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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2150/2004

ATA/10/2005 du 11.01.2005 ( IP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2150/2004-IP ATA/10/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 11 janvier 2005

dans la cause

 

Madame S.__________
représentée par Me Didier Brosset, avocat

contre

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES


 


1. Madame S.__________, née H.__________ (ci-après : Mme S.__________ ou la recourante) a épousé le __________ 1982 Monsieur S.__________ (ci-après : M. S.__________ ou l’ex-conjoint). De cette union est né l’enfant S.__________ en date du __________ 1983.

Le 12 octobre 2000, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisoires, a notamment fixé la contribution d’entretien due par M. S.__________ à Mme S.__________. Ce jugement a été réformé par la Cour de justice selon un arrêt rendu le 15 juin 2001, fixant la contribution due à CHF 1'965.- pour la période du 1er janvier au 30 juin 2000, puis à CHF 2'500.- dès le 1er juillet 2000. Le 28 février 2002, le Tribunal de première instance a dissout par le divorce le mariage des époux S.__________ condamnant M. S.__________ au paiement d’une contribution à l’entretien de Mme S.__________ à hauteur de CHF 700.- par mois jusqu’à l’âge de la retraite.

2. Dans l’intervalle, Mme S.__________ avait mandaté le service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : le Scarpa), par convention du 26 novembre 2001, pour entreprendre les démarches nécessaires auprès de son ex-époux. Dès le 1er décembre 2001, une avance mensuelle d’un montant de CHF 833.- lui a été allouée.

Mme S.__________ a encore déposé le 27 novembre 2001, une plainte pénale contre son ex-époux pour non paiement de la contribution due au titre de l’entretien de la famille.

3. Dans le cadre de l’examen de la procédure pénale fondée sur la plainte déposée par Mme S.__________ le 27 novembre 2001 (P/16131/2001), le Tribunal de police a procédé à des auditions. Lors de celle du 2 mai 2002, Mme S.__________ a exposé qu’elle habitait officiellement à Onex, vivant en réalité chez un ami à Massongy, en France voisine. Le choix de vivre en Haute-Savoie avait été dicté par des raisons économiques. Elle connaissait son ami, M. C__________, depuis 25 ans mais n’était intime avec lui que depuis la fin de l’année 2000. Le 12 septembre 2002, le Tribunal de police a encore entendu cette dernière personne. Le témoin a confirmé qu’il avait acheté une maison à Massongy au mois de juillet 2000 pour y vivre avec Mme S.__________. Antérieurement, il hébergeait les chats de sa compagne dans son ancienne maison, où elle refusait toutefois de dormir. Le témoin situait au mois de septembre 2000 la première nuit passée par l’intéressée en France.

Par jugement rendu le 16 décembre 2002, le Tribunal de police a considéré que Mme S.__________ était domiciliée durant l’année 2000, à tout le moins jusqu’au mois de septembre de cette année-là, dans le canton de Genève, de sorte que la juridiction saisie était compétente pour statuer sur une violation d’obligation d’entretien commise dès le mois de janvier 2000.

4. À l’occasion d’une seconde procédure pénale (P/6356/2002) ouverte contre M. S.__________ à la suite d’une plainte déposée par le SCARPA concernant la période allant du mois de décembre 2001 à celui de mars 2002, le Tribunal de police a considéré, dans un jugement du 10 septembre 2004, qu’il devait se déclarer incompétent en raison du lieu, Mme S.__________ vivant en réalité en France voisine « comme cela ressortait de ses [propres déclarations] qu’elle avait faites dans le cadre de la procédure P/16131/2001 ».

5. Par décision du 21 septembre 2004, le SCARPA a mis fin au mandat qui lui avait été confié par Mme S.__________ le 26 novembre 2001 au motif que l’intéressée n’était pas domiciliée, ni ne résidait de manière permanente dans le canton. Elle était également invitée à prendre langue avec le service pour convenir des modalités de remboursement des avances qui lui avaient été versées depuis le 1er décembre 2001, soit une somme de CHF 10'661.-.

6. Le 20 octobre 2004, Mme S.__________ a recouru contre la décision du SCARPA. Elle avait été laissée, ainsi que son fils né en 1983, sans moyens par son époux, qui aurait quitté la Suisse pour travailler en Afrique. Elle avait conservé ses attaches et son domicile à Genève où elle résidait dans l’appartement de ses parents, lesquels habitaient le plus souvent dans leur propre résidence secondaire en France. Selon la recourante, l’article 7 (sic !; recte : 8) de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 (LARPA - E 1 25), ayant trait au domicile du créancier, et qui stipulait que « pour bénéficier des avances, le créancier devait être domicilié dans le canton depuis au mois un an (alinéa 1er) » devait être compris comme l’expression de l’intention du législateur de ne pas favoriser les personnes sans aucun lien avec le canton de Genève. Tel n’était pas son cas. Elle y travaillait et y acquittait des impôts, contribuant ainsi au bien-être général. De surcroît, la situation du logement était telle que les personnes économiquement les plus faibles étaient contraintes de se loger hors du canton.

Mme S.__________ a demandé préalablement la restitution de l’effet suspensif. Elle conclut à l’annulation de la décision entreprise.

7. Le 29 octobre 2004, le SCARPA s’est opposé à la demande de restitution de l’effet suspensif au motif qu’un intérêt public prépondérant commandait de ne pas engager de nouveaux frais en faveur de la recourante, qui ne bénéficiait au demeurant déjà plus d’avance de pension depuis le 31 janvier 2003. Elle disposait en effet de revenus supérieurs à ceux contenus dans l’article 5 du règlement d'application de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 2 juin 1986 (RALARPA - E 1 25.01), selon le dernier avis de taxation connu du service intimé.

8. Le 4 novembre 2004, le président du Tribunal administratif a rejeté la demande de mesures provisionnelles dans la mesure où elle portait sur l’exécution du mandat du SCARPA et sur la suspension des avances, constatant en outre que la demande de remboursement de ces dernières n’avait pas de caractère immédiatement exécutoire.

9. Le 10 décembre 2004, le SCARPA a répondu au recours. Ni la LARPA, ni le RALARPA ne définissaient la notion de domicile. Il fallait donc se référer aux articles 23 et ss du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210) selon la jurisprudence du Tribunal administratif (ATA/737/2003 du 7 octobre 2003). La recourante avait d’ailleurs elle-même indiqué lors de son audition par le Tribunal de police qu’elle résidait chez un ami à Massongy en France et qu’elle était intime avec lui depuis 18 mois au moment de son audition. Le centre réel de la vie de la recourante était donc à l’étranger et non à Onex où ses parents étaient locataires d’un appartement. La recourante n’avait ainsi pas droit aux versements d’avances et elle devait maintenant rembourser celles versées dans leur intégralité, soit une somme de CHF 10'661.-.

10. Le 17 décembre 2004, les parties ont été entendues par le tribunal :

a. Mme S.__________ a confirmé les déclarations qu’elle avait faites lors de l’audience du Tribunal de police du 2 mai 2002. Si elle avait quitté le canton de Genève, c’était pour pouvoir se loger à moindre prix à Massongy où habitait son ami. Elle admettait qu’elle pouvait parfaitement vivre en France, mais elle aurait aimé résider à Genève si elle l’avait pu. Quoiqu’âgé de 22 ans, son fils était toujours entièrement à sa charge. Elle ignorait où se trouvait son ex-conjoint. Il résidait peut-être en Thaïlande ou chez son frère, mais il s’agissait-là d’une simple supposition. Elle n’ignorait pas le texte de la LARPA, mais estimait que la loi n’était plus adaptée aux circonstances économiques actuelles. Elle apportait sa contribution au canton de Genève par son travail et les impôts versés. Il appartenait dès lors à ce canton de l’aider.

b. Le SCARPA a exposé que le centre de la vie de la recourante était maintenant en France, et non chez les parents de cette dernière. Elle n’était donc plus domiciliée en Suisse. La décision rendue était conforme à la loi et toute autre solution consacrerait une violation du principe de l’égalité de traitement. De surcroît, le Tribunal de police s’était déclaré incompétent en raison du lieu le 10 septembre 2004 (P/6356/2002) et il y avait lieu de suivre ce jugement.

Les deux parties ont déclaré persister dans leurs conclusions et le tribunal les a informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1er let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante s’en prend à la décision rendue par l’autorité intimée le 21 septembre 2004 au motif que celle-ci ne serait pas contraire à la loi, mais que la loi elle-même ne serait plus adaptée aux circonstances présentes :

a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d’une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l’autorité qui applique le droit ne peut s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 124 II 265 consid. 3 p. 268 ; 121 III 460 consid. 4a/bb p. 465 et les arrêts cités). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e p. 342, 117 II 523 consid. 1c p. 525).

b. La teneur du texte à interpréter est la suivante : « pour bénéficier des avances, le créancier droit être domicilié dans le canton depuis un an au moins » (article 8 alinéa 1er LARPA ; Note marginale : « domicile du créancier »), en vigueur depuis le 5 février 1983.

Selon la jurisprudence du tribunal de céans, le texte de l’article 8 alinéa 1er LARPA est clair. Il indique que pour bénéficier des avances, le créancier doit être domicilié dans le canton depuis un an au moins. Les travaux préparatoires ne fournissent aucun renseignement complémentaire, si ce n’est que le domicile ne doit pas être fictif et qu’il ne suffit pas d’être domicilié à Genève mais qu’il faut y résider effectivement (Mémorial des séances du Grand Conseil 1980, p. 1468; 1982, p. 3221; ATA/181/1998 du 31 mars 1998).

Toute personne qui quitte le canton de Genève n’a en principe plus droit à des avances à teneur de l’article 8 alinéa 1er dans la mesure où elle rompt ses liens avec son ancien canton de domicile (ATA /181/1998 précité).

S’agissant ainsi d’un texte clair, entré en vigueur le 5 février 1983, et constamment confirmé par la jurisprudence du tribunal de céans, il n’y a aucune raison de s’en écarter. Seule a droit aux avances dues du SCARPA la personne qui est domiciliée dans le canton de Genève notamment. Il n’y a pas lieu d’interpréter autrement cette norme claire, voire d’en écarter l’application au motif qu’il serait particulièrement difficile et onéreux de se loger dans le canton.

3. Selon l’article 23 CC, le domicile de toute personne est le lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir. La notion de domicile suppose d’une part la volonté de rester dans un endroit de façon durable et d’autre part, la manifestation de cette volonté par une résidence effective dans ce lieu. Il faut qu’il y ait intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles.

En l’espèce, il ressort tant des déclarations de la recourante elle-même par devant le tribunal de céans et le Tribunal de police que de celles d’un témoin devant cette dernière juridiction que l’intéressée vit dans la maison achetée par son compagnon à Massongy au mois de juillet 2000. Quelle que soit la date exacte à laquelle la recourante s’y est établie avec son ami intime, cette date est antérieure au 26 novembre 2001 et la convention entre les parties n’aurait pas dû déployer d’effet, s’agissant à tout le moins des avances, la recourante ne pouvait en bénéficier par application de l’article 8 LARPA. Les avances reçues ont donc été versées de manière indue et devront être remboursées.

4. L’autorité intimée a en outre décidé de mettre un terme à son propre mandat en application de l’article 2 alinéa 1er RALARPA, selon lequel, pour obtenir l’intervention du service, le créancier doit être domicilié ou résider de façon permanente dans le canton.

Même si la recourante ne soulève nullement le moyen, il appert que l’article 2 RALARPA subordonne non seulement le service des avances mais bien toute intervention du SCARPA à une condition de domicile ou de résidence permanente dans le canton (article 2 al. 1er), sauf si le débiteur lui-même est domicilié ou réside ce façon permanente dans ledit canton (article 2 al. 2). La question de savoir si cette disposition réglementaire dispose d’une base légale suffisante peut demeurer indécise, car toute intervention du service serait, en l’espèce, vouée à l’échec du fait du domicile à l’étranger non seulement de la crédirentière mais encore du débirentier.

En l’espèce toutefois, la recourante est domiciliée, comme on l’a vu en France et le débirentier ne l’est en tous les cas pas en Suisse. L’intervention d’une autorité publique genevoise n’aurait dès lors aucune portée, de telle sorte que la décision litigieuse, dans la mesure où elle comporte également la fin du mandat qui liait l’intimé à la recourante peut être également confirmée.

5. Le recours est rejeté.

À teneur de l’article 87 alinéa 1er LPA, la juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments. L’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- voire CHF 15'000.- (art. 2 al. 1er et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – E 5 10.03), suivant les hypothèses. Le domaine de l’aide au recouvrement des pensions alimentaires ne figure pas dans la liste des exceptions au principe du paiement des frais, contenu dans l’article 10 du règlement. Il y a donc lieu de faire application du principe général sur laquelle la procédure est onéreuse (cf. notamment ATA/317/2004 du 20 avril 2004 ainsi que ATA/883/2003 du 2 décembre 2003).

Un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 ch. 1 LPA). La recourante n’a en outre pas droit à une indemnité de procédure.

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 octobre 2004 par Madame S.__________ contre la décision service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 21 septembre 2004;

 

au fond :

le rejette;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 300.-;

communique le présent arrêt à Me Didier Brosset, avocat de la recourante ainsi qu'au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :