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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2005/2006

ATA/453/2006 du 31.08.2006 ( DES ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2005/2006-DES ATA/453/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2006

dans la cause

 

Madame D______

et

P______ S.A.
représentées par Me Roger Mock, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


1. Madame D______ est titulaire d’un certificat de capacité de cafetier depuis 1989. Elle a obtenu des autorités compétentes l’autorisation d’exploiter les dancings suivants :

« X______ », sis ______, le 25 juillet 2001 ;

« Y______ », sis ______ le 6 janvier 2004.

La société « P______ S.A.» (ci-après : la société) est exploitante du « Y______ ». Mme D______ en est la secrétaire, et Monsieur B______ le président du conseil d’administration.

2. Dans le cadre de l’exploitation des deux établissements précités, Mme D______ s’est vu notifier les décisions suivantes par le département de justice, police et sécurité, alors compétent en matière d’application de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21), dont répond actuellement le département de l’économie et de la santé (ci-après : le département) :

une restriction de trois mois de l’horaire d’exploitation de l’établissement « X______ » assortie d’une amende administrative de CHF 1'000.- le 5 avril 2004 pour avoir violé son obligation de maintien de l’ordre les 27 octobre 2003, 1er et 11 janvier 2004. Par arrêt du 25 janvier 2004, le Tribunal administratif a réduit à deux mois la durée de cette restriction d’horaire et confirmé l’amende (ATA/34/2005).

une amende administrative de CHF 200.- pour ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre de l’établissement « Y______ » le 25 mars 2005.

une amende administrative de CHF 400.- pour ne pas avoir fait appel à la police, suite à une bagarre ayant éclaté le 7 juin 2005 au « Y______ ».

une amende administrative de CHF 200.- pour avoir servi des boissons alcoolisées à un client pris de boisson au « X______ » le 5 juillet 2005.

une amende administrative de CHF 800.- pour ne pas avoir veillé à son obligation de maintien de l’ordre au « Y______ » le 20 juillet 2005.

une restriction de l’horaire d’exploitation de l’établissement « Y______ » à minuit pour une durée d’un mois ainsi qu’une amende administrative de CHF 1'600.- le 30 septembre 2005 pour avoir violé son obligation de maintien de l’ordre les 7 et 14 juillet 2005. Le Tribunal administratif a confirmé l’amende ainsi que la restriction de l’horaire d’exploitation par arrêt du 20 juin 2006 (ATA/344/2006). Les faits remontant à ladite décision sont les suivants :

- Dans un rapport du 12 juillet 2005, les gendarmes ont relevé que le 7 juillet, lors de deux passages à 02h15 et 03h15, une cinquantaine de personnes s’étaient attroupées devant le « Y______ », ce qui avait généré des nuisances sonores perturbant les voisins. La circulation avait été entravée par des clients avinés. Des automobilistes avaient dû modifier leur trajectoire, voire freiner pour éviter des personnes déambulant sur la chaussée.

Le personnel filtrant l’entrée des clients, visiblement dépassé, avait été avisé. Certaines personnes avaient voulu en venir aux mains.

- Le 19 juillet 2005, les gendarmes ont dressé un nouveau rapport relatif à des faits survenus le 14 juillet, à 04h45, devant le « Y______ ». Ils avaient remarqué la présence d’une centaine de personnes passablement avinées, dont certaines vociféraient sur la voie publique et d’autres cherchaient à se bagarrer. La circulation avait été entravée. Le personnel, visiblement dépassé par le comportement des clients - dont certains avaient été verbalisés - n’avait rien pu faire.

- Dans le procès-verbal d’enquêtes du 27 mars 2006, Monsieur C______, gendarme au poste de police de Plainpalais, a indiqué que la police intervenait quasiment toutes les nuits aux abords des deux établissements de la société. La clientèle était très bruyante, aussi bien en entrant qu’en sortant des dancings. Le « Y______ » avait des agents de sécurité qui avaient certes une bonne présence, mais qui n’arrivaient pas à « calmer le jeu » à l’extérieur de l’établissement. L’agent verbalisateur travaillait au poste de Plainpalais depuis trois ans et il avait pu constater que la situation s’était péjorée au fil du temps. Il a encore considéré que les exploitants devraient engager des agents de sécurité privée pour faire des rondes, contrôler des entrées et interdire l’accès aux gens ivres.

Monsieur S______, également gendarme au poste de Plainpalais, a indiqué que la police recevait souvent des appels de l’hôtelier voisin, dont les clients se plaignaient du bruit. Les tenanciers avaient installé des barrières tendant à canaliser les clients. La police intervenait souvent à la fermeture pour séparer des clients vidant leurs querelles sur la voie publique.

Monsieur J______, îlotier de Plainpalais, a indiqué que la situation pouvait être améliorée, notamment par la densification des passages préventifs de la police, la mise sur pied d’un service d’ordre adéquat par les tenanciers et un appel à la police immédiat en cas de problème. Les exploitants pouvaient aussi envisager de mieux filtrer les entrées, de manière à empêcher les personnes déjà ivres d’entrer.

3. Dans un rapport du 8 janvier 2006, les gendarmes ont relevé que le 29 décembre 2005, à 01h45, une centaine de personnes, dont certaines étaient agressives, s’étaient attroupées devant le « Y______ », ce qui avait généré des nuisances sonores perturbant les voisins. La foule poussait pour entrer, ce qui provoquait des bousculades. Les gendarmes avaient pris contact avec M. B______. Ce dernier avait déclaré qu’il ne pouvait gérer ce problème.

4. Le 9 février 2006, les gendarmes ont dressé un nouveau rapport relatif à des faits survenus le même jour, à 05h10, devant le « Y______ ». Le dancing étant un établissement dit « à problèmes », ils avaient procédé au contrôle de sa fermeture. Lors de celle-ci, un client très aviné les avait abordés, qui avait été rejoint par des amis tout aussi ivres que lui et qui cherchaient la bagarre. L’un d’entre eux était mineur.

5. Invitée à se déterminer sur le rapport du 8 janvier 2006, Mme D______ et la société ont contesté les faits les 6 et 17 mars 2006. Les incidents du 29 décembre 2005 n’étaient pas dus à une carence des responsables de l’établissement. De plus, vu son manque d’effectifs, la gendarmerie n’avait rien pu faire pour dissoudre le rassemblement.

6. Enfin, dans un rapport du 28 mars 2006, les gendarmes ont relevé que le 23 mars 2006, entre 02h00 et 05h00, des clients avaient quitté l’établissement en état d’ivresse, ce qui avait nécessité l’intervention de la police à quatre reprises pour bagarres et excès de bruit. De plus, la plupart des clients sortant de l’établissement étaient saouls, ce qui prouvait que des boissons alcoolisées continuaient de leur être servies malgré leur état.

7. Invitées à se déterminer sur les rapport des 9 février 2006 et 28 mars 2006, Mme D______ et la société ont contesté les faits par courriers des 24 avril et 10 mai 2006, en relevant par ailleurs que, s’agissant de l’incident survenu le 23 mars 2006, la bagarre signalée par la gendarmerie s’était déroulée sur la plaine de Plainpalais, soit à une certaine distance de l’établissement.

8. Par décision du 17 mai 2006, le département, soit pour lui le service des autorisations et patentes (ci-après : le SAP), a restreint l’horaire d’exploitation de l’établissement à 02h00 pour une durée de six mois et a infligé à Mme D______ une amende administrative de CHF 3’200.- pour les faits survenus les 29 décembre 2005, 9 février et 23 mars 2006.

Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

9. Le 30 mai 2006, Mme D______ et la société ont saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée. Elles concluent préalablement à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à l’annulation de la décision, qui n’était pas motivée. Elles ont également sollicité l’audition des personnes qui se trouvaient dans l’établissement au moment des trois incidents et celle des gendarmes auteurs des rapports.

Le département les avait sanctionnées à tort, ce d’autant qu’elles avaient pris une série de mesures pour mettre un terme aux nuisances.

10. Le Président du Tribunal administratif a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif le 19 juin 2006.

11. Le 4 juillet 2006, le département s’est opposé au recours. Les conditions d’une restriction de la liberté économique étaient réalisées.

Malgré la mise en place de barrières devant l’entrée du dancing, le personnel de l’établissement n’avait toujours pas pris les mesures nécessaires ni donné suite aux injonctions des gendarmes. Compte tenu des antécédents de Mme D______, les sanctions étaient proportionnées.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En procédure administrative, a qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui possède un intérêt personnel digne de protection à ce que celle-ci soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA).

Mme D______ étant directement touchée par l’amende et par la restriction d’horaire, sa qualité pour agir doit être admise.

En revanche, la société n’est pas touchée par le prononcé de l’amende, infligée uniquement à Mme D______. Sa qualité pour agir est donc limitée à la restriction d’horaire, de sorte que son recours devra être déclaré irrecevable pour le surplus.

3. a. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle (Arrêt du Tribunal Fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2a ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 3a ; ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (ATA/851/2005 du 13 décembre 2005).

b. Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004 consid. 6 ; 1P.24/2001 du 30 janvier 2001 consid. 3a ; ATA/851/2005 précité).

Procédant à une appréciation anticipée des preuves, le Tribunal administratif constate que, suite à chaque intervention, le département a accordé aux recourantes un délai pour se déterminer sur les rapports de dénonciation. Les éléments sur lesquels le service fonde sa décision figurent au dossier. De plus, les gendarmes dont les recourantes sollicitent l’audition ont déjà été entendus dans le cadre de la procédure A/3554/2005. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’ordonner des enquêtes qui ne pourraient pas apporter d’éléments nouveaux.

4. a. Selon la LRDBH, aucun établissement qui lui est soumis ne doit perturber l'ordre public, en particulier la tranquillité, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH).

b. L'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles pour ne pas engendrer d'inconvénients graves pour le voisinage (art. 22 al. 1 à 3 LRDBH).

Même absent, il n'en demeure pas moins responsable du comportement adopté par son remplaçant participant à son exploitation et à son animation (art. 21 al. 2 et 3 LRDBH et 32 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 31 août 1988  - RLRDBH - I 2 21.01).

A titre d'exemple, la violation de l'article 22 LRDBH peut être fondée sur le fait que l'exploitant ne prenne pas les mesures nécessaires, notamment pour atténuer le bruit, en laissant la porte ouverte (ATA/226/2005 du 19 avril 2005 ; ATA/570/2004 du 6 juillet 2004 et ATA/837/2001 du 18 décembre 2001).

Alors que le projet de loi précisait simplement que si l'ordre était sérieusement troublé ou menacé de l'être, l'exploitant devait faire appel à la police (Mémorial du Grand Conseil, 1985, III p. 4209), la commission ad hoc du Grand Conseil a ajouté les termes "que ce soit à l'intérieur de l'établissement ou dans ses environs immédiats", pour bien préciser que la responsabilité de l'exploitant allait au-delà des strictes limites de son établissement ou de sa terrasse (Mémorial 1987 V p. 6426).

c. Selon l’article 29 alinéa 2 LRDBH, les mineurs de moins de 16 ans n’ont pas accès aux dancings. L’exploitant peut toutefois élever occasionnellement ou durablement à 18 ans l’âge d’admission dans son établissement. Les dancings autorisés à admettre les mineurs dès 16 ans doivent fermer leurs portes à 02h00 au plus tard (art. 37B al. 1 RLRDBH).

d. Enfin, selon l’article 49 alinéa 1 lettre b LRDBH, il est interdit de servir des boissons alcooliques aux personnes en état d’ébriété.

Selon la jurisprudence, l'état d'ébriété doit, même si la loi ne le définit pas, être reconnaissable par des tiers, car il ne saurait être exigé d'un sommelier qu'il se réfère à une analyse de sang ou même à un test de l'éthylomètre. Or un client peut être pris de boisson sans présenter de signes extérieurs reconnaissables d'un état d'ébriété. La loi n'exige pas qu'un client ait été pris de boissons à son arrivée dans l'établissement, mais bien que des boissons lui aient été servies alors qu'il était déjà en état d'ébriété (ATA/211/1999 du 13 avril 1999).

5. Le Tribunal administratif tiendra pour avéré que les bagarres et les excès de bruit survenus les 29 décembre 2005, 9 février et 23 mars 2006 ont engendré des inconvénients graves pour le voisinage. Les mesures prises par l’établissement, soit la mise en place de barrières devant la porte pour canaliser les entrées, n’ont manifestement pas eu l’effet escompté. Il ressort de l’audition des gendarmes réalisée lors de la précédente procédure (ATA/3554/2006 du 20 juin 2006) et de la lecture du dossier que l’ordre ne pourra être maintenu que par l’adoption de mesures liées à la gestion au sein de l’établissement, à savoir notamment la mise sur pied d’un service adéquat, un filtrage minutieux refusant l’entrée aux personnes manifestement ivres et l’appel immédiat de la police en cas de problèmes. Ainsi, les mesures adoptées jusqu’à présent étant insuffisantes, Mme D______ s’est rendue coupable d’une violation de son obligation de maintien de l’ordre et d’une violation de son obligation de faire appel à la police en cas de trouble.

Enfin, un mineur a été interpellé dans la nuit du 9 février 2006. Dans la mesure où les portes du dancing ferment bien au-delà de 02h00, une infraction aux règles susmentionnées doit être retenue.

En revanche, même si, à teneur du rapport du 28 mars 2006, les personnes appréhendées présentaient des signes d’ébriété avancée au moment de l’intervention des gendarmes, les éléments du dossier ne permettent pas d’établir qu’elles étaient ivres au moment où les boissons ont été servies. Aucune infraction à l’article 49 alinéa 1 lettre b LRDBH ne peut donc être reprochée aux recourantes.

En conséquence, le Tribunal administratif admettra que la LRDBH et ses dispositions d’application ont été violées, sauf en ce qui concerne le paragraphe qui précède.

6. a. Pour fixer le montant de l’amende, l'administration, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation, doit prendre en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/234/2006 du 2 mai 2006).

b. Lorsqu'une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d'avoir été condamnée pour une autre infraction, le juge doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 68 ch. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 ; ATA/211/1999 du 13 avril 1999) dans de telles circonstances, le Tribunal administratif est "fondé à faire application de cette disposition pour porter une appréciation globale et proportionnée du montant de l'amende à infliger (au recourant) dans le respect des règles du concours rétrospectif" (ATA/814/2005 du 29 novembre 2005).

L’article 68 chiffre 2 CP n’est pas applicable lorsqu’un auteur commet des infractions après avoir été condamné en première instance à une peine privative de liberté pour d’autres infractions, le moment déterminant étant le prononcé du jugement. Les nouvelles infractions doivent donc être sanctionnées par une peine indépendante. Pour appliquer l’article 68 chiffre 2 CP, il faut déterminer en premier lieu si les infractions concernées ont été commises – entièrement ou partiellement – avant ou après une première condamnation. Dans le premier cas, il faut encore examiner si un jugement déjà entré en force a clos la première procédure. Dans l’affirmative, il faut alors prononcer une peine complémentaire (ATA/281/2006 du 23 mai 2006 ; JdT 2005 IV 51).

En l’espèce, les infractions faisant l’objet de la présente affaire sont antérieures à l’arrêt du Tribunal administratif du 20 juin 2006, qui a mis un terme à la première procédure. En application de l’article 68 chiffre 2 CP, il convient d’apprécier globalement les infractions reprochées aux recourantes.

7. a. L’article 71 alinéa 1 lettre a LRDBH prévoit que, suivant la nature de l’infraction, le département peut prononcer, à la place des sanctions mentionnées à l’article 70 alinéa 1 LRDBH (suspension ou retrait de l’autorisation d’exploiter) des restrictions d’une durée de dix jours à six mois à l’horaire d’exploitation prévu à l’article 18 LRDBH pour les dancings.

b. Le Tribunal administratif a déjà eu l’occasion de juger que les mesures de restriction de l’horaire à minuit, lorsqu’elles concernaient un dancing, équivalaient à une fermeture complète de l’établissement et qu’il y avait donc lieu d’être attentif au respect du principe de la proportionnalité (ATA/34/2005 du 25 janvier 2005).

Dans le cadre d’une appréciation globale du cas d’espèce, il faut tenir compte non seulement du concours entre les infractions aux articles 22 alinéa 1 et 2 LRDBH et 37B alinéa 1 RLRDBH mais également des antécédents médiocres de l’exploitante et des nombreuses infractions commises dès 2005.

In casu, la restriction a été prononcée pour une durée de six mois, soit le maximum légal, alors même que le département avait déjà prononcé une sanction d’un mois. La somme des deux sanctions dépasse donc le maximum légal. Le tribunal prononcera ainsi une restriction d’horaire à 02h00 pour une durée de cinq mois. Cette sanction complémentaire est compatible avec le principe de la proportionnalité, dès lors qu’elle ne rend pas impossible l’exploitation de l’établissement, qui peut demeurer ouvert de 18h à 02h00. Elle échappe ainsi à toute critique (ATA/112/2006 du 7 mars 2006).

8. a. L'article 74 alinéa 1 LRDBH prévoit comme sanction notamment une amende administrative d'un montant de CHF 100.- à CHF 60'000.-.

b. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA C. du 18 février 1997 ; P. MOOR, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, p. 95-96 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 6ème édition, Zurich 2000, p. 37). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le CP, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

c. Le Tribunal administratif s'est déjà exprimé à plusieurs reprises concernant le montant d'une amende infligée à l'exploitant d'un café-restaurant, considérant par exemple que le département a fait preuve de retenue en infligeant une amende d'un montant de CHF 1'400.- pour troubles de la tranquillité publique commis à réitérées reprises (ATA/344/2006 précité).

En l'espèce, le département a fixé l’amende à CHF 3'200.- pour les infractions survenues les 29 décembre 2005, 9 février et 23 mars 2006, alors qu’il avait déjà prononcé une amende de CHF 1'600.-. La sanction globale s’élève donc à CHF 4'800.-. Le Tribunal administratif constate que de nombreuses amendes ont été infligées à Mme D______ par le passé pour des motifs identiques, sans que cela ne l’incite à changer de comportement. En conséquence, compte tenu de l’absence d’infraction à l’article 49 LRDBH, une amende de CHF 4'400.- respecte le principe de la proportionnalité, même si cette sanction vient s'ajouter à la réduction de l'horaire d’ouverture du dancing.

Vu l’amende en CHF 1'600.- du 30 septembre 2005, il doit être prononcé une amende complémentaire de CHF 2'800.- pour arriver au total de CHF 4'400.-.

9. Au vu des motifs ayant conduit à l’admission partielle du recours, un émolument réduit de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement. Pour les mêmes raisons, il n’y pas lieu de leur accorder d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2006 par Madame D______ contre la décision du département de l'économie et de la santé du 17 mai 2006 ;

déclare recevable le recours de P______ S.A., interjeté le 30 mai 2006 contre ladite décision du département de l’économie et de la santé, en tant qu’il vise la restriction d’horaire ;

déclare ce dernier irrecevable pour le surplus ;

au fond :

les admet partiellement ;

annule la décision du 17 mai 2006 du département de l’économie et de la santé ;

prononce en lieu et place, à titre de sanction complémentaire, une amende de CHF 2’800.- à l'encontre de Madame D______ ;

prononce en lieu et place, à titre de sanction complémentaire, une restriction d’horaire à 02h00 pour une durée de cinq mois ;

met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’500.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à Me Roger Mock, avocat des recourantes, ainsi qu'au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :