation précise la nature, le motif de l’entretien et les personnes présentes pour l’employeur et rappelle le droit de se faire accompagner (al. 4). Le droit d’être entendu est exercé de manière écrite dans les situations où un entretien de service ne peut pas se dérouler dans les locaux de l’administration en raison, notamment de son absence pour cause de maladie (al. 6). Le supérieur hiérarchique transmet par écrit au membre du personnel les faits qui lui sont reprochés et lui impartit un délai de trente jours pour faire ses observations (al. 7).

10) a. En l’espèce, l’intimé a résilié les rapports de service de la recourante pour avoir, d’une part, transmis à un détenu des photographies la représentant et gardé contact avec ce dernier et, d’autre part, propagé des rumeurs à l’encontre d’une collègue sous ses ordres, griefs qui lui ont été communiqués lors de deux entretiens de service sous forme écrite, respectivement datés des 5 mars et 18 novembre 2019, et à l’égard desquels elle s’est déterminée après avoir reçu les procès-verbaux y relatifs.

b. Il ressort du dossier, en particulier des pièces de la procédure pénale n° P/2______/2015 dans le cadre de laquelle la recourante a été entendue en qualité de témoin, que celle-ci a, entre 2013 et 2014, remis à M. H______, détenu avec lequel elle était restée en contact, des photographies la représentant en uniforme ainsi que dénudée, faits qui ne sont pas contestés.

La recourante allègue toutefois avoir procédé de la sorte en vue d’obtenir des informations de la part de ce détenu au sujet de gardiens ayant fait entrer illégalement dans l’enceinte de la prison des téléphones portables et des stupéfiants, ce dont elle avait informé l’IGS. Elle perd toutefois de vue que, lors de la remise desdites photographies, elle n’était déjà plus en relation avec l’IGS, comme elle l’a indiqué lors de son audition devant le Ministère public, de sorte que rien ne justifiait leur transmission à M. H______, pas plus que de rester en contact avec ce dernier, une fois transféré à l’établissement I______. La recourante ne peut pas non plus se prévaloir du fait que M. H______ ne se serait plus trouvé sous sa garde, ce qui n’est pas déterminant et ne saurait justifier le comportement qui lui est reproché. À cela s’ajoute que les photographies litigieuses n’ont pas été trouvées en possession de ce détenu, mais en celle de M. G______, sur une clé « USB » ayant circulé entre plusieurs autres détenus, alors que celui-ci était incarcéré au sein de la prison où Mme A______ travaillait.

La recourante ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle affirme que les faits, anciens, ne peuvent être retenus à son encontre, dès lors qu’ils ont été dénoncés anonymement. Si les faits en cause se sont certes déroulés entre 2013 et 2014, à la suite desquels le Ministère public a ouvert une procédure pénale en 2015, ils n’apparaissaient pas pour autant avoir été connus de l’intimé avant octobre 2018, étant précisé que la prescription de l’art. 27 al. 7 LPAC ne s’applique pas au licenciement ordinaire (ATA/33/2018 du 16 janvier 2018 consid. 8d). L’intimé en ayant pris connaissance de source confidentielle, il a requis le concours du Ministère public aux fins de leur vérification le 30 octobre 2018. Ce n’est ainsi qu’à la suite de la réponse de cette autorité du 13 novembre 2018 que l’intimé a été en mesure de prendre les dispositions qui s’imposaient, à savoir convoquer la recourante à un entretien de service, ce qui ne prête pas le flanc à la critique.

Au regard de ces éléments, c’est à juste titre que l’intimé a considéré que la recourante avait violé ses devoirs de service en transmettant à un détenu des photographies et en gardant contact avec celui-ci dans les circonstances du cas d’espèce.

c. L’intimé reproche à la recourante d’avoir propagé des rumeurs au sujet de Mme E______ dès fin 2016, ce qu’elle ne conteste pas dans le cadre de la présente cause. Il ressort en effet de la procédure pénale n° P/3______/2018 ouverte à son encontre qu’elle a admis avoir dit à l’un de ses collègues que Mme E______ lui avait raconté avoir embrassé un détenu et lui avoir procuré un téléphone portable. Ces faits ont été corroborés par les témoins entendus dans le cadre de cette procédure, qui ont en outre fait état de ce que la recourante leur aurait dit que Mme E______ faisait des « parties à plusieurs » dans l’enceinte de la prison, qu’elle était volage et que son enfant n’était pas celui de son mari. Quand bien même le rapport de l’IGS fait état de ce qu’il n’avait pas été établi que la recourante était bien à l’origine desdites rumeurs, il apparait néanmoins qu’elle les a propagées, ce qui constitue une violation de ses devoirs de service.

À cela s’ajoute que Mme E______, dans son rapport d’incident du 16 octobre 2017, faisait déjà mention de tels éléments rapportés par la recourante. Dans ce cadre, s’il est vrai que les rumeurs selon lesquelles Mme E______ aurait entretenu une relation amoureuse avec un détenu à qui elle aurait remis un téléphone portable étaient connues de la direction de la prison, leur portée n’a été découverte qu’à compter de la transmission, par l’IGS, à la suite du « n’empêche » du Ministère public, des pièces de la procédure pénale y relative, dans le courant du mois d’août 2019, étant rappelé que la remise en cause de la paternité de M. E______ sur son enfant a conduit son épouse à apposer les affichettes à l’effigie de la recourante sur les voitures stationnées dans l’enceinte de la prison. Pour les mêmes motifs que précédemment mentionnés, la recourante ne peut pas non plus invoquer la prescription. Il n’est pas davantage déterminant que ladite procédure pénale ait fait l’objet d’un classement par le Ministère public, intervenu à la suite du retrait des plaintes réciproques de Mme A______ et E______.

C’est dès lors également à juste titre que l’intimé a considéré que la propagation, par la recourante, de rumeurs à l’encontre de sa collègue était constitutive d’une violation de ses devoirs de service.

d. Contrairement à ce que soutient la recourante, l’on ne saurait voir dans son licenciement un prétexte assimilable à un harcèlement psychologique, dont elle n’a fait aucune mention avant le mois d’avril 2018, alors même qu’elle a indiqué qu’il avait cours depuis novembre 2017. Ce n’est également que le 19 avril 2019 qu’elle a fait part de l’agression sexuelle que M. F______ lui aurait fait subir à la même période. La direction de la prison a d’ailleurs immédiatement pris des mesures, suspendant l’intéressé de ses fonctions et dénonçant les faits au Ministère public, qui a ouvert une procédure pénale à son encontre, laquelle est toujours en cours. Rien n’indique toutefois que ces événements auraient été à l’origine de la résiliation des rapports de service de la recourante, les faits qui lui sont reprochés apparaissant sans lien avec ceux-ci. À cela s’ajoute qu’avant d’avoir connaissance des faits reprochés à Mme A______, l’intimé envisageait de la réintégrer dans deux établissements de détention autres que la prison dans le courant du mois de novembre 2018, ce qu’atteste le courriel du 9 octobre 2018 de la direction des RH de l’OCD versé au dossier.

e. La recourante se prévaut de la qualité de son travail, qui aurait toujours donné satisfaction, ainsi que de ses longs états de service et des grades obtenus. Ses aptitudes professionnelles n’ont pas été remises en cause par l’intimé, étant néanmoins précisé qu’elle a fait l’objet de plusieurs procédures disciplinaires durant sa carrière à la prison, dont une ayant conduit au prononcé d’un blâme pour avoir giflé et injurié une collègue. Un certain nombre de rapports d’incident ont également été dressés la concernant, dénotant des problèmes comportementaux qu’elle n’apparaît toutefois pas avoir corrigés depuis lors, ce qu’a du reste relevé la direction des RH de l’OCD le 22 juin 2018, raison pour laquelle sa candidature au poste de gardienne principale n’a pas été retenue. Il n’est pas non plus déterminant que ses EEDP n’aient pas fait mention des faits de la cause, qui n’étaient alors pas connus de sa hiérarchie.

f. C’est dès lors de manière conforme au droit que l’intimé a constaté l’existence d’un motif fondé de résiliation des rapports de service de la recourante pour inaptitude à remplir les exigences du poste. Ce faisant, elle n’a pas violé le principe de proportionnalité, déjà concrétisé par la procédure de reclassement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.3.3), l’intérêt public à la bonne marche du service, au vu des manquements qui lui sont reprochés, commandant de mettre un terme aux rapports de service.

g. Au vu de ce qui précède, l’intimé pouvait résilier les rapports de service de la recourante, le délai légal pour ce faire ayant été respecté (art. 20 al. 3 LPAC), ce qui n’est pas contesté, pas plus que n’est alléguée l’existence d’une période de protection pour résiliation en temps inopportun, ce qui n’est pas le cas. La recourante ne prétend pas non plus que la procédure de reclassement aurait été entachée d’irrégularités ; il ressort au demeurant du dossier qu’elle a été menée conformément au droit. Dans la mesure où ladite procédure s’est achevée sans que la recourante ait fait l’objet d’un reclassement, l’intimé pouvait rendre la décision litigieuse et procéder à la résiliation des rapports de service.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

11) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera octroyée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 21 février 2020 par Mme A______ contre la décision du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé du 21 janvier 2020 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Mme A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jamil Soussi, avocat de la recourante, ainsi qu’au département de la sécurité, de l’emploi et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :