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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1028/2010

ATA/860/2010 du 07.12.2010 sur DCCR/686/2010 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1028/2010-PE ATA/860/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 décembre 2010

dans la cause

 

Madame et Monsieur S______

et

Enfant S______
représenté par Madame et Monsieur S______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 11 mai 2010 (DCCR/686/2010)


EN FAIT

1. Par pli recommandé, avec accusé de réception du 1er mars 2010, l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) a imparti à Madame et Monsieur S______ (ci-après : les époux S______), et à leur enfant, prénommé L______ né le ______ 1999, un délai au 1er juin 2010 pour quitter la Suisse, leur renvoi au Kosovo pouvant être raisonnablement exigé au regard de l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

2. Le recours des époux S______, de nationalité kosovare, dirigé contre la décision de l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) du 5 juin 2009, avait été rejeté le 12 décembre 2009 par le Tribunal administratif fédéral (C-4437/2009). En cas de non-respect de cette décision, le refoulement des intéressés serait effectué conformément à l'art. 69 al. 1 let. a LEtr. Un recours à l'encontre de cette décision pouvait être interjeté dans les trente jours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) et il aurait effet suspensif.

3. Le 19 mars 2010, les époux S______ agissant en leur nom propre et en celui de leur enfant, ont sollicité l'octroi d'un permis B en demandant à pouvoir rester en Suisse.

4. Par pli daté du même jour et réceptionné par la CCRA le 24 mars 2010, les intéressés ont recouru contre la décision précitée en concluant à l'octroi de l'effet suspensif et à l'annulation de ladite décision. Ils demandaient à pouvoir rester sur le territoire genevois, libres de leurs mouvements, et une prolongation du délai de départ devait leur être accordée pour que L______ puisse terminer sa quatrième année d'école primaire. Leur renvoi n'était pas possible, ni licite, ni exigible. Un délai d'un mois devait leur être accordé pour produire des pièces et compléter leur recours. Une audience, subsidiairement des débats, devaient être appointés.

5. Par courrier recommandé du 25 mars 2010, la CCRA a imparti aux intéressés un délai au 26 avril 2010 pour compléter leur recours et déposer toutes pièces utiles. En outre, ils étaient invités à s'acquitter "dans le délai fixé (mentionné sous conditions de paiement) de leur facture remise en annexe de l'avance de frais", sous peine d'irrecevabilité du recours. Ils pouvaient cas échéant solliciter l'assistance juridique. La facture précitée, datée du 25 mars 2010 également, était accompagnée d'un bulletin de versement. La somme de CHF 500.- devait être versée d'ici le 26 avril 2010.

6. Par courrier prioritaire du 21 avril 2010, les intéressés ont prié la CCRA de leur accorder un délai supplémentaire d'un mois pour payer l'avance de frais, compléter leur recours et produire toutes pièces complémentaires. Ce pli a été réceptionné le lendemain par la CCRA.

7. Le 23 avril 2010, la CCRA a adressé un courrier prioritaire aux intéressés : le délai pour compléter le recours était prolongé au 7 mai 2010. En revanche, l'avance de frais devait être versée d'ici le lundi 26 avril 2010, faute de quoi le recours serait déclaré irrecevable.

8. Le 6 mai 2010, les époux S______ ont sollicité une nouvelle prolongation d'un mois, voire de quinze jours, pour compléter le recours et s'acquitter de l'avance de frais. Le courrier de la CCRA du 23 avril 2010 leur fixait un délai au 26 avril 2010, alors que le délai de garde d'un recommandé était de sept jours. Leur situation évoluait et ils désiraient compléter leur dossier. Leur fils, V______, né le ______ 1994, était arrivé du Kosovo et ils étaient en train de faire les démarches pour l'inscrire auprès de la commune. Ils n'étaient pas encore en possession de tous les documents nécessaires.

9. Par décision du 11 mai 2010, la CCRA a déclaré le recours irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais et a mis un émolument de CHF 250.- à la charge des intéressés. Cette décision pouvait faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif dans les trente jours. Il n'était pas mentionné que la décision était exécutoire nonobstant recours.

10. Par acte posté le 13 juin 2010, les intéressés ont recouru auprès du tribunal de céans en sollicitant préalablement l'octroi de l'effet suspensif et principalement l'annulation de la décision attaquée, de même qu'un délai supplémentaire pour payer l'avance de frais, déposer un mémoire complémentaire et produire des pièces.

11. La CCRA a produit son dossier le 16 juin 2010.

12. Le 17 juin 2010, l'OCP a relevé qu'une restitution de l'effet suspensif par l'octroi de mesures provisionnelles équivaudrait à l'admission du recours sur le fond. Or, les époux S______ n'avaient jamais été titulaires d'une autorisation de séjour et la décision de l'ODM du 5 juin 2009 leur refusant une exception en mesure de limitation avait acquis force de chose décidée. De plus, ils avaient fait venir leur fils aîné du Kosovo après la décision de renvoi.

13. Le tribunal de céans a invité les recourants à payer une avance de frais de CHF 400.- d'ici le 14 juillet 2010, faute de quoi le recours serait déclaré irrecevable. Ce montant a été payé le 9 juillet 2010.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2009 de l’art. 86 LPA : "la juridiction invite le recourant à faire une avance destinée à couvrir les frais de procédure et des émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant. Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable".

3. En application de cette disposition la CCRA a déclaré le recours des intéressés irrecevable, l’avance de frais qu’elle leur avait réclamée n’ayant pas été payée dans le délai fixé au 26 avril 2010 et qu’elle avait refusé de prolonger le 23 avril 2010, aux termes d’un courrier prioritaire et non recommandé.

4. Les délais impartis par le juge peuvent être prolongés pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA).

5. En l’espèce, la requête des recourants datée du 21 avril 2010 tendant à ce qu’une prolongation de délai leur soit accordée, aussi bien pour payer l’avance de frais que pour compléter leur recours, a été présentée avant l’expiration du délai fixé au 26 avril 2010 par la CCRA. L’argumentation des recourants quant à la brièveté du délai restant à leur disposition depuis la réception du refus de leur requête le 23 avril 2010, compte tenu du délai de garde, est irrevelante puisque ce dernier courrier de la CCRA ne leur a pas été adressé par pli recommandé et qu’ils ont dû le recevoir le 24, ou au plus tard le 25 avril 2010.

Néanmoins, le refus de la CCRA est inexplicable : les recourants ont en effet spontanément fourni un motif - dont il appartenait à l’autorité saisie de juger s’il était fondé - au sens de l’art. 16 al. 2 LPA à l’appui de leur requête. A défaut, la CCRA aurait dû leur demander de préciser leurs raisons avant de statuer.

Enfin rien n’empêchait la CCRA de prolonger et le délai pour compléter le recours et celui pour verser l’avance de frais, afin d’éviter de tomber dans un formalisme excessif.

6. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (Arrêts du Tribunal fédéral 2A.507/2002 du 31 mars 2004, consid. 5.2 et réf. citées ; 1P.109/2004 du 10 mars 2004, consid. 2.1 et réf. citées). C’est en particulier le cas lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 134 II 244 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 ; ATA/768/2010 du 9 novembre 2010 ; ATA/356/2009 du 28 juillet 2009 et jurisprudence citée ; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 230 ss n. 2.24.6 et réf. citées).

7. En conséquence, le recours sera admis et la décision attaquée annulée. La cause sera renvoyée à la CCRA pour qu’elle statue sur le fond du litige. Vu l'issue de celui-ci, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2010 par Madame et Monsieur S______ et l’Enfant S______, représenté par Madame et Monsieur S______ contre la décision du 11 mai 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 11 mai 2010 ;

renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt Madame S______ et Monsieur S______, à l’Enfant S______, représenté par Madame et Monsieur S______, ses parents, à l’office cantonal de la population, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu’à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

Le vice-président:

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :