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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4472/2016

ATA/900/2020 du 22.09.2020 sur ATA/387/2018 ( FPUBL ) , SANS OBJET

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;INTÉRÊT ACTUEL;PROCÈS DEVENU SANS OBJET;RADIATION DU RÔLE
Normes : LPA.60
Résumé : Absence d’intérêt actuel à recourir à la suite de l’abrogation de la disposition légale sur laquelle se fondait la décision litigieuse. Recours sans objet et radiation de la cause du rôle.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4472/2016-FPUBL ATA/900/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 septembre 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Mes Thomas Barth et Romain Jordan, avocats

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Madame A______, qui a exercé la fonction d'enseignante, est directrice, depuis 2008, de l'établissement ______, deux écoles primaires sises à ______.

2) Mme A______ a été soumise au cahier des charges de directeur/trice d'établissement primaire (ci-après : directeur d'établissement), créé en janvier 2008 et modifié le 30 novembre 2010.

3) Le 17 septembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi sur l'instruction publique (LIP - C 1 10), dont l'art. 59, situé dans les dispositions relatives au degré primaire, avait la teneur suivante : « Les directeurs d'établissement consacrent une partie de leur temps de travail à l'enseignement ». Ladite loi a été promulguée par arrêté du 11 novembre 2015, publié le surlendemain.

4) Dans un courrier du 21 septembre 2015 à tous les directeurs d'établissement, la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département), a relevé qu'il s'agirait, les prochains mois, de mener une analyse du fonctionnement de cette nouvelle exigence légale, notamment au niveau de la charge de travail, afin de définir les modalités de réponse à y apporter.

5) Le 29 septembre 2015 a eu lieu, dans ce cadre, une rencontre entre la conseillère d'État en charge du département (ci-après : la conseillère d'État) et l'ensemble des directeurs d'établissement.

6) Le 24 novembre 2015, une séance de travail s'est tenue entre la DGEO et l'ensemble des directeurs de l'enseignement primaire en vue de la mise en oeuvre de l'art. 59 LIP à la rentrée 2016. Un atelier de réflexion sur les possibilités de réduire les activités des directeurs d'établissement et/ou d'en déléguer était organisé.

7) Le 11 décembre 2015, l'association genevoise des directeurs d'établissements primaires (ci-après : AGDEP) et deux directeurs d'établissement, tous trois représentés par les mêmes avocats que ceux mandatés par Mme A______, ont recouru à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l'art. 59 LIP.

8) La nouvelle LIP est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, excepté son art. 59, la chambre constitutionnelle ayant accordé l'effet suspensif au recours.

9) Par arrêt du 19 mai 2016 (ACST/6/2016), la chambre constitutionnelle a rejeté le recours précité, arrêt que le Tribunal fédéral a confirmé le 8 mars 2017 (2C_589/2016) après avoir refusé de restituer l'effet suspensif au recours.

10) Le 30 août 2016, une séance a eu lieu entre la conseillère d'État et l'AGDEP, à la suite de laquelle l'association a fait savoir à celle-là que ses membres s'étaient prononcés à l'unanimité contre l'application de l'art. 59 LIP, même partielle.

11) Un conseil général des cadres de l'enseignement primaire (ci-après : le conseil général) a eu lieu le 18 octobre 2016 sur la mise en oeuvre de l'art. 59 LIP. À cette occasion, la DGEO a indiqué que la mise en oeuvre de cette disposition était prévue le 1er janvier 2017, la modification du cahier des charges des directeurs d'établissement primaire étant la suivante :

« 7. Domaine de l'enseignement.

Le/la directeur/trice d'établissement primaire s'acquitte de missions d'enseignement et d'actions pédagogiques face aux élèves. Dans ce cadre, il/elle définit les modalités et l'organisation de ces missions.

Volumétrie : une à deux périodes par semaine ».

12) Par courrier du 9 novembre 2016, la DGEO a informé Mme A______ des modifications de son cahier des charges, conformément au texte présenté lors de ladite séance, lui octroyant un délai de dix jours pour faire valoir ses observations.

13) Le 21 novembre 2016, Mme A______ a demandé à la DGEO de pouvoir consulter le dossier, le délai pour ses déterminations devant être prolongé en conséquence, demande à laquelle la DGEO a fait droit le 25 novembre 2016.

14) Le dossier a été consulté dans les locaux de la DGEO le 29 novembre 2016. À la demande de Mme A______, une copie dudit dossier lui a été transmise le 5 décembre 2016, à la suite de quoi l'intéressée a demandé une prolongation du délai pour se déterminer.

15) Par décision incidente du 7 décembre 2016, sujette à recours, la DGEO a refusé la prolongation dudit délai et informé Mme A______ qu'une décision serait prononcée à compter du 14 décembre 2016.

16) Le 14 décembre 2016, Mme A______ a transmis ses observations à la DGEO, indiquant qu'une prolongation du délai aurait dû lui être accordée, au-delà du fait qu'il était absurde, inopportun et même illégal de mettre en place pareille modification du cahier des charges alors même que la constitutionnalité de l'art. 59 LIP n'était pas acquise.

17) Par décision du 21 décembre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, la DGEO a informé Mme A______ que son cahier des charges modifié prendrait effet au 1er janvier 2017. Elle l'invitait à être prête à assurer des missions d'enseignement et actions pédagogiques face aux élèves, à raison d'une à deux périodes hebdomadaires à compter de la rentrée scolaire de la nouvelle année civile.

18) Par acte du 30 décembre 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et principalement à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'art. 59 LIP était inconstitutionnel, puisqu'il avait été adopté en violation du droit d'être entendu, pourtant garanti par la liberté syndicale dans le cadre de la procédure législative, sans consultation préalable de l'AGDEP, et contrevenait aux principes de la bonne foi, de l'égalité de traitement et de la séparation des pouvoirs. À cela s'ajoutait que la modification du cahier des charges était illégale au regard des principes généraux mentionnés à l'art. 2A de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), dès lors que son temps de travail ne lui permettait objectivement pas d'assurer une tâche d'enseignement en sus, son activité comprenant, outre la prise en charge de nombreux élèves et enseignants de l'établissement, la participation à diverses séances. Elle cumulait ainsi de nombreuses heures supplémentaires chaque année afin de pouvoir assurer ses tâches, étant précisé qu'elle n'avait plus enseigné depuis 2002.

19) Le 8 février 2017, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours. Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté contre cette décision.

20) À la demande de la chambre de céans, les conseils de Mme A______ ont défini trois dossiers « pilote » parmi tous les dossiers des directeurs d'établissement primaire ayant recouru et qu'ils représentaient, dont la présente cause.

21) Le 22 mai 2017, le département a conclu au rejet du recours.

Le droit d'être entendu de Mme A______ n'avait pas été violé, dès lors qu'elle n'avait pas contesté la décision incidente du 7 décembre 2016, dont elle était forclose à se plaindre. Il avait également été respecté lors de l'adoption de l'art. 59 LIP, qui était une base légale conforme aux règles et principes constitutionnels, sur laquelle reposait la décision litigieuse. Dans ce cadre, il avait été tenu compte des opinions émises tant par les directeurs d'établissement que par l'AGDEP pour concrétiser, avec souplesse et de manière la moins incisive possible, le cahier des charges des directeurs d'établissement. Ledit document leur laissait une grande liberté dans le choix de l'organisation de l'activité en cause, qui pouvait prendre la forme d'une surveillance des devoirs, d'un remplacement ponctuel ou d'une dispense de périodes de rythmique ou de gymnastique, étant précisé que Mme A______ avait exercé la fonction d'enseignante pendant plusieurs années et disposait ainsi d'une expérience certaine en la matière. Au surplus, les collaborateurs n'avaient pas de droits acquis ni de garantie d'immuabilité de leur cahier des charges.

22) Le 15 septembre 2017, Mme A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Les directeurs d'établissement effectuaient près de deux cent quatre-vingts heures supplémentaires par an, auxquelles viendraient s'ajouter, du fait de la modification de leur cahier des charges, cent nonante autres heures supplémentaires, à savoir deux heures de cours et trois heures de préparation hebdomadaires, soit cinq heures, multipliées par trente-huit ou trente-neuf semaines de cours par an. La question litigieuse visait à savoir si la rémunération des heures supplémentaires d'un cadre supérieur, plafonnée, autorisait l'employeur à « charger » à l'envi son cahier des charges sans examen préalable et sans contrôle judiciaire. Cette modification violait non seulement le règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975
(RCSAC - B 5 05.03), mais aussi la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11), la santé des intéressés étant mise en péril par le surmenage qui leur était imposé.

23) Le 28 septembre 2017, le département a également persisté dans ses conclusions.

Mme A______ était libre de choisir le type d'action et le mode d'intervention et avait également la possibilité d'annualiser ses activités. À raison de trente-huit semaines et demie d'enseignement annuel, cette activité correspondait à vingt-neuf heures par année scolaire. Sachant que la durée normale du travail était de mille huit cents heures par année, les heures exigées par le nouveau cahier des charges correspondaient à 0,016 % de son temps de travail, ce qui était très modeste. Par ailleurs, il ne s'agissait pas d'enseigner deux heures par semaine, mais d'effectuer une à deux périodes par semaine de missions d'enseignements et d'actions pédagogiques face aux élèves, la durée d'une période d'enseignement ne se confondant pas avec une heure de soixante minutes. Quant à la préparation desdites missions et actions, elle pouvait être nulle ou quasi nulle à un peu plus poussée, mais n'équivalait pas à trois ou quatre heures hebdomadaires de préparation pour une, voire deux périodes du degré primaire. De plus, des mesures compensatoires avaient été prévues, notamment s'agissant d'une délégation des tâches et d'un renfort des postes de maîtres adjoints, de coordinateurs pédagogiques et de personnel administratif, personnes susceptibles de recevoir des tâches déléguées, ce qui ne générait aucune heure supplémentaire pour les directeurs d'établissement et rendait peu réalistes les chiffres indiqués par Mme A______.

24) Mme A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

La question de la modification du cahier des charges se posait, dès lors qu'il n'était pas clair s'il s'agissait de trente-cinq, quarante-cinq ou nonante minutes d'enseignement, ni si une préparation était nécessaire. Même à suivre les explications du département, les directeurs d'établissement ne pouvaient sans autre consacrer vingt-neuf heures annuelles à des missions d'enseignement, au regard de leur importante charge de travail. Rien ne démontrait en outre que le département avait pris toutes les mesures utiles pour que la modification en cause ne soit pas problématique. Par ailleurs, il ressortait des différentes écritures du département que celui-ci avait reconsidéré la définition contenue dans le cahier des charges, de sorte qu'il lui appartenait de délimiter l'objet du litige.

25) À la demande de Mme A______, une audience de plaidoiries s'est tenue le 20 mars 2018, à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger.

26) Par arrêt du 24 avril 2018 (ATA/387/2018), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours de Mme A______.

Son cahier des charges avait été modifié et exigeait d'elle qu'elle « s'acquitte de missions d'enseignement et d'actions pédagogiques face aux élèves », à raison d'« une à deux périodes par semaine », ce qui correspondait à 1,61 % de son temps de travail et était ainsi une charge minime. La modification litigieuse était également infime en termes de contenu, compte tenu de la latitude d'organisation laissée à l'intéressée, et n'imposait pas de considérer que le cahier des charges, modifié, ait une teneur différente du précédent. Il en résultait qu'il s'agissait de la conséquence d'un acte interne à l'organisation de l'administration, à savoir l'adaptation par le département des cahiers des charges des directeurs d'établissement aux tâches définies par le législateur, qui ne contenait pas d'éléments permettant de la qualifier en tout ou en partie de décision.

27) Contre cet arrêt, Mme A______ a interjeté recours au Tribunal fédéral, lequel a, le 21 février 2019 (8D_2/2018), admis le recours et renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision au sens des considérants.

La modification du cahier des charges avait concrétisé la volonté du législateur d'exiger des directeurs d'établissement qu'ils consacrent dorénavant une partie de leur temps de travail à l'enseignement. Cette disposition créait une obligation nouvelle allant au-delà des tâches leur incombant dans leur sphère d'activité habituelle. Dans cette mesure, l'objet de la modification affectait la situation juridique des directeurs d'établissement, et donc de Mme A______, en tant que sujet de droit. Il s'agissait d'une décision qui devait pouvoir être examinée, au fond, par une autorité judiciaire.

28) a. La chambre administrative a cité les parties à une audience de comparution personnelle, qui s'est tenue le 7 juin 2019.

b. Mme A______ a expliqué avoir concrétisé l'art. 59 LIP notamment en libérant des enseignants et en se rendant dans les classes, en préparant les conseils d'établissement avec les élèves, en présentant le nouveau règlement, voire en accompagnant les élèves lors de sorties. Ce type de travail n'apportait aucune plus-value pour les élèves et lui avait fait perdre des compétences sur le plan didactique. La modification du cahier des charges l'avait amenée, en 2018, à effectuer près de six cents heures supplémentaires, qui atteignaient déjà presque quatre cents heures en 2016 et en 2017. Lesdites heures supplémentaires étaient compensées par une indemnité forfaitaire de 3 % du traitement annuel de base, au motif qu'elles dépassaient deux cents heures par année. L'obligation d'enseigner n'avait, dans son établissement, pas été accompagnée de l'allocation de moyens supplémentaires, comme des maîtres adjoints, des coordinateurs pédagogiques ou du personnel administratif. La mesure avait également été « brutale », sans aucun palier, lors de son entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Bien que des séances collectives eussent été organisées en vue de la mise en oeuvre de l'art. 59 LIP, elle n'avait jamais eu l'occasion d'être entendue individuellement.

c. Selon les représentantes du département, le litige portait toujours sur une à deux périodes, et non pas sur une seule, étant précisé que l'art. 59 LIP était néanmoins appliqué avec souplesse.

29) Le 12 février 2020, les parties ont sollicité la suspension de la procédure, en lien avec l'examen, à la fin du mois, par le Grand Conseil, d'un projet de loi visant à l'abrogation de l'art. 59 LIP.

30) Le 17 février 2020, la chambre administrative a prononcé la suspension de la procédure.

31) Lors de sa séance du 27 février 2020, le Grand Conseil a adopté la loi 12'315 « Pour rétablir une égalité de traitement des directeurs d'établissement » abrogeant l'art. 59 LIP, qui est entrée en vigueur le 4 juillet 2020.

32) Le 9 mars 2020, le département a informé la chambre administrative que le Grand Conseil avait abrogé l'art. 59 LIP, de sorte que le recours de Mme A______ était devenu sans objet.

33) Le 10 mars 2020, la chambre administrative a demandé à Mme A______ quelles suites elle entendait donner à la procédure.

34) Le 16 mars 2020, Mme A______ a pris acte de l'abrogation de l'art. 59 LIP, la décision litigieuse relevant de l'autorité du seul département, à qui il incombait de la retirer formellement. Dans ce contexte, dès lors qu'elle obtenait gain de cause, elle persistait intégralement dans ses conclusions « en octroi de plein frais et dépens ».

35) Le 30 mars 2020, la chambre administrative a prononcé la reprise de la procédure et a imparti à Mme A______ un délai pour se déterminer sur les frais et indemnité de la procédure.

36) Le 15 juin 2020, Mme A______ a persisté dans les termes de son courrier du 16 mars 2020, sollicitant que le département soit formellement invité à se déterminer sur le maintien ou non de la décision litigieuse afin qu'elle puisse se positionner sur les « frais et dépens ».

37) Le 7 juillet 2020, le département a expliqué que la modification du cahier des charges était valablement intervenue alors que l'art. 59 LIP était encore en vigueur, de sorte que la décision du 21 décembre 2016 n'était ni nulle, ni viciée. Il allait toutefois de soi que dès le 4 juillet 2020, à savoir dès l'entrée en vigueur de la loi 12'315, aucune mission d'enseignement ou d'action pédagogique ne serait plus demandée aux directeurs d'établissement, la modification de leurs cahiers des charges, y compris celui de Mme A______, étant en cours dans ce sens. L'intéressée n'avait ainsi plus d'intérêt au recours, qui devenait sans objet à la suite de la caducité de l'art. 59 LIP. De ce fait, il n'y avait pas lieu de lui octroyer une indemnité, pas plus que de « démultiplier » celle-ci au regard des causes parallèles pendantes auprès de la chambre administrative restées dans l'attente d'une décision dans les trois causes « pilote ».

38) Dans le délai imparti, Mme A______ a indiqué que la décision attaquée était l'acte d'application de l'art. 59 LIP, à savoir la modification de son cahier des charges, ce qui supposait un retrait de ladite décision et l'établissement d'un cahier des charges valablement expurgé de toute obligation d'enseigner, ce que le département semblait refuser, alors même que la cause n'avait pas perdu son objet et que l'instruction pouvait reprendre. Le département avait toutefois expliqué que la modification du cahier des charges était en cours, reconnaissant que la décision litigieuse devait être rapportée. Ainsi, soit le département consentait à faire retirer la décision, et il pouvait alors être statué uniquement sur les frais et dépens, soit tel n'était pas le cas et l'instruction de la cause devait reprendre. Elle transmettait à la chambre de céans son relevé d'activité pour la fixation de l'indemnité de procédure des causes « pilote », soit un montant de CHF 11'146.95 pour chacune de ces causes, qui ne pouvait faire l'objet d'aucune réduction.

39) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), comme l'a confirmé le Tribunal fédéral, la question étant en l'état de savoir si la cause a encore un objet.

2) a. À teneur de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/805/2020 du 25 août 2020 consid. 2b et les références citées).

b. L'intérêt digne de protection au sens de cette disposition consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 III 537consid. 1.2.2). Cet intérêt doit être direct et concret (ATF 143 II 506 consid. 5.1). Par ailleurs, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée et cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Si l'intérêt actuel disparaît durant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). La simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas à fonder un intérêt actuel (ATA/629/2020 du 30 juin 2020 consid. 5a).

c. Un intérêt actuel et pratique fait en particulier défaut lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou a perdu son objet ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 et les références citées). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 ; ATA/373/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d et les références citées).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_863/2019 précité consid. 3.3).

3) En l'espèce, à la suite de l'entrée en vigueur de l'art. 59 LIP, l'intimé a procédé à l'adaptation du cahier des charges des directeurs d'établissement, dont celui de la recourante, en y ajoutant qu'ils devaient s'acquitter, à raison d'une à deux périodes par semaine, de missions d'enseignement et d'actions pédagogiques face aux élèves, ces tâches ayant pris effet à la rentrée de janvier 2017, conformément à la décision du 21 décembre 2016, contre laquelle Mme A______ a recouru, concluant à son annulation. Entrée en vigueur le 4 juillet 2020, la loi 12'315 a toutefois abrogé l'art. 59 LIP, sur laquelle le cahier des charges litigieux se fonde, l'intimé ayant expliqué que les directeurs d'établissement n'étaient plus tenus auxdites missions et actions pédagogiques à compter de cette date et précisé que leur cahier des charges était en cours de modification.

Dans la mesure où la recourante a obtenu, par ce biais, ce qu'elle demandait dans le cadre de son recours, elle ne dispose plus d'un intérêt actuel à recourir, étant précisé qu'elle n'a pris aucune conclusion spécifique autre que l'annulation de la décision contestée s'agissant de la période pendant laquelle elle a mis en oeuvre l'art. 59 LIP. Le fait que l'intimé n'ait pas formellement révoqué le cahier des charges litigieux n'y change rien, dès lors que celui-ci, ne reposant sur aucune disposition légale à compter de l'abrogation de l'art. 59 LIP, est devenu caduc.

Il ne saurait, en outre, être renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel, puisqu'à défaut de base légale correspondante, la situation ne saurait se reproduire et que, comme précédemment relevé, en l'absence de conclusions spécifiques, il n'existe aucun intérêt public à ce que la chambre de céans se prononce sur la conformité de la décision litigieuse au droit lors de sa période d'application.

Il appert ainsi que l'intérêt digne de protection de la recourante fait défaut, de sorte que son recours est devenu sans objet, ce qui conduit à rayer la cause du rôle.

4) a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par le règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/633/2020 du 30 juin 2020 consid. 2 et la référence citée). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87
al. 2 LPA).

b. L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/450/2020 du 7 mai 2020 consid. 3b et les références citées), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA, qui plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 1C_58/2019 du 31 décembre 2019 consid. 3.4).

c. Pour déterminer le montant de l'indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d'instruction, le nombre d'échanges d'écritures et d'audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l'importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_58/2019 du 31 décembre 2019 consid. 3.4 ; ATA/465/2020 du 7 mai 2020 consid. 2b et les références citées). La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2).

d. En l'espèce, le Tribunal fédéral ayant donné gain de cause à la recourante, celle-ci a droit à l'octroi d'une indemnité de procédure. Elle a chiffré celle-ci à CHF 11'146.95 pour l'ensemble de la procédure devant la chambre de céans, perdant ainsi de vue que, de jurisprudence constante, ladite indemnité ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat. Celle-ci sera fixée à CHF 2'000.-. Ce montant tient compte des diverses écritures de la recourante, dont l'acte de recours par lequel elle a repris les arguments précédemment développés par ses mandataires devant la chambre constitutionnelle dans le cadre du contrôle abstrait de l'art. 59 LIP ayant donné lieu à l'ACST/6/2016, ainsi que de la tenue d'une audience de plaidoiries et d'une autre de comparution personnelle des parties. Il sera en outre précisé que la recourante a obtenu gain de cause du fait de l'abrogation, par le Grand Conseil, de l'art. 59 LIP, ce qui a rendu le présent recours sans objet. Il ne se justifie pas non plus d'octroyer une indemnité d'un montant supérieur, au regard des trois causes « pilote » tranchées, dont l'objet est strictement identique.

Par ailleurs, étant donné que le Tribunal fédéral a donné gain de cause à la recourante dans la procédure 8D_2/2018, aucun émolument ne sera mis à sa charge pour la procédure devant la chambre de céans, y compris pour le présent arrêt, conformément à sa pratique (ATA/1528/2019 du 15 octobre 2019 consid. 5 et les références citées).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

dit que le recours interjeté le 30 décembre 2016 par Madame A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 21 décembre 2016 est devenu sans objet ;

raye la cause du rôle ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à Madame A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Thomas Barth et Romain Jordan, avocats de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :