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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/675/2008

ATA/183/2016 du 01.03.2016 ( DCTI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; DÉLIT CONTINU ; DROIT PÉNAL ; AMENDE ; PRESCRIPTION ; DROIT TRANSITOIRE ; LEX MITIOR
Normes : LDTR.3; LDTR.9; LDTR.44; LCI.137.al1; LCI.137.al5; aLCI.137.al6; LPG.1; CP.109; CP.97; CP.98; CP.99; CP.100; CP.2
Résumé : Constat d'office, par la chambre de céans, de la prescription de la poursuite d'une infraction à la LDTR commise par le recourant, en application de la lex mitior.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/675/2008-DCTI ATA/183/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er mars 2016

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre


DÉPARTEMENT DE L’AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L’ÉNERGIE



EN FAIT

1) Monsieur A______ exerce la profession d’architecte à Genève.

2) Depuis 2003, il est propriétaire d’un immeuble destiné à l’habitation sis à la rue B______, dans le quartier de Plainpalais, comportant notamment un appartement de trois pièces au 1er étage.

3) Le 30 novembre 2007, le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département de l’urbanisme, puis le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le département) a écrit à M. A______. Il avait eu connaissance de la réalisation de travaux dans un appartement de trois pièces au 1er étage de l’immeuble de Plainpalais dont il était propriétaire, sans qu’aucune requête en autorisation ne lui fût parvenue. Le 20 novembre 2007, deux de ses collaborateurs s’étaient rendus sur les lieux où ils avaient constaté l’exécution d’importants travaux. Au vu de cette situation, M. A______ était invité, d’une part, à lui communiquer ses observations, accompagnées de tous les documents utiles relatifs à la nature et au coût de l’ensemble des travaux entrepris, à la date de leur réalisation et au loyer avant travaux et, d’autre part, à organiser une visite du chantier. Par ailleurs, il réitérait l’ordre d’arrêt de ce dernier, notifié oralement lors de la visite susmentionnée, cette décision étant exécutoire nonobstant recours.

4) Le 14 décembre 2007, M. A______ a répondu au département, contestant la réalisation d’importants travaux, lesquels se limitaient à l’entretien de son appartement, pour un coût total de CHF 28'000.-, et visaient la réfection du papier-peint, des boiseries et du parquet, la remise en conformité des installations électriques et le remplacement du mobilier de la salle de bain et de la cuisine. Il proposait une visite du chantier à partir du 15 janvier 2008.

5) Le 22 janvier 2008, deux collaborateurs du département ont procédé à la visite de l’appartement de M. A______, en sa présence.

6) Par décision du 25 janvier 2008, le département a ordonné à M. A______ de déposer, dans un délai de trente jours, une requête en autorisation de construire relative aux travaux effectués dans l’appartement de trois pièces au 1er étage de l’immeuble sis rue B______ et lui a infligé une amende de CHF 5'000.- pour avoir entrepris des travaux sans être au bénéfice d’une autorisation.

Suite à la visite du chantier, il était apparu que divers travaux étaient en cours dans l’appartement de M. A______, qui, au vu de leur nature et de leur coût, constituaient des travaux de rénovation, assujettis à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), devant faire l’objet d’une demande d’autorisation de construire, qui n’avait toutefois jamais été déposée par l’intéressé. Outre ceux mentionnés par M. A______, les travaux avaient porté sur le remplacement du sol dans la cuisine et la salle de bains, la construction d’un doublage contre le mur de ces pièces, ainsi que l’enlèvement et le remplacement des appareils sanitaires et de l’aménagement de la cuisine.

Le montant de l’amende tenait compte de ces éléments, ainsi que de la gravité, objective et subjective, de l’infraction commise et du caractère récidiviste du comportement de M. A______.

7) a. Par acte expédié le 29 février 2008, M. A______ a recouru contre cette décision, en tant qu’elle lui infligeait une amende, auprès du Tribunal administratif, concluant, avec suite d’indemnité, à son annulation.

Certains des travaux mentionnés par le département dans sa décision ne correspondaient pas à ce qui avait été constaté lors du transport sur place, dès lors qu’il ne les avait jamais effectués. Le département l’avait sanctionné, considérant qu’il s’agissait de travaux de rénovation sujets à autorisation, alors même que leur nature et leur coût montraient qu’il s’agissait de travaux d’entretien, pour lesquels aucune autorisation n’était requise, de sorte qu’il ne pouvait être sanctionné.

b. Il a annexé à son recours un chargé de pièces, comportant notamment un courrier du département à son attention, daté du 2 mai 2007, ayant pour objet des travaux réalisés dans un appartement de quatre pièces à la rue C______ entrepris en mars 2006 et consistant « manifestement en des travaux courants d’entretien », qui n’étaient pas assujettis à la LDTR et ne nécessitaient pas le dépôt d’une autorisation de construire.

8) Le même jour, M. A______ a recouru contre la décision du département, en tant qu’elle lui ordonnait de déposer une requête en autorisation de construire, auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC), concluant à ce que cette autorité sursoie à statuer jusqu’à droit jugé dans le cadre du recours déposé au Tribunal administratif et, sur le fond, à son annulation.

Avant que la CCRC ne rende sa décision, il appartenait au Tribunal administratif de trancher la question de savoir si les travaux entrepris relevaient de l’entretien courant ou de la rénovation, afin de déterminer s’il devait déposer une requête ad hoc. Sur le fond, il contestait la réalité de certains travaux, tels que retenus par le département, qui n’avaient jamais été entrepris.

9) Le 27 mars 2008, le département a requis du Tribunal administratif la suspension de la cause jusqu’à droit jugé dans le cadre du recours déposé par M. A______ par-devant la CCRC contre l’ordre de déposer une requête en autorisation de construire portant sur les travaux litigieux.

10) Le 8 avril 2008, le juge délégué a fait droit à cette requête et a ordonné la suspension de la cause dans l’attente du résultat du recours pendant devant la CCRC.

11) Par décision du 18 janvier 2010, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), qui a repris les attributions de la CCRC, a rejeté le recours de M. A______ contre la décision du département du 25 janvier 2008 lui ordonnant de déposer une requête en autorisation de construire.

Au fait de ses obligations de propriétaire, sur lesquelles différentes juridictions avaient insisté par le passé, M. A______ ne pouvait décider seul de l’assujettissement des travaux entrepris à la LDTR, le cas échéant de leur réalisation, sans avoir requis d’autorisation auprès du département. Ce dernier n’avait ainsi pas pu examiner la qualification qu’il convenait de leur apporter à la lumière des principes développés par la jurisprudence, de sorte qu’une demande d’autorisation devait être déposée.

Cette décision est devenue définitive à défaut d’avoir été contestée.

12) Le 13 octobre 2010, le juge délégué a demandé aux parties si l’instance pendante devant le Tribunal administratif pouvait être reprise.

13) Le 1er novembre 2010, le département lui a répondu que, malgré l’issue de la procédure devant la CCRA, M. A______ n’avait toujours pas déposé de requête en autorisation de construire afin qu’il soit en mesure de se prononcer sur l’assujettissement des travaux à la LDTR. Au vu de la mauvaise foi de l’intéressé, la procédure administrative pouvait être reprise. Par ailleurs, il persistait dans ses conclusions, à savoir le rejet du recours.

14) a. Dans ses déterminations du 12 novembre 2010, M. A______ a expliqué avoir déposé une demande en autorisation de construire le 5 avril 2008, à l’issue de la comparution personnelle des parties devant la CCRC, le département, qui cherchait à lui nuire, prétendant ne pas l’avoir reçue, alors même qu’il la lui avait une nouvelle fois adressée le 9 octobre 2009.

b. Il a annexé à son courrier un bordereau de pièces, comportant notamment :

- un procès-verbal de comparution personnelle des parties devant la CCRC du 4 avril 2008 aux termes duquel il s’engageait à déposer une demande d’autorisation de construire ;

- copie d’une formule de demande d’autorisation en procédure accélérée, datée du 5 avril 2008, signée par l’intéressé et ne comportant l’apposition d’aucun timbre humide du département ;

- un courrier du 9 octobre 2009 adressé au département, aux termes duquel il s’enquérait de l’état de la procédure d’autorisation de construire, ayant déposé sa demande à l’issue de l’audience de comparution personnelle des parties devant la CCRC.

15) Par décision du 30 novembre 2010, le juge délégué a prononcé la suspension de la procédure.

16) Par courrier du 10 décembre 2010, le département a indiqué qu’après vérification dans ses dossiers, il n’avait trouvé trace d’une quelconque demande d’autorisation de construire déposée par M. A______.

17) Le 20 décembre 2010, le juge délégué a prononcé la reprise de la procédure.

18) Le 7 avril 2011, le juge délégué de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), qui a repris les attributions du Tribunal administratif, a prononcé la suspension de la procédure et imparti un délai au département pour statuer sur la demande en autorisation de construire, telle qu’annexée aux déterminations de M. A______ du 12 novembre 2010.

19) Les 13 décembre 2011 et 13 février 2012, M. A______ a écrit au département, lui demandant de se déterminer au sujet de sa requête en autorisation de construire déposée le 5 avril 2008.

20) Le 21 février 2012, le département a accusé réception de la demande d’autorisation de construire de M. A______, enregistrée par ses services sous la référence APA 1______. Pour qu’il soit en mesure de statuer, M. A______ devait encore lui transmettre une copie du dernier contrat de bail à loyer et l’avis de fixation du loyer, ainsi que des photographies de l’appartement concerné.

21) Le 1er mars 2012, M. A______ a écrit au département, lui transmettant une photographie de l’immeuble de la rue B______, la copie du dernier contrat de bail à loyer conclu le 11 octobre 2011 ainsi que l’avis de fixation du loyer du même jour.

22) Le 16 mars 2012, le département a requis de M. A______ un complément d’information suite au préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 13 mars 2012, qu’il annexait à son courrier. Il ressortait de ce document que des photographies illustratives, avec repérages des vues sur plan des éléments caractéristiques tels que portes, parquets, corniches, boiseries, ainsi que des plans documentés avec les couleurs conventionnelles devaient être fournis par le requérant.

23) Le 27 mars 2012, M. A______ a écrit au département, indiquant que la typologie de l’appartement à rénover n’avait pas été modifiée, pas davantage que ses éléments caractéristiques, tels que les portes, les parquets, les corniches et les boiseries, que les appareils sanitaires de la salle de bain et l’agencement de la cuisine avaient été remplacés, les plafonds et les boiseries repeints, le parquet poncé et vitrifié et le papier-peint remplacé.

24) Par courrier du 14 mai 2012, le département a requis de M. A______ un complément d’information et a annexé à sa lettre celle du service des monuments et des sites du 16 avril 2012 constatant que les photographies requises dans le préavis de la CMNS ne lui avaient pas été transmises.

25) Le 23 août 2012, le juge délégué a demandé au département s’il avait statué sur la requête en autorisation de construire de M. A______.

26) Le 17 septembre 2012, le département lui a répondu que la requête APA 1______ était en cours d’instruction, la demande en complément d’informations n’ayant pas été suivie d’effet.

27) Le 20 septembre 2012, le département a constaté que M. A______ ne lui avait toujours pas transmis les documents requis et lui a imparti un délai de trente jours pour s’exécuter, à défaut de quoi le dossier serait classé.

28) Le 1er octobre 2012, le juge délégué a suspendu la procédure jusqu’au prononcé de la décision du département sur la requête en autorisation de construire APA 1______.

29) Le 25 juin 2013, M. A______ a requis du département de l’informer de l’état de la demande en autorisation de construire APA 1______.

30) Par courrier du 16 juillet 2013, complété le 26 juillet 2013, le département a écrit à M. A______, lui indiquant que la procédure APA 1______ était clôturée, les informations requises ne lui ayant jamais été transmises.

31) Le 18 juillet 2013, M. A______ a demandé au département de le renseigner au sujet des informations manquantes qu’il sollicitait.

32) Le 26 juillet 2013, le département lui a répondu, annexant à son courrier ses précédentes lettres des 14 mai et 20 septembre 2012, qui étaient demeurées sans réponse.

33) Le 20 août 2013, M. A______ a informé le département qu’il lui avait remis tous les compléments requis pour qu’il soit en mesure de rendre une décision, les travaux litigieux s’étant limités à l’entretien de l’appartement en cause, dont la structure n’avait pas été modifiée.

34) Le 20 mars 2014, M. A______ a de nouveau écrit au département afin de connaître l’état de la demande d’autorisation de construire APA 1______.

35) Le 17 avril 2014, le département lui a répondu qu’il était toujours dans l’attente d’informations complémentaires, conformément à ses précédents courriers, la procédure étant suspendue depuis un certain temps déjà.

36) Par courrier du 6 juin 2014, le juge délégué a sollicité du département qu’il l’informe sur l’état de la demande d’autorisation de construire APA 1______ déposée par M. A______.

37) Le 26 juin 2014, le département lui a répondu que la demande en question était toujours en cours d’instruction et qu’il attendait de M. A______ qu’il lui fournisse les informations complémentaires sollicitées.

38) Le 18 juillet 2014, le juge délégué a prononcé la reprise de la procédure.

39) Le 28 août 2014, il a procédé à l’audition des parties lors d’une audience de comparution personnelle.

a. M. A______ a persisté dans les termes de son recours. Les différents documents requis par le département lui avaient été communiqués au moment du dépôt de la requête initiale, en particulier les plans, qui ne comportaient toutefois pas d’éléments en couleur relatifs à ce qui était respectivement démoli et construit, dès lors qu’il n’y avait ni démolition, ni construction. Il s’agissait uniquement de travaux d’entretien, l’appartement n’ayant subi aucune autre modification. Il s’engageait toutefois à produire des photographies de celui-ci.

b. La représentante du département a précisé que la décision du 25 janvier 2008, en tant qu’elle ordonnait le dépôt d’une autorisation de construire, avait été exécutée, la CCRA l’ayant confirmée. Une décision serait prise à la réception des photographies de M. A______.

c. A l’issue de l’audience, le juge délégué a imparti un délai aux parties pour se déterminer sur la question de la prescription de la sanction administrative.

40) Par courrier du 15 septembre 2014, M. A______ a transmis à la chambre administrative diverses photographies de l’appartement rénové.

41) Par acte du 26 septembre 2014, M. A______ s’est déterminé sur la question de la prescription, persistant dans les conclusions de son recours.

La décision querellée avait été rendue le 25 janvier 2008, de sorte que le délai de prescription, de cinq ans, était désormais échu, selon le droit en vigueur au moment des faits, applicable en vertu du principe de la lex mitior. Dès lors, en l’absence de réaction des autorités administratives et judiciaires, l’amende litigieuse était prescrite par l’écoulement du temps, sans qu’il en fût à l’origine.

42) Le 26 septembre 2014, le département a répondu au recours, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision entreprise.

Le droit applicable à l’infraction commise par M. A______ et sanctionnée par l’amende contestée était celui en vigueur au moment où la décision entreprise avait été rendue. Même si l’ancien droit ne prévoyait que la prescription de l’action pénale, dans un délai de cinq ans, il était néanmoins admis que le principe de la prescription des créances de droit public valait même en l’absence de base légale expresse, en tant qu’institution générale du droit, de sorte qu’un délai identique devait être appliqué pour la prescription de la sanction administrative. Ce délai devait être calculé conformément à l’art. 100 al. 1 (sic) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). La décision entreprise n’étant pas entrée en force, elle n’était pas exécutoire, de sorte que la sanction administrative infligée à M. A______ n’était pas prescrite.

43) Le 24 novembre 2014, le conseil de M. A______ a informé le juge délégué qu’il avait cessé d’assurer la défense des intérêts de ce dernier.

44) Le 27 novembre 2014, le juge délégué a ordonné la suspension de la procédure, au vu de cette situation.

45) Le 13 janvier 2016, le juge délégué a prononcé la reprise de la procédure, une année s’étant écoulée depuis la décision suspendant la cause.

46) Le 26 janvier 2016, le département a indiqué ne pas avoir d’éléments complémentaires à ajouter au dossier, la cause étant en état d’être jugée.

47) M. A______ n’a, quant à lui, pas réagi.

48) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3) En droit public, les autorités de recours examinent la question de la prescription d’office lorsqu’un particulier est débiteur de l’État (ATF 138 II 169 consid. 3.2 p. 171 ; 133 II 366 consid. 3.3 p. 368 ; 106 Ib 364 consid. 3a p. 364). Tel est le cas en matière d’amendes administratives (ATA/879/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/57/2014 du 4 février 2014 ; ATA/625/2009 du 1er décembre 2009).

4) a. Aux termes de l’art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 LDTR. Selon cette dernière disposition, par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet de modifier l’architecture, le volume, l’implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation (let. a), la création de nouveaux logements, notamment dans les combles (let. b), la création d’installations nouvelles d’une certaine importance, telles que chauffage, distribution d’eau chaude, ascenseur, salle de bains et cuisine (let. c), la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l’art. 3 al. 2 LDTR (let. d). L’art. 3 al. 2 LDTR prévoit ainsi que, par travaux d’entretien, non assujettis à la loi, il faut entendre les travaux courants d’entretien faisant partie des frais d’exploitation ordinaires d’une maison d’habitation ; les travaux raisonnables d’entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu’ils n’engendrent pas une amélioration du confort existant.

b. Selon l’art. 44 al. 1 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la loi est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et des peines plus élevées prévues par le code pénal.

L’art. 137 al. 1 LCI prévoit qu’est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b), aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation de la loi par cupidité, les cas de récidive et l’établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d’une attestation au sens de l’art. 7 LCI non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (art. 137 al. 5 LCI).

Dans sa teneur antérieure au 1er septembre 2010, outre le fait que la fourchette de l’amende s’élevait à CHF 60'000.- au plus (art. 137 al. 1 aLCI), l’art. 137 al. 6 aLCI prévoyait que l’action pénale se prescrivait par cinq ans. Considérée comme obsolète, dans la mesure où elle faisait référence à la prescription de l’action pénale alors qu’il s’agissait d’une sanction administrative, prononcée par le département et pouvant être contestée devant les juridictions administratives, et que sa durée ne correspondait pas à celle usuellement appliquée aux sanctions administratives, cette disposition a fait l’objet d’une révision, dont la teneur a laissé place à l’actuel art. 137 al. 5 LCI (MGC 2008-2009/XI D/60 5840).

Selon la jurisprudence, l’inobservation de dispositions analogues en matière de droit des constructions ne constitue pas un délit continu, car l’absence de remise des lieux en un état conforme à l’ordre légal ne fait pas partie des éléments constitutifs de la norme. La prescription court ainsi dès que les actes interdits par la loi ont été entièrement exécutés (ATA/9/2005 du 11 janvier 2005 et les références citées).

c. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, aucun critère ne permettant de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence des autorités administratives de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/913/2015 du 8 septembre 2015 ; ATA/879/2014 précité ; ATA/597/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013).

En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le CP, à savoir les art. 1 à 110 CP.

d. Aux termes de l’art. 104 CP, les dispositions de la première partie du code s’appliquent aux contraventions, c’est-à-dire les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP), y compris les art. 97 ss CP en matière de prescription, sous réserve des dispositions spécifiques comme l’art. 109 CP, qui prévoit que l’action pénale et la peine se prescrivent par trois ans.

Le CP distingue deux types de prescription : d’une part la prescription de l’action pénale (art. 97 et 98 CP), qui éteint le droit de poursuite, lorsque celui-ci n’a pas été exercé ou n’a pas été exercé jusqu’au bout, avant l’expiration d’un certain délai ; d’autre part, la prescription de la peine (art. 99 et 100 CP), qui exclut l’exécution d’une peine entrée en force, faisant ainsi perdre à l’État son droit d’exécuter la peine prononcée par un jugement entré en force mais resté sans exécution pendant un certain laps de temps (José HURTADO POZO, Droit pénal général, 2e édition, 2013, n. 1023 p. 368).

Selon l’art. 98 CP, la prescription de l’action pénale court dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée (let. c). Quant à la prescription de la peine, elle court du jour où la condamnation à l’amende devient exécutoire (art. 100 CP), ce moment étant déterminé par le droit de procédure applicable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_366/2012 du 17 octobre 2012 consid. 1.2 et 6B_1099/2010 du 28 mars 2011 consid. 2.2).

e. Aux termes de l’art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s’applique qu’aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l’art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s’applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d’une part, l’auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d’autre part, elle est plus favorable à l’auteur que l’ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle qu’en principe la loi en vigueur au moment où l’acte a été commis s’applique, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l’auteur. La règle de la lex mitior constitue une exception au principe de la non-rétroactivité et se justifie par le fait qu’en raison d’une conception juridique modifiée, le comportant considéré n’apparaît plus ou apparaît moins punissable pénalement (ATF 134 IV 82 consid. 6.1 p. 86 s ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 du 18 avril 2013 consid. 8.1). La détermination du droit le plus favorable s’effectue par une comparaison concrète de la situation de l’auteur, suivant qu’il est jugé à l’aune de l’ancien ou du nouveau droit. Dans ce cadre, toutes les règles applicables doivent être prises en compte, notamment celles relatives à la prescription (ATF 135 IV 113 consid. 2.2 p. 114 ; 134 IV 82 consid. 6.2.1 p. 87 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2012 précité consid. 8.3).

5) En l’espèce, bien que cette exception n’ait pas été soulevée par le recourant, la chambre de céans doit examiner d’office la question de la prescription de l’amende prononcée à l’encontre de l’intéressé par le département le 25 janvier 2008 en raison de travaux entrepris, à tout le moins à compter du mois de novembre 2007, dans l’appartement de trois pièces au 1er étage de l’immeuble de la rue B______ dont il est propriétaire, sans avoir requis d’autorisation à cette fin, ce qu’il ne conteste pas, se limitant à alléguer l’absence d’assujettissement à la LDTR.

Dès lors que les travaux litigieux ont été entrepris avant l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2010, de la teneur actuelle de l’art. 137 LCI, le droit en vigueur au moment des faits s’applique, à savoir l’art. 137 al. 6 aLCI, qui prévoyait un délai de prescription de cinq ans, situation au demeurant plus favorable au recourant que le droit actuel, puisque l’art. 137 al. 5 LCI prévoit un délai de prescription en matière de poursuite et de sanction administrative plus long, d’une durée de sept ans.

Dans la mesure où il est reproché au recourant d’avoir entamé les travaux litigieux sans avoir requis d’autorisation permettant au département de vérifier leur assujettissement à la loi, leur durée n’a aucune incidence sur la matérialité de l’infraction à la LDTR, de sorte que celle-ci ne saurait être appréhendée sous l’angle du délit continu. La prescription court ainsi du jour auquel les travaux ont débuté, à savoir au plus tard en novembre 2007, pour une durée de cinq ans, soit fin 2012.

La question de savoir si le recourant a contrevenu à la LDTR en raison de ces faits n’a jamais été tranchée par une autorité judiciaire, la compétence de la CCRA s’étant limitée à déterminer si l’ordre de déposer une demande d’autorisation de construire pour les travaux entrepris était conforme à la loi, ce qu’elle a au demeurant admis. Il en découle que la chambre de céans, dans le cadre du litige lui étant soumis, devait déterminer si l’infraction à la LDTR était réalisée, puis en tirer les conséquences au niveau de la sanction administrative à infliger, en application de l’art. 137 al. 1 LCI. Contrairement à ce que semble soutenir le département, le litige ne se limite ainsi pas à l’exécution d’une sanction administrative, mais a trait à la poursuite d’une infraction, de sorte que l’art. 100 CP ne peut trouver application dans un tel cas.

Il résulte de ces éléments que la poursuite de l’infraction litigieuse est prescrite, de sorte que la décision prononçant l’amende contestée sera annulée.

6) Le recours sera ainsi partiellement admis.

7) Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui obtient partiellement gain de cause en raison du seul écoulement du temps (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée pour le même motif (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 février 2008 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie du 25 janvier 2008 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate la prescription de l’amende administrative de CHF 5'000.- prononcée à l’encontre de Monsieur A______ par le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie le 25 janvier 2008 ;

annule la décision du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie du 25 janvier 2008 en tant qu’elle prononce à l’encontre de Monsieur A______ une amende administrative de CHF 5'000.- ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu’au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :