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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1478/2016

ATA/236/2018 du 13.03.2018 sur JTAPI/17/2017 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE ; RESTRUCTURATION ; TRANSFORMATION DE L'ENTREPRISE(DROIT FISCAL) ; RAISON INDIVIDUELLE ; SOCIÉTÉ ANONYME ; RÉSERVE LATENTE ; DÉLAI ; DÉCISION DE RENVOI ; DÉCISION FINALE ; DÉCISION INCIDENTE ; DROIT DE S'EXPLIQUER ; RÉPLIQUE ; SECOND ÉCHANGE D'ÉCRITURES ; FARDEAU DE LA PREUVE ; CALCUL
Normes : aLIPP-IV.4.al2; CO.643.al1; LPA.57; Cst.29; CEDH.6; LIPP.69; LIPP.72.al1; aLIPP-IV.4.al1; aLIPP-IV.4.al2; LIFD.18.al2
Résumé : En renvoyant le dossier à l'autorité inférieure et en lui demandant de recourir aux services d'un expert pour calculer les réserves latentes existantes au moment de la restructuration de la société en nom collectif en société anonyme, le TAPI a rendu un jugement final. Les écritures de la recourante sont recevables ayant été déposées dans le cadre du droit à la réplique et dans le délai octroyé. Les réserves latentes, existantes au moment de la restructuration de la société en nom collectif en société anonyme, sont imposées dans le cadre d'une procédure de rappel d'impôt, lorsque les droits de participation ou de sociétariat sont aliénés dans le délai de blocage de cinq ans suivant ledit changement juridique d'entreprise. L'AFC a erré en calculant les réserves latentes au moment de la vente de la société anonyme et non au moment de la restructuration de la société en nom collectif en société anonyme. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1478/2016-ICCIFD ATA/236/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mars 2018

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame et Monsieur A______

représentés par Me Antoine Berthoud, avocat

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 janvier 2017 (JTAPI/17/2017)


EN FAIT

1) Le litige concerne la taxation 2003 de Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______ ou les contribuables), domiciliés à B______, dans le canton de Genève.

2) M. A______ a exploité avec son frère, Monsieur C______, la société en nom collectif « D______ » (ci-après : la D_______) jusqu’au 1er juillet 2003, date de sa radiation du registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC). La D_______ avait été inscrite au RC en 1975.

Le 1er juillet 2003 a été inscrite au RC D______ SA (ci-après : la SA), dont le siège se trouve à Carouge et qui, à cette date, avait repris les actifs et passifs de la D_______, selon le contrat du 26 juin 2003 et le bilan au 31 décembre 2002. Celui-ci comportait un actif de CHF 329'192.91 et un passif envers les tiers de CHF 228'243.05, soit un actif net de CHF 100'949.86, en contrepartie duquel avient été remises cent actions de CHF 1'000.-, au porteur ; les apporteurs (MM. A______ et C______) restant créanciers pour le solde.

L’actif du bilan au 31 décembre 2002 de la D_______ se composait de l’actif circulant (caisse, poste, banques, clients, travaux en cours et stock marchandises) et de l’actif immobilisé (agencement, machines d’exploitation, véhicule, matériel informatique et dépôt). Quant au passif, il comprenait les fonds étrangers (banque, fournisseurs et frais à payer, passif transitoire, emprunt M. C______) et les fonds propres (capital M. A______ et capital M. C______).

Selon les nouveaux statuts de la SA, datés du 22 juin 2009, celle-ci avait été subrogée dans tous les droits et obligations de l’apporteur à l’égard des actifs apportés, dont elle avait eu les profits et charges, à compter du 1er janvier 2003.

3) Le 12 décembre 2007, M. A______ a cédé à son neveu, Monsieur E______, l’intégralité de ses parts dans la SA pour la somme de CHF 270'000.-. La vente devait prendre effet le 1er janvier 2008 et le prix devait être payé en totalité lors de la signature du contrat. Le 15 janvier 2008, E______ a été inscrit au RC comme administrateur de la SA avec signature individuelle.

4) Le 21 novembre 2013, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé les contribuables de l’ouverture à leur encontre d’une procédure en rappel d’impôt pour l’année 2003.

Cette année-là, M. A______ avait transformé sa société de personnes en une société de capitaux et il avait vendu, en décembre 2007, 50 % du capital-actions de la SA pour un montant de CHF 270'000.-. La vente des actions de la SA étant intervenue en 2007, le délai de blocage de cinq ans prévu par la loi était violé.

Le prix de vente de CHF 270'000.- représentait la valeur des parts cédées, dont il convenait de retrancher le capital au 31 décembre 2002, soit CHF 50'541.- ; au total, le montant de la reprise se chiffrait à CHF 219'459.-.

Sans nouvelles de leur part dans un délai de dix jours, l'AFC-GE procéderait à l'édition de bordereaux rectificatifs comprenant les intérêts de retard.

5) Le 26 novembre 2013, les époux A______ ont contesté la reprise.

L’AFC-GE admettait une dérogation à la durée des cinq ans, lorsque, comme en l’espèce, les actions demeuraient dans la même famille. De plus, la cession des actions était intervenue à peine moins de cinq ans après la transformation de la société de personnes en une société de capitaux.

6) Le 30 janvier 2014, le premier mandataire des époux A______ a été reçu en entretien par l'AFC-GE.

7) Le 25 février 2014, le nouveau mandataire des époux A______ a expliqué que, d’après les données du RC, la D_______ avait été transformée en société anonyme avec effet rétroactif au 1er janvier 2003 en neutralité fiscale, c’est-à-dire à la valeur comptable. Mal conseillé, M. A______ avait vendu 50 % des actions qu'il détenait de la SA peu avant l'expiration du délai de blocage de cinq ans.

La neutralité fiscale d’une transformation avait trait aux réserves latentes transférées de l'entreprise de personnes à la société de capitaux. Pour évaluer la valeur de celles-ci, il convenait de se fonder sur les bilans au jour de la transformation. Or, l’examen du bilan 2002 ne permettait pas de considérer la présence de réserves latentes.

Pour déterminer une valeur de rendement de la D_______ qui aurait pu être convenue entre tiers, il y avait lieu de soustraire du bénéfice attribué à chacun des associés en 2000, 2001 et 2002, le salaire auquel les deux frères pouvaient prétendre en raison de leur activité.

La valeur effective de l’entreprise calculée selon la méthode des « praticiens » n’était pas supérieure à sa valeur substantielle retenue dans le cadre de sa transformation en société anonyme, si bien qu’aucune réserve latente n’avait été transférée. La violation du délai de blocage ne générait l’imposition d’aucun revenu. Il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à un rappel d’impôt.

8) Le 31 mars 2015, le mandataire des époux A______ a été reçu en entretien par l'AFC-GE.

Selon le rapport d’entretien, signé par deux collaborateurs de l'AFC-GE – mais non par le mandataire des contribuables – l’AFC-GE n’entendait pas appliquer la méthode des « praticiens ».

Les comptes de la SA au 31 décembre 2016 ne permettaient pas d’envisager que des réserves latentes avaient été générées durant la période 2003 à 2006. La réserve latente était le « goodwill », qui se déterminait comme suit :

Prix de vente basé sur les comptes au 31 décembre 2006 :

 

Valeur comptable

1 associé

Capital-actions

CHF 100'000.-

CHF 50'000.-

Réserve générale

CHF 5'450.-

CHF 2'725.-

Pertes et profits reportés

CHF 51'198.-

CHF 25'599.-

Bénéfice de l'exercice

CHF 13'184.-

CHF 6'592.-

Valeur comptable

CHF 169'832.-

CHF 84'916.-

Prix de vente de la moitié

CHF 270'000.-

- 50 % de la valeur comptable

- CHF 84'916.-

Valeur des réserves latentes au 31 décembre 2006

CHF 185'084.-

 

Le mandataire des époux A______ a contesté l'application de cette méthode.

9) Le 11 août 2015, le mandataire des époux A______ a été reçu une deuxième fois par l'AFC-GE.

Selon le rapport d’entretien – signé exclusivement par deux collaborateurs de l’AFC-GE – le mandataire des contribuables a réitéré sa demande d’application de la méthode des « praticiens », pratiquée par l'administration et validée par la jurisprudence cantonale pour déterminer le montant de la réserve latente lors de la transformation de la société individuelle en société anonyme.

Selon l’AFC-GE, ce n’était pas la méthode de calcul de la réserve latente qui avait été jugée, mais le délai de blocage. L’AFC-GE avait par ailleurs de la peine à imaginer qu’au moment de la transformation, il n’existait aucune réserve latente. La D_______ détenait un savoir-faire, une réputation, une clientèle, etc. Il semblait difficile de soutenir que des réserves latentes aient été générées uniquement après la transformation.

En l'état, l'AFC-GE maintenait sa position et allait procéder à la notification de bordereaux de rappel d'impôt pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD). Ces derniers seraient basés sur une réserve latente de CHF 185'084.-.

10) Le 31 août 2015, l’AFC-GE a informé les contribuables de la clôture de la procédure de rappel d’impôt et leur a notifié deux bordereaux de rappel d’impôt (ICC et IFD) pour l’année 2003, en procédant à une reprise de CHF 185'084.- au niveau de leur revenu à titre de « Gains accessoires » (réalisation des réserves latentes).

11) Le 17 septembre 2014 (recte : 2015), les époux A______ ont élevé réclamation à l’encontre des bordereaux du 31 août 2015.

Pour comparer le bénéfice après et avant transformation, il y avait lieu de corriger le bénéfice comptabilisé sur deux points. La charge fiscale n’était pas déductible du résultat de la D_______. Des salaires en faveur de MM. A______ et C______ d’environ CHF 80'000.- avaient été comptabilisés chaque année, dont la charge devait être corrigée.

Selon un tableau annexé, il existait une différence de près de CHF 39'000.- entre le bénéfice net corrigé moyen avant et après transformation (1998-2002 par rapport à 2003-2007), ce qui s’expliquait très certainement par des gains de productivité ayant augmenté la valeur de l’entreprise. Par ailleurs, la SA avait été en mesure de dégager un bénéfice net moyen de CHF 32'000.- depuis la transformation, après avoir versé à ses deux actionnaires un salaire correspondant au bénéfice moyen qu’ils avaient réalisé pendant les années précédant la transformation.

La transaction du mois de décembre 2007 avait fixé une valeur de CHF 270'000.- pour la moitié du capital-actions de la SA, ce qui représentait CHF 540'000.- pour la totalité de l’entreprise. Compte tenu d’un taux de capitalisation fixé à 6 %, selon l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), le bénéfice sous-jacent se chiffrait à CHF 32'400.-, valeur extrêmement proche des montants ressortant du tableau annexé.

Dès lors, contrairement à ce que soutenait l’AFC-GE, il y avait eu une augmentation de la valeur de l’entreprise liée à des gains de productivité justifiant le versement d’un prix plus élevé en 2007 que la valeur qui existait le 1er janvier 2003. Ce résultat était conforté par une analyse fondée sur la méthode des « praticiens ».

Pour ces motifs, il n'y avait aucune réserve latente le 1er janvier 2003 et les bordereaux de rappel d'impôt devaient être annulés.

12) Le 15 janvier 2016, les contribuables ont complété leur réclamation.

La convention de vente d’actions, signée en décembre 2007, prévoyait une entrée en vigueur le 1er janvier 2008 seulement. Par ailleurs, le prix de cession n’avait été payé que le 11 janvier 2008. La transformation de la D_______ en société anonyme avait été effectuée avec effet au 1er janvier 2003. En exécutant la convention en janvier 2008, ils n’avaient pas violé le délai de blocage de cinq ans.

13) Par décisions du 8 avril 2016, l’AFC-GE a rejeté la réclamation des époux A______ et maintenu la reprise de CHF 185'084.- s'agissant de l'ICC et de l'IFD 2003.

Contrairement à ce que soutenaient les intéressés, le délai de blocage commençait à courir au moment de la réquisition d’inscription au RC, à savoir le 1er juillet 2003. Dès lors, c'était à juste titre que l'AFC-GE avait considéré que le délai de blocage de cinq ans n'avait pas été respecté et que les réserves latentes transférées en neutralité fiscale lors de la restructuration devaient être imposées en rappel d'impôt.

L’AFC-GE n’avait aucune raison de remettre en question le prix de vente convenu entre les parties, et c’était à juste titre qu’elle s’était fondée sur ce montant et non sur une autre méthode estimative pour calculer les réserves latentes transférées au moment de la restructuration.

14) Par acte du 10 mai 2016, les époux A______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, concluant, principalement, à l’annulation des bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD 2003 du 31 août 2015 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour complément d’instruction, ainsi qu’à la désignation d’un expert en vue de fixer la valeur de la D_______ au 31 décembre 2012, « sous suite de frais et dépens ».

La jurisprudence faisait courir le délai de blocage à compter de la transformation de l’entreprise de personnes en société de capitaux. En l’occurrence, il s’agissait du 1er janvier 2003, date à partir de laquelle l’exploitation de la D_______ avait été reprise par la SA. Le délai de cinq ans était ainsi parvenu à échéance le 1er janvier 2008. Le contrat de cession du 12 décembre 2007 prévoyait une entrée en vigueur le 1er janvier 2008, mais la cession devait se faire en contrepartie du paiement du prix, qui n’était intervenu que le 11 janvier 2008, ainsi qu’il résultait d’avis de crédit annexés. Le délai de blocage n’avait ainsi pas été violé.

En cas de violation du délai de blocage, les réserves latentes, respectivement la valeur réelle de l’entreprise au jour de sa transformation, devaient faire l’objet d’un rappel d’impôt. De forts gains de productivité expliquaient l’augmentation importante du bénéfice moyen malgré un chiffre d’affaires globalement stable. Au 31 décembre 2002, il n’y avait aucune réserve latente susceptible de faire l’objet d’un rappel d’impôt.

15) Le 12 septembre 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

16) Le 4 octobre 2016, les époux A______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Les rapports d’entretien annexés à la réponse de l’AFC-GE devaient être écartés de la procédure, dès lors qu’ils ne constituaient que des notes internes dépourvus de force probante, qui n’avaient jamais été communiqués préalablement aux contribuables, ni n’avaient été soumis pour relecture et signature à leur mandataire.

Ce n’était qu’après le versement à M. A______ de son dividende pour l’année 2007, le 31 octobre 2008, que M. E______ avait pu faire valoir ses droits d’actionnaire, en participant à l’assemblée générale du 8 décembre 2008. Ces éléments corroboraient le fait que le transfert effectif des actions n’avait eu lieu qu’entre le 31 octobre 2008 et le 8 décembre 2008.

Dans ses écritures, l’AFC-GE n’avait démontré aucun élément justifiant la reprise de CHF 185'084.-. L’évaluation fondée sur le prix de vente convenu était dénuée de tout fondement théorique et n’était validée par aucune jurisprudence.

17) Le 20 octobre 2016, l’AFC-GE a dupliqué, persistant également dans ses conclusions.

18) Par jugement du 9 janvier 2017, le TAPI a admis partiellement le recours des époux A______ et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants.

La question de la validité des notes d’entretien établies par l’AFC-GE pouvait rester ouverte, dès lors que le TAPI n’entendait pas se fonder sur les déclarations que ces pièces imputaient au mandataire des contribuables.

Il n’était contesté par aucune des parties qu’à la suite de la transformation de la D_______ en société anonyme, l’assujettissement de cette dernière était demeuré en Suisse. Aucune réévaluation comptable n’était intervenue, et les éléments commerciaux de la D_______ avaient été repris à la valeur comptable. En effet, ainsi qu’il ressortait du RC, la D_______ avait été reprise par la SA selon le contrat du 26 juin 2003 et le bilan au 31 décembre 2002, comportant un actif de CHF 329'192.91 et un passif envers les tiers de CHF 228'243.05, soit un actif net de CHF 100'949.86.

Par contrat du 12 décembre 2007 devant prendre effet le 1er janvier 2008, M. A______ avait cédé à son neveu l’intégralité de ses parts de la SA. Au 12 décembre 2007, il avait acquis un droit ferme au paiement du prix de vente de CHF 270'000.-. Peu importait que le versement de cette somme ne soit en définitive intervenu qu’en janvier 2008. Le TAPI ne pouvait pas suivre les contribuables quand ils prétendaient que l’aliénation – au sens de l’art. 4 al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14) et de la jurisprudence se rapportant à l’art. 19 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (aLIFD - RS 642.11) dans sa teneur à l'époque – n’avait eu lieu qu’après le 31 octobre 2008, date de versement à M. A______ de son dividende afférent à l’année 2007. En effet, l’aliénation avait déployé ses effets en tout cas le 15 janvier 2008, puisqu’à cette date, M. E______ avait été inscrit au RC en qualité d’administrateur de la SA avec signature individuelle. Il disposait dès lors de la gestion de la société. Enfin, il ne ressortait du dossier aucun élément de fait, tel une condition suspensive, qui permettait de penser que le contrat du 12 décembre 2007 ne déploierait d’effets juridiques que postérieurement à sa conclusion.

Or, la vente des actions de la SA à M. E______ avait eu lieu moins de cinq ans à compter de la transformation de la D_______ en société anonyme. Celle-ci était intervenue, ainsi qu’il ressortait du RC, le 1er juillet 2003, date de la radiation de la D_______ et de l’inscription de la SA, ainsi que de la reprise par cette dernière société des actifs et passifs de la D_______.

Le TAPI ne partageait pas la thèse des contribuables selon laquelle la transformation de la D_______ en société anonyme était intervenue avec effet rétroactif au 1er janvier 2003. Certes, les nouveaux statuts du 22 juin 2009 prévoyaient une telle clause de rétroactivité. Toutefois, à teneur de l’art. 643 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), la société anonyme acquerrait sa personnalité juridique par son inscription au RC (effet constitutif de l’inscription). Avant le 1er juillet 2003, la SA ne disposait pas de la personnalité juridique, si bien qu’à cette date, elle n’avait pas pu reprendre les droits et obligations, ni les actifs et passifs de la D_______. Enfin, la circulaire n° 5 de l’AFC-CH du 1er juin 2004 sur les restructurations, qui ne s’appliquait certes qu’à compter du 1er juillet 2004 (et ne l’était donc pas à la présente cause), prévoyait qu’une transformation avec effet rétroactif se révélait sans conséquence sur le point de départ du délai de blocage.

Ainsi, la vente du 12 décembre 2007 était intervenue avant l’échéance du délai de carence de cinq ans. C’était dès lors à juste titre que l’AFC-GE avait ouvert une procédure de rappel d’impôt à l’encontre des contribuables.

L'AFC-GE, se fondant sur les comptes de la SA au 31 décembre 2006, avait évalué les réserves latentes à CHF 185'084.-, en soustrayant du prix de vente des actions (CHF 270'000.-) la moitié de la valeur comptable de la SA (CHF 84'916.-). C’était à tort que l’AFC-GE avait procédé de cette manière. En effet, les réserves latentes devaient se déterminer au moment de la transformation de la D_______ en société anonyme, soit d’après le bilan de la D_______ au 31 décembre 2002. Le fait que, par hypothèse les réserves latentes auraient crû entre cette date et la vente des titres par M. A______ n’était pas déterminant.

L’examen du bilan de la D_______ au 31 décembre 2002 ne faisait pas ressortir de postes qui seraient susceptibles de contenir des réserves latentes. L’AFC-GE relevait qu’un « goodwill » avait été transféré à la SA. Inscrite au RC depuis 1975, il était vraisemblable que la D_______ disposât d’un réseau de clientèle et d’une valeur sur le marché, en d’autres termes d’un « goodwill ». En cas de cession d’une société à des tiers, il était d’usage de comptabiliser un « goodwill ». Cela étant, l’AFC-GE ne proposait aucune méthode correcte permettant de l’évaluer à la date du 31 décembre 2002. Le dossier lui était retourné afin qu’elle calcule le montant d’un éventuel « goodwill » imposable, en ayant recours aux services d’un expert pour ce faire.

19) Par acte du 10 février 2017, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation des décisions du 8 avril 2016.

L'AFC-GE contestait la position du TAPI s'agissant de la méthode de calcul des réserves latentes imposables.

Bien que la façon dont les réserves latentes devaient être évaluées dans ce type de situation ne fût pas définie par la loi, l'AFC-GE maintenait que, dans le cas d'espèce, le prix de vente convenu librement entre les parties (CHF 270'000.-) constituait bien un élément déterminant et objectif qui devait être pris en compte dans le calcul des réserves latentes.

L'AFC-GE ne contestait pas le fait que le calcul des réserves latentes imposables devait se faire au moment de la transformation de l'entreprise en société anonyme (2003) et que d'éventuelles nouvelles réserves latentes générées entre la date de la transformation et la vente des titres (2007) ne devaient pas être imposées. Elle contestait en revanche l'argumentation des contribuables visant à soutenir, sans aucune démonstration, qu'il n'existait aucune réserve latente au moment de la restructuration en juillet 2003, et que la totalité des réserves latentes existantes n'aurait en conséquence été générée qu'entre cette date et la vente des actions.

L'AFC-GE persistait dès lors à conclure que le prix de vente des actions convenu entre les parties en 2007 constituait une base de calcul objective et fiable pour l'estimation des réserves latentes au moment déterminant de la transformation de l'entreprise.

20) Le 28 février 2017, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

21) Le 27 mars 2017, les époux A______ ont conclu, principalement, à ce que le recours interjeté par l'AFC-GE soit déclaré irrecevable, subsidiairement, à son rejet, « sous suite de frais et dépens ».

Le jugement du TAPI du 9 janvier 2017 ne constituait pas une décision finale mais un jugement de renvoi. Il devait être qualifié de décision incidente. Un recours contre une telle décision n'était recevable que s'il pouvait causer un préjudice irréparable. L'AFC-GE n'avait pas allégué l'existence d'un tel préjudice. Le seul fait de devoir recourir aux services d'un expert ne saurait être qualifié comme constituant un préjudice irréparable.

Aucune jurisprudence fédérale et aucun ouvrage de doctrine ne validait l'approche de l'AFC-GE selon laquelle le prix de vente des actions constituait une base de calcul objective et fiable pour l'estimation des réserves latentes au moment déterminant de la transformation de l'entreprise. Le TAPI avait dès lors pertinemment refusé de confirmer le montant du « goodwill » taxé par l'AFC-GE et lui avait renvoyé le dossier pour qu'elle procède à son évaluation en se fondant sur une méthode reconnue par un expert.

22) Le 4 mai 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 2 juin 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires.

23) Le 9 mai 2017, le mandataire des époux A______ a relevé que dans la mesure où l'AFC-GE n'avait pas répliqué à son écriture du 27 mars 2017, la cause pouvait être gardée à juger.

24) Le 2 juin 2017, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Le jugement attaqué constituait bien une décision finale au sens de la jurisprudence. Le TAPI avait statué de façon définitive sur le principe du rappel d'impôt et de l'existence d'un « goodwill », mais il avait uniquement renvoyé le dossier pour qu'elle procède à un nouveau calcul des réserves latentes imposables, « en ayant recours aux services d'un expert ». Quand bien même le jugement querellé ne définissait pas précisément comment cet expert devait être désigné, il ressortait des considérants qu'autant l'AFC-GE que les contribuables seraient liés par les conclusions de cet expert quant au résultat final imposable. L'AFC-GE n'avait dès lors plus aucune marge de manœuvre suite au jugement précité.

Par ailleurs, le dispositif du jugement du TAPI indiquait un délai de trente jours pour l'attaquer.

En outre et s'il fallait considérer le jugement attaqué comme étant une décision incidente, la question d'un éventuel préjudice irréparable n'avait pas à être démontré en l'état, dans la mesure où l'admission de son recours mettrait un terme définitif à la procédure en permettant d'aboutir immédiatement à une décision finale, évitant ainsi une procédure probatoire longue et coûteuse.

Au surplus et dans la mesure où la prescription absolue de taxer serait atteinte le 31 décembre 2018, il était souhaitable qu'une décision définitive puisse être rendue rapidement, en évitant tout détour procédural inutile empêchant une décision définitive, causant de ce fait un préjudice irréparable.

Sur le fond, aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du litige n'avait été avancé et aucune nouvelle pièce déterminante n'avait été produite. Les contribuables n'avaient pas démontré que la totalité des réserves latentes n'aurait été générée qu'après la restructuration de l'entreprise en 2003.

25) Le 24 juillet 2017, le mandataire des époux A______ a sollicité un délai au 10 août 2017 pour dupliquer, lequel lui a été accordé.

26) Le 8 août 2017, le mandataire des époux A______ a conclu à l'irrecevabilité de la réplique de l'AFC-GE du 2 juin 2017, subsidiairement, et si par impossible cette écriture devait être déclarée recevable, la chambre administrative devait donner un délai pour dupliquer d'au moins vingt jours.

En déposant une écriture spontanée plus de vingt jours après avoir reçu la réponse des contribuables, l'AFC-GE avait agi tardivement.

27) Le 31 août 2017, le juge délégué a fait droit à la demande subsidiaire du mandataire des époux A______ en ce sens qu'un délai au 22 septembre 2017 leur était accordé pour dupliquer, relevant au surplus que l'écriture de l'AFC-GE du 2 juin 2017 n'était pas spontanée.

28) Le 11 septembre 2017, les époux A______ ont persisté dans leurs conclusions.

La condition du préjudice irréparable n'était ni démontrée ni réalisée. De plus, l'AFC-GE disposait bien d'une marge de manœuvre lorsque l'expert aurait rendu son rapport, et le jugement attaqué ne contenait aucune instruction contraignante fixant, par exemple, la méthode qui devait être utilisée pour évaluer le « goodwill » litigieux. Pour ces raisons, le jugement querellé devait être qualifié d'incident.

Il appartenait à l'AFC-GE de démontrer, par un calcul issu d'une méthode reconnue par la pratique, quel était le montant des réserves latentes de l'entreprise au jour où celle-ci avait été transformée en société anonyme. Les contribuables avaient pleinement collaboré en transmettant de nombreux documents comptables, ainsi que leur propre évaluation de l'entreprise. L'AFC-GE devait démontrer que les réserves latentes litigieuses dépassaient le montant nul ressortant de ses calculs.

29) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Les contribuables estiment que le recours de l'AFC-GE serait irrecevable au motif que le jugement attaqué serait une décision incidente.

a. À teneur de l'art. 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sont susceptibles d’un recours : les décisions finales (let. a), les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

b. Selon l'art. 62 al. 1 LPA, le délai de recours est de trente jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence (let. a), de dix jours s’il s’agit d’une autre décision (let. b).

c. Une décision incidente est une décision prise pendant le cours d’une procédure, qui ne représente qu’une étape vers la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_686/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.1 ; 1C_40/2012 du 14 février 2012 consid. 2.3 ; ATA/1018/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2a et les arrêts cités).

d. Selon la doctrine, lorsque l'autorité supérieure renvoie la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle statue à nouveau, elle rend une décision ou un arrêt de renvoi qui est de nature incidente (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 361). Toutefois, une décision de renvoi doit être considérée comme finale, lorsque l'autorité inférieure n'a plus aucune marge de manœuvre (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 831).

La jurisprudence fédérale considère également que lorsque le renvoi n'a pour objet plus que la mise en œuvre d'un simple calcul exigé par l'autorité de recours, la décision correspond en réalité à une décision finale (ATF 134 II 124 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1282/2012 du 8 janvier 2013 consid. 3.1).

Enfin, on se trouve aussi face à une décision finale lorsque l'administration est tenue par la décision de renvoi de rendre une nouvelle décision qui, selon elle, est contraire au droit, de sorte qu'elle subirait un dommage irréparable puisqu'elle ne pourrait pas attaquer sa nouvelle décision par la suite (ATF 134 II 124 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_641/2014 du 9 juillet 2014 consid. 3.2).

e. En l'espèce, dans son jugement le TAPI a confirmé le bien-fondé de la procédure de rappel d'impôt par rapport à la problématique des réserves latentes. Le TAPI a ainsi tranché, de manière définitive, la question de fond concernant le principe de leur imposition.

Il a toutefois renvoyé le dossier à la recourante pour nouveau calcul des réserves latentes au 31 décembre 2002, estimant que la méthode utilisée par la recourante était erronée. Pour ce faire et selon les considérants du jugement attaqué, la recourante doit faire appel aux services d'un expert pour évaluer le montant d'un éventuel « goodwill » imposable.

En rejetant la méthode utilisée par la recourante et en demandant à l'AFC-GE de recourir aux services d'un expert pour le calcul, le TAPI ne lui laisse aucune marge de manœuvre. La recourante ne peut que se limiter à exécuter les instructions formulées dans les considérants du jugement du TAPI.

Le jugement du TAPI attaqué constitue dès lors un jugement final. Le caractère final du jugement du TAPI est également renforcé par le fait que la recourante est tenue de rendre une nouvelle décision qui, selon elle, est contraire au droit.

Interjeté dans le délai de trente jours prévu à l'art. 62 al. 1 let. a LPA, le recours est donc recevable.

3) Les contribuables soutiennent que l'écriture de l'AFC-GE du 2 juin 2017 doit être déclarée irrecevable.

En l'espèce, il ressort de la chronologie du dossier que les contribuables ont produit leur réponse au recours le 27 mars 2017. Cette écriture a été transmise le 4 mai 2017 par le juge délégué à la recourante, fixant alors aux parties un délai au 2 juin 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires. La recourante a produit sa réplique le 2 juin 2017.

L'écriture de la recourante du 2 juin 2017 a donc été produite dans le délai octroyé par le juge délégué pour ce faire. Dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les contribuables, il ne s'agit pas d'une écriture spontanée.

De surcroît, la jurisprudence citée à l'appui de la position des contribuables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_862/2016 du 4 novembre 2016) ne leur est d'aucun secours, dans la mesure où contrairement à ce dossier, la chambre de céans a imparti un délai à la recourante pour déposer d'éventuelles observations.

L'écriture de la recourante du 2 juin 2017 est donc recevable.

4) a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1519/2017 du 21 novembre 2017 consid. 3a et les arrêts cités).

b. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

c. En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2003. Dès lors, c'est l'ancien droit qui s'applique, ainsi que la LIFD dans sa teneur lors de la période fiscale en cause.

5) a. Selon l'art. 19 al. 1 aLIFD dans sa teneur en 2003, les réserves latentes d’une entreprise de personnes (raison individuelle, société de personnes) ne sont pas imposées, à condition que celle-ci reste assujettie à l’impôt en Suisse et que les éléments commerciaux soient repris à leur dernière valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu en cas de transformation en une entreprise de personnes d’une autre forme juridique ou en une personne morale, lorsque l’exploitation se poursuit sans changement et que les participations restent, en principe, proportionnellement les mêmes (let. a), en cas de concentration d’entreprises par transfert de tous les actifs et passifs à une autre entreprise de personnes ou à une personne morale (let. b), en cas de scission d’une entreprise de personnes par transfert de parties distinctes de celle-ci à d’autres entreprises de personnes ou à des personnes morales, lorsque l’exploitation de ces parties se poursuit sans changement (let. c).

Sous l'égide de l'art. 19 aLIFD, la jurisprudence a admis la conformité au droit de la pratique d'une administration fiscale cantonale, considérant qu'une limite temporelle de cinq ans était fixée à partir de l'opération de restructuration, au cours de laquelle l'aliénation n'était pas admise et pendant laquelle les conditions objectives et subjectives de la neutralité d'un impôt devaient être remplies (arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 1998 dans une cause S. consid. 2c in RDAF 2000 II 32 ; Markus REICH/Marco DÜSS, Unternehmenstumstrukturierungen im Steuerrecht, n. 36 p. 56 et n. 214 p. 208 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 1ère éd., 1998, p. 89 ; ATA/322/2010 du 11 mai 2010 consid. 4c).

b. À teneur de l'art. 4 al. 1 aLIPP-IV, les réserves latentes d'une entreprise de personnes (raison individuelle, société de personnes) ne sont pas imposées aussi longtemps que dure l'assujettissement à l'impôt en Suisse, qu'il n'y a pas de réévaluation comptable et que les éléments commerciaux sont repris à leur dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le revenu en cas de changement de la forme juridique d'une entreprise de personnes ou de transformation en une personne morale, lorsque l'exploitation se poursuit sans changement et que les participations restent, en principe, proportionnellement les mêmes (let. a), en cas de concentration d'entreprises par transfert de tous les actifs et passifs à une autre entreprise de personnes ou à une personne morale (let. b), en cas de scission d'une entreprise de personnes par transfert de parties distinctes de celle-ci à d'autres entreprises de personnes ou à des personnes morales, lorsque l'exploitation de ces parties se poursuit sans changement (let. c).

En cas de transformation en une personne morale, les réserves latentes sont imposées lorsque les participations sont aliénées avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la transformation (art. 4 al. 2 aLIPP-IV).

c. En l'occurrence et comme vu ci-dessus le TAPI a considéré que la procédure de rappel d'impôt était justifiée.

L'AFC-GE, étant la seule à avoir fait recours, l'objet du litige porte uniquement sur la méthode utilisée pour évaluer les réserves latentes imposables au 31 décembre 2002.

6) a. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/226/2017 du 21 février 2017 consid. 4f).

b. Selon la doctrine, la loi confirme que le rappel a un effet rétroactif, en ce sens qu'il ne porte que sur les réserves latentes qui existaient au moment de la transformation de l'entreprise de personnes. L'entrepreneur qui ne respecte pas le délai (de cinq ans) réalise en conséquence un revenu imposable de l'activité indépendante (art. 18 al. 2 LIFD) à hauteur des réserves latentes présentes au moment du transfert à la société de capitaux et non pas à concurrence des réserves latentes existant dans la société de capitaux au moment de la vente des actions. Il en découle que si les réserves latentes ont encore augmenté depuis la transformation, l'accroissement doit être qualifié de gain en capital franc d'impôt (Xavier OBERSON, op. cit., 4ème éd., 2012, p. 127).

c. Dans ses décisions de taxation du 31 août 2015, la recourante a évalué la réalisation des réserves latentes à CHF 185'084.-. Elle a obtenu ce montant en soustrayant du prix de vente des actions (CHF 270'000.-) la moitié de la valeur comptable de la SA (CHF 84'916.-). Pour ce faire, elle s'est fondée sur les comptes de la SA au 31 décembre 2006.

Or et conformément à la doctrine précitée, les réserves latentes doivent être évaluées au moment de la transformation de la D_______ en société anonyme, soit en l'espèce en 2003.

Dès lors, la recourante ne pouvait pas se fonder sur les comptes de la SA au 31 décembre 2006 pour procéder à ses calculs mais devait se baser sur le bilan de la D_______ au 31 décembre 2002.

Ainsi, la méthode de calcul proposée par la recourante est contraire à ce que préconise la doctrine.

Par ailleurs, dans sa jurisprudence la chambre de céans a eu à traiter de deux dossiers qui présentent certaines similitudes avec la présente cause.

Dans le dossier le plus récent (ATA/723/2012 du 30 octobre 2012), l'évaluation des réserves latentes n'était pas contestée, raison pour laquelle le détail de la méthode de calcul n'est pas exposé dans l'arrêt en question. Toutefois, il est précisé dans la partie en fait que les réserves latentes existantes avaient été évaluées au moment de la restructuration de l'entreprise individuelle en société anonyme (consid. 3), ce qui rejoint la doctrine citée plus haut.

Dans le second cas (ATA/322/2010 précité), il ressort de l'arrêt que pour calculer la valeur vénale permettant de déterminer le montant des réserves latentes imposables au titre de bénéfice en 1997 (année de la transformation de la société individuelle en société anonyme), l'AFC-GE était partie d'un bénéfice net moyen calculé sur quatre ans de résultats de la raison individuelle. Elle avait déterminé la valeur de rendement en appliquant le taux de capitalisation usuel, soit celui des obligations commerciales augmenté de 1 %. En ajoutant une prime de risque de 2 %, elle avait tenu compte de la bonne santé de la société, et l'administré n'avait pas établi en quoi celle-ci pourrait être sujette à des risques de pertes futures particulières qui affecteraient la valeur de rendement estimée. En outre, en arrêtant la valeur vénale à CHF 943'315.-, montant pondéré car résultant d'une moyenne basée sur deux fois la valeur de rendement résultant de la capitalisation du bénéfice durable et d'une fois la valeur intrinsèque correspondant au capital net au 31 décembre 1997, et en déduisant la valeur comptable de la raison individuelle apportée à la société lorsqu'elle avait été constituée, l’AFC-GE avait déterminé correctement les réserves latentes imposables rétroactivement au titre de l'impôt sur le revenu. Or, il s'agit d'une autre méthode de calcul que celle proposée dans le cadre de la présente cause.

Dès lors, dans la mesure où la recourante ne devait pas calculer les réserves latentes au moment de la vente de la SA (au 31 décembre 2006) mais au moment de la transformation de la D_______ en société anonyme, et qu'il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, c'est de manière conforme au droit que le TAPI a renvoyé le dossier à la recourante pour détermination des réserves latentes imposables au 31 décembre 2002, en ayant recours aux services d'un expert. Cette solution s'impose également au motif de ne pas priver les contribuables du double degré de juridiction auquel ils ont droit.

7) Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

8) Bien que la recourante succombe, aucun émolument ne sera mis à sa charge dans la mesure où elle défendait ses propres décisions (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève, sera allouée aux contribuables, pris conjointement et solidairement, qui y ont conclu et ont eu recours aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2017 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 janvier 2017 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Antoine Berthoud, avocat de Madame et Monsieur A______, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le la greffière :