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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2618/2018

ATA/950/2018 du 18.09.2018 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2618/2018-FORMA ATA/950/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 septembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1998, a suivi sa scolarité à l’école primaire à Genève, puis au cycle d’orientation de la B______, avant d’entamer, à la rentrée 2013, une formation auprès de l’école de culture générale (ci-après : ECG) C______.

En juin 2017, M. A______ a obtenu le certificat de l’ECG, option santé.

2. En août 2017, il a entamé une maturité spécialisée santé à l’ECG C______.

Dans le cadre de la préparation de son travail de maturité spécialisée
(ci-après : TMsp), il a été encadré par Madame D______, référente ECG, et Monsieur E______, juré de la haute école de santé (ci-après : HEdS).

3. Le 18 avril 2018, il a déposé son TMsp.

4. Par courrier du 4 mai 2018, il a été informé que son travail avait été jugé insuffisant. Il devait procéder à une remédiation et améliorer son travail, selon les indications de ses référents, sur les points suivants :

a. quant à l’expression et à la mise en forme :

- se référer à la norme APA pour la bibliographie et pour les renvois bibliographiques ;

b. quant au contenu du rapport et de la recherche théorique :

- sélectionner les informations et supprimer les hors sujets ;

- clarifier et expliciter la problématique ;

- en approfondir l’analyse et la développer ;

- exploiter pleinement les sources et les mentionner ;

- expliciter les liens avec les cours théoriques de la HEdS.

La version corrigée du TMsp était à rendre jusqu’au 21 mai 2018. Pendant le temps de la remédiation, il pouvait solliciter sa référente pour un entretien et des conseils nécessaires. Son attention était attirée sur le fait qu’une deuxième insuffisance signifierait l’échec de l’année de maturité spécialisée.

5. M. A______ a rendu son travail le 21 mai 2018 et l’a soutenu oralement le 1er juin 2018.

6. Par décision du 5 juin 2018, la version remédiée du TMsp de M. A______ a été jugée insuffisante, notamment « en raison d’une remédiation incomplète des points demandés, d’un développement de la recherche théorique restant lacunaire et imprécis et d’une communication orale sommaire. Cette insuffisance signifiait l’échec au TMsp et au titre de maturité spécialisée santé ».

7. Le 19 juin 2018, M. A______ a recouru auprès de la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II). Il a demandé que son travail soit réévalué par deux autres personnes ou qu’il puisse bénéficier d’une nouvelle opportunité pour passer sa soutenance en septembre 2018.

8. Par décision du 11 juillet 2018, le directeur général de la DGES II a rejeté le recours.

9. Par acte du 8 août 2018, M. A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à ce que la DGES II « reconnaisse la validité de son recours et valide son travail de maturité en lui octroyant la maturité spécialisée santé ».

Mme D______ avait mis une semaine, soit la moitié du temps qu’il lui avait été octroyé, pour la remédiation avant de répondre aux questions qu’il lui avait posées. Dans un premier temps, elle lui avait indiqué qu’elle n’avait pas à communiquer avec lui durant la période de remédiation avant de finalement accepter de lui donner sa version corrigée pour qu’il puisse aller de l’avant. Le travail qu’elle lui avait remis n’était pas celui qui correspondait à sa dernière version, mais à l’une des premières datant de plus de quatre mois. Or, la DGES II lui reprochait justement de ne pas avoir su faire appel à ses référents. Mme D______ n’avait pas apporté l’aide que l’ECG lui avait promise pendant la période de remédiation.

L’évaluation du travail était arbitraire et faussée car non basée sur la dernière version du travail. Ses travaux pratiques valaient 5,9, ce qui confirmait qu’il était fait pour ce métier. Il n’avait pas non plus reçu l’évaluation en points pour son travail, ce qui l’empêchait de savoir comment la première version avait été évaluée. Il avait été victime d’une inégalité de traitement.

10. La DGES II a conclu au rejet du recours.

Le suivi du travail par les référents avait été de bonne qualité, conformément aux différentes fiches d’entretien et courriels produits. L’étudiant n’avait pas su répondre aux nombreux avertissements et demandes formulées par ses référents. Ceux-ci ne faisaient pas de nouvelles corrections une fois le travail remédié et rendu. M. A______ n’avait pas souhaité une version corrigée de son travail pendant la période de remédiation et n’avait pas demandé de corrections. Il s’était privé de cette opportunité qui lui avait été pourtant indiquée. Il s’était contenté de demander une copie des corrections qui avait été envoyée les 12 et 14 mai 2018. L’évaluation du TMsp était produite. L’intéressé avait obtenu vingt-cinq points sur soixante-six pour la partie écrite et dix sur trente-deux pour la partie orale, soit un total de trente-cinq sur nonante-huit points répartis comme suit :

- partie écrite (deux tiers) :

- respecter le cadre de travail : deux points sur quatre ;

- mettre en œuvre des méthodes de travail : quatre points sur douze ;

- constituer un corpus de référence : deux points sur huit ;

- analyser la mise en situation professionnelle : trois points sur six ;

- développer une recherche : deux points sur seize ;

- maîtriser la rédaction d’idée et la mise en forme du document : douze points sur vingt ;

- partie orale (un tiers) :

- connaître le sujet : huit points sur seize ;

- critiquer sa démarche de travail : deux sur seize ;

- communiquer orale : zéro sur huit.

Chacune de ces rubriques était détaillée en sous-rubriques avec l’équivalence précise en points.

11. Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions et a fait des observations sur chacune des rubriques de l’évaluation précitée.

12. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur le constat d’échec du recourant au titre de maturité spécialisée ainsi que son exclusion de la filière.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA).

4. La maturité spécialisée est réussie si les prestations complémentaires définies à l'art. 46 ont été validées et si le travail de maturité spécialisée, exécuté et rendu dans les délais, a obtenu au moins la mention « suffisant » ou la note de 4,0 (art. 52 du règlement relatif à l’école de culture générale
du 29 juin 2016 ; RECG - C 1 10.70).

Aux termes de l’art. 51 RECG, le travail de maturité spécialisée est évalué par l'école de culture générale, en collaboration avec la haute école correspondante (al. 1). Un référent de la haute école du domaine d'orientation de la maturité spécialisée est membre du jury d'évaluation du travail de maturité spécialisée (al. 2).

L’élève qui n’obtient pas au moins la mention « suffisant » ou la note de 4,0 à la partie écrite de son travail de maturité spécialisée a la possibilité dans un délai de deux semaines à compter de la notification de le compléter avant de le soutenir oralement. Dans ce cas, la meilleure mention possible pour la partie écrite est « suffisant » (art. 55 al. 1). Dans les maturités spécialisées santé, la remédiation ne peut porter que sur la partie écrite du travail de maturité spécialisée (art. 55 al. 2 1ère phrase).

En cas d’échec au travail de maturité spécialisée, l’élève est exclu de la filière maturité spécialisée et ne peut pas se réinscrire une deuxième fois (art. 56).

Aux termes de l’art. 39 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31), les décisions d'une direction d'un établissement des degrés secondaire II ou tertiaire B (ci-après : établissement) peuvent faire l'objet d'un recours en première instance à la direction générale de l'enseignement secondaire II. Le recours lui est adressé par écrit dans un délai de 30 jours dès la communication de la décision (al. 1). Les notes scolaires ainsi que l'évaluation, chiffrée ou non, d'un travail ou d'un stage ne peuvent être revues par l'autorité de recours. Elles ne peuvent pas faire l'objet d'un recours, sauf pour motif d'illégalité ou d'arbitraire dans les cas suivants : a) non-promotion ; b) attribution d'une note ou appréciation insuffisante, annuelle ou de promotion, reprise ultérieurement comme note ou appréciation de diplôme ou de certificat final. Le délai de recours court dès la communication de la note ou de l'appréciation (al. 3).

5. a. En matière d’examens, le pouvoir de l’autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu’elle peut revoir avec un plein pouvoir d’examen. En effet, selon la jurisprudence, l’évaluation des résultats d’examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l’administration ou les examinateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation et ne peut faire l’objet que d’un contrôle judiciaire limité (ATA/762/2016 du 6 septembre 2016 consid. 3b et les références citées). Cette retenue est en conformité avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l’autorité judiciaire précédente fasse preuve d’une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d’une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu’elle est amenée à vérifier le bien-fondé d’une note d’examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6 ; 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 3.2 ; 2D_6/2013 du 19 juin 2013 consid. 3.2.2). Les marges d’appréciation qui existent en particulier dans le cadre de l’évaluation matérielle d’un travail scientifique impliquent qu’un même travail ne soit pas apprécié de la même manière par des spécialistes. Les tribunaux peuvent ainsi faire preuve de retenue tant qu’il n’y a pas d’éléments montrant des appréciations grossièrement erronées (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1).

b. La chambre de céans ne revoit l’évaluation des résultats d’un examen qu’avec une retenue particulière, dès lors qu’une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux experts ou examinateurs, ainsi que sur une comparaison des candidats. En outre, à l’instar du Tribunal fédéral (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_38/2011 du 9 novembre 2011 consid. 4.1), et par souci d’égalité de traitement, la juridiction de céans s’impose cette retenue même lorsqu’elle possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c’est le cas en matière d’examens d’avocats ou de notaires (ATA/762/2016 précité consid. 3c et les références citées ; ATA/408/2016 du 13 mai 2016 consid. 4). En principe, elle n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; ATF 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/762/2016 précité consid. 3c et les références citées).

6. Seule est litigieuse la seconde condition, nécessaire et cumulative, de l’art. 46 RECG qui impose à l’étudiant d’obtenir au moins la mention « suffisant » ou la note de 4,0 à son travail de maturité spécialisée.

Le recourant conteste l’évaluation de son TMsp, jugé insuffisant, après remédiation.

Le recourant indique que les corrections du 13 mai 2018 transmises tardivement par sa référente concernaient une ancienne version de son TMsp.

Le recourant reproche à sa référente qu’elle ait mis une semaine avant de lui répondre, diminuant d’autant le temps à sa disposition. Il ressort de la description des faits par le recourant que, le 7 mai 2018 déjà, soit le jour même où il l’avait interpellée, celle-ci avait relevé lui avoir déjà adressé ses corrections. Elle les lui a à nouveau acheminées le 13 mai 2018, s’étonnant de ce qu’il ne les aurait pas reçues. Même à suivre le recourant, en ce qu’il n’aurait pas reçu préalablement le courriel avec les modifications souhaitées par ses référents, il ne conteste pas les avoir obtenues le 13 mai 2018, ce qui lui laissait encore une semaine pour finaliser son TMsp et plus de deux semaines avant la présentation orale. De surcroît, le recourant n’indique pas avoir tenté par un autre biais d’obtenir avant le 13 mai 2018 lesdites corrections.

Concernant la version du TMsp corrigée, l’intéressé n’a pas réagi jusqu’au recours. Sauf à ne pas avoir travaillé les corrections proposées, ce qui justifierait une note insuffisante, le recourant devait se rendre compte que les corrections avaient été faites sur une ancienne version. L’absence de toute réaction de sa part contredit le fait que les référents auraient travaillé sur une fausse version de son TMsp. Pour le surplus, il ne produit pas deux versions différentes à la présente procédure, soit celle corrigée et celle soumise avant remédiation. Enfin, même à considérer que les référents auraient effectivement eu une ancienne version du TMsp, les griefs du recourant sont émis tardivement. Son absence de réaction n’est pas compatible avec une attitude conforme au principe de la bonne foi.

Le recourant considère que « toutes les remarques faites ont été prises en compte ».

Certes, des améliorations ont été amenées au travail final. Toutefois, une rapide comparaison, du chapitre 4.3 par exemple, permet de constater que les remarques faites n’ont pas été prises en compte. Ainsi, la demande de préciser à quels cours théoriques des HEdS l’étudiant se référait n’a pas été suivie. De même, la phrase de l’étudiant « pour arriver à un shéma de communication viable, l’approche va être décomposée en quatre étapes que je définis comme suit : analyse du besoin ; la relation verbale et non verbale ; l’aide psychologique ; l’aide thérapeutique » n’a pas été améliorée malgré les interrogations de la référente : « vous ?, sources ?, toujours la même ? ».

De surcroît les remarques de forme n’ont pas toutes été intégrées.

Pour le surplus, le recourant se limite à substituer sa propre appréciation à celles des experts.

Le renvoi, par les référents, aux consignes contenues dans l’APA n’est pas « indigne des professeurs ». Il contribue plutôt au principe de l’égalité de traitement entre les étudiants.

Au vu de ce qui précède et du très large pouvoir d’appréciation des examinateurs, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant le TMsp du recourant comme insuffisant et en prononçant son exclusion de la filière.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté, et tant la décision de la direction de l’établissement que celle de la direction générale du département seront confirmées.

Vu cette issue, un émolument de procédure, réduit, de CHF 200.-, sera mis à la charge du recourant, et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 août 2018 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 11 juillet 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :