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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1532/2021

ATA/973/2021 du 21.09.2021 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.10.2021, rendu le 21.02.2022, RETIRE, 8C_705/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1532/2021-AIDSO ATA/973/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 septembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1965, marié à Madame B______, a bénéficié de prestations d’aide sociale financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 1er décembre 2011 au 30 juin 2019 et depuis le 1er avril 2020.

2) M. A______ et son épouse ont signé à plusieurs reprises, et notamment les 24 octobre 2013, 6 octobre 2014 et 6 août 2015, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : l’engagement), lequel comportait l’obligation de donner immédiatement et spontanément tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de leur situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de rembourser toutes prestations exigibles à teneur des art. 12 al. 2 et 36 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

3) Au mois de janvier 2018, le dossier social de la famille a été transféré au centre d’action sociale (ci-après : CAS) de C______.

4) Le 12 février 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, l’assistante sociale a rappelé à M. A______, assisté d’un interprète vers l’anglais, qu’il devait apporter chaque mois plusieurs documents justificatifs pour pouvoir bénéficier des prestations d’aide financière, notamment les relevés bancaires de tous ses comptes, y compris ceux qu’il n’utilisait pas.

5) Le 25 mai 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, Mme B______ a expliqué que M. A______ s’était présenté pour un poste de chauffeur, et a pris note qu’il devrait apporter son contrat de travail et ses fiches de salaire en cas d’embauche effective.

6) Le 22 juin 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, accompagné de sa fille, a déclaré qu’il avait passé un entretien pour une entreprise privée de transport de personnes et qu’il devrait refaire un essai avant d’être éventuellement engagé.

7) Le 24 juillet 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, accompagné de son fils, a déclaré qu’il avait passé son second entretien pour le poste de chauffeur et qu’il attendait une réponse.

8) Le 24 août 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, Mme B______ a indiqué que son mari, absent, n’avait toujours pas eu de nouvelles concernant l’emploi de chauffeur.

9) Les 24 et 28 août 2018, M. A______ et Mme B______ ont signé le document « Demande de prestations d’aide sociale financière », indiquant ne pas percevoir de revenus provenant d’une ou plusieurs activités salariées ou indépendantes et n’être titulaires que des comptes PostFinance CH 1______ pour M. A______ et CH 2______ pour Mme B______.

10) Le 26 novembre 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, le fils de M. A______ a indiqué que ce dernier avait un rendez-vous pour un travail et que Mme B______ et les deux plus jeunes enfants de la famille avaient définitivement quitté la Suisse pour le Canada.

11) Le 10 décembre 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, accompagné de son fils, a déclaré qu’il avait été engagé au 1er décembre 2018 en qualité de chauffeur, mais que son employeur, avec lequel il avait eu un différend, ne l’avait pas gardé à son service. Il n’avait reçu aucun salaire. Il était atteint dans sa santé et envisageait de déposer une demande de prestations auprès de l’assurance invalidité (ci-après : AI).

12) Le 20 décembre 2018, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, accompagné de son fils, a indiqué qu’il n’avait pas besoin d’interprète. Il était incapable de travailler en raison de nombreux problèmes de santé et avait le projet de demander des prestations AI.

13) Le 28 janvier 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______ semblait avoir des difficultés de compréhension. Il a fait état de ses soucis de santé et son assistante sociale lui a rappelé qu’il n’avait toujours pas fourni les relevés de son compte PostFinance du mois de décembre 2018.

14) Le 25 février 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, accompagné de son fils, a remis divers documents dont un relevé intitulé « Statement Bonvisa Silver Credit Cards » selon lequel il était titulaire au Crédit Suisse d’un compte Visa n° 3______. Ce compte était jusque-là inconnu de l’hospice. Il lui servait à payer les billets d’avion de la famille. L’assistante sociale lui a demandé de produire tous les relevés bancaires de ce compte pour l’année écoulée.

15) Le 3 avril 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, assisté d’un interprète, a indiqué qu’il avait commandé la copie des relevés bancaires mais ne les avait pas encore reçus.

16) Le 24 avril 2019, le CAS a relancé M. A______ par messagerie, lui rappelant qu’il devait encore remettre plusieurs documents, notamment ses relevés PostFinance complets des mois de décembre 2018 et janvier 2019.

17) Le 21 mai 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, assisté d’un interprète, n’avait toujours pas remis les relevés PostFinance et Visa qui lui avaient été réclamés. Mme B______, également présente, a indiqué qu’elle était de passage à Genève et voulait s’établir au Canada. Le couple a été informé qu’il devait entamer des démarches de séparation.

18) Le 3 juillet 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, assisté d’un interprète, a été informé que ses prestations d’aide financière n’étaient plus versées depuis la fin du mois de juin 2019, après que le service des enquêtes de l’hospice avait découvert qu’il travaillait depuis le mois de décembre 2018 à 100 % en qualité de chauffeur, une activité qu’il n’avait pas déclarée.

M. A______ a expliqué qu’il n’avait travaillé « que quelques fois » et en avait informé le CAS. L’assistante sociale lui a répondu qu’il n’avait annoncé que des journées d’essai qui n’avaient pas été concluantes. M. A______ a alors indiqué qu’il avait perçu trois salaires, dont deux versés en espèces et le troisième sur son compte Visa au Crédit Suisse.

19) Le 22 juillet 2019, le CAS a notifié à M. A______ une décision de suspension des prestations d’aide financière dès le 1er juillet 2019, au motif notamment qu’il n’avait pas déclaré travailler pour l’entreprise D______ SA depuis le 1er décembre 2018, ne mentionnant qu’un essai d’emploi qui n’avait pas été concluant, et n’avait jamais remis de contrat de travail ou de fiche de salaire. Afin que sa situation puisse être réévaluée, il devait remettre plusieurs documents en lien avec son activité et son compte Visa au Crédit Suisse.

20) Le 31 juillet 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______ a remis un contrat de travail du 28 novembre 2018 conclu avec D______ SA, portant sur une activité de chauffeur débutant le 1er décembre 2018, une correction manuscrite remplaçant la date du 1er octobre 2018, ainsi que les fiches de salaire portant sur cette activité des mois de janvier à juin 2019.

21) Selon un rapport établi le 20 août 2019 par le service des enquêtes de l’hospice, M. A______ avait travaillé pour D______ SA de décembre 2018 à juin 2019, seul le salaire de décembre 2018 ayant été versé sur son compte PostFinance, et était titulaire de plusieurs comptes non déclarés, notamment un compte Crédit Suisse privé n° 4______ sur lequel il avait perçu des salaires de la société E______ SA d’avril 2018 à mars 2019, de la société F______ SA en janvier 2019, et de la société D______ SA de janvier à juin 2019.

22) Le 29 août 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, assisté d’un interprète, a remis la lettre de licenciement datée du 12 août 2019 par laquelle D______ SA mettait fin au contrat de travail pour le 30 septembre 2019. L’assistante sociale lui a demandé de produire les relevés bancaires de ses comptes non déclarés PostFinance Visa n° 5______, Crédit Suisse Visa n° 3______ et Crédit Suisse privé n° 4______ depuis leur ouverture. Elle lui a également demandé de produire les contrats et fiches de salaire concernant ses activités pour les sociétés E______ SA et F______ SA ainsi que ses fiches de salaire concernant son activité pour la société D______ SA de juillet à septembre 2019, pour le 16 septembre 2019 au plus tard, à peine de devoir restituer l’intégralité des prestations d’aide financière perçues durant la période litigieuse.

23) Le 6 septembre 2019, le CAS a notifié à M. A______ une décision de suspension des prestations financières avec réduction si reprise de l’aide, réitérant sa demande de production de documentation et annonçant une décision de remboursement ultérieure.

24) Le 16 septembre 2019, M. A______ a remis à l’hospice une partie des relevés bancaires réclamés, soit les extraits du compte PostFinance Visa pour 2018 et 2019 et ceux du compte Crédit Suisse Visa pour 2018 et 2019, mais aucun des documents concernant ses activités pour les sociétés E______ SA, F______ SA et D______ SA.

25) Le 25 septembre 2019, au cours d’un entretien périodique au CAS, M. A______, assisté d’un interprète, a été informé que, compte tenu de la transmission très partielle des documents réclamés, la restitution de l’ensemble des prestations versées en sa faveur depuis février 2018, par CHF 55'137.05, lui serait réclamée.

26) Le 30 septembre 2019, le CAS a réclamé à M. A______ la restitution de CHF 55'137.05 au motif qu’il n’avait pas déclaré l’intégralité de ses revenus.

Comme il n’avait pas communiqué tous les documents réclamés, l’hospice ne pouvait calculer le montant réel de sa dette, et c’était la totalité des prestations dont il avait bénéficié depuis le 1er février 2018 qui était considérée comme ayant été indûment perçue.

Était jointe une attestation financière portant sur la période du 1er février 2018 au 30 septembre 2019.

27) Le 22 octobre 2019, M. A______ a formé opposition à cette décision.

La demande de restitution portait atteinte à son minimum vital et son calcul était arbitraire et erroné. Elle ne pouvait en outre être exigée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et qu’elle le mettait dans une situation difficile, ce qui était son cas car il ne percevait pas encore ses indemnités de chômage et était dans l’incapacité de produire une partie des documents demandés malgré ses efforts, suite au refus des sociétés E______ SA et D______ SA et à l’absence de contrat écrit et de fiche de salaire s’agissant de F______ SA.

Il avait fourni chaque mois les relevés bancaires de son compte PostFinance, sur lesquels apparaissaient les entrées de salaire. Il avait informé son assistante sociale qu’il travaillait pour D______ SA. Il comprenait mal le français et elle ne lui avait pas suffisamment expliqué que les prestations d’aide financière tenaient compte de ses revenus et que ceux-ci devaient être déclarés. Elle devait mieux l’accompagner et effectuer elle-même les démarches pour l’obtention des documents qu’elle sollicitait.

Il produisait un relevé détaillé de son compte Crédit Suisse privé n° 4______ pour la période du 1er janvier 2018 au 10 septembre 2019, montrant notamment divers versements des sociétés E______ SA, F______ SA et D______ SA ainsi que de Monsieur G______.

28) Le 28 octobre 2019, l’hospice a accusé réception de l’opposition, qu’il traitait subsidiairement comme une demande de remise.

29) Le 19 novembre 2019, l’hospice a invité M. A______ à lui remettre, au 10 décembre 2019 au plus tard : une copie de son contrat de travail avec E______ SA ; toutes les fiches de salaire de cette société, les relevés bancaires n’étant pas suffisants car n’indiquant pas les éventuels revenus en nature, avances sur salaire, remise par chèque, saisies sur salaire ou indemnités de vacances ; une attestation de F______ SA au sujet de l’activité qu’il avait exercée à son service et une attestation de revenus ; à défaut, la preuve documentée qu’il avait effectué les démarches pour que ces documents lui soient remis. Faute pour lui de fournir les renseignements dans le délai imparti, le dossier serait traité en l’état.

30) Le 27 novembre 2019, M. A______ a indiqué à l’hospice que le contrat de travail avec E______ SA et les fiches de salaire ne lui avaient jamais été fournis, malgré ses nombreuses demandes. Il produisait des courriers à E______ du 30 septembre 2019, à D______ SA du 16 octobre 2019 et à F______ SA du 27 novembre 2019.

31) Le 24 février 2020, M. A______ a adressé à l’hospice des documents relatifs à l’ouverture d’une action judiciaire contre D______ SA en vue du paiement de plusieurs salaires. D______ SA se nommait auparavant E______ SA et il n’avait jamais reçu de contrat de travail écrit de celle-ci.

32) Par décision du 23 mars 2021, l’hospice a rejeté l’opposition formée par M. A______.

Celui-ci avait caché l’existence de ses divers emplois et des revenus qui en découlaient, ainsi que l’existence du compte Crédit Suisse privé sur lequel il percevait ses revenus, de sorte que ces ressources n’avaient pu être prises en compte pour le calcul de son droit aux prestations d’aide financière.

À l’exception du mois de décembre 2018, les relevés de compte PostFinance n’enregistraient pas les salaires litigieux. Il avait uniquement indiqué à son assistante sociale avoir passé une, voire des journées d’essai non concluantes. Il avait parfaitement compris et avait su s’exprimer lors des entretiens périodiques des 10 et 20 décembre 2018 ainsi que de celui du 28 janvier 2019, au cours desquels il avait expressément déclaré ne pas avoir obtenu le poste de chauffeur qu’il convoitait, ne pas percevoir de salaire et ne pas pouvoir travailler en raison de ses nombreux problèmes de santé. Confronté à la découverte de ses activités le 3 juillet 2019, il avait dans un premier temps admis avoir perçu trois salaires seulement. Son obligation de renseigner et le principe de subsidiarité de l’aide sociale lui avaient été rappelés à de nombreuses reprises depuis qu’il en bénéficiait.

M. A______ avait violé de manière grave son obligation de renseigner, et c’était à juste titre que la restitution avait été exigée. Le montant faisait l’objet de deux tableaux annexés, qui prenaient en compte les documents produits avec l’opposition. Il était de CHF 41'668.90 au total, soit CHF 24'651.15 pour la période de février à décembre 2018 et CHF 17'017.75 pour les mois de janvier à juin 2019.

La remise ne pouvait lui être accordée, car il ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.

33) Par acte remis à la poste le 4 mai 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, à laquelle il s’opposait.

La demande de restitution portait atteinte à son minimum vital.

Le calcul des montants indûment perçus était arbitraire et non réel selon les propres termes de l’hospice. Celui-ci lui réclamait de manière erronée CHF 55'137.05, puis CHF 41'668.90, ce qui était scandaleux.

Il ne parlait ni ne comprenait bien le français de sorte qu’il ne saisissait pas les enjeux juridiques et la complexité du système administratif genevois. Peu informés, ou par simple ignorance, les bénéficiaires se retrouvaient fréquemment pénalisés du fait qu’ils ne comprenaient pas bien la loi.

Il se trouvait dans une situation socio-économique alarmante qui avait été péjorée par la crise sanitaire. Il cherchait du travail mais n’arrivait pas à en trouver. Même son droit de s’inscrire au chômage lui avait été refusé, parce que son employeur, M. G______, qui bénéficiait d’une impunité totale, ne lui avait pas remis son attestation de travail ni ses contrats de travail, sans parler des arriérés de salaires non perçus.

Il avait informé son assistante sociale qu’il travaillait pour D______ SA et qu’il n’avait ni contrat de travail ni fiche de salaire, et elle ne l’avait pas renseigné sur ce qu’il devait faire dans cette situation, ce qui était pourtant son devoir. Elle aurait dû l’orienter vers les syndicats, les permanences juridiques et le Tribunal des Prud’hommes, l’encourager et le coacher dans son projet d’insertion professionnelle et non l’accuser de n’avoir pas déclaré des revenus.

Ce n’était que lorsqu’il recevrait son contrat de travail et les fiches de salaire, par la voie légale, qu’il serait possible de déduire ceux-ci des prestations d’aide sociale.

34) Le 4 juin 2021, l’hospice a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait caché ses divers emplois et les revenus qui en découlaient, ainsi que l’existence du compte bancaire Credit Suisse privé notamment, de sorte que la demande de remboursement était justifiée dans son principe.

Les documents remis tardivement par M. A______ avaient permis de recalculer le montant indûment perçu et de le réduire à CHF 41'668.90. À titre d’exemple, il avait perçu en décembre 2018 sur ses comptes Credit Suisse et PostFinance des salaires de CHF 4'500.-, CHF 4'500.- et CHF 4'560.-, soit un total de revenus non déclarés de CHF 13'560.-. Seul le remboursement des prestations d’aide financière versée ce même mois, par CHF 3'848.05, lui était réclamé.

M. A______ ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi. Il avait indiqué à son assistante sociale avoir passé des journées d’essai non concluantes, et ne pas avoir obtenu ou conservé le poste de chauffeur. Par la suite il avait initialement admis avoir perçu trois salaires seulement, ce qui était éloigné de la vérité. Cela démontrait qu’il avait parfaitement compris ses droits et devoirs en tant que bénéficiaire, en dépit de ses difficultés linguistiques.

35) Le 6 juillet 2021, M. A______ a répliqué.

Son employeur avait multiplié les fausses promesses de lui remettre les documents. Il avait perçu un certain acharnement à son encontre de la part de l’hospice et de son assistante sociale. Il avait expliqué à cette dernière les difficultés qu’il rencontrait pour apporter les documents, et elle était dans une posture de méfiance et de dénonciation, dans une logique gestionnaire plutôt que sociale visant la construction de projets et un réel accompagnement. Il était étonnant qu’elle lui ait procuré un interprète en anglais alors que sa langue maternelle était l’arabe. Cela dénotait une méconnaissance de sa langue et de sa culture.

Il n’avait pas bien compris la portée de son engagement et n’avait pas reçu le document dans sa version arabe, ce qui avait été à l’origine d’un malentendu dû à un déficit de communication et d’information prodiguées par l’assistante sociale, qui n’avait pas fait son devoir correctement.

Il avait dûment indiqué qu’il travaillait pour D______ SA mais son employeur ne lui avait fourni ni contrat de travail ni fiche de salaire, hormis des avances ou des versements qu’on ne pouvait pas considérer comme des salaires proprement dits.

Il était de bonne foi. Il était tombé dans l’indigence. L’argent reçu de l’hospice ne lui avait pas permis de s’enrichir. Il était déraisonnable de lui demander de rembourser des prestations auxquelles il avait droit. Son droit à des conditions minimales d’existence avait été violé.

36) Le 14 juillet 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LIASI).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la demande de restitution – pour un montant total de CHF 41'668.90 – des prestations d'aide financière accordées par l'intimé au recourant pendant la période d’avril 2018 à juin 2019.

3) a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

4) a. Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

b. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne s'acquitte pas, intentionnellement, de son obligation de collaborer (art. 35 al. 1 let. c LIASI).

5) a. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

b. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

6) Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

7) En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61
al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

8) En l’espèce, le recourant conteste avoir manqué à son obligation d’informer et de documenter. Il aurait avisé son assistante sociale de son emploi pour D______ SA et aurait remis les relevés de son compte privé PostFinance qui permettaient de détecter le versement de salaires.

Le recourant ne saurait être suivi. Son compte privé PostFinance n’avait enregistré qu’un salaire, en décembre 2018, et il n’avait toujours pas remis le relevé détaillé de ce mois-là lorsque l’hospice lui avait annoncé le 3 juillet 2019 avoir découvert, au terme d’une enquête, des revenus non déclarés. Le recourant ne conteste pas, par ailleurs, n’avoir pas annoncé ses comptes bancaires autres que PostFinance privé, soit notamment le compte Crédit Suisse privé sur lequel avaient été crédités des salaires non déclarés. Il ne saurait donc prétendre avoir fourni à l’hospice la documentation qui aurait révélé ses salaires.

Si, comme il le soutient, le recourant avait informé oralement son assistante sociale de son engagement et de sa rémunération par D______ SA, celle-ci n’aurait pas manqué de lui demander d’indiquer les montants des salaires perçus et de les documenter, et elle aurait sans délai recalculé son droit aux prestations. Or, aucune demande de ce type n’a été formulée jusqu’au rendez-vous de juillet 2019 et la révélation du résultat de l’enquête. Le recourant échoue ainsi à remettre en cause les déclarations constantes de l’hospice selon lesquelles lui-même, son épouse ou son fils auraient indiqué que ses recherches d’emploi n’avaient pas abouti, respectivement qu’il était incapable de travailler en raison de problèmes de santé.

Pour le surplus, la demande de prestations d’aide sociale financière signée en août 2018 par le recourant et son épouse ne mentionne que leurs comptes PostFinance, et le recourant ne conteste pas qu’il n’avait alors pas mentionné l’existence des autres comptes découverts par l’enquête.

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’hospice a établi que le recourant avait omis de déclarer des comptes bancaires et des salaires, en violation de ses engagements.

Le grief sera écarté.

9) Le recourant soutient qu’il n’avait pas compris la nécessité de révéler toutes ses sources de revenus, en raison de ses difficultés à maîtriser le français. Son omission ne serait pas intentionnelle.

Il ne saurait être suivi. Il a signé à plusieurs reprises des engagements et des demandes faisant explicitement référence à l’obligation de renseigner. Ces obligations lui ont été rappelées à plusieurs reprises oralement par son assistante sociale. Il a, à ces occasions, bénéficié à plusieurs reprises d’un interprète vers l’anglais, sans jamais s’en plaindre. Il a aussi été accompagné de son épouse et de ses enfants, qui l’ont aidé dans la compréhension des entretiens, et vraisemblablement des formulaires. Il a complété la dernière demande d’aide en août 2018 en ne mentionnant que son compte privé PostFinance et celui de son épouse. Il s’est vu réclamer à plusieurs reprises le relevé Postfinance de décembre 2018 – où apparaissait précisément un salaire non déclaré. Lorsqu’il a été confronté au résultat de l’enquête en juillet 2019, il a d’abord admis avoir perçu seulement trois salaires. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le recourant avait bien compris ses obligations de coopération et l’étendue des renseignements et pièces qui étaient attendus de lui, et était conscient qu’il y contrevenait. Il est malvenu de reprocher aujourd’hui à l’hospice de ne pas lui avoir fourni des documents ou une interprétation en arabe des propos de l’assistante sociale.

Dans ces conditions, l’hospice pouvait retenir sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’omission d’informer et de documenter, en violation des engagements pris, était intentionnelle.

Le grief sera écarté.

10) Le recourant reproche à l’hospice d’avoir mal calculé l’aide indûment perçue. Le calcul devrait être repris lorsqu’il aurait obtenu de son ancien employeur les pièces que ce dernier refusait de lui remettre.

En l’espèce, l’hospice a pris en compte les salaires nets révélés par l’enquête, soit les salaires nets communiqués par D______ SA et les salaires nets versés par E______ SA tels qu’ils ressortent des relevés du compte Crédit Suisse privé. Le recourant ne conteste pas ces chiffres, mais soutient qu’il faut attendre le résultat de la procédure prud’homale pour calculer le remboursement dû. Ce raisonnement ne peut être suivi. Un éventuel succès du recourant dans les actions civiles qu’il conduit contre ses anciens employeurs n’entraînerait qu’une hausse des revenus non déclarés à l’époque, de sorte que le sort des prétentions civiles est sans effet sur le bien-fondé du remboursement objet du présent litige.

S’agissant du calcul en soi, il ressort des tableaux établis par l’hospice et annexés à la décision sur opposition que celui-ci a, chaque mois d’avril 2018 à juin 2019, pris en compte pour le remboursement les salaires nets non déclarés lorsqu’ils étaient inférieurs aux prestations d’aide sociale et les prestations d’aide sociale dans leur intégralité lorsqu’elles étaient inférieures aux salaires nets non déclarés. Cette manière de procéder n’appelle aucune critique, puisqu’elle a préservé rétroactivement pour le recourant l’équivalent des prestations sociales effectivement versées, et auxquelles il aurait eu droit sans les revenus non déclarés, de sorte que le droit du recourant à des conditions minimales d’existence n’a à aucun moment été violé.

11) Le recourant reproche enfin à l’hospice d’avoir refusé de lui octroyer la remise du remboursement qu’il lui réclame. Le remboursement portait atteinte à ses conditions minimales d’existence.

En l’espèce, il est établi que le recourant a sciemment caché à l’hospice ses revenus durant la période objet de la décision. Aussi, et quand bien même le remboursement le placerait dans une situation difficile, sa bonne foi ne peut, selon la jurisprudence constante en la matière, lui être reconnue, de sorte que, faute de remplir l’une des conditions cumulatives de l’art. 42 al. 1 LIASI, il ne peut prétendre à une remise.

C’est donc à bon droit que l’hospice a rejeté la demande de remise.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

12) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 23 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :