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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1026/2008

ATA/445/2008 du 27.08.2008 ( LCR ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1026/2008-LCR ATA/445/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 août 2008

2ère section

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur B______

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


EN FAIT

1. Monsieur B______, né en 1958, domicilié à Genève, est titulaire du permis de conduire catégorie B depuis 1996.

2. Selon le dossier transmis par le service des automobiles et de la navigation (ci-après : SAN), ce conducteur n’a pas d’antécédent en matière de circulation routière.

3. Le 15 mai 2007 à 04h30, M. B______ circulait au volant d’une voiture rue Jean-Jacques-De-Sellon en direction de la rue du Fort-Barreau alors qu’il avait consommé de l’alcool en excès, l’analyse de sang ayant mis en évidence un taux d’alcoolémie moyen de 2,05 ‰. Dans ces circonstances, il n’a pas vu une fouille située au centre de la chaussée à une intersection, et a encastré son véhicule dans la fouille à une profondeur d’une dizaine de centimètres. Son permis de conduire lui avait été saisi par la police.

4. Le 21 mai 2007, le SAN a avisé M. B______ qu’une mesure administrative, telle qu’un retrait de permis, pouvait être prise à son encontre à la suite des faits susmentionnés. Il était invité à faire part de ses observations. Son attention était attirée sur le fait qu’il avait la possibilité de participer à un cours de prévention de la récidive de la conduite automobile sous influence de l’alcool (ci-après  : cours de prévention). S’il le suivait dans son intégralité, l’autorité en tiendrait compte pour fixer la durée de la mesure, sans que la durée légale minimale du retrait puisse être réduite.

5. Le 5 juin 2007, M. B______ s’est inscrit au cours de prévention.

6. Après avoir oublié un premier rendez-vous avec le psychologue le 24 juillet 2007, il a été reconvoqué le 18 septembre 2007.

7. Le 14 septembre 2007, le SAN a décidé de restituer à M. B______ son permis de conduire, à titre provisoire, dès le 15 septembre 2007.

8. Le 18 septembre 2007, M. B______ s’est rendu à l’entretien avec le psychologue et a été convoqué au cours "Précasia" le 6 décembre 2007. Il devait se présenter accompagné d’un proche, après avoir payé les frais de cours. En cas d’absence ou s’il se présentait seul, le cours ne serait pas remboursé. Si lui ou le proche ne suivait pas le cours dans son intégralité, l’attestation de suivi de cours ne pourrait être délivrée.

9. Le 5 décembre 2007, M. B______ a été excusé pour le cours du lendemain car il n’avait trouvé personne pour l’accompagner, ce que l’intéressé a confirmé par courrier le 10 suivant, après avoir payé les frais. Il demandait pouvoir participer à un nouveau cours, si possible seul.

10. Le 14 décembre 2007, le SAN l’a informé que pour suivre le cours de prévention, il était impératif d’être accompagné d’un proche majeur. S’il entendait suivre le cours, il devait à nouveau en acquitter les frais et indiquer les coordonnées de la personne qui l’accompagnerait.

11. Le 15 janvier 2008, M. B______ a communiqué au SAN le nom d’un membre de sa famille, domicilié à Montreux, qui l’accompagnerait au cours de prévention.

12. M. B______ a été convoqué à un nouveau cours, dont il a acquitté les frais, le 6 mars 2008. Il s’y est rendu à ce cours avec son accompagnant mais ce dernier est parti trois-quarts d’heure après le début du cours.

13. Par décision du 12 mars 2008, le SAN a retiré le permis de conduire de M. B______ pour une durée de cinq mois, sous déduction de la durée subie, en application de l’article 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Il lui était reproché une conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcoolémie qualifié et une perte de maîtrise le 15 mai 2007. Il s’agissait d’une infraction grave aux règles de la circulation routière. Il ne justifiait pas d’un besoin professionnel de conduire un véhicule automobile. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la mesure s’écartait du minimum légal, vu l’importance du taux d’alcoolémie. L’autorité ne pouvait tenir compte du suivi du cours de prévention, ses prescriptions n’ayant pas été respectées.

14. Par courrier mis à la poste le 25 mars 2008, M. B______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée, concluant à une réduction de la mesure. Il travaillait très tôt le matin et il avait besoin de son véhicule pour se rendre à son lieu de travail, à Plan-les-Ouates, car les transports publics n’étaient pas encore en service à ce moment. Il risquait de perdre son emploi. Le cours de prévention n’avait pas été pris en compte alors qu’il l’avait suivi complètement.

15. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties, le 25 avril 2008, M. B______ a précisé que la personne qui l’avait accompagné au cours de prévention avait dû partir pour des raisons professionnelles. Il estimait être lourdement sanctionné pour la première faute grave commise. Il perdrait en effet son emploi. Il commençait son travail à 04h45 et n’avait pas de possibilité en ce moment de permuter avec un membre de l’équipe de nuit, qui commençait à 21h00.

Le SAN a confirmé que les modalités du cours de prévention prévoyaient que la personne astreinte à le suivre soit accompagnée d’une deuxième personne, qui était là pour être un peu la mémoire du cours. Cela donnait de meilleurs résultats que le suivi du cours en solitaire, d’après un constat sur plusieurs années.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La décision querellée retire le permis de conduire du recourant pour une durée de cinq mois. Ce document a été saisi le 15 mai 2007 par la police et restitué provisoirement dès le 15 septembre 2007, soit après quatre mois. Le recours conserve donc un intérêt actuel.

3. Quiconque est pris de boisson est tenu de s'abstenir de conduire un véhicule (art. 31 al. 2 LCR). Est notamment réputé pris de boisson celui dont la concentration d'alcool dans le sang atteint ou dépasse 0,8 gr. ‰ selon les règles en vigueur avant le 31 décembre 2003 (art. 55 al. 1 LCR ; art. 38 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51; M. PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire, 1982, pp. 146 ss not. 149).

4. A teneur de l’article 16c alinéa 1 lettre b LCR, la conduite d’un véhicule en état d’ébriété est une faute grave pour autant que l’intéressé présente un taux d’alcool dans le sang qualifié au sens de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 21 décembre 2003 (RS 741.13) et implique le retrait obligatoire du permis de conduire. A teneur de l’article 1 alinéa 2 de ladite ordonnance, est réputé qualifié un taux d’alcoolémie de 0,8 gr. ‰ ou plus.

5. En circulant au volant d’une voiture avec un taux d’alcoolémie moyen de 2,05 ‰, le recourant a commis une infraction grave à la LCR, ce qu’il ne conteste pas.

6. Le conducteur doit constamment rester maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence et être à tout instant en mesure d’agir de façon adéquate. La vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances (ATF 127 II 302, consid. 3c p. 303 ; art. 31 et 31 al. 1 LCR).

La perte de maîtrise du véhicule est une violation du devoir susmentionné. Sa gravité dépend des circonstances, en particulier du degré de mise en danger de la sécurité d’autrui et de la faute du conducteur (Arrêt du Tribunal fédéral 1C.235/2007 du 29 novembre 2007).

En l’espèce, le recourant n’a pas été en mesure d’éviter une fouille ouverte sur la chaussée, en raison d’une inattention qu’il a admise. Si la perte de maitrise est intervenue tôt le matin et qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir une mise en danger d'autres usagers, on retiendra que le recourant s'est avéré incapable de passer à côté d'une fouille alors qu'il ne fait état d'aucun élément qui aurait pu le distraire de l'attention qu'il devait porter sur sa conduite, hormis l'état alcoolisé dans lequel il se trouvait. La violation de son devoir de procédure est donc grave.

7. Pour fixer la durée de la mesure, divers facteurs doivent être pris en considération, notamment la gravité objective et subjective de la faute, les antécédents de l'intéressé ainsi que ses besoins professionnels (art. 33 al. 2 OAC ; ATF 108 Ib 259 ; ATF 105 Ib 205 ; RDAF 1980 p. 46 ; A. BUSSY/B. RUSCONI, Code suisse de la circulation routière, commentaire, 1996 p. 218 ; M. PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire, 1982, pp. 188 ss). Dans cet examen, les conséquences de l'infraction commise ne sauraient avoir une influence décisive (RDAF 1978 p. 288).

Ainsi, l'autorité qui retire un permis en cas d'ivresse ne doit pas se fonder exclusivement sur le degré d'alcoolémie, mais doit procéder à un examen global du cas (ATF n.p. S. du 17 novembre 1998, consid. 2 in fine).

8. Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pendant trois mois au minimum lorsque l’automobiliste n’a pas d’antécédent (art. 16c al. 2 let a LCR).

9. Dans le cas particulier, le SAN a fixé la durée de la mesure à cinq mois, en se fondant principalement sur l’importance du taux d’alcool présenté par le recourant. De jurisprudence constante, le niveau de l’excès de consommation d’alcool est un critère permettant à l’autorité de s’éloigner du minimum de la sanction (ATA/335/2008 du 17 juin 2008 ; ATA/387/2007 du 7 août 2007). En outre, le recourant a perdu la maîtrise de son véhicule, infraction entrant en concours avec la conduite en état d'ébriété. Or, le cumul d'infraction est également un motif de majoration de la sanction (F. CARDINAUX, les dispositions pénales de la fédérale sur la circulation routière et le concours, Lausanne, 1988 p. 193). Dès lors, le SAN pouvait en principe décider de retirer le permis de conduire du recourant pour une durée supérieure à trois mois.

10. Il reste à examiner si le SAN était fondé à ne pas tenir compte du cours de prévention.

Distinct du cours d’éducation routière qui peut être imposé à tout conducteur ayant compromis à plusieurs reprises la sécurité routière en violant des règles de la circulation (art. 2 al 3 let. 4 LCR et 40 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), le cours de prévention mis en place à Genève s’adresse aux personnes interpellées pour la première fois alors qu’elles conduisaient en état d’ébriété. C’est une simple possibilité qui est offerte au conducteur délinquant primaire, ainsi que cela est indiqué dans le courrier adressé le 21 mai 2007 par le SAN au recourant, et qui précisait que s’il le suivait dans son intégralité, il en serait tenu compte pour fixer la durée de la mesure. Force est de constater que le recourant a suivi le cours. Peu importe à cet égard que la prescription selon laquelle il devait être accompagné d’un proche n’ait pu être respectée. Il s’agit en effet d’une modalité concernant un tiers à la procédure, non d’une obligation légale ou réglementaire imposée au conducteur fautif. Ce dernier ayant tenu l’engagement pris pour lui-même, le SAN devait en tenir compte pour fixer la mesure. Au vu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal administratif réduira d’un mois la durée du retrait de permis et la fixera à quatre mois.

11. Le recours sera ainsi admis.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du SAN (art 87 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée au recourant, qui agit en personne et n’expose pas avoir encouru des frais particuliers pour sa défense.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mars 2008 par Monsieur B______ contre la décision du service des automobiles et de la navigation du 12 mars 2008 lui retirant son permis de conduire pour une durée de cinq mois ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision attaquée en ce qu’elle retire le permis de conduire de Monsieur B______ pour une durée de cinq mois ;

prononce en lieu et place un retrait de permis de conduire pour une durée de quatre mois, intégralement compensée par la saisie provisoire du 15 mai au 14 septembre 2007 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge du service des automobiles et de la navigation ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur B______, au service des automobiles et de la navigation ainsi qu’à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :