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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3236/2014

ATA/587/2015 du 09.06.2015 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3236/2014-PROF ATA/587/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juin 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

 



EN FAIT

1) Madame B______ et Monsieur C______ (ci-après : les époux) étaient les propriétaires d’un chien, nommé « C______ », né en 2003 et décédé le 2 novembre 2011.

2) Le 1er décembre 2011, les époux ont dénoncé à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) Monsieur A______, médecin vétérinaire.

Mme B______ avait amené C______ à la consultation de M. A______ le 14 septembre 2011 afin que ce dernier enlève une petite tumeur de la bouche du chien, lui nettoie les dents et vide ses glandes anales, le tout sous anesthésie générale.

Le lendemain de l’opération, C______ ne pouvait déféquer et son anus commençait à devenir enflé, rouge et sale. Mme B______ était retournée au cabinet vétérinaire le 16 septembre 2011, mais M. A______ n’était pas présent. Son assistant, Monsieur E______ n’avait pas examiné le chien et avait demandé à Mme B______ de revenir le lundi, cas échéant, de l’amener chez le vétérinaire de garde le week-end. Le chien n’avait toujours pas déféqué et avait commencé à trembler et à haleter dans l’après-midi du 18 septembre 2011 ; Mme B______ l’avait emmené au cabinet du vétérinaire de garde, le docteur F______, qui avait prescrit des médicaments anti-inflammatoires et antibiotiques et suggéré une consultation chez le vétérinaire traitant, M. A______.

Mme B______ avait accompagné le chien chez M. A______ le lendemain, mais ce dernier n’était toujours pas disponible. M. E______avait prescrit des laxatifs, des antibiotiques et une nourriture spécifique et demandé de repasser s’il n’y avait pas de changement.

Comme la situation n’allait pas mieux, un rendez-vous a été pris pour le 21 septembre 2011, date à laquelle M. A______ avait vu le chien. Il avait été choqué par la tuméfaction et les difficultés présentées par ce dernier. À cette occasion, Mme B______ avait appris qu’il n’avait pas vidé les glandes anales par simple pression digitale, mais en les rinçant avec de l’eau oxygénée, produit qui avait dû brûler les glandes et le sphincter, selon les propos du vétérinaire. Ce dernier avait hospitalisé le chien, puis l’avait transféré dans une clinique de Nyon où C______ était resté jusqu’au 30 septembre 2011.

M. A______ avait indiqué, par téléphone, que la santé de C______ s’améliorait. Les époux étaient passés voir leur chien le 24 et le 27 septembre 2011, jours où ils avaient photographié l’anus de leur chien au vu de la tuméfaction et du manque de fonctionnalité du sphincter.

De retour à la maison, le chien était toujours incontinent. Il devait porter une collerette pour réfréner le désir de se lécher. Ses maîtres avaient dû lui mettre des couches-culottes afin qu’il ne salisse pas toute la maison.

Le 4 octobre 2011, M. A______ avait à nouveau vu le chien en consultation et avait indiqué à Mme B______ qu’il guérissait bien et que le problème allait probablement se résoudre avec le temps.

Le 7 octobre 2011, Mme B______ est allée demander un second avis au docteur G______, du cabinet vétérinaire de H______. Ce dernier avait été choqué par l’état du chien. Il avait constaté que les tissus avaient été brûlés par le rinçage. Le problème était important et le pronostic réservé. Il a adressé Mme B______ au docteur H______, spécialiste en chirurgie vétérinaire.

Ce praticien avait pu voir le chien le 14 octobre 2011 et avait constaté une pyrodermie péri-anale sévère sur une zone de 10 cm sur 8 cm avec érythème, ulcération superficielle de la peau et un œdème de la jonction muco-cutané anale ; un examen approfondi sous anesthésie générale était nécessaire.

Cet examen avait eu lieu le 21 octobre 2011. Le pronostic était réservé et une intervention chirurgicale était nécessaire. Cette dernière, prévue le 28 octobre 2011, avait été reportée au 1er novembre 2011 car l’inflammation était trop importante. La veille de l’opération, un saignement provenant d’une fistule péri-anale avait été repérée. L’opération et l’anesthésie s’étaient passées sans complications et C______ avait été rendu à ses propriétaires le soir même avec un patch pour gérer la douleur. Le lendemain, le chien était devenu plus apathique, amenant Mme B______ à le ramener en urgence au cabinet vétérinaire du Dr H______. Il était malheureusement décédé avant d’arriver en ce lieu.

Pendant toute cette période, C______ avait énormément souffert et la famille avait été bouleversée par cette expérience.

À ces lignes étaient annexés une attestation du Dr F______, une attestation du Dr G______et un rapport du Dr H______.

3) La commission, à réception de ces documents, a imparti à M. A______ un délai pour se déterminer au sujet de cette dénonciation.

4) Le 31 janvier 2012, M. A______, tout en étant attristé de la perte de C______, a réfuté les reproches qui lui étaient faits.

Lorsque Mme B______ avait amené C______ au cabinet, il avait été convenu de procéder à une opération sous anesthésie générale pour enlever une petite excroissance de la cavité buccale et pour nettoyer les glandes anales. Mme B______ avait été parfaitement informée de la méthode utilisée pour ce faire, soit rincer les glandes avec de l’eau oxygénée à 3 %, diluée, à l’aide d’une aiguille mousse, puis les vider et les remplir de crème « Panolog ». Mme B______ avait signé un formulaire de consentement éclairé concernant cette intervention à laquelle M. A______ avait procédé le 14 septembre 2011.

Il s’était rapidement rendu compte que quelque chose d’inhabituel se passait car l’eau oxygénée injectée et le contenu des glandes anales ne ressortaient que très difficilement après qu’il ait procédé au rinçage. Lesdites glandes étaient apparemment fistulées de sorte que l’eau oxygénée s’infiltrait dans les muqueuses et la zone rectale.

M. A______ avait immédiatement réagi en rinçant lesdites glandes à l’eau claire, de même que la région anale et péri-anale puis il avait rempli les glandes avec la crème « Panolog ». Le chien avait reçu une injection d’antibiotique et d’anti-inflammatoire stéroïdiens. Il n’était pas possible pour M. A______ de savoir quelle quantité d’eau oxygénée s’était infiltrée dans les tissus environnants, ni les conséquences que cela pourrait avoir ou la méthode pour y remédier. Une telle situation ne s’était jamais présentée à lui en vingt-cinq ans.

Le 19 septembre 2011, l’assistant de M. A______, M. E______, avait traité C______ et avait fixé un rendez-vous de contrôle pour le 21 septembre 2011. Ce jour-là, M. A______ avait revu C______ et avait décidé de l’anesthésier afin de nettoyer la région touchée et de débrider les foyers de nécrose. Mme B______ avait été informée de la gravité de l’état du chien et avait donné son accord pour une hospitalisation afin qu’il puisse bénéficier des soins intensifs nécessaires à son état.

Le chien avait été hospitalisé jusqu’au 30 septembre 2011 et Mme B______ était plusieurs fois venue lui rendre visite. M. A______ l’avait entendue quotidiennement au téléphone, si ce n’est plusieurs fois par jour. C______ avait récupéré de manière spectaculaire et M. A______ avait pu rendre le chien à Mme B______ le 1er octobre 2011. Il était revenu le 3 octobre 2011, avec sa maîtresse, pour un rendez-vous de contrôle et était en bonne forme. Le sphincter anal, bien qu’ayant un tonus légèrement diminué, était fonctionnel. Mme B______ n’avait pas parlé de problème d’incontinence fécale et le chien ne portait pas de couche-culotte lors de la consultation, ni de souillure au niveau de l’anus. Mme B______ avait longuement remercié M. A______ des soins qu’il avait prodigués au chien. Un rendez-vous de contrôle a été fixé au 12 octobre 2011, auquel Mme B______ ne s’est pas présentée.

Un mois plus tard, sans que M. A______ n’ait eu de nouvelles depuis le 3 octobre 2011, C______ était décédé dans le cabinet d’un confrère. Avant le décès, d’autres vétérinaires avaient été consultés à plusieurs reprises et dès lors, M. A______ ne pouvait être tenu responsable de ce qui avait été fait, ou pas fait. Il avait, au surplus, renoncé à facturer les coûts de l’hospitalisation, lesquels s’élevaient à CHF 2'207.-.

À cette détermination était jointe un formulaire de « consentement informé » dans lequel Mme B______, déclarait « avoir été informée des risques liés à une sédation, une anesthésie locale ou générale, indispensable afin de pouvoir effectuer une opération chirurgicale de [un mot illisible] par le personnel du cabinet vétérinaire… ».

5) Interpellé par la sous-commission en charge de la procédure, Monsieur I______, vétérinaire cantonal, a indiqué qu’il avait eu une discussion avec un professeur du Tierspital de Berne. Il était nécessaire de faire une différence entre les sacs anaux et les glandes péri-anales.

Concernant les premiers, une perforation bilatérale était peu probable. Aucune pathologie particulière amenant une déchirure du sac anal bilatéral n’était connue. En cas d’inflammation de ce sac, le chien présentait des symptômes, tels que se frotter l’arrière-train, le lécher, le mordiller. Lors de l’injection de liquide dans le sac, si ce dernier ne ressortait pas, il n’aurait pas fallu en injecter dans le deuxième sac. En revanche, une injection de liquide de contraste afin de vérifier l’existence d’une fuite aurait été judicieuse.

Une inflammation des glandes péri-anales provoquait les mêmes symptômes. Aucune pathologie provoquant la nécrose des tissus concernés n’était connue. Si une fistule se formait lors d’une inflammation, elle aurait dû être remarquée par le praticien.

Le rinçage des sacs anaux avec du peroxyde d’hydrogène était une méthode désuète. Cas échéant, du peroxyde à 30 % était un acide qui pouvait faire des dégâts.

6) Le 25 avril 2012, M. A______ a été entendu par la sous-commission en charge de l’instruction du dossier.

Il a confirmé les indications figurant dans sa détermination. Son cabinet utilisait de l’eau oxygénée à 3 %, qu’il diluait à 50 % pour le rinçage des glandes anales. Lors de l’introduction de ce produit dans les glandes, l’eau n’avait pas moussé et n’était pas ressortie comme cela se faisait d’habitude. Il avait dès lors procédé au rinçage de ces glandes à plusieurs reprises, à l’eau claire. Il avait bien vu qu’il y avait un problème. Les glandes étaient un peu rouges, mais ne présentaient pas de signes particuliers. Il avait administré un antibiotique et un anti-inflammatoire et mis de la crème à l’intérieur des glandes. Il avait prescrit du « Metacam » ainsi qu’une prise d’antibiotique sur huit ou dix jours. N’ayant pas constaté de forte réaction, il n’avait pas attiré l’attention de Mme B______ sur le problème des glandes anales lorsqu’elle avait repris le chien. Son assistant lui avait fait un compte-rendu de la situation le 19 septembre 2011. Selon la description qui lui avait été faite, aucun autre traitement ne pouvait être administré au chien à ce stade, si ce n’est des antidouleurs, des anti-inflammatoires et des antibiotiques. L’assistant n’avait pas indiqué de nécrose visible, mais une tuméfaction de toute la région péri-anale. Cela l’avait inquiété et c’est pour cela qu’il avait fixé un rendez-vous pour le 21 septembre 2011.

À cette date, le chien se trouvait dans un état catastrophique et Mme B______ avait été informée de la gravité du cas. Le chien avait été hospitalisé et avait été emmené à Nyon, la clinique vétérinaire dans laquelle M. A______ intervenait dans cette ville disposant de plus de personnel.

Il avait toujours indiqué à Mme B______ qu’il allait rincer les glandes et pas seulement les vider. Le chien était continent lorsqu’il avait été rendu à sa propriétaire le 1er octobre 2011 et la fonctionnalité du sphincter était suffisante, sans être complète. Il ne savait pas si Mme B______ avait essayé d’appeler le cabinet entre le 1er et le 3 octobre 2011. Il avait vu le chien le 3 octobre 2011 et tout allait bien, la guérison suivant son cours. Le but de la consultation était de vérifier que Mme B______ dispense de façon adéquate les soins prescrits. Il aurait immédiatement ré-hospitalisé le chien s’il avait eu un doute sur l’existence d’un problème. Il n’avait plus eu de nouvelles de Mme B______ après cette date.

7) À la demande de la commission, le Dr A______ a transmis le dossier médical du chien C______, le 4 juin 2012.

8) Toujours à la demande de la commission, M. A______ a transmis, le 14 septembre 2012, les factures concernant les deux dernières années de son fournisseur en eau oxygénée. Les commandes de son cabinet vétérinaire à Genève ainsi que de la clinique vétérinaire à Nyon, dans laquelle il était consultant, étaient faites de manière groupées. Il avait préparé la solution de rinçage juste avant l’opération, en diluant de l’eau oxygénée à 3 % avec une proportion égale d’eau. La date de péremption de l’eau oxygénée utilisée était le mois de septembre 2012.

9) D’autres échanges de correspondance ont eu lieu concernant les commandes d’eau oxygénée.

En dernier lieu, le 29 janvier 2013, M. A______ a transmis une facture datée du 30 novembre 2010, concernant la livraison d’eau oxygénée sous un numéro de référence et celle, le 31 octobre 2011, d’eau oxygénée livrée le 4 novembre 2011 sous une autre référence.

La facture du 31 octobre 2011 visait de l’eau oxygénée à 30 %.

10) Par décision du 24 septembre 2014, la commission a infligé un avertissement à M. A______.

Les lésions présentées par le chien C______ avaient manifestement été causées lors de l’intervention du 14 septembre 2011. En soit, le rinçage des glandes anales avec de l’eau oxygénée, même si la méthode était désuète, n’était pas un acte inapproprié. Correctement effectué, cet acte ne pouvait provoquer les brûlures constatées par des autres vétérinaires entre les 7 et 14 octobre 2011. Les nécroses constatées des sacs anaux ne pouvaient pas avoir été provoquées par une simple inflammation. Les règles de l’art avaient dès lors été violées par M. A______ lorsqu’il avait procédé au rinçage. Il était possible que l’eau oxygénée ait été trop concentrée, car on ne pouvait exclure que d’autres livraisons d’eau oxygénée à 30 % aient été faites antérieurement et qu’il y ait eu une confusion. Il était aussi possible qu’en injectant l’eau oxygénée, M. A______ ait percé une glande anale, entraînant l’administration d’une quantité importante de ce produit, lequel aurait causé la nécrose des tissus. Il était également possible qu’une fistule n’ait pas été remarquée, et que cette dernière, après l’infiltration, ait entraîné la nécrose des tissus.

D’autre part, le suivi post-opératoire de C______ par M. A______ n’avait pas été adéquat. Bien qu’il ait constaté des anomalies pendant l’intervention, il n’avait pas organisé un suivi de l’animal post-opératoire et n’avait fait qu’administrer une analgésie défaillante et partielle sans prescrire d’antalgique ni d’antibiotique, contrairement à ce qu’il avait affirmé lors de son audition. Il s’était montré peu disponible, puisque ce n’est que lors de la troisième consultation qu’il avait examiné le chien. Cela démontrait une certaine désinvolture dans le traitement du cas.

Aucun reproche ne pouvait être fait à M. A______ pour la période postérieure au 3 octobre 2011, dès lors que Mme B______ n’était pas venue au rendez-vous.

En outre, M. A______ avait informé les propriétaires de C______ de manière lacunaire. Un formulaire de consentement avait été signé pour la narcose, mais qui ne faisait pas référence à la méthode utilisée pour le nettoyage des glandes anales. M. A______ n’avait dès lors pas démontré avoir donné l’information nécessaire. Il n’avait d’autre part pas informé les propriétaires du chien que l’opération ne s’était pas déroulée de façon normale. Il est au demeurant surprenant que, le 3 octobre 2011, M. A______ ait indiqué à Mme B______ que le chien allait bien alors qu’il avait fait le jour même une injection anti-diarrhéique et que quelques jours plus tard, le chien se trouvait dans un très mauvais état général. Soit M. A______ ne s’était pas rendu compte de l’ampleur des dégâts, soit il les avait délibérément passés sous silence, ce qui constituait une violation du devoir d’information.

En revanche, la surveillance faite par M. A______ et de son assistant ne prêtaient pas le flanc à la critique.

La commission précisait qu’elle informerait les dénonciateurs du traitement de leur plainte de manière appropriée.

11) Le 23 octobre 2014, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée, concluant à son annulation.

Il avait parfaitement informé Mme B______ de la méthode d’intervention qu’il allait utiliser et lui avait fait signer un formulaire de consentement. Le choix de la méthode était conforme aux règles de l’art. Le dossier démontrait qu’après l’opération, M. A______ avait injecté un antibiotique dont les effets duraient quatorze jours ainsi qu’un anti-inflammatoire stéroïdien, ce qui constituait un traitement opératoire conforme.

Les rapports rédigés ultérieurement par les Drs G______ et H______ n’attestaient pas d’une erreur commise par M. A______ et l’origine des lésions dont ils faisaient part n’avait pas pu être précisément établie. Pour M. A______, le chien souffrait probablement d’un défaut d’étanchéité des glandes anales avant l’intervention, ce qui ne permettait pas de le tenir pour responsable des complications ultérieures dont le chien avait souffert. Rien ne permettait d’indiquer qu’une glande anale aurait été percée lors de l’intervention ni que l’eau oxygénée aurait été trop concentrée.

Le suivi post-opératoire avait été adéquat au vu des lésions présentées et de la période à laquelle M. A______ était intervenu. Il avait ordonné l’hospitalisation du chien, le 21 septembre 2011.

En dernier lieu, le devoir d’information n’avait pas été violé. M. A______ ne pouvait enregistrer l’intégralité des entretiens qu’il avait avec les propriétaires des chiens qu’il traitait et les documents qu’il avait produits, démontraient une information suffisante.

12) Le 27 novembre 2014, la commission a conclu au rejet du recours reprenant et développant les éléments figurant dans sa décision.

13) Le 12 janvier 2015, M. A______ a exercé son droit à la réplique. Il était curieux que la commission ait demandé au vétérinaire cantonal de consulter un professeur, resté anonyme, du Tierspital de Berne. Ce dernier indiquait qu’une perforation bilatérale des sacs anaux était peu probable, ce qui permettait d’écarter une hypothèse de la commission. La seconde hypothèse, soit l’utilisation d’une eau oxygénée concentrée à 30 % devait aussi être écartée, dès lors que la seule livraison d’un produit à 30 %, commandé par erreur, était postérieure à l’intervention chirurgicale litigieuse.

Quant à l’existence éventuelle d’une fistule, il n’était pas du tout évident de la remarquer. À cet égard, le Dr H______, lors de son premier examen clinique n’avait pas constaté l’existence d’une telle lésion avant que des saignements apparaissent chez C______, le 1er novembre 2011.

Au surplus, le suivi post-opératoire avait été correct et les propriétaires du chien avaient été informés d’une manière conforme aux obligations du vétérinaire.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger le 13 janvier 2015.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) M. A______ est autorisé à pratiquer en qualité de vétérinaire dans le canton de Genève et il est ainsi inscrit dans le registre de sa profession (art. 71 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03 ; art. 1 al. 1 let. a du règlement sur les professions de la santé du 22 août 2006 - RPS - K 3 02.01). Il est donc soumis aux dispositions de ces textes.

3) Selon l’art. 125B LS, la commission est compétente pour traiter des violations d’un droit que le chapitre cinq de cette loi reconnaît aux patients ainsi que des plaintes et des dénonciations résultant d’une infraction à la LS ou à ses dispositions d’exécution. Elle est peut prononcer des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 20'000.- à l’encontre des professionnels de la santé (art. 127 al. 1 let. a LS) alors que seul le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé peut infliger une interdiction, définitive ou temporaire, d’exercer une profession de la santé (art. 127 al. 1 let. b et c LS).

4) La poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (art. 46 al. 1 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 - LPMéd - RS 811.11 ) en relation avec l'art. 133A LS.

Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (art. 46 al. 2 LPMéd). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (art. 46 al. 3 LPMéd).

En l’espèce, les actes de procédure successifs ayant interrompu le délai de prescription, celle-ci n’est pas atteinte.

5) a. L’art. 80 LS, intitulé « devoirs professionnels », prévoit que, sauf dispositions contraires de la LS, les devoirs professionnels prévus à l’art. 40 LPMéd s’appliquent à tous les professionnels de la santé.

Ces derniers doivent notamment exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue ainsi que garantir les droits du patient (art. 40 let. a et let. c LPMéd).

b. Le patient, ou pour la médecine vétérinaire, le détenteur de l’animal, a le droit d’être informé de manière claire et appropriée sur  les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels (art. 45 let. b LS).

De plus, tous les professionnels de la santé doivent tenir un dossier pour chaque patient (art. 52 al. 1 LS), lequel doit contenir toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS).

c. En cas de litige, c’est au professionnel de la santé qu’il incombe de prouver qu’il a suffisamment renseigné le patient et obtenu son consentement éclairé (ATF 133 III consid. 1.4.2 et la jurisprudence citée in SJ 2012 I 276).

6) a. En l’espèce, la chambre administrative relèvera en premier lieu que la commission n’a pas retenu que, en soi, le fait de rincer les glandes anales et les sacs anaux d’un chien avec de l’eau oxygénée constituait une violation des règles de l’art vétérinaire. Cependant, même si l’origine des suites dramatiques de l’intervention auquel le recourant a procédé ne sont pas connues, il est nécessaire de relever que M. A______ a, au cours de l’intervention déjà, constaté qu’il y avait un problème, indiquant ultérieurement que l’eau oxygénée qui avait été injectée ne ressortait que difficilement et qu’elle ne moussait pas. Face à cette situation, il indique avoir procédé à un rinçage à l’eau claire, sans toutefois prendre d’autres mesures de suivi. Même si, ainsi que M. A______ le retient, le chien souffrait d’un défaut préexistant d’étanchéité des glandes anales, il appartenait à l’opérateur de procéder aux investigations nécessaires au moment de l’intervention.

Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la commission a retenu que le recourant n’avait pas respecté les règles de l’art au cours de l’intervention.

b. En ce qui concerne le suivi opératoire, le recourant a injecté un médicament ayant une activité antimicrobienne pendant quatorze jours. En revanche, il ressort du dossier que le recourant n’avait pas prévu d’autre suivi lorsque le chien a été rendu à son propriétaire après l’opération. Le récit détaillé de la plaignante démontre que cette dernière s’est rendue au cabinet vétérinaire le 16 septembre 2011 et qu’elle a consulté le vétérinaire de garde le 18 septembre 2011. C’est sur les conseils de ce dernier qu’elle s’est rendue au cabinet du recourant le 19 septembre 2011. Il ne s’agissait en conséquence pas d’un suivi organisé et ce n’est seulement qu’après un passage au cabinet et un passage chez le vétérinaire de garde que le chien a pu être vu par M. A______.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’analyse à laquelle la commission a procédé doit être confirmée et c’est à juste titre que cette autorité a retenu que, entre le 14 septembre et le 3 octobre 2011, M. A______ n’avait pas assuré à C______ un suivi satisfaisant.

c. En dernier lieu, il est manifeste que l’information donnée par M. A______ à la propriétaire du chien était lacunaire. Le formulaire de consentement éclairé ne visait que l’anesthésie et le mot manuscrit qui a été écrit est illisible. Les lacunes dans la tenue du dossier, dans lequel par exemple ne figurent pas l’ablation d’une petite excroissance de la cavité buccale du chien ni le fait que de la crème « Panolog » et de l’eau oxygénée aient été utilisées, ne permettent pas de reconstituer l’information donnée à la propriétaire du chien, l’intervention et son suivi et empêchent de ce fait au recourant de démontrer que ses prestations étaient suffisantes. De plus, les propriétaires de C______ n’ont pas été informés des difficultés rencontrées pendant l’intervention chirurgicale, qui pourtant avaient alerté le recourant.

C’est donc aussi en vain que M. A______ conteste ce reproche.

7) Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs (ATA/174/2013 du 19 mars 2013 consid. 7 ; ATA/127/2011 du 1er mars 2011 consid. 9c). Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/820/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7 ; ATA/174/2013 précité consid. 7 ; ATA/127/2011 précité consid. 9d ; ATA/6/2009 du 13 janvier 2009 consid. 8d ; ATA/570/2003 du 23 juillet 2003 consid. 10a).

La commission n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d’appréciation et respecté le principe de la proportionnalité en infligeant au recourant un avertissement, soit la sanction la plus clémente.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourante qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

9) Les dénonciateurs n’étant pas partie à la procédure devant la chambre de céans, ni le présent arrêt ni son dispositif ne leur seront notifiés. La tâche de les informer reviendra ainsi à la commission (art. 21 al. 3 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2014 par Monsieur A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 24 septembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du recourant ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yvan Jeanneret, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

 

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :