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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2920/2013

ATA/683/2013 du 10.10.2013 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : DSD SA / RST ENTREPRISE GÉNÉRALE SA, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2920/2013-MARPU ATA/683/2013

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 octobre 2013

sur effet suspensif

dans la cause

DSD S.A.
représentée par Me Grégoire Mangeat, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

et

RST ENTREPRISE GÉNÉRALE S.A., appelée en cause

représentée par Mes Pascal Pétroz et Julien Liechti, avocats

 



Attendu, en fait, que :

Le 14 mai 2013, par publication dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), l’office des bâtiments (ci-après : ODB) a lancé une procédure d’appel d’offres pour le compte du département de l’urbanisme (ci-après : DU), pouvoir adjudicateur. Le marché public à attribuer concernait le traitement des surfaces intérieures (peintures et papiers-peints) à effectuer dans le cadre de la construction de bâtiments médicaux spécialisés (CFC285) bâtiment des lits 2 (ci-après : BDL2) des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Le marché public était soumis aux accords GATT/OMC et aux accords internationaux.

Le dossier d’appel d’offres et les conditions générales pouvaient être consultés et chargés à partir du site internet des marchés publics (www.simap.ch).

Les offres devaient être formulées d’ici au 24 juin 2013. Le devis général des travaux s’élevait à CHF 2’034’905.-.

La procédure était organisée par un pool de mandataires représentés par Burckhardt + Partner S.A. (ci-après : le pool).

Les critères d’adjudication étaient les suivants : prix (pondération de 50 %), organisation du candidat et qualités techniques de l’offre (pondération de 25 %), références et expérience (pondération de 20 %) et formation professionnelle (pondération de 5 %).

La sous-traitance était admise. La part de sous-traitance ne devait pas dépasser le 30 % de l’ensemble du marché. Le soumissionnaire devait indiquer sur l’annexe R15 du guide romand des marchés publics qu’elles étaient prestations qui seraient sous-traitées ainsi que le nom et l’adresse des sous-traitants et fournisseurs auquel il entendait recourir. Le sous-traitant devait répondre aux mêmes exigences et conditions de participation à la procédure que le soumissionnaire principal. Si la part du sous-traitant était supérieure ou égale au montant de l’offre, le soumissionnaire devait joindre les attestations exigées dans le dossier d’appel d’offres pour le sous-traitant concerné. Un sous-traitant qui n’était pas mentionné lors du dépôt d’une offre, lors de la signature du contrat ou pendant l’exécution du marché serait refusé.

Aucune audition n’était envisagée. Toutefois, l’adjudicateur se réservait le droit de poser des questions à un soumissionnaire dont le dossier présentait des informations douteuses ou moins précises. Le soumissionnaire ne pouvait cependant pas apporter d’éléments nouveaux ou modifier son offre, au risque de se voir exclu de la procédure. L’audition ferait l’objet d’un procès-verbal consignant les informations essentielles échangées lors de l’audition.

Ne seraient retenues que les offres émanant de soumissionnaires qui respectaient les usages locaux, payaient les charges sociales conventionnelles, conformément à l’art. 32 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et qui apportaient la preuve qu’ils exerçaient une activité en rapport, quant à sa nature et son importance, avec celle dont relevait le marché concerné.

Les critères d’aptitude seraient ceux cités dans les documents et les justificatifs requis seraient ceux demandés dans le dossier d’appel d’offres.

Selon le dossier d’appel d’offres, les documents à produire relatifs à l’aptitude étaient ceux énumérés dans l’annexe P2. Celle-ci répertoriait les attestations à fournir, proposées par le guide romand des marchés publics édité par la conférence romande des marchés publics (ci-après : le guide romand), à savoir :

a) Les attestations justifiant que le personnel était assuré conformément à la législation en vigueur et que les paiements étaient à jour, soit sept attestations relatives :

- à l’assurance-vieillesse et survivants (AVS ou équivalent) ;

- à l’assurance-invalidité (AI ou équivalent) ;

- à l’assurance pour perte de gain (APG ou équivalent) ;

- au paiement des cotisations d’assurance-chômage (AC) ;

- au paiement des allocations familiales (AF) ;

- au paiement de la prévoyance professionnelle (LPP ou équivalent) ;

- à l’assurance-accidents (SUVA ou équivalent).

b) Une attestation émanant de l’autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s’était acquitté de ses obligations en matière d’impôt à la source retenus sur les salaires de son personnel ou qu’il n’avait pas de personnel soumis à cet impôt ;

c) Une ou des attestation(s) certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois :

- soit que le soumissionnaire était lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève ;

- soit qu’il avait signé auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève.

Toutes les attestations ne devaient pas être d’une validité antérieure à trois mois. Elles pouvaient être remplacées par la production d’une attestation unique délivrée par un organisme officiel accrédité (ci-après : attestation multipack). Si l’une des rubriques dans celle-ci était barrée, le candidat ou le soumissionnaire devait produire l’attestation correspondante.

Selon le dossier d’appel d’offres K2, les soumissionnaires devaient joindre à leurs offres différentes annexes modélisées dans le guide romand, notamment les annexes :

- Q4 relative à la capacité en personnel de l’entreprise ;

- R6 relative à la planification des moyens ;

- R8 relative à la répartition des tâches et des responsabilités, soit l’organigramme opérationnel prévu pour l’exécution du marché, comportant le nom des principaux intervenants, la répartition des tâches et des responsabilités, et le lien hiérarchique ;

- R9 relative à la qualification des personnes-clés.

L’autorité adjudicatrice a reçu sept offres. L’une d’entre elles était hors délai. Sur les six autres, deux ont été rejetées comme non-conformes.

Parmi les entreprises restant en lice, la société RST Entreprise Générale S.A. (ci-après : RST) a formulé le 29 mai 2013 une offre pour un montant de CHF 1’397’934,50.

En référence à l’annexe P2 du guide romand, RST a fourni les attestations suivantes :

- une attestation de l’office des poursuites de Genève du 30 janvier 2013 attestant qu’elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni d’acte de défaut de biens ;

- une attestation de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) du 14 mai 2013 confirmant qu’elle était affiliée à cette caisse AVS/AI/APG/AC/AMat, ainsi qu’au service cantonal des AF et qu’elle était à jour en rapport avec ses obligations découlant de l’AVS, des AF et de l’AMat ;

- une attestation de l’assurance Swisslife du 21 mai 2013 confirmant que la prévoyance professionnelle LPP de ses salariés était exécutée, conformément au contrat d’affiliation existant entre la fondation collective LPP Swisslife et la société, et qu’elle avait rempli ses engagements financiers pour la prévoyance professionnelle ;

- une attestation de la SUVA confirmant que le personnel de l’entreprise était assuré dans les limites prévues par la LAA et que les factures de prime échues au 30 avril 2013 étaient réglées ;

- Une attestation du 21 mars 2013 de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) certifiant que la société avait « acquitté l’intégralité de l’impôt ordinaire cantonal et communal (bénéfice et capital), ainsi que fédéral » ;

- une attestation de l’assurance AXA Winterthur confirmant que la société était assurée pour la responsabilité civile des entreprises ;

- une attestation émanant de la caisse de compensation du gros œuvre et second œuvre (ci-après : CCGGE) confirmant qu’elle était liée par la convention collective de travail des métiers du bâtiment (second œuvre) applicable dans le canton de Genève pour la branche gypserie-peinture et qu’elle était à jour en matière d’assurances sociales envers ses travailleurs, comprenant l’assurance perte de gain en cas de maladie, la retraite anticipée et la contribution professionnelle au fond paritaire, facturées par cette caisse.

En complétant l’annexe Q4, RST a indiqué que son entreprise employait 6 personnes.

En complétant l’annexe R6, elle a transmis, l’identité de 7 personnes-clés. Il s’agissait de deux techniciens, soit Messieurs Rama Uka et Anthony Pellet, de trois peintres, d’un ouvrier en façade et d’un plâtrier-peintre.

Elle n’a pas donné de réponse dans la rubrique « nombre moyen de personnes prévues sur la durée d’exécution du marché ».

Dans l’annexe R9, elle a transmis des renseignements au sujet de la qualification de MM. Uka et Pellet, à l’exclusion des autres personnes-clés citées dans l’annexe R6.

RST a été convoquée par l’organisateur pour une audition le 16 août 2013. Préalablement, elle devait répondre à une liste de questions qui lui était adressée. Elle s’est exécutée dans le délai imparti, transmettant également un organigramme détaillant l’effectif et le nombre d’équipes prévues pour la réalisation des différents travaux qu’exigeait le chantier. Par la production de ce document, elle confirmait le nombre d’équipes effectif qu’elle prévoyait de mettre à disposition pour la réalisation des travaux. Il s’agissait de plusieurs équipes d’ouvriers qualifiés selon les tâches à accomplir, encadrés par des chefs d’équipe et des techniciens.

Selon l’organigramme précité, RST mettait à disposition pour la réalisation des travaux :

- pour la pose de voiles de verre : un chef d’équipe, cinq poseurs et un aide poseur ;

- pour la peinture sur voiles de verre : un chef d’équipe, cinq peintres et un aide peintre ;

- pour la peinture, lasure sur béton : un chef d’équipe, trois peintres, un aide peintre ;

- pour la peinture de sols deux composants : un chef d’équipe, deux peintres, un aide peintre ;

- pour la peinture des cages d’escalier : un chef d’équipe, deux peintres et un aide peintre ;

- pour la peinture de la façade ventilée : un chef d’équipe, cinq ouvriers qualifiés et deux manœuvres.

Le 16 août 2013, l’organisateur a procédé à l’audition des représentants de RST. Selon ceux-ci, la société existait depuis cinq ans et employait 3 à 20 employés. L’effectif moyen du personnel de cette société s’établissait à 20 personnes. Celle-ci faisait également « appel à des indépendants ».

Dans le cadre de l’appel d’offres, DSD S.A. (ci-après : DSD) a également formulé une offre pour un montant de CHF 1’004’599.-, montant qui a été corrigé par les évaluateurs à CHF 1’672’623,25 lorsqu’ils ont pris connaissance des offres reçues.

Selon le rapport d’adjudication du pool du 21 août 2013, l’extrait du registre du commerce de RST mentionnait qu’elle avait renoncé au contrôle restreint de ses comptes (« opting-out »). L’attestation de l’office des poursuites qu’elle avait fournie datait de plus de trois mois à la date de la remise de l’offre. La société n’avait pas rempli les annexes R7, R8 et R15 du guide romand ni remis le planning de l’entreprise.

Toutes les entreprises soumissionnaires avaient produit une attestation multipack pour satisfaire à leurs obligations en matière d’aptitude, sauf RST qui avait produit les neuf attestations mentionnées dans l’annexe P2. DSD et RST avaient proposé entre 5 et 7 personnes en moyenne sur l’ensemble chantier. RST avait indiqué pouvoir fournir jusqu’à 37 personnes sur le chantier.

Par décision du 2 septembre 2013, l’ODB a adjugé le marché à RST pour le prix correspondant à son offre. Selon le rapport d’évaluation, elle avait obtenu un total de 343,75 points.

En vue d’établir le contrat et de régler les détails d’adjudication, elle était invitée à faire parvenir à l’organisateur dans les quinze jours une attestation confirmant qu’elle était à jour avec le paiement de ses cotisations sociales.

Par courrier du 2 septembre 2013, DSD a été avisée de la décision d’adjudication par le DU. Son offre n’avait pas été retenue et elle avait été classée au deuxième rang sur les quatre candidats ayant présenté une offre recevable. Elle avait obtenu un total de 290,95 points.

Le 11 septembre 2013, RST a transmis à l’ODB des attestations de la CCGC, de la CCGGE, de la SUVA et de la fondation collective LPP Swisslife réactualisées, confirmant qu’elle était à jour dans le paiement de ses cotisations. Elle a également transmis une nouvelle attestation de l’AFC-GE certifiant qu’elle s’était acquittée de l’intégralité des impôts, cantonaux ou fédéraux notifiés au 30 juillet 2013. Elle était également à jour avec le paiement des acomptes de l’année courante.

Par acte déposé le 13 septembre 2103, DSD a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’adjudication du 2 septembre 2013, concluant à son annulation et à l’attribution du marché. Préalablement, elle requérait la restitution immédiate de l’effet suspensif et, dans le cadre de l’instruction de la demande provisionnelle, la transmission de différents documents de contrôle de la part de la commission paritaire des métiers du bâtiment – second œuvre, du groupement genevois d’entreprises du bâtiment et du génie civil, et l’audition de l’inspecteur des chantiers du bureau du contrôle paritaire des chantiers.

Elle se plaignait d’une constatation arbitraire des faits relatifs aux aptitudes de l’adjudicataire, en violation de l’art. 32 RMP. Ce dernier aurait dû être exclu de la procédure en vertu de l’art. 42 RMP. Les renseignements qu’elle avait obtenus au sujet de RST étaient univoques et concordants. Ils rendaient compte de forts soupçons et tendaient à établir que l’adjudicataire employait régulièrement, soit directement soit par l’intermédiaire de ses sous-traitants, du personnel non déclaré ou sans permis de travail sur ses chantiers. Il semblerait d’ailleurs que le chantier sur lequel RST œuvrait actuellement avait été interrompu pour les mêmes raisons. Sept rapports auraient été établis à ce sujet par les instances compétentes quant au respect des dispositions interdisant de travailler au noir, le dernier ayant été établi au mois de juillet 2013.

Aucune demande n’avait été formulée par l’autorité adjudicatrice auprès de la commission paritaire, ce qui constituait une carence. RST avait déclaré dans l’annexe Q4 de son dossier employer 6 personnes fixes et, lors de son audition par le jury d’adjudication, elle en avait déclaré 20. Or, le registre du commerce faisait encore mention d’une « opting-out », qui n’était valable que pour les sociétés de moins de 10 employés. Les attestations de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS), de Swisslife et de la CCGGE n’étaient pas à jour concernant le paiement des charges sociales. En outre, RST avait omis de remplir le formulaire relatif au nombre d’employés affectés au chantier qui faisait l’objet du marché public, ce qui ne permettait pas de déterminer clairement le nombre d’employés en règle.

RST faisait l’objet d’une poursuite de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) pour un montant de CHF 32’838,70.-.

Subsidiairement, la décision d’adjudication était arbitraire car l’offre présentée par RST était anormalement basse (40,5 en dessous de la moyenne des offres, qui s’établissait à CHF 2’311’244.-). Elle aurait dû être exclue en l’absence de justification. La décision d’adjudication était d’autant plus choquante que cette entreprise avait obtenu une note particulièrement faible, la plus mauvais sur les plans technique et organisationnel.

Le juge délégué a ordonné l’appel en cause de RST par décision du 13 septembre 2013.

Le 24 septembre 2013, le DU a conclu au rejet de la demande de restitution d’effet suspensif.

Dans le cadre de la vérification des offres, l’ODB avait pris contact avec l’OCAS, qui lui avait indiqué que l’entreprise avait déclaré 20 employés en 2012. Les prix de RST avaient été contrôlés par l’envoi d’une liste de questions, avec délai imparti pour répondre. RST avait également été auditionnée à ce sujet. Ses réponses avaient permis d’obtenir toutes les explications nécessaires au sujet des prix proposés. Les références de cette entreprise avaient été vérifiées. Dans la décision d’adjudication, RST avait été invitée à produire une nouvelle attestation justifiant qu’elle était à jour avec le paiement de ses cotisations sociales, obligation à laquelle cette société avait satisfait en produisant, le 11 septembre 2013, un jeu complet d’attestations justifiant du respect de ses obligations. Elle avait produit une attestation de l’OCAS et une du groupement genevois d’entreprises. Au surplus, RST avait fourni dans son offre toutes les attestations nécessaires exigées par l’art. 32 RMP, qui n’avait pas été violé, et son offre n’avait pas à être écartée. L’offre de RST n’était pas anormalement basse et l’appelée en cause avait justifié ses prix.

Par mémoire du 25 septembre 2013, RST a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif. Les accusations de DSD constituaient des contre-vérités à la limite de la calomnie. Elle avait produit toutes les attestations requises dans l’appel d’offres pour prouver son aptitude. La production d’une attestation multipack n’était pas obligatoire. Son offre était complète et exacte s’agissant du prix, contrairement à celle qu’avait présentée DSD, que celle-ci avait volontairement sous-évaluée. En 2012, elle avait employé 20 personnes et en employait 15 en 2013. Le chiffre de 6 personnes mentionné dans l’annexe Q4 correspondait au nombre de personnes employées sur le chantier qui faisait l’objet du marché public. Elle respectait toutes ses obligations en matière de charges sociales. Elle avait fourni dans le cadre de son dossier tous les documents nécessaires à la soumission attestant de sa solvabilité et de son respect des lois sociales. Elle avait satisfait à ses obligations en répondant aux questions complémentaires qui lui avaient été posées par l’autorité adjudicatrice. Elle avait réglé, selon quittance qu’elle produisait, la poursuite de l’AFC-CH.

Elle a produit un courriel de Monsieur Peter Rupf, secrétaire de la CCGGE du 11 septembre 2013 au département, dont une copie lui avait été adressée. Selon celui-là, RST était soumise à la convention collective. Elle était à jour avec ses cotisations auprès de la caisse. Pour prouver qu’elle était à jour pour les cotisations relatives à l’assurance accidents et à l’AVS, RST devait fournir une attestation la SUVA et de l’OCAS car elle n’était plus une entreprise dite « multipack ». Pour les cotisations LPP, elle avait opté pour une solution tierce, si bien que la caisse de compensation ne pouvait pas fournir d’attestation. Par le fait de recourir à une solution LPP tierce, l’entreprise ne respectait pas la convention collective en totalité. Pour cette raison l’OCIRT ne pouvait pas délivrer d’attestation pour les marchés publics. De son côté, la CCGGE ne pouvait fournir aucune attestation multipack équivalente. Pour savoir si des procédures pour infraction à la convention collective de travail étaient en cours ou si des amendes avaient été prononcées ces deux dernières années à l’encontre de l’intéressée, la commission paritaire du second œuvre pouvait seule renseigner le département.

Elle a également produit le décompte annuel des salaires 2012 payés à ses employés qu’elle avait adressé à la SUVA et à l’OCAS, duquel il ressortait qu’elle avait employé 20 personnes en 2012, ainsi qu’une liste nominative de ses employés d’exploitation au 16 septembre 2013 adressée à la CCGGE. Ceux-ci étaient à cette date au nombre de 14, dont 3 étaient au bénéfice d’un permis B, les autres étant de nationalité suisse ou au bénéfice d’un permis d’établissement.

La quittance de l’office des poursuites qu’elle a produite confirmait que la poursuite engagée par l’AFC-CH avait été soldée. Les intérêts moratoires étaient calculés dès le 4 janvier 2013 et la créance fiscale concernait la TVA.

Avisée que la cause était gardée à juger sur effet suspensif, la recourante a demandé à répliquer. Dans le délai au 27 septembre 2013 qui lui a été imparti, elle a maintenu sa demande en restitution de l’effet suspensif.

RST faisait l’objet de procédures pour l’emploi de personnel non déclaré. Des rapports avaient été rendus à ce sujet par la Fédération des métiers du bâtiment. Le courriel de la CCGGE du 11 septembre 2013 confirmait qu’elle ne respectait pas la convention collective de travail. Les attestations qu’elle avait fournies ne permettaient pas de comprendre combien cette société avait d’employés. Le décompte annuel des salaires 2012 qu’elle avait produit permettait de constater, par comparaison avec le montant du salaire moyen brut prévu par l’annexe II de la convention collective, qui se situait entre CHF 56’938.- et CHF 66'297.- bruts par année, que 9 employés travaillaient à moins de 50 % et 7 à moins de 25 %. Il ne restait donc plus que 8 personnes dont le taux d’activité serait compris entre 50 et 100 %, ce qui accréditait l’idée que cette entreprise recourait aux services de personnes non déclarées.

L’appelée en cause a dupliqué le 4 octobre 2013. La recourante persistait à l’accuser sans preuve d’employer des personnes non déclarées, ce qu’elle pouvait établir par les pièces suivantes :

-                un courriel du 3 octobre 2013 de la commission paritaire genevoise du gros-œuvre (ci-après : CPGO) confirmait que RST n’avait pas fait l’objet d’une peine conventionnelle de sa part du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013 ;

- deux courriers de M. Rupf du 28 mars 2012 et de Swisslife du 10 mai 2012, à teneur desquels son plan de prévoyance respectait la convention collective ;

- l’attestation multipack qu’elle avait utilisée en 2012, qui mentionnait déjà qu’elle employait entre 11 et 20 employés d’exploitation et 3 à 5 employés administratifs.

Sur quoi, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

Considérant, en droit, que :

Le recours, interjeté dans les dix jours par-devant l’autorité compétente, est prima facie recevable (art. 15 al. 2 et 2bis de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 56 al. 1 RMP ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n’a pas d’effet suspensif. Toutefois, l’autorité de recours peut, d’office ou sur demande, restituer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP).

L’examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l’effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d’emblée à justifier l’octroi d’une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (B. BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat in J.-B. ZUFFEREY / H. STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341 n. 15, p. 317).

La restitution de l’effet suspensif constituant cependant une exception en matière de marchés publics, elle représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu’avec restriction (ATA/60/2013 du 30 janvier 2013 consid. 5 ; ATA/85/2012 du 7 février 2012 consid. 2 ; ATA/752/2011 du 8 décembre 2011 ; ATA/614/2011 du 28 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/214/2011 du 1er avril 2011 et la jurisprudence citée).

L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés ainsi qu’à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment 11 let. a et b AIMP).

L’appel d’offres émis par l’autorité adjudicatrice doit donner un certain nombre de renseignements et, notamment, contenir tous les renseignements nécessaires à l’établissement de l’offre (art. 27 RMP). Parmi ceux-ci, il doit énumérer la liste des pièces et documents à joindre à celle-là (art. 27 let. e RMP).

A teneur de l’art. 20 al. 1 RMP, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les soumissionnaires et leurs sous-traitants doivent respecter les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d’activité. Ainsi, pour être admis à participer à l’adjudication, un soumissionnaire, au-delà des éléments de compatibilité et d’aptitude en rapport avec l’exécution du marché considéré auxquels il doit satisfaire, doit fournir un certain nombre d’attestations énoncées à l’art. 32 RMP.

L’offre d’un soumissionnaire est écartée d’office par une décision d’exclusion lorsque celui-ci a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences du cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP), notamment lorsqu’il ne fournit pas les attestations requises par l’art. 32 let. a à d RMP.

Le droit des marchés publics est formaliste, comme le tribunal de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises (ATA/10/2009 du 13 janvier 2009  ; ATA/95/2008 du 4 mars 2008  ; ATA/79/2008 du 19 février 2008  ; ATA/250/2006 du 9 mai 2006  ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006) et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation.

La recourante considère que l’appelée en cause n’avait pas satisfait aux critères des art. 20 et 32 RMP et qu’elle aurait dû être exclue en vertu de l’art. 45 RMP parce qu’elle n’avait pas établi le nombre d’employés dont elle disposait et qu’il y avait des soupçons fondés sur des procédures en cours selon lesquelles elle recourait à des travailleurs non déclarés ou déclarés mais ne disposant pas de permis de travail.

Dans le dossier d’appel d’offres du marché public examiné, le cahier des charges, dans l’annexe P2, ne sollicite pas la production d’autres attestations que celles requises à l’art. 32 let. a à d RMP. L’appelée en cause a produit les diverses attestations requises établissant prima facie qu’elle était en règle avec le paiement de ses charges sociales et fiscales. Elle les a réactualisées dans sa réponse au recours. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir utilisé une attestation multipack. Cela était expressément autorisé par les conditions générales, dans la mesure où le soumissionnaire produisait les différentes attestations nécessaires, ce à quoi la recourante s’est employée en produisant les attestations de l’OCAS, de la SUVA et de Swisslife, qui confirmaient qu’elle remplissait ses obligations en matière de prévoyance professionnelle LPP.

La recourante soutient que, n’ayant pas clairement établi dans son offre le nombre de ses collaborateurs, RST aurait dû d’emblée être écartée. Prima facie, l’appelée en cause a effectivement répondu de manière imprécise sur ce point en remplissant l’annexe Q4 et en indiquant le chiffre de 6 collaborateurs. Toutefois, elle a clarifié cette question lorsqu’elle a été entendue par le pool en déclarant qu’elle employait 20 personnes, donnée qui correspond au chiffre qu’elle avait déclaré à la SUVA, à l’OCAS ou à la CCGGE, la liste transmise à celle-ci, légèrement inférieure, correspondant à son seul personnel d’exploitation.

Quant aux allégations de la recourante au sujet de l’utilisation par l’appelée en cause de travailleurs non déclarés ou non autorisés, elles ne sont établies par aucune pièce et devront faire l’objet d’un examen au fond après éventuelle instruction. L’existence de procédures en cours liées à l’utilisation de travail au noir est contestée par l’appelée en cause et ces faits ne sont en état pas établis. Celle-ci a produit une déclaration récente de la CPGO, supposée mener de telles procédures, selon laquelle l’adjudicataire, à la date du 3 octobre 2013, n’avait fait l’objet d’aucune peine conventionnelle, ce qui tend à infirmer lesdites allégations.

Les griefs précités touchent à des causes d’exclusion de la recourante de la procédure d’adjudication du marché. Au-delà de cela, la recourante formule des critiques sur la façon dont l’offre de l’appelée en cause, anormalement basse, avait été évaluée. En l’état de la procédure, ces griefs ne reposent que sa propre évaluation, qu’elle tend à substituer à celle effectuée par le pool pour le compte de l’autorité adjudicataire sans apporter d’éléments précis. Ces questions devront être également tranchées dans le fond du litige mais la seule allégation de ces griefs ne peut entraîner la restitution de l’effet suspensif.

Dans ces circonstances et vu les chances ténues de succès, l’intérêt public à l’exécution des travaux adjugés l’emporte sur l’intérêt privé de la recourante à se voir adjuger le marché si bien qu’en vertu de l’art. 58 al. 2 RMP, la restitution de l’effet suspensif sera refusée.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

vu l’art. 66 al. 2 LPA ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

refuse de restituer l’effet suspensif au recours interjeté par DSD S.A. contre la décision d’adjudication du 2 septembre 2013 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Grégoire Mangeat, avocat de la recourante, à Mes Pascal Pétroz et Julien Liechti, avocats de RST Entreprise Générale S.A., au département de l’urbanisme, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :