Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/584/2014

ATA/1017/2017 du 27.06.2017 sur JTAPI/564/2014 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/584/2014-PE ATA/1017/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______
représentés par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mai 2014 (JTAPI/564/2014)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1974, ressortissant du Kosovo, est le père de trois enfants : B______, né le ______1995 ; C______, né le ______1998 ; D______, né le ______1999. Il s’est séparé de leur mère, également ressortissante du Kosovo, en 2000 et a alors vécu avec ses enfants auprès de sa mère, jusqu’en 2008.

2) Au début de l’année 2008, M. A______ est arrivé en Suisse.

3) Le 27 mars 2009, M. A______ a épousé Madame E______, ressortissante suisse domiciliée à Genève, mère de deux enfants issus de son précédent mariage, nés respectivement le _______ 1989 et le ______ 1991, avec lesquels les époux A______ ont fait ménage commun dans un appartement de quatre pièces.

4) Le 31 juillet 2009, M. A______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il était alors employé d’une entreprise d’étanchéité.

5) Le 14 décembre 2011, le Tribunal municipal de F______, au Kosovo, a fait droit à la demande de M. A______ d’obtenir la garde, le soin et l’éducation de ses trois enfants, jusqu’alors placés sous la tutelle de leur tante paternelle. Les enfants voulaient vivre avec leur père car il disposait de meilleurs moyens pour assurer leur subsistance et leur éducation.

6) Le 13 janvier 2012, le centre des affaires sociales de F______ a attesté que la mère de B______ autorisait ce dernier à se rendre en Suisse pour y rejoindre son père.

7) Le 2 mars 2012, M. B______ a déposé auprès de la représentation diplomatique suisse à Pristina, une demande d’autorisation de séjour en Suisse au titre du regroupement familial. Cette demande était contresignée par sa mère.

8) Le 22 juin 2012, l’OCPM a invité M. A______ à la renseigner de manière circonstanciée sur les contacts conservés avec son fils depuis son arrivée en Suisse, le contexte dans lequel ce dernier vivait actuellement, les visites en Suisse de son fils et ses attaches avec son pays d’origine, le régime de la garde de son fils, les raisons qui justifieraient actuellement un regroupement familial et, enfin, sur l’existence d’autres enfants et ses intentions les concernant. Ces renseignements et les justificatifs requis devaient permettre à l’autorité d’examiner l’opportunité de l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de B______.

9) À une date indéterminée, M. A______ a transmis plusieurs documents officiels kosovars relatifs à la situation de son fils et a indiqué qu’il en avait obtenu la garde. Sa sœur qui s’en occupait n’était plus à même de le faire car celui-ci avait grandi. Il souhaitait le faire venir auprès de lui afin de lui assurer une meilleure éducation et un meilleur bien-être. Son fils n’était jamais venu en Suisse car il vivait au Kosovo et avait été très attaché à sa grand-mère aujourd’hui décédée. Lui-même se rendait deux fois par an au Kosovo et gardait des contacts par téléphone avec son fils. Ses deux autres enfants habitaient chez leur tante et il ne pensait pas les faire venir en Suisse car ils allaient encore à l’école.

10) Par décision du 10 janvier 2014, notifiée par l’entremise de l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), à M. B______ à l’adresse de l’ambassade de Suisse à Pristina et reçue le 23 janvier 2014 par ce dernier, l’OCPM a refusé sa demande d’autorisation de séjour pour regroupement familial.

Au vu de l’ensemble des circonstances, en particulier le fait que la demande avait été présentée tardivement, alors que le requérant était âgé de 17 ans, qu’il vivait depuis au moins quatre ans séparé de son père par la libre volonté de ce dernier, faisait apparaître la démarche commune abusive, dans la mesure où elle semblait répondre plus à des motifs d’opportunité économique qu’à la volonté de reconstituer une cellule familiale en Suisse. La solution aurait été identique si la demande avait été déposée dans les délais légaux, dès lors que son père émargeait à l’assistance publique depuis le 1er septembre 2011.

11) Par acte du 24 février 2014, M. A______ et M. B______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM d’octroyer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à M. B______. Préalablement, il demandait la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’OCPM ait statué sur la demande de regroupement familial qu’il avait déposée en faveur de ses deux autres fils.

L’OCPM avait tardé à statuer de manière injustifiée et les faits n’avaient pas été correctement constatés. Il souhaitait accueillir ses fils avec lesquels il avait des liens étroits.

12) Le 24 avril 2014, l’OCPM a persisté dans sa décision, les arguments invoqués par le recourant n’étant pas de nature à lui faire modifier sa position.

13) Par jugement du 27 mai 2014, le TAPI a rejeté le recours de MM. A______ et B______.

Il n’y avait pas motif à suspendre la procédure. Il était établi et non contesté que la demande de regroupement familial avait été déposée hors délai ordinaire. Aucune raison familiale majeure ne pouvait être retenue pour autoriser le séjour en Suisse de M. B______. L’OCPM n’avait pas violé son pouvoir d’appréciation en refusant l’autorisation sollicitée.

14) Par acte du 27 juin 2014, MM. A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM en vue de l’octroi de l’autorisation sollicitée, reprenant leur argumentation antérieure.

Le contenu des pièces produites avec le recours sera détaillé plus avant en tant que de besoin.

15) Le 1er juillet 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans observations.

16) Le 30 juillet 2014, l’OCPM a conclu au rejet du recours, persistant dans sa décision et les motifs la fondant.

17) MM. A______ et B______ n’ont pas exercé leur droit à la réplique.

18) Le 31 juillet 2014, l’OCPM a transmis une attestation d’aide financière de l’Hospice général en faveur de M. A______, établie au 31 mai 2014, pour un montant de CHF 60'412.- versé depuis le 1er septembre 2011.

19) Le 12 novembre 2015, le juge délégué a demandé à MM. A______ et B______ s’ils persistaient dans leur recours, auquel cas ils étaient invités à actualiser leur situation respective.

20) Le 15 décembre 2015, les intéressés ont persisté dans leur recours. M. A______ n’était plus bénéficiaire de l’aide sociale. Il était au bénéfice d’un contrat de travail à temps complet et percevait une rémunération mensuelle brute de CHF 5'900.-.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), à savoir notamment s’il s’agit d’une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l’espèce.

3) L'objet du litige consiste à déterminer si l'OCPM, confirmé en cela par le TAPI, était en droit de refuser l'octroi d'une autorisation de séjour aux recourants au titre du regroupement familial.

4) a. Aux termes de l'art. 43 al. 1 LEtr, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui.

b. Les enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans du titulaire d’une autorisation d’établissement peuvent obtenir une autorisation de séjour si, cumulativement, ils vivent en ménage commun avec lui, disposent d’un logement approprié et ne dépendent pas de l’aide sociale (art. 44 LEtr).

c. Selon l’art. 47 al. 1 LEtr, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois. Le délai commence à courir lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou d’établissement ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEtr).  Passé ce délai, le regroupement familial différé n’est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEtr).

En l’espèce, la demande de regroupement familial en faveur de M. B______ a été déposée le 2 mars 2012, alors que ce dernier, né le ______ 1995,  était âgé de moins de 18 ans mais de plus de 12 ans. Le délai de douze mois prévu par l’art. 47 al. 1 LEtr est donc applicable. À la date de dépôt, M. A______ était titulaire d’une autorisation de séjour en Suisse depuis plus de deux ans, de sorte que le délai précité a été largement dépassé et que l’on doit apprécier la situation des recourants sous le seul angle du regroupement familial différé.

5) a. Aux termes de l’art. 75 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), des raisons familiales majeures peuvent être invoquées lorsque le bien de l’enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. Tel est notamment le cas lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d’origine, par exemple en cas de décès ou de maladie de la personne qui en a la charge (ATF 126 II 329). Dans ce contexte, l’intérêt de l’enfant, et non les intérêts économiques, comme la prise d’une activité lucrative, priment (Message concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 p. 3549), les autorités ne devant, au surplus, faire usage de l’art. 47 al. 4 LEtr qu’avec retenue, conformément aux directives du SEM (Domaine des étrangers, directives LEtr, 2013, état au 12 avril 2017, n. 6.10.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_897/2013 du 16 avril 2014 ; 2C_1198/2012 du 26 mars 2013 consid. 4.2 ; 2C_555/2012 du 19 novembre 2012 consid. 2.3).

La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a). Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, notamment dans les rapports de l'enfant avec le parent qui en avait la charge, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives, permettant à l'enfant de rester où il vit ; cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents (ATF 133 II 6 consid. 3.1.2). D'une manière générale, plus le jeune a vécu longtemps à l'étranger et se trouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs propres à justifier le déplacement de son centre de vie doivent apparaître sérieux et solidement étayés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_473/2014 précité consid. 4.3 ; 2C_1198/2012 précité consid. 4.2 ; 2C_132/2012 du 19 septembre 2012 consid. 2.3.1).

Le parent qui demande une autorisation de séjour pour son enfant au titre du regroupement familial partiel doit disposer seul de l'autorité parentale ou au moins du droit de garde. En cas d'autorité parentale conjointe, il doit obtenir l'accord exprès de l'autre parent auprès duquel l'enfant vit à l'étranger (ATF 136 II 177 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2011 du 28 juillet 2011 consid. 4 ; ATA/495/2017 du 2 mai 2017 consid. 5). Le risque est en effet que le parent résidant en Suisse utilise les dispositions de la LEtr en matière de regroupement familial pour faire venir un enfant auprès de lui, alors qu'il n'a pas l'autorité parentale sur celui-ci ou, en cas d'autorité parentale conjointe, lorsque la venue en Suisse de l'enfant revient de facto à priver l'autre parent de toute possibilité de contact avec lui. Or, le regroupement familial doit être réalisé en conformité avec les règles du droit civil régissant les rapports entre parents et enfants, et il appartient aux autorités compétentes en matière de droit des étrangers de s'en assurer (ATF 136 II 78 consid. 4.8). En d'autres termes, le parent qui considère qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de venir le rejoindre en Suisse doit, sous réserve de cas exceptionnels, être en droit de vivre avec son enfant selon les règles du droit civil (ATF 125 II 585 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2011 précité consid. 4).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l’ancien droit mais encore pertinente, la reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse depuis plusieurs années séparés de leurs enfants, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; ATF 129 II 11 consid. 3.3.2).

b. Le regroupement familial partiel suppose également de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme l'exige l'art. 3 § 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 et approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996 (instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 - CDE - RS 0.107). Il faut donc se demander si la venue en Suisse d'un enfant au titre du regroupement familial partiel n'entraînerait pas un déracinement traumatisant, ne reviendrait pas de facto à le couper de tout contact avec la famille résidant dans son pays d'origine et n'interviendrait pas contre la volonté de celui-ci. Certes, déterminer l'intérêt de l'enfant est très délicat. Les autorités ne doivent pas perdre de vue qu'il appartient en priorité aux parents de décider du lieu de séjour de leur enfant, en prenant en considération l'intérêt de celui-ci. En raison de l'écart de niveau de vie par rapport au pays d'origine, il est certes possible que les parents décident de la venue de l'enfant en Suisse sur la base de considérations avant tout économiques. Pour autant, les autorités compétentes en matière de droit des étrangers ne sauraient, en ce qui concerne l'intérêt de l'enfant, substituer leur appréciation à celle des parents, comme une autorité tutélaire peut être amenée à le faire. Leur pouvoir d'examen est bien plutôt limité à cet égard : elles ne doivent intervenir et refuser le regroupement familial que si celui-ci est manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant (ATF 136 II 78 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_909/2015 du 1er avril 2016, consid. 4.4).

L’art. 10 CDE prévoit en outre que toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale doit être considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Cette disposition n’accorde toutefois ni à l’enfant ni à ses parents un droit justiciable à une réunification familiale ; la Suisse y a d’ailleurs émis une réserve (Message du Conseil fédéral sur l'adhésion de la Suisse à la CDE du 29 juin 1994, FF 1994 V p. 35 ss ; Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers – version au 6 mars 2017, ch. 0.2.2.9).

c. Enfin, les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 et 8 CEDH ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.1).

Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette disposition ne confère cependant pas un droit à séjourner dans un État déterminé. Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut toutefois porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; ATF 135 I 153 consid. 2.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de l'art. 8 CEDH, un droit d'entrée et de séjour. Ainsi, lorsqu'un étranger a lui-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches du ressortissant étranger ou qu'il la subordonne à certaines conditions (arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2011 du 22 février 2012 consid. 2.1; 2C_553/2011 du 4 novembre 2011 consid. 2.1 et les références citées).

La protection accordée par l'art. 8 CEDH suppose que la relation avec l'enfant - qui doit être étroite et effective - ait préexisté (arrêts du Tribunal fédéral 2C_537/2009 du 31 mars 2010 consid. 3 ; 2C_490/2009 du 2 février 2010
consid. 3.2.3). On ne saurait accorder le regroupement familial si le regroupant et le regroupé n'ont jamais vécu ensemble, sous réserve de la situation dans laquelle le regroupant fait établir le lien de filiation ultérieurement (Eric BULU, Le regroupement familial différé, in Actualité du droit des étrangers, les relations familiales, 2016, p. 88).

6) En l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’à la date de dépôt de la demande de regroupement familial, M. A______ s’était vu confier, avec l’accord de leur mère, le soin, la garde et l’éducation de ses enfants mineurs par jugement - non exequaturé - d’un tribunal kosovar du 14 décembre 2011, au motif que, vivant et travaillant en Suisse, il disposait de meilleurs moyens pour les prendre en charge. À cette date, M. A______ avait quitté son pays d’origine depuis près de trois ans et ses enfants avaient été confiés d’abord à sa mère, puis, au décès de celle-ci fin 2008, à sa sœur. Il n’est pas contesté que M. A______ a contribué depuis la Suisse à l’entretien de ses enfants ni qu’il a gardé des contacts réguliers avec eux. De même il n’est pas contesté que la charge directe de l’éducation des trois enfants soit lourde pour leur tante, qui elle-même a deux enfants. Cela étant, cette organisation familiale a été mise en place au départ volontaire de M. A______ pour la Suisse, dans l’optique d’améliorer la situation financière de sa famille, ce qui ne pouvait qu’impliquer de longues périodes d’absence. En outre, le fait qu’il se soit marié quelques mois après son arrivée à Genève avec une ressortissante suisse, elle-même mère de deux enfants, était un facteur de pérennisation de cette organisation remontant à plus de neuf ans. Dans ce contexte, il n’est pas établi qu'un réel changement important de circonstances se soit produit concernant la prise en charge des enfants au Kosovo. Ceux-ci sont désormais majeurs pour les deux aînés et le cadet le sera à la fin de l’année en cours. Rien dans le dossier ne permet de soutenir que M. A______ ne serait plus en mesure de poursuivre la relation entretenue jusqu’alors avec son fils aîné comme avec ses deux autres enfants. Il apparaît ainsi manifeste que la demande litigieuse relevait principalement, sinon exclusivement, d'une volonté d’apporter de meilleures perspectives financières et de formation à M. B______. Ce dernier a passé toute sa vie au Kosovo, où résident encore ses frères, sa tante et ses cousins, ainsi que sa mère. Quand bien même celle-ci ne s’est pas occupée de l’entretien et de l’éducation de ses enfants, il ressort du dossier qu’elle a conservé des liens avec eux. C’est le lieu de rappeler que la jurisprudence est très stricte. Le seul fait de posséder encore de la famille sur place implique quasiment un refus du regroupement familial ultérieur. Cette rigueur s’impose a fortiori lorsque le requérant a de surcroît atteint sa majorité en cours de procédure alors que sa situation personnelle ne présente aucune particularité impliquant un besoin spécifique de prise en charge ou d’encadrement.

Au vu de l’ensemble des circonstances, de l’application, voulue exceptionnelle, de l’art. 47 al. 4 LEtr, et de la jurisprudence susmentionnée relative à l’art. 8 CEDH et à la CDE, la décision de l’OCPM est ainsi conforme au droit, ainsi que l’a jugé le TAPI.

7) Les recourants se plaignent d’une violation de principe de célérité, l’OCPM ayant tardé à rendre la décision querellée, d’une part et, d’autre part, reprochent à l’autorité et au TAPI une constatation inexacte de faits, ainsi la date de naissance de M. B______, la durée de la vie commune de M. A______ et de la mère de ses enfants ou encore la mention de l’âge de M. B______.

a. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable ou adéquat s'apprécie au regard de la nature de l'affaire et de l'ensemble des circonstances. L'art. 29 al. 1 Cst. consacre le principe de la célérité, dans le sens où il prohibe le retard injustifié à statuer. L’autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 130 I 312 consid. 5.1 p. 331s. et les réf. cit.).

En l’espèce, il ressort du dossier que l’instruction de la demande a duré plus de vingt mois, durant lesquels M. A______ a été invité à plusieurs reprises à fournir des documents, ce qu’il a fait. Il a de son côté adressé plusieurs courriers de relance à l’autorité, parfois deux ou trois le même mois, sans toutefois mettre formellement l’autorité en demeure de statuer. L’OCPM n’a pas fourni d’explications au sujet de cette durée.

Cela étant, à supposer que l’on puisse reprocher à l’autorité d’avoir tardé à se prononcer, il n’en résulte aucun dommage procédural pour les recourants, dès lors que la date déterminante pour l’examen de la demande litigieuse est celle de son dépôt et qu’elle a bien été traitée sur cette base, examinant les conditions d’application des art. 44 et 47 LEtr.

b. Quant aux erreurs de dates relevées et qu’il y a lieu de constater, force est de retenir qu’elles n’ont pas de pertinence pour l’issue de la procédure, sur laquelle elles n’ont pas eu d’incidence.

8) Le recours doit en conséquence être rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants qui succombent, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2014 par Messieurs A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mai 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Messieurs A______ et B______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l’office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.