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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2719/2021

ATA/86/2022 du 01.02.2022 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2719/2021-DIV ATA/86/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er février 2022

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par Me Patrice Genoud, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me David Hofmann, avocat



EN FAIT

1) La société A______ SA (ci-après : la société) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) depuis le 4 juin 1997. Elle a pour but l’acquisition, l’administration et la cession d'hôtels, de restaurants, de dancings et d’établissements similaires, particulièrement l'exploitation de l'A______ à Genève.

2) Le 15 décembre 2020, le département du développement économique, devenu depuis lors le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), a octroyé à la société une aide financière forfaitaire de CHF 9'550.-, pour le mois de novembre 2020, calculée suivant la surface utile de l’établissement, en application de la loi 12'833 du 27 novembre 2020.

Sur la même base, le DEE a octroyé le 21 janvier 2021 à la société une aide financière forfaitaire de CHF 2'865.-, pour le mois de décembre 2020, et le 2 février 2021, une aide financière forfaitaire de CHF 2'865.-, pour la période de fermeture de début décembre 2020, calculée suivant la surface utile de l’établissement, en application de la loi 12'833 du 27 novembre 2020.

Le 9 avril 2021, le DEE a octroyé à la société une aide financière forfaitaire de CHF 2'667.-, pour le mois de décembre 2020, au titre de compensation forfaitaire de 10 % de la masse salariale bénéficiant des indemnités pour réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour le mois de novembre 2020, en application de la loi 12'824 du 27 novembre 2020.

Le 9 avril 2021 toujours, le DEE a octroyé à la société une aide financière forfaitaire de CHF 224.25, pour le mois de décembre 2020, au titre de compensation forfaitaire de 10 % de la masse salariale bénéficiant des RHT pour le mois de décembre 2020, en application de la loi 12'824 du 27 novembre 2020.

3) Le 11 mars 2021, la société a formé auprès du DEE une demande pour cas de rigueur.

Elle avait réalisé un chiffre d’affaires (ci-après : CA) de CHF 0.- en 2018, de CHF 6'708'452.- en 2019 et de CHF 4'488’818.- en 2020, pour des coûts totaux durant cette même année de CHF 4'285’821.- dont une TVA perçue de CHF 235’1754.-. Pendant la période de fermeture en 2021, elle avait réalisé un CA de CHF 651'882.-.

En 2020, ses charges avaient compris les loyers et charges locatives par CHF 435’887.-, les fluides par CHF 79’292.-, les abonnements et engagements fixes par CHF 209’820.-, les primes d’assurance par CHF 14’584.-, les frais administratifs et honoraires par CHF 10’444.-, les charges salariales par CHF 2'551’651.-, les frais de véhicules par CHF 0.-, les charges de leasing par CHF 0.-, les charges d’amortissement par CHF 84'800.- et les charges financières par CHF 175.-, soit un total de CHF 3'415'719.-.

Déduction faite des RHT versées, correspondant à 90 % des charges salariales, soit CHF 2'296'485.90, le total des charges non couvertes était de CHF 1'119'233.10.

4) Le 19 mars 2021, le DEE a octroyé à la société une aide financière forfaitaire de CHF 22'629.- pour la période de fermeture du 1er janvier au 11 mars 2021, en application de la loi 12'863 du 29 janvier 2021.

Étaient pris en compte les coûts fixes de CHF 1'119'233.10 pour l’année 2020 et un chiffre d’affaires de CHF 651'882.- réalisé pendant la période de fermeture en 2021.

5) Le 26 mai 2021, la société a demandé au DEE de reconsidérer sa décision.

Un malentendu la pénalisait gravement. Pour être éligible, l’entreprise devait avoir subi en 2020 une perte du CA d’au moins 25 % du CA moyen des années 2018 et 2019. Or, l’établissement avait été totalement fermé du 1er octobre 2017 au 6 mai 2019 pour une rénovation complète et n’avait d’ailleurs pas bénéficié durant cette période d’une autorisation d’exploitation, de sorte qu’aucun chiffre d’affaires n’avait été généré du 1er janvier 2018 au 6 mai 2019.

Elle avait donc indiqué le chiffre d’affaires du 7 mai 2019 au 29 février 2020 et l’avait annualisé, le portant à CHF 6'708'452.-. La société avait, certes, été créée avant le 31 décembre 2017, toutefois la réouverture de l’établissement après travaux était assimilable à une création de société. La comparaison sur les douze derniers mois (du 1er mai 2019 au 30 avril 2020) montrait également une perte supérieure à 25 %. Sans l’aide sollicitée, la société, en grande difficulté financière et virtuellement en faillite, ne pourrait maintenir son activité.

6) Le 22 juin 2021, le DEE a rejeté la demande de reconsidération.

Compte tenu de la nature de son activité, la société n’avait vraisemblablement pas été l’objet d’une décision administrative de fermeture. La déclaration avait induit un traitement biaisé et l’octroi indu d’une aide pour fermeture de CHF 22'629.-, laquelle devait être remboursée.

L’unique secteur d’activité éligible serait la restauration, sous réserve de l’existence d’une comptabilité analytique permettant d’isoler les charges et produits du restaurant.

La période des travaux de rénovation ne pouvait être retranchée de la période de calcul du CA moyen de référence, quand bien même l’entreprise n’avait pas réalisé de CA.

La société était inscrite au RC depuis le 4 juin 1997 et réputée avoir commencé son activité à cette date, de sorte qu’il n’était pas envisageable de considérer un CA réalisé entre le 1er janvier 2019 et le 29 février 2020 calculé sur douze mois.

L’autorisation d’exploitation avait été délivrée à la société par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) le 10 mai 2019, de sorte que l’exception de l’art. 18 al. 2 du règlement de la loi cantonale 12'938 ne s’appliquait pas.

Compte tenu d’un CA 2018-2019 de CHF 14'310.50 et CHF 4'403'842.20, soit d’un CA moyen de CHF 2'209'076.35, le CA de 2020 n’avait pas baissé de plus de 25 %.

7) Par acte remis à la poste le 19 août 2021, A______ SA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à la constatation que le règlement d’application de la loi 12'863 était lacunaire et créait une inégalité de traitement non voulue par la loi, à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause du DEE.

Le règlement d’application de la loi 12'863 violait le principe d’égalité de traitement. Son art. 14 distinguait les entreprises qui avaient eu une activité régulière en 2018 et 2019 de celles qui avaient été créées durant la même période, leur appliquant des règles de calcul différentes, mais n’appréhendait pas la situation des entreprises créées avant 2018 mais qui n’avaient pu déployer d’activité durant la période sans qu’on puisse leur reprocher de faute. Si elle n’avait pas accompli de travaux, elle aurait pu bénéficier d’une aide. La disposition créait ainsi une inégalité de traitement et une distorsion de la concurrence entre hôtels.

8) Le 22 septembre 2021, le DEE a conclu au rejet du recours.

La prise en compte du CA moyen des années 2018 et 2019 résultait de l’art. 12 de la loi fédérale Covid-19 du 25 septembre 2020 et il y avait cas de rigueur lorsque le chiffre d’affaires de 2020 était inférieur à 60 % de la moyenne pluriannuelle.

La loi cantonale 12'863 avait pour but d’unifier toutes les règles « cas de rigueur » dans un seul texte légal et le règlement d’application, qui la concrétisait, renvoyait explicitement au droit fédéral, s’agissant par exemple du cercle des bénéficiaires et des exigences définies dans l’ordonnance fédérale sur les cas de rigueur Covid-19. L’art. 14 ne pouvait donc s’interpréter qu’en relation avec le dispositif du règlement d’application, lequel appliquait la loi 12'863, laquelle à son tour tenait compte de la loi et de l’ordonnance fédérales.

La loi 12'938 du 30 avril 2021 abrogeant la loi 12'863 et son règlement du 5 mai 2021 avaient maintenu la référence au CA moyen des exercices 2018-2019 et introduit une exception pour les entreprises créées depuis mars 2020 ou avant mars 2020 mais dont les activités n’avaient débuté qu’après le 1er mars 2020.

La société n’avait droit à une aide « cas de rigueur » ni selon les critères du droit fédéral ni selon ceux de l’aide cantonale complémentaire. Le législateur n’avait pas prévu le cas des entreprises anciennes qui avaient interrompu leur activité pour des rénovations. Il s’agissait d’un silence qualifié. Le CA avait augmenté entre le CA moyen 2018-2019 et le CA 2020. La société avait fermé volontairement pour travaux, au terme d’un choix stratégique et commercial.

Les restaurants faisant partie des hôtels avaient eu le droit de rester ouverts, selon l’ordonnance du Conseil fédéral du 18 décembre 2020 (RO 2020 5813), et l’arrêté du Conseil d’État du 21 décembre 2020 modifiant l’arrêté du 1er novembre 2020. Il n’y avait donc pas eu de fermeture imposée aux hôtels ni aux restaurants d’hôtels depuis fin décembre 2020.

9) La société n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 25 octobre 2021.

10) Le 5 novembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision du DEE du 22 juin 2021 refusant à la société une aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19 et ordonnant la restitution de l’aide pour fermeture de CHF 22'629.- allouée à tort le 19 mars 2021.

3) La recourante se plaint d’une inégalité de traitement résultant de l’art. 14 du règlement d’application de la loi 12'863, lacunaire, qui ne prendrait pas en compte les entreprises créées avant 2018 mais ayant dû interrompre leur activité en 2018 ou 2019.

a. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).

À son art. 12, celle-ci prévoit des mesures destinées aux entreprises. Dans sa teneur antérieure au 19 décembre 2020, la disposition prévoit que dans des cas de rigueur, la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir financièrement les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en raison de la nature même de leur activité économique, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages ainsi que les entreprises touristiques pour autant que les cantons participent pour moitié au financement. Un cas de rigueur existe si le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 60 % de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération (al. 1). Le soutien n’est accordé que si les entreprises étaient rentables ou viables avant le début de la crise du Covid-19 et à condition qu’elles n’aient pas déjà bénéficié d’autres aides financières de la Confédération. Ces aides financières n’incluent pas les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, les allocations pour perte de gains et les crédits selon l’ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au COVID-19 du 25 mars 2020 (al. 2). Pour les cas de rigueur, elle peut octroyer des contributions à fonds perdu aux entreprises concernées (al. 3). Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance (al. 4). Dès le 19 décembre 2020, la comparaison avec le CA pluriannuel pour la détermination du cas de rigueur a été reprise dans un nouvel al. 1bis de l’art. 12 de la Loi Covid-19. La condition de la rentabilité et de la viabilité de l’entreprise bénéficiaire avant l’apparition du Covid-19 a, quant à elle, été reprise dans un nouvel al. 2bis.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid-19 ; RS 951.262).

Selon l’ordonnance Covid-19, dans sa version applicable, en l’occurrence, jusqu’au 31 mars 2021, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton (art. 1 al. 1).

L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1) et elle a un numéro d’identification des entreprises (ci-après : IDE ; art. 2 al. 2).

Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, a été créée avant le 1er mars 2020 (art. 3 al. 1 let. a), et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Si elle a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le CA moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (art. 3 al. 2).

L’entreprise doit également établir que son CA 2020 est inférieur à 60 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie (art. 5 al. 1).

En cas de recul du CA enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son CA sur la base du CA des douze derniers mois au lieu du CA de l’exercice 2020 (art. 5 al. 1bis)

Pour les entreprises créées après le 31 décembre 2017, le CA calculé selon l’art. 3 al. 2 est réputé CA moyen des exercices 2018 et 2019 (art. 5 al. 2).

L’entreprise doit confirmer que le recul du CA entraîne à la fin de l’année une part des coûts fixes non couverts menaçant sa viabilité (art. 5a). Selon la teneur en vigueur dès le 14 janvier 2021, l’entreprise doit confirmer au canton uniquement que le recul du CA entraîne d’importants coûts fixes non couverts.

Les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou les cantons pour endiguer l’épidémie de Covid-19, doivent cesser leur activité pour au moins 40 jours entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 ne sont pas tenues de remplir les conditions d’octroi d’un soutien financier visées aux art. 4 al. 1 let. b, 5 al. 1 et 1bis et 5a (art. 5b).

Dès le 1er avril 2021, l’art. 3 a été refondu. Selon l’al. 1 let. a, l’entreprise doit s’être inscrite au RC avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, avoir été créée avant le 1er octobre 2020. Selon l’al. 2 par CA annuel moyen des exercices 2018 et 2019, on entend, (a) pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, (1) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois, ou (2) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois, et (b) pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020, le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois.

b. Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après :
aLAFE-2021).

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaire insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). Une éventuelle subvention monétaire générale d’une collectivité publique est déduite (art. 2 al. 2), mais non les RHT ou les allocations pour perte de gain (ci-après : APG) ou encore les crédits prévus par la loi fédérale (art. 2 al. 3). Les aides financières octroyées en application des lois 12'783, 12'812, 12'824, 12'825, 12'826 et 12'833 demeurent acquises s’agissant du calcul des montants alloués pour l’année 2020 (art. 2 al. 4). Les versements déjà effectués en application des lois 12'802, 12'803, 12'807, 12'808, 12'809, 12'810 et 12'813 pour la période du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2021 sont déduits de l'aide apportée dans le cadre de la loi
(art. 2 al. 5). Les contributions exceptionnelles sous forme de prêt versées par la Fondation d'aide aux entreprises ne sont pas déduites (art. 3 al. 6). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (art. 3 al. 1 let. a), ou dont le chiffre d'affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 let. b) ou dont la baisse de chiffre d'affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 3 al. 1 let. c). L'aide financière n'est pas octroyée aux entreprises qui ont bénéficié d'un ou de plusieurs soutiens financiers dans le cadre des mesures prises par les autorités fédérales et cantonales pour lutter contre les effets de la pandémie dans les domaines de la culture, du sport, des transports publics ou des médias (al. 2). L'aide financière demandée en raison de l'al. 1 let. b est réduite de l'aide financière éventuelle apportée durant la même période suite à une demande fondée sur l'al. 1 let. a (al. 3).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1). Sont considérés comme coûts fixes les charges fixes incompressibles liées à l'activité, indispensables au maintien de cette dernière, notamment le loyer, les fluides, les assurances et les contrats de location liés à l'activité commerciale (art. 5 al. 2). La liste est établie par le règlement (art. 5 al. 3).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8), dont le CA est inférieur à 60 % du CA antérieur (art. 9 à 11), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen antérieur (art. 12).

L’indemnité n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1). Son montant déterminé par voie réglementaire, calculé au prorata du nombre de jours pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 8 al. 2) et est en principe au plus de CHF 750'000.- et 20 % du CA (art. 8 al. 3, 11 al. 2 et 12 al. 2).

c. Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ci-après : aRAFE-2021).

Sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (art. 3 al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du chiffre d’affaires définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25 % et 40 %, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (art. 3 al. 2).

Selon l’art. 5 al. 1, les coûts fixes comprennent le loyer et les charges locatives (let. a), les fluides (let. b), les abonnements et engagements fixes (let. c), les assurances liées à l’activité commerciale (let. d), les frais administratifs (let. e), les frais de véhicules (let. f), les charges d’amortissement (let. g), les charges financières (let. h), les charges de leasing (let. i) et les charges sociales patronales sur une base forfaitaire (let. j).

d. Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

Selon l’art. 9 al. 1, l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises : (a) dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019, ou (b) créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020 ; dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale.

L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 et l’indemnité calculée selon les critères de l’al. 1 (art. 9 al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l’activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (art. 9 al. 3).

L’indemnité maximale par entreprise et pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- et 20 % du chiffre d’affaires comme prévu à l’article 8a de l’ordonnance Covid-19 (art. 10 al. 1).

e. Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021).

Selon l’art. 3 al. 3, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3, al. 1, let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9, al. 1, let. b, de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

f. Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

g. Aux termes de l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

h. La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision ou un arrêté est arbitraire lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif ou n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 113 consid. 5.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

i. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; ATF 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; ATF 133 III 175 consid. 3.3.1). L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune authentique (ou proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ;
138 II 1 consid. 4.2).

4) a. En l’espèce, la recourante ne conteste pas qu’elle ne remplit pas les conditions posées par la lettre de la loi, mais fait valoir que l’application stricte de l’aRAFE-2021 créerait une inégalité de traitement.

La recourante n’a été créée ni en 2018 ni en 2019, mais en 1997, et n’a pas commencé son activité commerciale dès le 1er janvier 2020, mais en tout cas avant 2018, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions de l’exception de l’art. 14
al. 2 aRAFE permettant d’extrapoler le CA moyen de comparaison d’une période d’activité réduite.

L’art. 14 al. 1 aRAFE, comme d’ailleurs l’art. 11 al. 1 aRAFE, établissent comme comparant le CA moyen des années 2018 et 2019.

La recourante fait valoir que l’interruption de son activité pour cause de travaux de rénovation constitue un cas particulier, qui devrait exclure de comptabiliser la période de fermeture dans l’exercice et conduire à l’annualisation du CA réalisé dès la réouverture le 6 mai 2019.

La mesure de la baisse du CA par comparaison avec un exercice précédent pluriannuel trouve son fondement dans la loi Covid-19 et l’ordonnance Covid-19 précise qu’il s’agit du CA moyen des exercices 2018 et 2019. La base de comparaison de l’art. 14 al. 1 aRAFE a ainsi été reprise à l’identique du droit fédéral, comme le relève l’intimé.

Le CA durant l’exercice de comparaison 2018-2019 n’a par principe pu être affecté par la pandémie. Ses éventuelles fluctuations durant cette période et leurs causes ressortissent à la vie économique ordinaire des entreprises et aux aléas de la conjoncture et sont ignorées par la réglementation tant fédérale que cantonale, qui ne fait pas de distinctions pour les entreprises créées avant 2018.

La recourante n’expose pas pour quels motifs des travaux de rénovation, dont on peut présumer qu’ils ont fait l’objet d’une planification financière attentive, même s’ils entraînent momentanément la diminution ou même l’interruption des recettes, devraient être distingués d’autres choix entrepreneuriaux ou même des fluctuations de l’économie et faire l’objet d’un traitement particulier qui aurait échappé au législateur.

Ceux-ci s’inscrivent au contraire – à l’instar par exempled’un sinistre, de difficultés de planification, d’approvisionnement, de financement ou d’exploitation, d’un changement de mode ou d’une baisse d’affection de la clientèle, ou encore de toute décision de modifier ou de réduire l’activité – dans la longue durée de la vie d’une entreprise et il n’apparaît pas arbitraire que la réglementation, qui répond à une situation particulière de pandémie et a choisi de prendre en compte les deux exercices les plus récents, n’en tienne pas compte. Le financement des travaux et la perte ou la réduction momentanée du chiffre d’affaires ne sauraient par ailleurs affecter en eux-mêmes la rentabilité ou la viabilité de l’entreprise, à peine de ne pas remplir la condition figurant aujourd’hui à l’art. 12 al. 2bis de la loi Covid-19.

Il suit de ces considérations que la situation de la recourante ne se différencie pas sensiblement de celle de ses concurrents qui n’ont pas accompli de travaux durant la même période, de sorte qu’elle ne saurait reprocher à la décision ou à la réglementation sur laquelle celle-ci se fonde d’avoir traité de la même manière deux situations nécessitant un traitement distinct et omis de faire les distinctions qui s’imposaient vu les circonstances. Le grief de violation du principe d’égalité de traitement sera écarté.

b. La recourante ne soutient plus dans son recours que sa réouverture après travaux serait assimilable à la création d’une nouvelle société. Une telle interprétation ne trouverait aucun appui dans le texte clair des art. 3 al. 1 let. a et al. 2 ordonnance Covid-19 et 9 al. 1 let. b LAFE-2021, qui mentionnent la création de l’entreprise, étant observé que la recourante a été fondée et inscrite au RC en 1997 dans le but, inchangé depuis lors, d’exploiter l’hôtel, qu’elle n’a connu, en 2003, qu’une modification de sa raison sociale relative à l’enseigne de celui-ci et enfin qu’elle n’a pas cessé de fonctionner durant les travaux qu’elle a conduit et qui s’inscrivaient dans son but social. La recourante ne soutient pas que le second semestre 2019, dont elle réclame que le résultat soit extrapolé, aurait fait l’objet d’une comptabilisation séparée.

c. La recourante fait valoir que l’aRAFE-2021 serait lacunaire en tant qu’il ne prévoirait pas le cas de l’entreprise ayant, comme elle, interrompu son activité durant tout ou partie des exercices de référence 2018-2019.

L’art. 12 al. 1 de la loi Covid-19, entrée en vigueur le 26 septembre 2020, devenu l’art. 1bis dès le 19 décembre 2020, mentionne expressément la référence à la « moyenne pluriannuelle ». Le message du Conseil fédéral du 12 août 2020 (FF 2020 6363) n’en fait pas mention et celui du 18 novembre 2020 (FF 2020 8505) se limite à indiquer que la teneur de l’art. 12 al. 1 est reprise dans le nouvel al. 1bis. La référence à la moyenne pluriannuelle du CA apparaît d’abord lors des débats au Conseil National le 9 septembre 2020. Une période de référence est proposée et s’étend alors de 2017 à 2019 (BOCN 2020 1333). Elle réapparaît, sans plus mentionner de période, lors des débats au Conseil des États le 16 septembre 2020 (BOCE 2020 876). Le rapporteur de la majorité de la commission du Conseil National expose le 17 septembre 2020 que le critère, pour admettre un cas de rigueur, de la réduction de 40 % du CA sur une moyenne pluriannuelle « était beaucoup trop rigide et ne permettait pas de tenir compte réellement de la définition du cas de rigueur » (BOCN 2020 1640). « Après un long débat, la majorité de la commission a constaté que la formulation retenue posait un certain nombre de problèmes. D'abord en ce qui concerne le fait de retenir les années 2015 à 2019. Il est clair que ces années-là ne seront retenues que pour des entreprises qui existaient pendant cette période, la moyenne ne pouvant naturellement être calculée que sur une période plus courte si l'entreprise a été créée après l'année 2015 » (BOCE 2020 1640-1641). Le 21 septembre 2020, au Conseil des États, les débats achoppent également sur la rigueur du seuil de 60 % mais non sur la moyenne pluriannuelle ou son principe (BOCE 2020 951 s). La période de référence n’est plus évoquée. La conférence de conciliation propose le 23 septembre 2020 la formulation suivante « Un cas de rigueur existe si le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 60 pour cent de la moyenne pluriannuelle » (BOCE 2020 1013 ; BOCN 2020 1764). Le rapporteur de majorité au Conseil National considère le même jour qu’il s’agit d’un critère suffisant (BOCN 2020 1765). Le texte est adopté par le plénum de chaque chambre le 25 septembre 2020, sans débat. Les travaux préparatoires montrent ainsi que lorsque le débat a porté sur la période de référence, une réduction de cette durée ou une extrapolation du CA n’ont été évoqués que pour les entreprises créées durant celle-ci.

Le texte de l’ordonnance Covid-19 est clair. Les exceptions à la prise en compte du CA de référence moyen des années 2018-2019 sont limitées aux entreprises fondées après le 31 décembre 2017. Ainsi pour une entreprise créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, soit avant la mise en œuvre des mesures de restriction, le CA moyen qui sert de référence est celui qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur 12 mois ; ou le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur 12 mois. Le CA pris en considération est celui qui permet à l’entreprise de recevoir l’aide la plus importante (art. 3 al. 2 let. a de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur). Cette règle garantit que les entreprises qui ont été créées en 2018 ou 2019, mais qui n’ont réalisé des CA plus élevés qu’à partir de 2020, ne soient pas défavorisées par rapport à celles qui ont été créées après le 29 février 2020 et qui ont réalisé des CA en été 2020 (commentaire de l’administration fédérale des finances de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur du 18 juin 2021 p. 6 ; accessible à l’adresse https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/ attachments/67163.pdf).

Par comparaison, le législateur ne paraît pas avoir envisagé d’exception à la prise en compte du CA moyen de 2018 et 2019 pour les entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2017. La différence de traitement entre cette règle stricte, d’une part, et la possibilité de modifier d’autre part la période de référence pour les entreprises créées dès 2020, peut trouver son fondement dans les effets des vagues successives de la pandémie, et justifier aussi bien l’extrapolation de CA même inférieurs à un an ou le glissement de l’exercice de référence pour tenir compte par exemple d’une saison d’hiver. L’extrapolation de CA durant la période de référence 2018-2019 ne se justifie quant à elle que si l’entreprise a été créée durant cette période.

La chambre de céans a jugé qu’une société inscrite au RC depuis 2012, qui avait entrepris l’exploitation d’un restaurant dès juillet 2020, changé sa raison sociale au 1er octobre 2020 et dont le chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 était nul, réalisait la condition d’inscription au RC avant le 1er mars 2020, laissant ouverte la question de l’applicabilité de l’art. 3 al. 2 let. b de l’ordonnance Covid cas de rigueur entré en vigueur le 1er avril 2021, soit après la décision litigieuse (ATA/1055/2021 du 12 octobre 2021 consid. 7).

La IIIe Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le 30 juillet 2021 le recours d’un entrepreneur qui expliquait avoir choisi de réduire de moitié son activité en 2018 et 2019, ce qui avait empêché son revenu annuel moyen d’atteindre le seuil de CHF 50'000.-, et observé que les exceptions prévues par la loi pour les entreprises créées entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020 respectivement entre le 1er mars et le 30 septembre 2020 ne s’appliquaient pas (arrêt 603 2021 80 du 30 juillet 2021 consid. 3).

Dans un arrêt du 25 novembre 2021, la même IIIe Cour a jugé que l’autorité avait à bon droit écarté l’argument de l’exploitante d’une boulangerie-tea-room selon lequel d’importants travaux effectués dans la zone entre 2017 et 2019 avaient rendu son commerce inaccessible ou difficilement accessible et avaient notablement réduit son CA, de sorte qu’il fallait prendre en compte l’exercice 2016. Bien que l’argument fût compréhensible, les dispositions légales mentionnaient expressément le CA moyen des années 2018 et 2019, de sorte que les autorités ne pouvaient appliquer d’autres années de référence (arrêt
603 2021 78 du 25 novembre 2021 consid. 3.2).

On ne peut ainsi conclure, dans le cas d’espèce, que le législateur se serait abstenu de régler un point alors qu'il aurait dû le faire et qu'aucune solution ne se dégagerait du texte ou de l'interprétation de la loi (lacune proprement dite). Si la solution à laquelle aboutit l’application de l’aRAFE-2021 ou du RAFE peut certes paraître insatisfaisante à la recourante, il n’appartient pas au juge de combler un silence qualifié.

d. La recourante, qui conclut à l’annulation de la décision du 22 juin 2021 en ce qu’elle lui refuse une aide, ne critique pas l’injonction qui lui est par ailleurs adressée dans la même décision de rembourser l’aide pour fermeture de CHF 22'629.- octroyée le 19 mars 2021.

Cette injonction, qui repose sur le constat que le formulaire avait été incorrectement renseigné, apparaît fondée, ni les hôtels ni leurs restaurants ne s’étant en réalité vu imposer de fermeture depuis fin décembre 2020, ce que la recourante ne conteste d’ailleurs pas.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 août 2021 par A______ SA contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 22 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrice Genoud, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me David Hofmann, avocat du département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Krauskopf, Payot Zen Ruffinen et Lauber, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :