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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2897/2021

ATA/34/2022 du 18.01.2022 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2897/2021-EXPLOI ATA/34/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 janvier 2022

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Charles Piguet, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 27 novembre 2019, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Monsieur B______ (ci-après : l’exploitant) à exploiter un bar à l’enseigne « C______ », propriété de la société anonyme « A______». Le bar est situé au ______ à Genève. L’entrée et la terrasse donnent sur ______.

2) Le 22 juin 2021, deux agents de la police municipale de la Ville de Genève ont dressé un rapport de contravention (ci-après : rapport) dont une copie a été adressée à la PCTN.

Lors d’une patrouille pédestre, effectuée le 18 juin 2021 à 21h00, ils avaient constaté, sur la terrasse de l’établissement, deux tables occupées par huit personnes et une autre occupée par sept personnes. Tous les serveurs portaient des masques de type visière qui n’étaient pas homologués. Les agents étaient en conséquence intervenus à l’encontre de l’exploitant, qui ne portait pas non plus un masque de protection conforme. Ce dernier avait déclaré « avoir bien lu la notice », mais n’avoir pas vu que les masques à visière n’étaient pas acceptés. Les « contrôles d’usage » s’étaient révélés négatifs.

Les infractions constatées portaient sur le non-respect de l’obligation de porter le masque de protection, le non-respect par l’exploitant d’une installation ou d’un établissement ouvert au public ou son remplaçant (y compris officiant d’une cérémonie religieuse) de faire respecter l’obligation de porter le masque de protection (intérieur et extérieur) et le non-respect par l’exploitant d’un établissement de restauration ou d’un bar de limiter le nombre de personnes par table.

L’exploitant avait été déclaré en contravention « sur-le-champ ».

3) Le 24 juin 2021, la PCTN a fait part à la société propriétaire de son intention de prononcer une fermeture du bar avec apposition de scellés. Elle entendait déclarer sa décision exécutoire nonobstant recours.

Un délai au 1er juillet 2021 était accordé à la société propriétaire pour se déterminer sur le rapport. Les faits dont ce rapport faisait état étaient constitutifs de graves troubles à la santé publique, dès lors qu’ils favorisaient activement la circulation de la COVID-19.

4) L’exploitant a, en personne, fait usage de son droit d’être entendu le 30 juin 2021.

Il reconnaissait les faits dénoncés par les agents de la police municipale, lesquels devaient toutefois être replacés de leur contexte afin de fixer une sanction « plus juste ».

a. Depuis la première réouverture du bar durant la crise, le 6 juin 2020, les plannings de l’équipe avaient été modifiés afin de laisser un maximum de temps disponible aux chefs d’équipe et à l’exploitant pour faire respecter les mesures sanitaires dans la salle et sur la terrasse. L’établissement avait reçu plusieurs visites d’agents de police et d’inspecteurs de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail qui n’avaient formulé aucune remarque sur un quelconque non-respect des mesures sanitaires.

Les événements qui avaient eu lieu le 18 juin 2021 résultaient d’une situation exceptionnelle. Un grand nombre de personnes avait assisté à un concert dans ______ située en face de l’établissement, en lien avec la Fête de la musique. Le public en était sorti peu avant 21h00, soit l’heure du changement d’équipe et par conséquent « il y avait moins de surveillance en terrasse durant une dizaine de minutes ». La coïncidence entre ces deux événements avait causé « une surcharge exceptionnelle de la terrasse et du bar » eu égard au personnel disponible. Or, les agents de la police municipale étaient précisément passés à 21h00. L’établissement était depuis organisé de façon à accueillir les gens de façon conforme aux normes sanitaires.

b. L’usage de masques à visière résultait avant tout d’une mauvaise compréhension des types de masques autorisés. Lors de la réouverture de l’établissement le 22 avril 2021, le meilleur type de masques avait été recherché. Les masques en tissu étant interdits, ceux à visière étaient apparus comme parfaits dès lors qu’ils permettaient un meilleur contact visuel avec la clientèle, au personnel de mieux respirer et leur désinfection.

Pendant le mois de mai 2021, deux agents de la police municipale avaient visité l’établissement. Le personnel portait des masques à visière sans que cela ne génère de remarques de la part des agents. Il reconnaissait sa responsabilité d’exploitant de devoir s’informer des changements des normes en vigueur et avait depuis équipé le personnel de masques conformes.

5) Le 2 juillet 2021, la PCTN a ordonné la fermeture immédiate du bar, avec apposition de scellés, pour une durée de huit jours, soit du 5 juillet au 12 juillet 2021 inclus. L’activité de vente à l’emporter et de livraison était également visée par cette décision exécutoire nonobstant recours.

Il ressortait du rapport que les règles sanitaires en matière de protection dans la lutte contre la COVID-19 n’avaient pas été respectées. L’obligation des six personnes à table en terrasse avait été violée de même que le port de masques homologués par l’office fédéral de la santé publique. Ces faits étaient constitutifs de graves troubles à la santé publique dès lors qu’ils favorisaient activement la circulation de la COVID-19.

6) Par acte du 2 juillet 2021 posté le même jour, A______ a recouru par l’intermédiaire d’un avocat contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation. Elle a soutenu conserver un intérêt à agir, même si la fermeture du bar avait déjà eu lieu, et soulevé les griefs de la constatation incomplète et inexacte des faits en cause et de violation du principe de la proportionnalité.

a. La décision entreprise se contentait de reproduire, dans les grandes lignes, le contenu de la réponse que l’exploitant avait rédigée le 30 juin 2021. L’autorité n’avait pas investigué les faits et retenu comme établis et suffisants ceux décrits dans le rapport.

Elle ne remettait pas en question la matérialité des faits constatés dans ce rapport, mais mettait en évidence le caractère laconique et très incomplet du seul document fondant une sanction administrative très invasive et particulièrement lourde compte tenu du contexte économique induit par la pandémie. Le rapport ne renseignait pas sur l’état des deux tables incriminées, en particulier pas si celles-ci étaient servies ou non. L’autorité ne semblait pas s’intéresser à cette question. Cet élément était pourtant essentiel en tant qu’en l’absence de toute consommation visible, les agents auraient dû en déduire que des personnes en surnombre venaient d’arriver et n’avaient pas encore reçu de consigne de la part du personnel. L’exploitant n’avait ainsi pas toléré une situation non-conforme au droit, mais n’avait pas eu le temps de la rétablir entre le moment de sa survenance et l’arrivée des agents de la police municipale.

Le rapport ne renseignait pas non plus sur les contrôles précédents effectués au sein de l’établissement et qui n’avaient révélé aucune infraction, voire validé le dispositif en place, y compris les visières de protection. Ces contrôles avaient eu lieu à deux reprises et l’établissement s’était fondé, de bonne foi, sur leur résultat pour choisir d’adapter ou non son dispositif sanitaire.

Enfin, le rapport était muet sur les circonstances externes à l’établissement, à savoir la sortie d’un concert d’où une affluence particulière non imputable à l’exploitant. S’il fallait retenir un manquement, ce contexte l’atténuerait grandement. L’autorité n’indiquait même pas si elle avait tenu compte de ces éléments dans son appréciation de la cause.

Partant, les faits retenus devaient être complétés dans le sens de ce qui précédait, à savoir que les clients en nombre excédentaire n’étaient pas servis et venaient d’arriver de la salle de concert voisine. Aucune faute ne pouvait être reprochée à l’exploitant.

b. La fermeture de huit jours était, au regard notamment de la jurisprudence de la chambre administrative, excessive en tant qu’elle intervenait en été, hors de période de fermeture, à un moment où l’exploitant devait tenter de combler les pertes monumentales de l’année écoulée. Les faits reprochés relevaient par ailleurs d’un malheureux concours de circonstances qui n’était pas imputable à l’établissement et difficile à prévoir. Ces faits étaient d’une gravité moindre que ceux décrits dans la jurisprudence puisque l’exploitant ne souhaitait pas tolérer la situation en cause, mais n’avait pas eu le temps d’intervenir. La gravité de la faute devait aussi être relativisée par le fait que toute restriction relative au nombre de personnes par table avait été levée cinq jours plus tard. Les tables en question étaient au surplus situées à l’extérieur où le risque de contagion était notoirement plus limité.

L’exploitant n’avait aucun antécédent et avait de bonne foi pensé que les protections sanitaires mises en place étaient adaptées. On ne voyait au surplus pas en quoi la fermeture de huit jours de l’établissement était de nature à atteindre le but visé, pour autant que ledit but soit identifiable, l’autorité omettant de le préciser. Si le but avait été d’éviter la propagation de la COVID-19, alors aucune fermeture n’était nécessaire pour lui permettre d’acheter des masques conformes, ceci ayant été fait indépendamment de la décision en cause. Aucune fermeture n’était utile concernant les tables trop occupées en tant que la situation était passagère et l’ordre immédiatement rétabli. Un rappel écrit à la loi assorti d’une menace de fermeture aurait été propre à atteindre le but visé, soit de s’assurer que l’établissement respectait bien les normes sanitaires.

7) Dans le délai prolongé par la chambre administrative, la PCTN a conclu au rejet du recours.

A______ SA soutenait qu’un concert venait de s’achever au moment du contrôle, provoquant une affluence inhabituelle, et que les personnes assises ne consommaient pas et qu’elles venaient de s’installer. Or, ce laps de temps aurait dû permettre aux serveurs de contrôler et déplacer les clients. Lorsqu’il avait exercé son droit d’être entendu, l’exploitant avait reconnu les faits tels qu’ils avaient été rapportés par les agents. Même si les clients ne consommaient pas à l’instant du constat effectué pas les agents, cela ne prouvait pas que les serveurs ne les auraient pas servis par la suite. Cela ne modifiait en rien les infractions reprochées, soit des tables occupées par un nombre de personnes supérieur à six. Il incombait à l’exploitant de maintenir l’ordre public, dont la santé publique, au sein de son établissement, lequel comprenait la terrasse, et de prendre toutes les mesures utiles à cette fin. Il était pour le reste étonnant que la police municipale aurait précédemment autorisé les masques de type visière.

Les propos de A______ ne permettaient pas de justifier l’état de fait, ni de remettre en cause l’appréciation selon laquelle les faits constatés favorisaient activement la circulation de la COVID-19. Une fermeture de l’établissement était justifiée. La mesure prononcée était nécessaire au vu de la situation sanitaire au moment des infractions et l’intérêt public à la protection de la santé publique primait l’intérêt privé de A______. La durée de la fermeture était proportionnée, notamment au vu de la jurisprudence de la chambre administrative.

8) Le 19 novembre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle sollicitait, au titre des moyens de preuves, l’audition des agents de la police municipale qui avaient visité l’établissement à deux reprises sans soulever le moindre problème avec les visières et le respect des mesures sanitaires. Le poste de police voisin de l’établissement avait refusé de lui communiquer le nom ou le matricule des agents concernés, de sorte qu’elle invitait la chambre administrative à les obtenir.

a. Elle n’admettait pas les faits tels qu’ils avaient été établis puisque le rapport ne faisait mention ni du concert au ______, ni de l’absence de consommation sur les tables incriminées, ni des contrôles effectués précédemment. Les serveurs n’avaient disposé d’aucun laps de temps pour contrôler et déplacer les clients. Les agents étaient en effet arrivés directement après leur installation. Le devoir de l’exploitant n’était pas contesté. Il s’avérait simplement que, sur les trente tables de la terrasse, deux n’avaient pas encore été contrôlées en raison de l’afflux soudain d’un grand nombre de clients. Ces tables n’étaient d’ailleurs pas servies, ce que la PCTN ne contestait pas. La prétendue faute constatée s’agissant de l’occupation des tables n’était pas démontrée à satisfaction de droit.

b. L’autorité avait échoué à démontrer le caractère adéquat de la sanction prononcée dès lors que la fermeture n’avait nullement permis la mise en conformité de l’établissement, celui-ci étant déjà conforme à l’exception des masques qui avaient immédiatement été changés. Si le but visé par la procédure de sanction était la santé publique, soit le respect des mesures sanitaires, alors seule une fermeture immédiate aurait été apte à l’atteindre. Dès lors que cette fermeture n’avait pas été ordonnée et que des mesures correctrices avaient été immédiatement prises par l’exploitant, le but de la protection de la santé publique avait été atteint par le contrôle lui-même. Une fermeture de huit jours apparaissait totalement disproportionnée.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Bien que la durée de la fermeture ordonnée du 5 au 12 juillet 2021 ait pris fin, la recourante conserve un intérêt actuel à ce que le bien-fondé de la décision soit examiné, dès lors que la situation pourrait se reproduire dans des circonstances semblables, d’une part, et que la sanction prononcée à son encontre pourrait, en cas d’inobservation d’autres prescriptions, être prise en compte à titre d’antécédent, d’autre part (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ;
128 II 34 consid. 1b ; ATA/1355/2021 du 9 décembre 2021 consid. 1 et les arrêts cités).

2) La recourante sollicite l’audition des agents de la police municipale qui auraient, sans relever la moindre violation des mesures sanitaires ni indiquer à l’exploitant que les masques à visière n’étaient pas tolérés, visité l’établissement à deux reprises avant le 18 juin 2021.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2).

b. Dans le cas d’espèce, même à supposer que des agents de la police municipale auraient déjà effectué des contrôles de l’établissement sans formuler de critiques quant aux mesures sanitaires adoptées par l’exploitant, cela n’exempterait quoi qu’il en soit pas ce dernier du devoir de respecter en tout temps les règles applicables, notamment la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015
(LRDBHD - I 2 22), qui s’applique à elle (art. 3 let. f et 5 al. 1 let. a) et qui a notamment pour buts de faire respecter l’ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2). Elle ne pourrait en outre pas déduire de l’absence de reproches par la police municipale la validation du non-respect de certaines règles, en particulier en ce qui concerne les masques dits de protection dont le port était exigé dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.

Il ne sera en conséquence pas répondu favorablement à la demande d’audition formulée par la recourante, la chambre de céans disposant au surplus d’un dossier complet qui lui permet de trancher le litige en toute connaissance de cause.

3) La recourante soulève le grief de la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Elle reproche à l’autorité intimée de ne pas avoir investigué les faits et d’avoir retenu comme établis et suffisants les faits décrits dans le rapport. Elle précise ne pas remettre en question la matérialité des faits constatés dans ce rapport, mais se plaint du caractère laconique et incomplet de ce dernier. Elle souligne que le rapport ne renseigne pas sur l’état des deux tables incriminées, en particulier pas si elles étaient servies ou non. Selon la recourante, en l’absence de toute consommation visible, les agents auraient dû en déduire que les personnes en surnombre venaient d’arriver et qu’elles n’avaient pas encore reçu de consigne de la part du personnel, l’exploitant n’ayant pas eu le temps de rétablir une situation conforme au droit entre le moment de sa survenance et l’arrivée des agents de la police municipale. Le rapport ne disait enfin rien sur l’affluence particulière due à la sortie d’un concert.

a. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/1355/2021 précité consid. 2 et les arrêts cités).

b. En l’espèce, la recourante perd de vue que, lorsqu’il a fait usage de son droit d’être entendu devant l’autorité intimée, l’exploitant a reconnu les faits dénoncés. À cette occasion, il a en outre reconnu que, pendant une dizaine de minutes, la surveillance de la terrasse de l’établissement avait été lacunaire, ceci au moment où les clients étaient arrivés, vers 21h00, soit l’heure du changement d’équipe. Elle perd également de vue qu’elle a elle-même exposé à la chambre de céans qu’elle ne remettait pas en question la matérialité des faits constatés dans le rapport. Il doit en conséquence être tenu pour établi, le rapport n’étant pas contesté sur ces points, que, le 18 juin 2021 à 21h00, deux tables situées sur la terrasse de l’établissement étaient occupées par huit personnes au lieu de six, alors qu’une autre l’était par sept personnes, et que tant l’exploitant que les serveurs portaient des masques de type visières qui n’étaient pas homologués. La recourante ne conteste pas non plus les dispositions mises en œuvre par l’autorité dans la décision en cause pour prononcer la sanction litigieuse, en particulier celles figurant dans l’arrêté du Conseil d’État modifiant l’arrêté, du
1er novembre 2020, d’application de l’ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du
19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population du 16 avril 2021.

Les autres éléments soulevés par la recourante et qui concernent l’état des tables ainsi que l’affluence particulière le soir en question seront examinés au considérant suivant.

4) La recourante soulève le grief de violation du principe de la proportionnalité. Elle estime que la fermeture de l’établissement pendant huit jours est une durée excessive.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

b. Aux termes de l'art. 62 al. 2 LRDBHD, le département peut procéder à la fermeture, avec apposition de scellés, pour une durée maximale de quatre mois, de toute entreprise dont l'exploitation perturbe ou menace gravement l'ordre public, notamment en matière de tranquillité, santé, sécurité et moralité publiques.

c. Dans un arrêt de la chambre de céans du 2 mars 2021 (ATA/284/2021), la durée de fermeture prononcée en raison de l'inobservation des règles sanitaires a été fixée à cinq semaines. Le restaurateur avait accueilli dans la période du 23 novembre au 2 décembre 2020, au minimum à cinq reprises, des clients au nombre de cinq ou six dans son établissement, malgré la fermeture des restaurants. Il n'avait pas mis à disposition de sa clientèle de gel hydro-alcoolique, n'avait pas fait respecter les distances de sécurité dans son établissement ni l'obligation de porter le masque d'hygiène.

Dans un arrêt du 23 mars 2021 (ATA/340/2021), la durée de la fermeture en raison de l'inobservation des règles sanitaires consistant à avoir dépassé, le 23 décembre 2020, pour une table, le nombre de personnes alors autorisé à une table et à avoir toléré une distance insuffisante entre certaines tables a été fixée à deux semaines.

Dans une autre affaire, du 27 avril 2021 (ATA/460/2021), la chambre de céans a ramené à une semaine la décision de fermeture d'un restaurant, l'infraction en cause, du 13 janvier 2021, ne concernant que deux personnes, qui consommaient à l'extérieur de l'établissement leur boisson en attendant que leur repas à l'emporter leur soit remis. L'infraction se rapportait toutefois également à un trouble grave à la santé publique, dès lors qu'elle favorisait la propagation du coronavirus.

Dans un arrêt du 11 mai 2021 (ATA/509/2021), la chambre de céans a ramené à une semaine la durée de la fermeture d’un bar-restaurant dont l’exploitant avait toléré, le 19 janvier 2021, alors que son établissement devait être fermé, seule la vente à l’emporter étant autorisée, l’utilisation de trois tables hautes par en tout cas huit clients, qui attendaient leur commande à l’emporter et consommaient des boissons sur la terrasse, des cendriers ayant été posés sur lesdites tables.

Dans un arrêt du 10 août 2021 (ATA/817/2021), s'agissant de la poursuite de l'exploitation d'un salon de jeux malgré l'obligation de fermeture des établissements publics, la chambre administrative a ramené à une semaine la durée de fermeture de trois semaines prononcée par le PCTN. Il était reproché au propriétaire d'avoir toléré qu'à tout le moins quatre clients y avaient joué en ligne le jour du contrôle, dont deux en même temps.

Enfin, dans l’ATA/1355/2021 précité, la chambre de céans a ramené à une semaine la durée de la fermeture d’un café-restaurant dont l’exploitante avait, sans masque et derrière son bar, servi un client, un autre client consommant une boisson sans être assis à une table.

d. Le comportement fautif de l’exploitant a été établi au considérant précédent et mérite sanction. Dans la fixation de la durée de la fermeture, il convient de tenir compte du fait que la recourante n’est pas contredite par l’autorité intimée lorsqu’elle affirme n’avoir aucun antécédent. Il n’apparaît pas non plus que l’autorité intimée, qui souligne à juste titre que cette situation ne devait pas empêcher l’exploitant de respecter les règles en vigueur, contredise la recourante lorsqu’elle insiste sur le caractère exceptionnel qui prévalait le soir des faits litigieux en raison d’une affluence importante liée à la sortie d’un concert. Elle ne la contredit pas non plus lorsqu’elle soutient que les tables en cause n’étaient pas servies.

Pour le reste, l’autorité intimée insiste sur les troubles graves à l’ordre public qu’auraient constitué les faits reprochés en ce qu’ils auraient favorisé activement la propagation de la COVID-19. Pourtant, ce n’est pas en fermant l’établissement plus de quinze jours après les faits litigieux qu’une situation apte à protéger la santé publique pouvait être rétablie. Il faut plutôt suivre la recourante lorsqu’elle affirme, une fois encore sans être contredite, qu’elle a immédiatement pris les mesures nécessaires pour rétablir une situation conforme aux prescriptions sanitaires, les constats effectués sur place par les agents de la police municipale ayant de ce point de vue permis aux clients de l’établissement de consommer dans un contexte conforme aux prescriptions sanitaires alors en vigueur et que la mesure est en conséquence plutôt punitive.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, de la gravité des faits, de la faute de l’exploitant, de l'absence d'antécédents, de la jurisprudence précitée ainsi que du contexte de crise et de mesures sanitaires ayant frappé tous les restaurateurs, notamment sous l’angle du chiffre d’affaire, la durée de la fermeture ordonnée par la décision attaquée apparaît disproportionnée, principalement en raison de l’affluence subite liée à un événement particulier, et sera, dès lors, ramenée à quatre jours.

En conclusion, le recours sera partiellement admis et la décision attaquée modifiée en ce sens.

5) La recourante, succombant sur le principe de la sanction, mais obtenant en partie gain de cause sur la durée de celle-ci, il sera perçu un émolument réduit de CHF 200.- (art. 87 al. 1 LPA). Elle se verra allouer une indemnité de procédure également réduite de CHF 500.-, dès lors qu’elle y a conclu et qu’elle a recouru au service d’un avocat (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 septembre 2021 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 juillet 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du 2 juillet 2021 en tant qu’elle prévoit une durée de fermeture de l’établissement à l’enseigne « C______ » de huit jours ;

ramène ladite durée à quatre jours ;

confirme la décision attaquée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de A______;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles Piguet, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :