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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4480/2019

ATA/707/2021 du 06.07.2021 sur JTAPI/949/2020 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.09.2021, rendu le 18.08.2022, ADMIS, 1C_517/2021, 1C_522/2021
Recours TF déposé le 13.09.2021, rendu le 18.08.2022, ADMIS, 1C_517/2021, 1C_522/2021
Descripteurs : NOTION DE FORÊT;MOTIVATION DE LA DÉCISION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;ARBRE
Normes : LFo.2; LForêts.2; LForêts.4 et ss
Parties : PRO NATURA - LIGUE SUISSE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE ET AUTRES, PRO NATURA GENÈVE, ZEINAL-ZADE Jamal, ZEINAL-ZADE Margot Frieda et Jamal / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN, PEREZ Madeleine et David, PEREZ David, ZEINAL-ZADE Margot et Jamal, ZEINAL-ZADE Jamal
Résumé : rejet d'un recours contestant un jugement du TAPI confirmant une décision en constatation de la nature non forestière d'un boqueteau, correspondant à un jardin arboré. Le plan et le protocole établissant les caractéristiques et fonctions forestières du boisement étaient joints à la décision de l'inspecteur des forêts au titre de motivation. Il ressortait du constat que les 1'331 m2 richement arborés d'essences indigènes de plus de 40 ans, malgré une fonction de structure paysagère significative, avait peu d'intérêt s'agissant des fonctions de biodiversité, protection, récréation et production. À cela s'ajoutait la présence d'équipement dont une clôture interdisant l'accès et un cabanon cadastré ainsi que l'absence de sous-bois.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4480/2019-AMENAG ATA/707/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juillet 2021

 

dans la cause

 

Madame Margot et Monsieur Jamal ZEINAL-ZADE
représentés par Me Gian-Reto Agramunt, avocat

et

PRO NATURA - LIGUE SUISSE POUR LA PROTECTION DE LA NATURE
PRO NATURA GENèVE

représentées par Me Alain Maunoir, avocat

contre

Madame Madeleine et Monsieur David PEREZ
représentés par Me François Bellanger, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2020 (JTAPI/949/2020)


EN FAIT

1) Madame Madeleine et Monsieur David PEREZ (ci-après : les époux PEREZ) sont propriétaires de la parcelle n° 1'658, plan 23 de la commune de Chêne-Bougeries, d’une surface de 3'001 m2, sur laquelle sont érigés une habitation à un logement, un garage et un bâtiment de moins de 20 m2, à l’adresse 100, route de Malagnou en cinquième zone à bâtir. Une partie du jardin est occupée par de grands arbres.

2) En mars 2012, Monsieur Roger BEER, ingénieur-forestier, a réalisé une expertise à la demande des époux PEREZ (ci-après : l’expertise) concernant les arbres se situant sur leur parcelle. Selon l’une des conclusions de l’expertise, la procédure de reconnaissance de la nature forestière devrait à aboutir une décision de non reconnaissance.

3) Le 29 janvier 2019, M. PEREZ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une requête en autorisation d’abattage d’arbres. Certains arbres étaient malades, secs et dangereux.

4) a. Madame Margot ZEINAL-ZADE est propriétaire de la parcelle n°1'407 à l’adresse 10, chemin des Écureuils, voisine de la parcelle no 1'658. L’habitation érigée sur la parcelle est habitée par Monsieur Jamal ZEINAL-ZADE, fils de la propriétaire. Par courriel du 11 mars 2019, Madame Jasmin ZEINAL-ZADE, fille de la propriétaire, a interpellé le département concernant les marquages de certains arbres et le statut de la « zone forêt » de la parcelle des époux PEREZ.

b. Le département a répondu le 19 mars 2019 à Mme ZEINAL-ZADE que la structure arborée de la parcelle devait être considérée comme un boqueteau et non comme une forêt. Cette surface arborée ne répondait pas aux critères qualitatifs au sens de la législation sur les forêts pour être considérée comme un peuplement forestier.

Ce boqueteau bénéficiait toutefois d’une protection relevant du règlement sur la conservation de la végétation arborée. Une décision formelle sur la nature non forestière de la parcelle allait être prochainement rendue.

5) Par décision du 20 mars 2019 (arbres hors forêt requête n° 20'190’180-0), le département a autorisé l’abattage de quatre érables, quatre charmes et deux hêtres sur la parcelle des époux PEREZ, à la condition que quatre arbres ainsi que 40 m linéaires de haie vive soient plantés respectivement en bord de parcelle et le long des parcelles du chemin des Écureuils.

L’autorisation, publiée dans la Feuille d’avis officiel de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour, n’a pas été contestée.

6) Le 15 mai 2019, le département a publié dans la FAO une requête en constatation de la nature non forestière de la parcelle des époux PEREZ.

7) Le 14 juin 2019, Mme Jasmin ZEINAL-ZADE a formulé des observations. La « zone forêt » s’étendait sur plusieurs parcelles et créait un corridor biologique.

8) Dans le cadre de l’instruction de la requête, la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) a effectué un transport sur place le 29 août 2019. Dans sa prise de position à l’attention de l’inspecteur cantonal des forêts, elle proposait de considérer que le boisement était à même de remplir les fonctions forestières. Elle relevait qu’il conviendrait également de prendre en compte l’ensemble du bosquet, à savoir de procéder à un constat de nature forestière également sur les parcelles voisines.

9) Le 4 novembre 2019, le département a rendu une décision en constatation de la nature non forestière de la parcelle des époux PEREZ. Un protocole établissant les caractéristiques et fonctions forestières daté du 4 novembre 2019 (ci-après : le protocole) ainsi qu’un plan étaient joints à la décision et en faisaient parties intégrantes.

Le protocole mentionnait qu’un relevé avait été effectué le 25 février 2019. Le boisé était composé de hêtres, de charmes, de pins sylvestres, de chênes et d’érables, de plus de 40 ans et le degré de couvert était de soixante-trois. La fonction de structure paysagère était « significative » tandis que les fonctions de biodiversité, protection, récréation et production étaient de « peu d’intérêt ». Il était précisé que la surface de 1'331 m² richement arborée était sans fonction forestière, mise à part sa valeur paysagère. Cette structure de jardin arboré était clôturée en bordure de parcelle. Elle formait un boqueteau intéressant dont la protection relevait du règlement sur la conservation de la végétation arborée.

La décision a été publiée dans la FAO du 4 novembre 2019.

10) Par acte commun du 4 décembre 2019, Pro Natura – Ligue Suisse pour la protection de la nature et pro Natura Genève (ci-après : les associations Pro Natura), ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le TAPI) contre la décision de constatation de la nature non forestière, concluant préalablement à ce que le département fournisse les cartes et autres documents de l’infrastructure écologique relatifs à la zone concernée et, principalement, à l’annulation de la décision et à la constatation que le boisement situé sur la parcelle n° 1'658 constituait une aire forestière au sens de la législation sur les forêts, subsidiairement au renvoi du dossier au département pour l’engagement d’une nouvelle procédure en constatation de la nature forestière.

Cette zone constituait un corridor d’échange entre différents biotopes appartenant à l’infrastructure écologique et devait à ce titre être conservée, comme le préconisait le CCDB.

11) Le 4 décembre 2019, Mme Margot et M. Jamal ZEINAL-ZADE ont également recouru auprès du TAPI contre la décision du 4 novembre 2019, concluant préalablement à ce que le département produise la/les décisions d’abattage d’arbres de 2019 et qu’un transport sur place soit ordonné. Principalement, ils concluaient à l’annulation de la décision.

La forêt située sur la parcelle répondait aux critères légaux, s’étendant sur une surface d’au moins 1'331 m2, alors que la limite cantonale fixait l’étendue à au moins 500 m2, et était largement plus étendue que les critères prescrits par la loi fédérale de 800 m2. L’âge des peuplements, il était supérieur à 40 ans, comme cela ressortait des prises de vue aériennes effectuées en 1946 ainsi que du protocole. La largeur minimale de 12 m était également atteinte. Ainsi, le peuplement forestier remplissait les critères quantitatifs d’une forêt.

Quant aux critères qualitatifs, aucune analyse détaillée de la faune et de la flore n’avait été réalisée et aucun élément ne ressortait de la décision querellée ni du courrier du département du 4 novembre 2019 qui leur avait été adressé. Or, cette forêt remplissait une fonction sociale, à savoir offrir une protection contre les nuisances de la route de Malagnou ; elle procurait également à des animaux sauvages un milieu vital irremplaçable tout comme aux plantes de l’endroit. Il s’agissait également d’un couloir biologique. Les critères qualitatifs étaient donc remplis.

Le département aurait dû qualifier le peuplement forestier de forêt et s’intéresser au reste du peuplement sur les parcelles limitrophes.

12) Par deux écritures distinctes du 7 février 2020, le département s’est déterminé sur les deux recours, concluant à leur rejet.

C’était en prenant en compte l’ensemble des éléments constatés que l’inspecteur cantonal des forêts avait considéré que le boisé ne constituait pas de la forêt.

13) Les époux PEREZ ont répondu aux deux recours par deux écritures distinctes du 7 février 2020, concluant principalement à l’irrecevabilité du recours déposé par Mme Margot et M. Jamal ZEINAL-ZADE et, subsidiairement, à son rejet, ainsi qu’au rejet du recours déposé par les associations Pro Natura.

Le groupement d’arbres concerné correspondait plus réellement à un bosquet ou à un jardin arboré qu’à une forêt. Cela ressortait clairement des photographies ainsi que de l’expertise, laquelle avait établi sans aucun doute l’origine humaine et volontaire de la plantation des arbres composant le bosquet, en vue d’un aménagement paysager et horticole. La présence d’installations typiques d’un parc d’agrément tels que cabanon de jardin, murets, clôture, bancs de jardin notamment, permettait d’ailleurs d’exclure clairement une quelconque nature sauvage propre à une forêt.

Le bosquet ne remplissait aucune fonction forestière et n’était aucunement apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l’aire forestière.

14) Par décision du 10 février 2020, le TAPI a joint les procédures.

15) Dans leur réplique du 20 avril 2020, Mme et M. ZEINAL-ZADE ont requis la production de diverses pièces en lien avec la récusation de M. BEER. Celui-ci avait participé au processus de décision en constatation de la nature non forestière de la parcelle en sa qualité de chef de secteur des forêts et arbres isolés au sein de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature et avait signé la décision autorisant l’abattage d’arbres du 20 mars 2019. Il aurait dû se récuser et la décision devait être annulée pour ce motif.

16) Le département a dupliqué le 16 juin 2020, relevant que la décision litigieuse ne se référait pas à l’expertise privée réalisée par M. BEER en 2012 et qu’elle avait été prise par l’inspecteur cantonal des forêts.

17) Le 3 juillet 2020, Mme et M. PEREZ ont persisté dans leurs arguments.

18) Le 23 juillet 2020, les associations Pro Natura ont répliqué, sollicitant la production d’un certain nombre de pièces, notamment en lien avec la question de la récusation de M. BEER ainsi qu’une expertise. La décision d’abattage avait été prise sur la base du rapport de M. BEER et impliquait déjà la non reconnaissance de la qualité forestière du peuplement.

19) Le 18 août 2020, Mme et M. ZEINAL ont soutenu les mesures d’instruction sollicitées par les associations Pro Natura.

20) Le 18 août 2020, le département ainsi que les époux PEREZ se sont opposés aux mesures d’instruction supplémentaires.

21) Le 21 août 2020 Mme et M. ZEINAL-ZADE ont informé le TAPI que des coupes de bois auraient été faites sur la parcelle des époux PEREZ.

22) Le 28 août 2020, le TAPI a informé les parties que la cause était gardée à juger.

23) Le 4 novembre 2020, le TAPI a rejeté les recours.

L’autorisation d’abattage d’arbres était en force, faute d’avoir été contestée.

Les mesures d’instruction demandées n’étaient pas justifiées, les éléments suffisants et nécessaires étaient disponibles, notamment les photographies et extraits du système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG). Les pièces en lien avec la demande de récusation de M. BEER n’apparaissaient pas nécessaires.

M. BEER, qui avait rendu une expertise privée, était par la suite devenu chef de secteur des forêts et arbres isolés au sein de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature, devenu depuis l’office cantonal de la nature (ci-après : OCAN). Cependant, la décision avait été prise par l’inspecteur cantonal des forêts et non M. BEER. De plus et surtout, les voisins recourants n’avaient pas fait valoir de motif de récusation dans leur recours, mais uniquement dans leur réplique et les associations Pro Natura en avaient fait de même. Leurs demandes étaient également tardives et donc irrecevables.

En retenant que le peuplement boisé ne correspondait pas à la définition d’une forêt, l’autorité intimée n’avait pas abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation et la proposition de la CCDB n’était pas un préavis imposé par la loi.

24) Par acte du 7 décembre 2020, les associations Pro Natura ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant principalement à son annulation et à ce qu’il soit constaté que le boisement litigieux constituait une aire forestière.

M. BEER avait autorisé l’abattage des arbres en se fondant sur sa propre expertise, alléguant un problème de salubrité ou de sécurité concernant certains arbres.

Selon la voisine, le sous-bois avait été supprimé il y avait peu.

Le TAPI avait refusé toutes les mesures d’instruction demandées et avait jugé en se basant sur un examen tronqué de la situation. Ce faisant, il avait violé le droit d’être entendu. Il était nécessaire de procéder au moins à certaines mesures, notamment l’audition du collaborateur de la DGNP qui s’était rendu sur place en 2011 ainsi que celle de l’inspecteur cantonal des forêts et de tout autre collaborateur de l’OCAN qui aurait pu procéder à des constatations en lien avec le boisement litigieux.

Ce dernier correspondait à tous les critères institués par la législation sur les forêts pour être reconnu comme une aire forestière protégée. Le constat de nature forestière impliquait dans certaines circonstances de tenir compte de la situation prévalant antérieurement à la date de la visite sur place, en raison du défrichement total ou partiel pouvant avoir été effectué des mois ou années précédant le début de la procédure formelle. Un collaborateur de la direction générale du paysage et de la nature (ci-après : DGNP), service ayant été remplacé depuis, avait effectué une visite sur place au printemps 2011 et avait estimé que le groupe d’arbres constituait de la forêt et la surface avait été inscrite comme soumise au cadastre forestier.

Le TAPI avait restreint son pouvoir d’examen d’une manière incompatible avec la garantie constitutionnelle de l’accès au juge, en examinant uniquement si le département avait abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation. Il aurait dû mettre en balance les intérêts en présence, soit ceux du propriétaire et ceux des voisins.

La décision d’abattage constituait la prémisse nécessaire et indissociable de la décision de constatation de la nature non forestière. Les procédures et compétences prévues par la loi avaient été violées car il était évident que les représentants du département avaient opté dès mars 2019 pour une non reconnaissance de la qualité forestière du boisement en se basant sur le rapport de mars 2012, rédigé par M. BEER à la demande et au bénéfice des propriétaires.

25) Le 10 décembre 2020, Mme Margot et M. Jamal ZEINAL-ZADE ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle de la décision du département, puis à la constatation de la nature forestière du boisement sis sur la parcelle no 1'658.

Comme déjà requis dans leur détermination devant le TAPI le 18 août 2020 et dans la réplique des associations Pro Natura, ils requéraient d’ordonner la production de la totalité du dossiers de constatation de la nature forestière ; la production de l’organigramme en vigueur entre le 1er janvier et le 20 novembre 2019 au sein de la DGNP, respectivement de l’OCAN, s’agissant en particulier de la répartition des compétences et de processus administratifs à suivre en matière de conservation des arbres hors forêts et de constatations de la nature forestière de certains boisements ; de solliciter du département toutes explications utiles au sujet notamment de la répartition des compétences et de processus administratifs à suivre en matière d’abattage d’arbres « hors forêt » et de constatation de la nature forestière ; d’ordonner la production de tous les documents, rapports et autres pièces réunis en 2011 par le collaborateur de la DGNP qui avait inséré le boisement dans le cadastre forestier ; d’ordonner une expertise judiciaire par un spécialiste ingénieur forestier dont le bureau était situé en dehors de la Suisse romande ; de requérir de l’office fédéral de la topographie qu’il fournisse les photographies aériennes du boisement litigieux depuis 1930 ; d’ordonner un transport sur place.

Entre le 15 et le 16 juin 2020, des arbres avaient été abattus et des branches élaguées sur la parcelle no 1'658. Le courrier dénonçant ces faits avait été écarté du dossier par le TAPI qui avait mis fin à l’instruction le 18 août 2020. Ces coupes auraient été faites sans les autorisations nécessaires et l’OCAN avait certainement sanctionné les propriétaires. Deux véhicules se trouvaient sur la parcelle et cachaient les troncs qui venaient d’être coupés. Une mesure d’instruction supplémentaire avait été demandée, soit la production de tous les échanges, amendes, rapports ou décision en lien avec l’abattage d’arbres intervenus le 15 et 16 juin 2020 sur la parcelle. Au moment de l’envoi de ce courrier, ils n’avaient pas encore connaissance de la fin de l’instruction prononcée par le TAPI.

Les recourants développaient ensuite leurs griefs de violation de leur droit d’être entendu, de violation de la législation forestière ainsi que du droit d’accès au juge ainsi que de violation des règles de coordination des procédures, identiques à ceux développés par les associations Pro Natura.

26) Le 14 décembre 2020, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à faire des observations.

27) Le 16 février 2021, le département a déposé des observations, concluant au rejet des recours.

L’offre de preuve des voisins était sans incidence sur le sort du litige, les faits allégués étaient postérieurs à la décision litigieuse et n’avaient pas d’effet sur le constat relatif à la nature du boqueteau.

L’existence d’une forêt pouvait être admise même en l’absence de boisement, lorsque celui-ci avait été supprimé sans autorisation. Toutefois en l’espèce, le boisement n’avait pas cessé d’exister.

Le cadastre forestier était indicatif et n’était pas opposable aux tiers selon le règlement applicable.

La reconnaissance de la valeur paysagère du boisé à un niveau « significatif » ne suffisait pas pour le soumettre de manière dogmatique au droit forestier. Cette valeur était contrebalancée par le peu d’intérêt des fonctions de biodiversité, protection, récréation et production ainsi que par l’absence de
sous-bois et d’étage intermédiaire, caractéristiques typiques de la forêt.

La décision de constatation avait été prise par l’inspecteur cantonal des forêts, autorité compétente selon le droit forestier et non par M. BEER. L’expertise n’avait pas constitué un élément décisif pour statuer, la décision litigieuse ne s’y référant même pas.

Dans sa décision, l’inspecteur cantonal des forêts ne défendait aucun intérêt particulier et ne procédait à aucune pondération des intérêts, seule l’application des critères qualitatifs et quantitatifs fixés par la législation forestière guidait son appréciation.

La retenue dont avait fait preuve le TAPI était parfaitement justifiée au vu des connaissances spécialisées nécessaires à la définition de la forêt que la législation n’énumérait pas. Retenir le contraire remettrait en cause le principe de la séparation des pouvoirs.

28) Le 15 février 2021, Mme et M. PEREZ ont répondu aux recours, concluant à leur rejet ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Il ressortait clairement des pièces produites que le groupement d’arbres concernés correspondait davantage à un bosquet ou à un jardin arboré qu’à une forêt, ce qui avait d’ailleurs été relevé en 2012 dans l’expertise. Celle-ci indiquait que le bosquet ne faisait partie ni d’une ancienne forêt ni d’aucune extension naturelle d’un quelconque milieu forestier voisin. L’absence de sous-bois était frappante et la présence d’installations typiques d’un parc d’agrément tels que cabanon de jardin, murets, clôtures, bancs de jardin notamment, permettait d’ailleurs d’exclure clairement une nature sauvage propre à une forêt. Il s’agissait d’un groupement d’arbres vieillissant sans jeunes arbres pouvant prendre la relève, comme l’avait constaté le 11 juin 2020 l’entreprise JB jardins paysagistes.

Les décisions de constatation permettaient uniquement de clarifier de façon obligatoire une situation juridique et non de modifier cette dernière.

Les recourants ne démontraient pas en quoi l’appréciation effectuée serait constitutive d’un excès ou d’un abus du pouvoir d’appréciation.

Le TAPI avait à juste titre limité son pouvoir d’examen puisqu’il était question de l’appréciation et de l’examen effectué par l’autorité au vu des éléments en sa possession et des critères à disposition quant au constat relatif à la nature non forestière de la surface concernée.

29) Les 13 janvier et 15 février 2021, les associations Pro Natura ainsi que les voisins ayant recouru ont soutenu en tous points les recours.

30) Le 18 mars 2021, Mme et M. ZEINAL-ZADE ont répliqué.

Seule une expertise judiciaire pouvait déterminer si une parcelle accueillait des sous-bois ou des arbustes aux pieds des arbres de manière certaine. Le fait de se baser sur une simple photographie d’une partie de la parcelle n’était pas représentatif. Cela dépendait également de la période à laquelle la photographie avait été prise.

La photographie de 1946 montrait une forêt et il n’était pas prouvé que la plantation de ces arbres était volontaire et issue de la main de l’homme.

Le fait d’enlever des arbres d’une parcelle faisant l’objet d’une procédure de constatation de nature forestière, pendant la phase d’instruction, devait être pris en compte dans le jugement, en considérant que ces arbres étaient toujours érigés, malgré le fait qu’ils avaient été abattus entretemps, de manière illicite, sans autorisation.

31) Le 31 mars 2021, les associations Pro Natura ont répliqué.

Le boisement exerçait au moins une fonction forestière à un niveau significatif, ce qui suffisait pour constater qu’il constituait de la forêt au sens du droit fédéral.

Le boisement faisait partie d’une surface boisée plus importante, s’étendant également sur les parcelles limitrophes, nettement visible sur les photographies aériennes de 1932 à 1946. La CCDB avait reconnu cette intégration en recommandant de prendre en considération l’ensemble du bosquet et de procéder à un constat de nature forestière également sur les parcelles voisines. Le département n’avait toutefois pas procédé à l’analyse de l’ensemble forestier. Cela démontrait que l’inspecteur cantonal des forêts avait procédé à une instruction manifestement incomplète du dossier.

Les éléments d’installations typiques d’un parc ou d’un jardin d’agrément étaient absents, contrairement à ce que soutenaient les propriétaires, et les pièces produites ne le démontraient pas. Le fait que les arbres en cause aient été plantés volontairement par la main de l’homme était également contesté. Les photographies produites démontraient au contraire que leur implantation était parfaitement naturelle puisqu’il n’y avait ni alignement ni agencement artificiel.

Il n’y avait pas de structure de jardin arboré, preuve en était l’existence du boisement depuis au moins nonante ans. Un examen rétrospectif devait être fait, comme prôné dans l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2019 du 29 avril 2020 en s’appuyant notamment sur les photographies aériennes. Le boisement existait bien avant l’édification des villas construites le long de la route de Malagnou.

Elles persistaient à demander que l’instruction soit complétée à plusieurs égards.

32) Le 14 avril 2021, Mme et M. PEREZ ont dupliqué.

Les recourants n’établissaient pas quelles auraient été précisément les interventions de M. BEER dans la procédure liée à la constatation de la nature non forestière, il s’agissait de pures spéculations. De plus, ils n’avaient invoqué ces éléments qu’au stade de la réplique, ce qui avait été qualifié à juste titre de tardif par le TAPI.

Les éventuelles coupes d’arbres et de branches effectuées en juin 2020 sur leur parcelle, mais non dans le bosquet concerné par la procédure, n’étaient pas pertinentes.

Le jardin d’agrément sur leur parcelle possédait, comme le démontraient les photographies, une clôture, deux bancs de jardin dans la partie boisée, des cheminements en pierre ainsi qu’un cabanon de jardin cadastré (C776) existant depuis 1971-1980.

Les photographies aériennes prises en 1932 permettaient de constater que les arbres avaient bel et bien été plantés par la main de l’homme dès lors qu’il existait à l’origine un alignement visible en bordure de parcelle.

En l’absence des critères qualitatifs, la valeur paysagère n’était à elle seule par suffisante pour permettre de conclure à l’existence d’une fonction sociale du boisement.

33) Le 14 avril 2021, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent plusieurs mesures d’instruction et font grief au TAPI de n’avoir pas donné suite à leurs requêtes, violant ainsi leur droit d’être entendu.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d'être entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2016 du 3 août 2017 consid. 4.2).

b. En l’espèce, plusieurs des mesures demandées par les recourants portent sur la procédure ayant mené à l’autorisation d’abattage d’arbres du 20 mars 2019, laquelle est entrée en force faute d’avoir été contestée. Celle-ci est exorbitante au litige et une telle autorisation ne s’oppose pas en soi à ce qu’une décision en constatation de la nature forestière soit prise par la suite. Partant, ces mesures ne sont pas nécessaires.

De même, les mesures sollicitées en lien avec l’insertion du boisement dans le cadastre forestier ne sont pas pertinentes, ce dernier n’ayant qu’une valeur indicative et n’étant pas opposable aux tiers (art. 2 al. 4 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 - LForêts - M 5 10 ; art. 5 al. 2 du règlement d’application de la loi sur les forêts du 18 septembre 2019 - RForêts - M 5 10.01). En outre, le cadastre est mis à jour selon les décisions de constatation de la nature forestière prise par l’inspecteur cantonal des forêts (art. 4 al. 2 let. a LForêts et 5 al. 2 RForêts). Ces dispositions existaient d’ailleurs déjà dans la LForêts en vigueur au moment où un collaborateur de la DGNP s’était rendu sur place en 2011. L’inspecteur cantonal était alors également seul compétent pour procéder à la constatation de la nature forestière des terrains (art. 2 al. 4 et 4 al. 2 let. b aLForêts). Dans la mesure où, pour les raisons développées plus bas, les autres pièces sollicitées, telles que les photographies aériennes du boisement litigieux depuis 1930, ne sont pas pertinentes pour l'issue du présent litige, la chambre administrative renoncera à donner suite aux demandes de mesures d'instruction requises par les recourants.

À l'instar du TAPI qui n’a dès lors nullement violé le droit d’être entendus des recourants, la chambre de céans considère que le dossier, qui contient de nombreuses photographies de la parcelle, est complet et en état d'être jugé.

Il convient encore de préciser que les coupes de bois dénoncées par les recourants voisins en août 2020, qu’ils voudraient voir instruites, ont eu lieu après que la décision litigieuse a été prise et ne peuvent donc avoir eu aucune influence sur celle-ci.

En conséquence, le grief sera écarté et la requête de mesures d'instruction refusée.

3) Les recourants contestent la décision en constatation de la nature non forestière de la parcelle des intimés, confirmée par le TAPI.

a. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d'espèce.

b. La loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo).

Par « forêt », on entend toutes surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d'exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo). Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo).

Dans le cadre fixé par le Conseil fédéral, les cantons peuvent préciser la largeur, la surface et l’âge minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un autre peuplement pour être considérés comme forêt. Si le peuplement en question exerce une fonction sociale ou protectrice particulièrement importante, les critères cantonaux ne sont pas applicables (art. 2 al. 4 LFo).

Selon l'art. 1 de l’ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992
(OFo - RS 921.01), les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites suivantes : a. surface comprenant une lisière appropriée : 200 à 800 m2 ; b. largeur comprenant une lisière appropriée : 10 à 12 m ; c. âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt : 10 à 20 ans.

Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les limites de l'art. 1 al. 1 OFo, servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la nature forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. On ne peut nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils ne sont pas atteints (ATF 125 II 440 consid. 3 ; arrêt 1A.13/2005 du 24 juin 2005 consid. 4.2). À l'inverse, même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs peuvent être décisifs pour la qualification de forêt (arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1 publié in ZBl 104/2003 p. 380 et résumé in RDAF 2004 I 734; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Dans cette appréciation, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération des intérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3 et les références citées).

c. À Genève, la législation sur les forêts précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d'au moins quinze ans, s'étendent sur une surface d'au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (art. 2 al. 1 LForêts).

La LFo et la LForêts n'énumèrent pas les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt. Selon l'exposé des motifs relatif à l'art. 2 al. 3 let. a LForêts, sont exclus du régime forestier les éléments de paysage ne présentant pas une structure marquée par la présence de diverses strates ou étages, caractérisant un peuplement forestier (Mémorial du Grand Conseil, 1997, p. 606 ss). Par ailleurs, sont également considérés comme forêt les cordons boisés situés au bord de cours d'eau (art. 2 al. 2 let. c LForêts) qui assurent la protection des berges et soulignent le paysage de façon marquée, remplissant ainsi l'une des fonctions forestières dont il est question à l'art. 1 let. c de la loi fédérale (let. c) (Mémorial des séances du Grand Conseil 1997 4/I610).

d. Du point de vue qualitatif, les fonctions de la forêt sont au nombre de trois, d'importance équivalente : la fonction protectrice, sociale et économique. Pour être qualifié de forêt, il suffit que le peuplement concerné apparaisse apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l'aire forestière (JdT 1998 I 501, consid. 3d.cc).

Une forêt exerce une fonction protectrice lorsqu'elle protège la population ou des valeurs matérielles contre des catastrophes naturelles. Elle exerce une fonction économique lorsque la matière première que représente le bois est exploitée (FF 1988 III pp. 157 ss, 172). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu'en raison de sa structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l'homme une zone de délassement, lorsque, par sa forme, il structure le paysage, lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisibles telles que le bruit ou les immissions, lorsqu'il assure des réserves en eau d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, ou encore lorsqu'il procure un milieu vital irremplaçable aux animaux sauvages ainsi qu'aux plantes de l'endroit (arrêt du Tribunal fédéral 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 et les références citées).

L'énumération de ces fonctions n'est pas exhaustive et ne reflète pas non plus un ordre de valeur ; la loi ne fixe pas de hiérarchie des fonctions, celle-ci dépend au contraire des conditions concrètes déterminantes pour chaque surface de forêt (Hans-Peter JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, in cahier de l'environnement, n° 210, OFEFP 1994, ad art. 1 al. 1 LFo, p. 31).

e. Ne peuvent ainsi être considérés comme une forêt les groupes ou alignements d'arbres isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo, art. 2 al. 3 let. a et c LForêts).

f. Selon la doctrine et la jurisprudence, ce qui distingue les jardins, les espaces verts et les parcs des surfaces conquises spontanément par la forêt, c'est le fait qu'ils ont été plantés volontairement, sur la base de raisonnements horticoles, et qu'ils comprennent souvent des essences exotiques, sans que ce soit toutefois une condition absolue. Mais ces lieux servent à la détente et apportent de la verdure dans les zones urbanisées. Ils ont donc un rapport direct avec l'habitat et avec certains biens-fonds, tant dans l'espace qu'en raison de leur fonction. Il faut que ces éléments soient identifiables objectivement, lorsqu'on examine si une surface est une forêt ou non. Un peuplement qui s'est installé spontanément et a été simplement toléré, par exemple après un changement de propriétaire, ne peut pas être éliminé parce qu'il dérange, sous prétexte qu'il s'agit d'un jardin (ATF 113 Ib 357 ; RDAF 1999 I 601 ; ATF 98 Ib 364 ; arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 et 1A.143/2001 du 20 mars 2002 résumés in VLP/ASPAN 11/2002 ; Hans-Peter JENNI, op. cit., ad art. 2 al. 3, p. 36).

g. Selon le Tribunal fédéral, en principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de la nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation ; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné ; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance. L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation ; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser où elle compte et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2019 du 29 avril 2020 consid. 2.1.1 et les références citées). Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral a confirmé que la manière de fixer la limite de la forêt par l'autorité administrative était conforme à la législation et la jurisprudence en la matière alors qu'elle avait tenu compte tant de la situation antérieure pour s'écarter de la nature de gazon du sol que de la situation actuelle en se référant aux arbres d'essences forestières encore présents dans le secteur litigieux (ibidem, consid. 2.2.2 in fine).

h. La nature forestière est constatée dans le cadre d'une procédure formelle. En application de l'art. 4 LForêts, il appartient à l'inspecteur des forêts de décider si un bien-fonds doit être ou non considéré comme forêt. La procédure est détaillée par le RForêts. Les décisions de constatation de la nature forestière sont publiées dans la FAO et comportent l'indication des délais et voies de recours (art. 9
al. 1 RForêts). Dans cette procédure, la prise de position de la CCDB ne constitue pas un préavis exigé par la loi pour que la décision de constatation de la nature d’un bien-fonds puisse être prise par l’inspecteur cantonal des forêts (art. 3 al. 2 de la loi instituant une commission consultative de la diversité biologique, a contrario - LCCDB - M 5 38).

4) En l’espèce, un plan et un protocole établissant les caractéristiques et fonctions forestières du boqueteau étaient joints à la décision de l’inspecteur des forêts au titre de motivation. Il en ressort le constat que la parcelle comporte une surface de 1'331 m2 richement arborée d’essences indigènes (hêtre, charme, pin sylvestre, chêne et érable) de plus de 40 ans. Malgré une fonction de structure paysagère « significative », le peuplement était noté comme ayant « peu d’intérêt » s’agissant des fonctions de biodiversité, protection, récréation et production. L’absence d’étage intermédiaire et de sous-bois était relevée ainsi que la présence d’équipement, dont une clôture interdisant l’accès au jardin arboré. Dans le commentaire du protocole, la structure était qualifiée de jardin arboré formant un boqueteau intéressant, dont la protection relevait du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04).

Il appert que les recourants ne contestent pas les caractéristiques telles qu’elles ont été constatées par l’OCAN, ni la notation des fonctions forestières telles que retenues dans le protocole motivant la décision. Ils substituent uniquement leur appréciation à celle faite par l’inspecteur cantonal des forêts en retenant que la valeur paysagère du boqueteau devrait suffire à ce qu’il soit considéré comme de nature forestière.

L’inspecteur cantonal des forêts a retenu que la reconnaissance de la valeur paysagère à un niveau « significatif » était contrebalancée par les valeurs de « peu d’intérêt » de quatre autres fonctions, soit celles de biodiversité, protection, récréation et production et par l’absence de sous-bois et d’étage intermédiaire, caractéristiques types de la forêt. De plus, des installations typiques d’un jardin d’agrément figurent sur la parcelle, dont une clôture ainsi qu’un cabanon cadastré, existant depuis plus de quarante ans.

Quant à l’absence de sous-bois qui, selon les recourants, aurait été supprimé « il y a peu », rien ne permet d’étayer cette affirmation et surtout, les constats fondant la décision ont été faits sur place par un spécialiste de l’OCAN en février 2019, lequel n’a pas indiqué avoir constaté de suppression récente du sous-bois et de l’étage intermédiaire. Les recourants relèvent également l’âge des arbres et le fait que le boisement fasse partie d’une surface plus importante. Toutefois, ces faits ne sont pas susceptibles de modifier l’appréciation qui a été faite par l’autorité de l’absence de nature forestière du boisement et rien ne permet d’ailleurs de retenir que l’autorité ne les aurait pas pris en considération.

En conclusion, rien ne permet de retenir que l’inspecteur cantonal des forêts aurait abusé ou excédé le pouvoir d’appréciation que lui attribue la loi.

À cet égard, le grief des recourants en lien avec la retenue dont a fait preuve le TAPI doit également être écarté puisque les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt ne sont pas énumérées dans la législation topique, celle-ci laissant ainsi un large pouvoir d’appréciation à l’autorité spécialisée chargée de procéder à la délimitation des forêts. Ne pas tenir compte de ce pouvoir d’appréciation prévu dans la législation serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

5) Finalement, les recourants font grand cas du fait qu’une expertise a été réalisée par un ingénieur forestier à la demande des propriétaires, lequel a ensuite travaillé au sein de l’OCAN. Toutefois, il est établi que la décision litigieuse a été prise par l’inspecteur cantonal des forêts et que la décision se fonde sur des constatations faites dans le cadre de la procédure de constatation et non sur celles de l’expertise privée réalisée par les propriétaires sept ans auparavant.

Leur grief sera donc écarté.

6) En tous points infondés, les recours seront rejetés.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire de Mme et M. ZEINAL-ZADE, un émolument de CHF 500 sera mis à la charge solidaire des associations Pro Natura (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Mme et M. PEREZ, à la charge, pour CHF 500.- de Mme et M. ZEINAL-ZADE, solidairement et pour CHF 500.- des associations Pro Natura, solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 7 décembre 2020 par les associations Pro Natura – ligue suisse pour la protection de la nature et Pro Natura Genève et le 10 décembre 2020, par Madame Margot et Monsieur Jamal ZEINAL-ZADE contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 novembre 2020 ;



au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de l’association Pro Natura – ligue suisse pour la protection de la nature et l’association Pro Natura Genève ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de Madame Margot et Monsieur Jamal ZEINAL-ZADE ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame Madeleine et Monsieur David PEREZ, à la charge solidaire, pour CHF 500.- de l’association Pro Natura – ligue suisse pour la protection de la nature et l’association Pro Natura Genève et pour CHF 500.- de Madame Margot et Monsieur Jamal ZEINAL-ZADE ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat de l’association Pro Natura – ligue suisse pour la protection de la nature et l’association Pro Natura Genève, à Me Gian-Reto Agramunt, avocat de Madame Margot et Monsieur Jamal
ZEINAL-ZADE, à Me François Bellanger, avocat de Madame Madeleine et Monsieur David PEREZ, au département du territoire - OCAN ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, M. Rieben Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le présidente siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :