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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/882/2020

ATA/927/2020 du 22.09.2020 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;POUVOIR D'APPRÉCIATION;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : AIMP.1.al3.letc; RMP.24; Cst.29.al2; RMP.43
Parties : GROUPE E CONNECT SA / SPIE-MTS, OFFICE CANTONAL DU GÉNIE CIVIL
Résumé : Rejet du recours contre la décision d’adjudication contestée par un soumissionnaire arrivé en deuxième rang. Pas de violation du principe de la transparence ni du droit d’être entendu du recourant. Les sous-critères invoqués figurent dans la documentation relative à l’appel d’offres. Pas de violation de l’obligation de motiver la décision litigieuse. Pas d’évaluation arbitraire des offres par l’autorité adjudicatrice in casu.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/882/2020-MARPU ATA/927/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2020

 

dans la cause

 

GROUPE E CONNECT SA

contre

SPIE MTS SA
représentée par Me Mathieu Simona, avocat

et

OFFICE CANTONAL DU GÉNIE CIVIL



EN FAIT

1) Dans le cadre de la construction de la route des Nations, l'office cantonal du génie civil (ci-après : OCGC) du département des infrastructures (ci- après : DI ou le département) a, pour le compte du service des ouvrages d'art, publié,
le 18 novembre 2019, sur le site www.simap.ch, un appel d'offres, en procédure ouverte, pour l'installation de l'éclairage dans le tunnel routier des Nations (projet 4.2 : Éclairage).

a. L'appel d'offres indiquait les quatre critères d'adjudication suivants avec la pondération correspondante : la qualité économique globale de l'offre (35 %), l'organisation du candidat pour répondre aux prestations demandées (34 %), la qualité et l'adéquation technique de l'offre (25 %) et les références du soumissionnaire et la qualité de présentation de l'offre (6 %). Il précisait que le dossier d'appel d'offres pouvait être obtenu sous www.simap.ch.

b. Le point 4.7 du dossier d'appel d'offres traitait des critères d'adjudication en reprenant les indications précitées et apportait les précisions suivantes. L'ordre d'importance correspondait à celui de l'énumération de l'appel d'offres. Un critère pouvait être divisé en éléments d'appréciation. Si le nombre et l'ordre d'importance des critères étaient définitifs et annoncés préalablement, l'adjudicateur se réservait le droit de fixer autant d'éléments d'appréciation qu'il était nécessaire pour départager les soumissionnaires, ceci en respectant l'égalité de traitement et le principe de la transparence. Les éléments d'appréciation étaient en relation directe avec un des critères principaux.

c. D'après le point 2 du cahier des charges intitulé « Pièce 4.2 - Conditions particulières - Document spécifique au projet - Rapport technique » (ci-après : cahier des charges « pièce 4.2 »), toutes les informations et données techniques nécessaires à l'appel d'offres étaient réparties dans plusieurs documents, à savoir une partie générale, des parties spécifiques traitant tous les points pour chaque installation spécifique du projet et un devis descriptif. Il était nécessaire de considérer tous les documents afin de prendre conscience de l'intégralité du cahier des charges et d'y répondre entièrement.

Ledit cahier des charges comportait un point 4 concernant les éléments de « jugement », qui avait pour but d'indiquer les attentes minimales relatives aux informations qualitatives, afin de faciliter l'évaluation de l'offre. Les éléments de « jugement » présentés n'étaient pas exhaustifs. Le mandant pouvait évaluer d'autres aspects des offres rendues dans le respect du principe de l'égalité de traitement. Ce point 4 était divisé en trois rubriques intitulées « Organisation du candidat pour répondre aux prestations demandées » pour la première, « Qualité, adéquation de l'offre et références du soumissionnaire » pour la seconde et « Références du soumissionnaire et qualité de présentation de l'offre » pour la troisième. Plusieurs sous-critères étaient rattachés à chacune de ces rubriques.

2) Cinq offres ont été déposées dans les délais et évaluées de manière détaillée suivant les critères susévoqués et les sous-critères mentionnés dans les grilles d'évaluation, produites en pièce 6 de l'OCGC. SPIE MTS SA (ci-après : SPIE) avait fait une offre pour un montant de CHF 1'396'750.42, le montant additionnel pour l'évaluation étant de CHF 362'794.88, soit au total une offre de CHF 1'759'545.30.

Selon le classement final des offres établi dans le Rapport d'évaluation du 20 février 2020, produit en pièce 7 de l'OCGC, SPIE arrivait au premier rang avec 343 points et le Groupe E Connect SA (ci-après : le Groupe E) au deuxième rang avec 338 points. Les suivants avaient obtenu respectivement 314, 292 et 282 points. L'analyse de « sensitivité », visant à démontrer la robustesse du classement, ne concluait pas à un autre classement final, en particulier entre le premier et le second candidat. Le groupe d'évaluation proposait d'adjuger le projet à SPIE dont l'offre avait obtenu le plus de points.

3) Le 27 février 2020, l'OCGC a informé SPIE que le marché lui avait été adjugé pour un montant de CHF 1'396'750.42 toutes taxes comprises.

4) Par décision du même jour, l'OCGC a informé le Groupe E que le marché avait été adjugé à SPIE pour le montant précité. L'offre de SPIE remplissait les critères et avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d'évaluation annexée à la décision, partie intégrante de celle-ci. L'offre du Groupe E avait été classée au deuxième rang sur cinq offres évaluées.

Pour les deux candidats concernés, ladite grille comportait, entre autres, les indications suivantes :

Nom du candidat

Montant de l'offre

Note pour le critère 1

Note pour le critère 2

Note pour le critère 3

Note pour le critère 4

Classement

SPIE

CHF 1'759'545.-

4.23

2.79

2.93

4.50

1

GROUPE E

CHF 1'644'560.-

4.41

2.80

2.48

4.50

2

 

5) Le 5 mars 2020, des représentants du pouvoir adjudicateur et du Groupe E se sont rencontrés, à la demande de celui-ci.

6) Le Groupe E a ensuite interjeté recours contre la décision d'adjudication auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et principalement à son annulation et à ce que le marché lui soit attribué. Il demandait subsidiairement l'annulation de la décision litigieuse et le renvoi du dossier au pouvoir adjudicateur pour nouvelle décision.

Il contestait la note obtenue pour le critère 3. Il aurait en effet dû obtenir la note 3, et non 2.48 qui correspondait à une offre partiellement suffisante, car, lors de la réunion du 5 mars 2020, l'autorité adjudicatrice lui avait dit que sa solution technique répondait pleinement au cahier des charges. Il aurait ainsi obtenu 13 points de plus et été premier du classement, remportant le marché. L'autorité adjudicatrice avait refusé de lui communiquer les sous-critères du critère 3, qui ne figuraient pas dans les documents d'appel d'offre, ainsi que les notes obtenues pour ceux-ci. Tant le principe de transparence que son droit d'être entendu avaient été violés, ce qui l'avait empêché de développer l'argumentation de son recours.

7) Le 11 mars 2020, la chambre administrative a fait interdiction au département et à SPIE de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en effet suspensif.

8) SPIE et l'OCGC ont respectivement conclu au rejet de la demande d'effet suspensif ainsi qu'à celui du recours sur le fond.

9) Le recourant a répliqué, en particulier sur les arguments et pièces de l'OCGC. Malgré sa demande concernant l'évaluation de son offre et celle ayant obtenu le marché, il n'avait pas reçu les documents concernant les notations détaillées, mentionnés dans la pièce 6 de l'OCGC, mais seulement un commentaire succinct et général de l'évaluation de son offre.

10) Par décision du 11 juin 2020, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

11) Le recourant a persisté dans ses conclusions au fond et demandé que la décision soit considérée comme illicite et, à titre subsidiaire, à la réparation intégrale du préjudice subi avec « un renvoi au civil ».

Il avait dû déposer un recours pour obtenir des informations plus détaillées sur l'évaluation de son offre, notamment le tableau de notation produit en pièce 6 de l'OCGC et sur la base duquel il pouvait compléter son argumentation. En sus des griefs susévoqués, il invoquait le caractère arbitraire de l'évaluation de son offre s'agissant du critère 3 mais également du critère 1, en particulier du
sous-critère « temps consacré », ce qui l'avait empêché d'être en tête du classement. La méthode utilisée ne permettait pas de garantir que l'offre économiquement la plus avantageuse remportât le marché.

12) Le 17 juillet 2020, l'OCGC a maintenu sa position et informé les parties que la commande pour l'exécution du marché, objet de la présente procédure, avait été passée auprès de SPIE en date du 26 juin 2020.

13) SPIE et, en dernier lieu, le Groupe E ont persisté dans leurs conclusions.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1, al. 1bis let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. La qualité pour recourir en matière de marchés publics se définit en fonction des critères de l'art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable sur renvoi de l'art. 3 al. 4 L-AIMP. Elle appartient aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, chacune de celles-ci devant néanmoins être touchée directement par la décision et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu'il s'agisse d'intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2a).

En matière de marchés publics, l'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (art. 18 al. 2 AIMP ; art. 3 al. 3 L-AIMP ; ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; ATA/1389/2019 précité consid. 2b). Le recourant qui conteste une décision d'adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l'illicéité de l'adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b).

b. En l'espèce, en tant que soumissionnaire évincé arrivé au deuxième rang après SPIE qui a remporté le marché, le recourant, qui a maintenu son recours après avoir été informé, par l'écriture du 17 juillet 2020 de l'OCGC, de la commande passée par l'autorité intimée auprès de SPIE pour l'exécution du marché litigieux, conserve un intérêt juridique à recourir contre la décision d'adjudication, son recours étant à même d'ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation, sollicitée dans son écriture du 30 juin 2020. Le Groupe E a donc la qualité pour recourir contre la décision litigieuse.

Par conséquent, le recours est recevable.

3) Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu et du principe de la transparence, griefs qui se recoupent in casu. Il reproche à l'autorité adjudicatrice, d'une part, de ne lui avoir communiqué les sous-critères du critère 3 ni dans les documents d'appel d'offres ni à la suite de leur séance du 5 mars 2020 et, d'autre part, d'avoir refusé de lui transmettre les notes obtenues ainsi que la manière d'évaluer ces sous-critères. Elle l'aurait ainsi privé de la possibilité de « défendre son offre » et de recourir à l'appui d'« arguments plus précis ». Il se plaint en particulier de ne pas avoir reçu les documents figurant en pièce 6 de l'OCGC concernant l'évaluation des offres avant le dépôt de son recours, alors qu'il avait demandé à l'autorité adjudicatrice des informations plus détaillées à ce sujet, celle-ci s'étant contentée, à titre de réponse, d'un commentaire succinct et général sur l'évaluation de son offre.

a. Le principe de la transparence, ancré aux art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP, exige, selon la jurisprudence, du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. En outre, lorsqu'en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit concrètement des sous-critères qu'il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation. Le point de savoir si, dans un cas d'espèce, les critères utilisés sont inhérents au critère publié ou relèvent d'une grille d'évaluation, en sorte que le principe de la transparence n'en exige pas la communication par avance, résulte de l'ensemble des circonstances qui entourent le marché public en cause, parmi lesquelles il faut mentionner la documentation relative à l'appel d'offres, en particulier le cahier des charges et les conditions du marché (ATF 130 I 241 consid. 5.1 et les références citées).

b. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit d'obtenir une décision motivée. L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.2 2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_832/2016 du 12 juin 2017 consid. 4.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 3a).

En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu'a l'autorité d'indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Le droit des marchés publics, 2002, p. 256). Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP (ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 6b). Ces dispositions exigent une motivation sommaire des décisions d'adjudication. Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble de ces explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2014, p. 250 n. 392 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 3a).

c. En l'espèce, la décision litigieuse a été sommairement motivée conformément aux exigences légales, les raisons du rejet de l'offre du recourant étant explicitées dans la grille d'évaluation annexée à la décision. Cette grille indique, pour chaque candidat, la note et les points obtenus pour chaque critère d'adjudication - annoncé dans l'appel d'offres - dont le taux de pondération est rappelé. Elle met en lumière que l'offre du recourant reçoit une note inférieure à celle de SPIE uniquement pour le critère 3. Cette motivation, bien que sommaire, permet au recourant de comprendre les raisons pour lesquelles son offre n'a pas été retenue, et de demander le cas échéant un complément d'information à l'autorité adjudicatrice sur les points qu'il estime nécessaires, ce qui a in casu été fait lors de la séance du 5 mars 2020, à tout le moins, comme le relève le recourant, par un commentaire général et succinct. Il ne peut ainsi être reproché à ladite autorité d'avoir failli à son obligation de motiver. À cela s'ajoute le fait que le recourant a pu, dans le cadre de la présente procédure, obtenir le détail des évaluations de toutes les offres, exposé en particulier dans la pièce 6 produite par l'OCGC, et compléter ensuite son recours. Dès lors, il n'y a pas lieu de retenir de violation de son droit d'être entendu sous cet angle.

Quant à la communication des sous-critères du critère 3, ceux-ci ne figurent certes pas dans la grille d'évaluation annexée à la décision litigieuse, contrairement aux quatre critères d'adjudication. Toutefois, la documentation relative à l'appel d'offres constituée, entre autre, du cahier des charges « pièce 4.2 » précise, au point 4 de ce document, les « éléments de jugement » concernant notamment la qualité et l'adéquation de l'offre. En particulier, ledit point 4 cite les éléments suivants : les simulations d'éclairage, la sélectivité, l'architecture logique, la mise en oeuvre de l'architecture physique, les câbles, la section des câbles et la qualité du matériel. Ce sont précisément ces sept éléments, regroupés en deux sous-critères (« Qualité et adéquation des solutions techniques proposées » et « Caractéristiques techniques »), qui ont guidé l'autorité adjudicatrice dans l'évaluation du troisième critère d'adjudication, comme cela ressort clairement des notations détaillées de chaque offre, produites sous pièce 6 de l'OCGC. Disposant de toute la documentation relative à l'appel d'offres, le recourant connaissait, ou à tout le moins pouvait connaître, les sous-critères du critère 3, qui y sont clairement mentionnés et qui ont été utilisés par l'autorité adjudicatrice lors de l'évaluation dudit critère. Il était ainsi en mesure de soumissionner valablement et de demander toute explication utile à l'OCGC quant à l'évaluation des sous-critères du critère 3 lors de la séance du 5 mars 2020. Par conséquent, les griefs tirés d'une violation du principe de transparence et du droit d'être entendu ne peuvent qu'être écartés.

Le recours sera donc rejeté sur ces trois points.

4) Le recourant estime que l'évaluation des critères 1 et 3, plus particulièrement de certains sous-critères, a été arbitraire.

a. Selon l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et avec leur pondération au moment de l'appel d'offres. L'art. 12 al. 2 RMP dispose qu'en procédure ouverte, les offres sont évaluées en fonction des critères d'aptitude, au sens de l'art. 33, et des critères d'adjudication, au sens de l'art. 43.

En vertu de l'art. 43 al. 1 RMP, l'évaluation des offres dans les procédures visées aux art. 12 à 14 est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres. Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (art. 43 al. 2 RMP). À teneur de l'art. 43 al. 3 RMP, le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse,
c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement. L'art. 43 al. 5 RMP dispose que l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas.

b. En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). Le juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8c).

c. Dès le dépôt de son recours, le recourant s'est plaint de l'appréciation arbitraire de son offre s'agissant du critère 3, ce qui correspond à se plaindre d'un abus du pouvoir d'appréciation. Il estime que l'autorité intimée aurait dû lui attribuer la note 3, et non 2.48, car son offre répondait au cahier des charges et que, selon le barème utilisé, la note de 2.48 sur 5 correspondait à une offre partiellement suffisante. Dans son écriture du 30 juin 2020, il rapporte les éléments contenus dans les notations détaillées des offres le concernant lui et SPIE, produites sous pièce 6 de l'OCGC, et critique l'évaluation faite par ce dernier en y opposant sa propre appréciation. Ce faisant, il ne met toutefois pas en lumière un quelconque emploi abusif ou excessif de la liberté d'appréciation de l'autorité adjudicatrice. Par exemple, le fait d'attribuer une note différente, s'agissant du sous-critère § 2.1 relatif aux simulations d'éclairage, à l'offre du recourant par rapport à celle de SPIE ne constitue pas un abus du pouvoir d'appréciation, dans la mesure où le nombre de simulations proposé est différent. Quant à l'« architecture logique » (sous-critère § 2.1-2.3 du critère 3), le recourant considère que son offre, notée à 3, est plus avantageuse pour l'autorité adjudicatrice, parce qu'elle laisse à celle-ci le choix de l'équipement à retenir, contrairement à l'offre de SPIE, qui a reçu la note 4. Il s'agit d'une considération d'ordre technique et pratique entrant dans le pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice, dans lequel il ne revient en principe pas à la chambre de céans de s'immiscer. Par ailleurs, l'OCGC explique que la note 4 est attribuée en cas de nouvelle architecture logique avec une optimisation technique marquante, ce qui n'était pas le cas de l'offre du recourant. Aucun de ces éléments ne permet ainsi de conclure à un abus ou excès de la liberté d'appréciation de l'autorité adjudicatrice lors de l'évaluation du critère 3.

Le recourant adopte une approche similaire en se plaignant, pour la première fois dans son écriture du 30 juin 2020, de l'évaluation de son offre sous l'angle du critère 1, plus particulièrement du sous-critère « temps consacré », et en reprochant à l'autorité adjudicatrice de ne pas avoir demandé des clarifications à l'un des trois autres candidats, Marti Technik AG, dont l'offre soulevait, d'après lui, la question de l'offre anormalement basse au sens de l'art. 41 RMP. Il estime que si ladite autorité avait procédé à une estimation des heures travaillées plus réaliste - c'est-à-dire en ne prenant pas en compte le nombre d'heures pour l'exécution du marché, proposé par ce candidat, qui était beaucoup plus important que celui des quatre autres soumissionnaires -, elle aurait fixé la moyenne des heures à 5'250 (et non à 6'765), de sorte qu'il aurait obtenu la note 5 (et non 3.03), ce d'autant plus que son offre proposait le meilleur prix. Dans son écriture du 17 juillet 2020, l'OCGC répond à ces deux critiques par des arguments plausibles et étayés, qui ne sont pas remis en cause par le recourant dans sa dernière écriture du 14 août 2020. Concernant le nombre d'heures annoncé par Marti Technik AG, l'OCGC explique que la différence d'estimation horaire est due à deux postes spécifiques identifiés dans le document produit à sa pièce 11 et que l'offre de ce candidat a été mal notée (0.65) sur ce point, ce qui ressort de la notation détaillée de l'offre de Marti Technik AG, produite sous pièce 6 de l'OCGC. De plus, l'OCGC a procédé à la vérification arithmétique de l'offre de Marti Technik AG, produite à sa pièce 12, de laquelle il ressort que les prix proposés sont similaires à ceux des autres soumissionnaires, en particulier ceux du recourant et de SPIE dont les vérifications arithmétiques figurent aux pièces 13 et 14 de l'OCGC. À cela s'ajoute que le prix minimum admissible en-dessous duquel il fallait effectuer des vérifications était de CHF 1'365'563.-, comme cela figure sur le document intitulé « Notation du prix », produit à la pièce 6 de l'OCGC, seuil qui n'était pas atteint par l'offre de Marti Technik AG s'élevant à CHF 1'835'439.-. Dans ces circonstances et vu les explications étayées, pertinentes et non contestées de l'autorité adjudicatrice ainsi que son large pouvoir d'appréciation en matière d'évaluation des offres, aucune violation de l'art. 41 RMP, ni abus ou excès de sa liberté d'appréciation ne peuvent lui être reprochées. Le fait que le recourant soit d'un autre avis n'y change rien.

Par conséquent, le recours doit être rejeté et la décision litigieuse confirmée.

5) Un émolument de CHF 1'300.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à SPIE, qui y conclut et qui a recouru aux services d'un avocat, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2020 par le Groupe E Connect SA contre la décision de l'office cantonal du génie civil du 27 février 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge du Groupe E Connect SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à SPIE MTS SA, à la charge du Groupe E Connect SA ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 et suivants LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Groupe E Connect SA, à Me Mathieu Simona, avocat de SPIE MTS SA, à l'office cantonal du génie civil ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :