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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1729/2024

ATA/777/2024 du 26.06.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1729/2024-FPUBL ATA/777/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 26 juin 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Thierry STICHER, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

 



Attendu en fait que :

1. A______ a été engagée le 1er septembre 2017 en qualité de chargée d’information et de communication 1 auprès du B______ (ci-après : B______) en qualité d’auxiliaire en classe 18 de l’échelle des traitements et pour une durée maximale de cinq mois.

2. Le 15 mai 2018, son engagement a été prolongé pour une durée maximale de douze mois, toujours en qualité d’auxiliaire en classe 18.

3. Le 1er avril 2019, elle a été engagée dans cette même fonction en qualité d’employée en classe 18.

4. Le 1er avril 2021, elle a été nommée fonctionnaire à ce même poste.

5. L’entretien d’évaluation et développement du personnel (ci-après : EEDP) du 24 novembre 2021 était positif.

6. Le 1er mai 2022, elle a été promue chargé d’information et de communication 2 en classe 20. Son cahier des charges comprenait désormais également des activités d’encadrement d’une équipe. Elle serait confirmée dans cette fonction après une période d’essai de 24 mois et pour autant que ses prestations soient satisfaisantes.

7. Depuis le 13 février 2023, elle a été en arrêt maladie à 100 %, avec une interruption à 50 % du 27 février au 31 mai 2023.

Les 11 janvier et 29 février 2023, le service des ressources humaines de C______ (ci-après : le service RH) a suggéré à A______ de déposer auprès de l’assurance invalidité une demande de prestations. Faute de demande de sa part, le service déposerait lui-même une demande de détection précoce et adresserait au service de santé du personnel de l’État (ci-après : SPE) une demande d’évaluation médicale.

Le 29 février 2024, le service RH a adressé au SPE une demande d’évaluation médicale pour poser un pronostic de reprise du travail. La demande faisait suite à une problématique de santé privée. Le lien avec le cadre professionnel n’était pas certain.

8. Le 3 avril 2024, le service RH a informé A______ que la durée de son absence (420 jours) empêchait que soient évaluées ses prestations au terme de la période d’essai de 24 mois, et partant de la confirmer dans ses fonctions.

9. Le 10 avril 2024, A______ s’est opposée à sa non confirmation.

Elle avait donné entière satisfaction jusqu’à l’arrêt cardiaque de son compagnon en janvier 2023. Elle avait ensuite tout fait pour mener de front ses obligations familiales et professionnelles. Ses médecins lui avaient finalement ordonné un arrêt à 50 %. Une collègue avait été nommée durant son incapacité de travail et avait rapidement adopté à son égard une attitude revendicatrice et d’affrontement, assimilable à du mobbing. Elle s’en était plainte à D______ au début de l’année 2023. Malgré une relance, son employeur n’avait pris aucune mesure. Face à ces conditions de travail, une incapacité de travail complète avait été constatée par ses médecins, qui estimaient que l’ambiance de travail toxique en était la cause, laquelle perdurait encore. Elle contestait que l’évaluation de ses prestations ne fût pas possible, dans la mesure où la qualité de son travail avait toujours été reconnue. Il n’était pas admissible d’introduire de nouvelles obligations pour les fonctionnaires, en l’occurrence une période probatoire après une nomination, par voie réglementaire. Le principe de la bonne foi n’avait pas été respecté.

10. Par décision du 25 avril 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours vu l’intérêt public prépondérant à son exécution immédiate, la conseillère d’État en charge du DIN a confirmé à A______ sa non-promotion.

Ses prestations n’avaient pu être évaluées. En avril 2023, des démarches avaient été entreprises pour pacifier la situation. Son absence pour motif de santé avait rendu impossible la mise en œuvre de la restructuration prévue, laquelle supposait de déplacer un membre du personnel, ce qui aurait considérablement affaibli l’effectif au vu des circonstances.

11. Par acte remis à la poste le 22 mai 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’elle était maintenue à son poste et sa classe de traitement selon la promotion du 17 juin 2022. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours.

La décision violait le principe de la légalité. Elle était injuste et arbitraire. L’administration avait agi contrairement au principe de la bonne foi. Le DIN fondait la période probatoire sur un règlement, alors qu’une loi formelle était nécessaire. La restructuration du service promise par le DIN ne s’était pas concrétisée. De ce fait, son degré d’incapacité s’était péjoré, passant de 50 à 100 %.

Il n’existait aucun motif objectif justifiant le retrait de l’effet suspensif. L’absence d’effet suspensif aurait pour effet que son poste soit mis au concours et repris par une autre personne, ce qui porterait atteinte à ses droits.

12. Le 14 juin 2024, le DIN s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

Si l’effet suspensif était restitué, la recourante conserverait sa fonction de cadre intermédiaire durant l’instruction du recours, soit au-delà de la période d’essai de 24 mois, ce qui serait inadmissible. Elle obtiendrait ses conclusions au fond. Le DIN n’avait pu constater que les conditions de confirmation de la promotion étaient réunies.

13. Le 20 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif.

La décision ne précisait pas l’intérêt public qu’elle invoquait. La restitution de l’effet suspensif n’équivaudrait pas à allouer les conclusions au fond. Le préjudice difficilement réparable consistait dans l’installation dans sa fonction d’un tiers, de sorte qu’elle perdrait tous ses droits avant le qu’il soit jugé sur le fond de son recours. Le DIN n’indiquait pas qu’il renonçait repourvoir le poste.

14. Le 21 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours est prima facie recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 31 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2020).

3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253‑420, 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4. À teneur de l'art. 8 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), la promotion d'un titulaire à un nouveau poste est faite à titre d'essai pour une période de douze à vingt‑quatre mois (al. 1). À la fin de cette période, le titulaire est confirmé dans son nouveau poste et son traitement est situé dans la classe de la fonction (al. 2).

S'agissant de la non-confirmation d'une promotion à l'issue de la période d'essai, la chambre administrative a récemment rappelé que l'art. 2 let. d LPA prévoyait l'inapplicabilité des règles de procédure de la LPA dans le cadre d'une promotion et que la nomination dans le nouveau poste était provisoire jusqu'à la fin du délai d'essai de 24 mois. Même après cette période, il n'y avait pas de droit à une telle promotion et aux effets qu'elle déployait si les prestations n'étaient pas jugées satisfaisantes par la hiérarchie. L'affectation suite à la non‑confirmation de la promotion n'entraînait pas une diminution du traitement antérieur à la promotion, le fonctionnaire étant replacé dans la situation qui était la sienne avant ladite promotion (ATA/1167/2023 du 31 octobre 2023 et les références citées).

5. En l’espèce, l’intérêt privé de la recourante à conserver son poste est certes important. Il doit cependant au stade des mesures provisoires céder le pas à l’intérêt public au bon fonctionnement du SRCP et notamment à sa dotation en personnel.

Les chances de succès du recours ne paraissent en outre, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifestes, étant observé que la confirmation au terme de la période d’essai ne constitue pas un droit.

Enfin, la restitution de l’effet suspensif reviendrait à accorder à la recourante ses conclusions au fond, soit le maintien à son poste.

La demande de restitution de l’effet suspensif sera dès lors rejetée.

6. Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Thierry STICHER, avocat de la recourante ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

 

 

La vice- présidente

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :