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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2591/2004

ATA/159/2006 du 21.03.2006 ( ASAN ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2591/2004-ASAN ATA/159/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 mars 2006

dans la cause

 

 

 

 

M. J__________
représenté par Me Guillaume Ruff, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


A. Mme L__________

1. Mme L__________ (ci-après : la plaignante ou la patiente) a saisi la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) d'une plainte dirigée à l'encontre de la permanence de C__________ (ci-après : la permanence) le 25 février 2003, expliquant qu'elle lui avait réclamé en vain son dossier médical.

En annexe à ce courrier, la plaignante a transmis à la commission la copie d'une lettre datée du 17 février 2003 de la permanence, dans laquelle celle-ci affirmait notamment lui avoir déjà remis, au moins à trois reprises, la copie de l'intégralité de son dossier médical.

La plaignante contestait formellement cette affirmation. Elle précisait n'avoir en sa possession qu'un certificat médical daté du 13 septembre 2000 dont elle produisait copie et qui attestait qu'elle était en traitement dans cet établissement depuis 1996. Elle demandait à la commission d'intervenir auprès de la permanence afin que cette dernière lui remette son dossier.

2. Par télécopies des 11 et 18 mars 2003, la plaignante a renouvelé sa demande auprès de la commission pour que M. J__________ (ci-après : M. J__________ ou le recourant), qui la prenait en charge au sein de la permanence et qui, de plus, exerçait la fonction de médecin répondant, y donne suite dans les meilleurs délais.

3. Suite à son interpellation par la commission, la permanence lui a adressé, le 1er avril 2003, copie du courrier du 17 février 2003 précité.

4. Par pli du 2 avril 2003, la commission a convoqué la plaignante et M. J__________ à une audience de comparution personnelle qui a dû être annulée, la plaignante ayant indiqué qu'elle était trop malade pour y assister.

5. A la requête de la commission, la permanence lui a fait parvenir le 6 juin 2003 copie d'un volumineux dossier comprenant de nombreuses pièces assécurologiques, la copie de certificats médicaux, rapports médicaux, résultats d'examens et diverses correspondances échangées avec la patiente, ses assurances et ses avocats.

6. Par plis des 20 novembre 2003, 7 janvier et 3 mars 2004, la commission a réclamé à M. J__________ les "notes de suite" qui ne figuraient pas dans le dossier.

Le dossier médical transmis ne répondait pas à la définition donnée par l'article 2 de la loi cantonale concernant les rapports entre les membres des professions de la santé et patients du 6 décembre 1987 (LMPSP - K 1 80). En effet, aux termes de cette disposition, le dossier médical englobait toutes les pièces concernant le patient, à l'exception des notes purement personnelles du médecin, ainsi que les faits divulgués par des tiers et couverts par le secret médical. Or, ces pièces faisaient défaut dans le cas d'espèce.

M. J__________ n'a pas répondu à ce courrier.

7. Le 20 octobre 2004, la commission l'a informé que la sous-commission A, chargée de l'instruction de l'affaire, avait constaté que le dossier de la plaignante qu’il avait transmis ne comportait pas de "notes de suite", ce qui était susceptible de constituer un agissement professionnel incorrect et d'entraîner le prononcé d'une sanction.

Elle lui impartissait un dernier délai pour se déterminer.

8. Par courrier du 2 novembre 2004, M. J__________ a indiqué que le dossier de cette patiente était composé pour l'essentiel d'interventions administratives fondées sur un dossier médical élaboré par d'autres confrères. Pour des raisons mal définies, ce dossier avait dû être photocopié une demi-douzaine de fois, à la demande de la plaignante.

M. J__________ expliquait en outre qu'au début de sa prise en charge, la plaignante était en conflit avec ses ex-thérapeutes, ses ex-avocats, ses ex-assurances. Afin de l'aider à démêler ses affaires, il avait consacré de nombreuses heures à l'étude de son dossier médical. Toutes ces heures n'avaient pas fait l'objet d'un suivi médical ni été facturées. Son intervention avait permis à sa patiente de gagner ses procès.

Il s'était aperçu par la suite que la patiente travaillait sans être déclarée, alors qu'il "se battait pour faire reconnaître" son incapacité de travail.

Enfin, il avait réalisé que cette patiente avait une attitude procédurière pathologique, car elle s'était retournée contre son nouvel employeur, sa nouvelle assurance et l'avocat qui lui avait permis d'obtenir gain de cause dans ses précédents procès.

Compte tenu de ces derniers éléments, M. J__________ avouait qu'il avait été "de moins en moins chaud pour la suivre dans ses démarches". Il ajoutait dans ce contexte que "par la suite, le fait de n'avoir jamais honoré mes factures n'a pas empêché la patiente d'essayer de me manipuler en exigeant, sous la menace de procès (naturellement) que je fasse de faux certificats, ce que j'ai refusé et qui a provoqué son attitude à mon égard".

En conclusion, M. J__________ assurait que depuis 25 ans, il s'était toujours occupé de ses patients avec compassion. Il considérait avoir été "piégé" par la plaignante qu'il qualifiait de mal intentionnée.

Il joignait à ce courrier copie de différents documents médicaux la concernant, indiquant que le personnel de la permanence pouvait témoigner du fait que la patiente avait reçu à plusieurs reprises copie de son dossier médical.

9. Par pli du 22 janvier 2005, la plaignante a contesté les allégations de M. J__________ et produit un certain nombre de documents dont il ressortait qu'elle avait déjà écrit à la commission à son sujet en décembre 2000 pour se plaindre de l'attitude de celui-ci à son égard et qu'un mois plus tard elle avait retiré sa plainte.

10. Lors de sa séance plénière du 26 janvier 2005, la commission a rendu deux préavis distincts.

a. Dans le premier, elle a relevé que les "notes de suites", qui sont des pièces concernant le patient au sens de la loi et qui permettent de reconstituer l'histoire médicale de la plaignante, ne figuraient pas au dossier ; ce manque était d'autant plus critiquable que M. J__________, en sa qualité de médecin répondant d'une permanence, devait montrer l'exemple. En conséquence, elle proposait au département des affaires sociales et de la santé, devenu depuis lors le département de l'économie et de la santé (ci-après : le DES ou le département), de rendre une décision constatant que M. J__________ n'avait pas respecté son obligation de tenir un dossier médical tel que défini par la LMPSP. Cette violation étant susceptible de constituer un agissement professionnel incorrect, la question d'une éventuelle sanction était réservée, la plaignante agissant comme dénonciatrice n'ayant pas qualité de partie pour ce second volet de la procédure.

b. Dans le second préavis, la commission a estimé que le dossier transmis par  M. J__________ ne permettait pas de reconstituer l'histoire médicale de la patiente dès lors qu’il avait omis de retranscrire fidèlement les divers examens effectués et leurs résultats, de noter et commenter ses observations, d'indiquer les critères l'ayant conduit à poser ses diagnostics. En d'autres termes, les "notes de suite" faisaient défaut. Il s'ensuivait que M. J__________ avait violé le droit de la patiente de consulter son dossier.

Partant, M. J__________ avait commis un agissement professionnel incorrect. La commission proposait donc au département de lui infliger un avertissement.

11. Par décision constatatoire du 13 avril 2005, le département a suivi le premier préavis rendu par la commission. Il a reproché à M. J__________ de n’avoir pas respecté son obligation de tenir un dossier médical, selon la définition de l'article 2 LMPSP.

L'article 10 alinéa 3 LMPSP prévoit qu'en cas de violation des droits du plaignant, le chef du département émet une injonction impérative à l’encontre du praticien concerné, sous menace des peines prévues par l'article 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O).

Compte tenu des griefs formulés par la plaignante et de la situation existante, une injonction n'était pas à même de rétablir une situation respectant le droit de la plaignante.

12. Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision.

13. Dans une seconde décision non datée, mais reçue par l’intéressé le 15 juin 2005, le département a prononcé un avertissement à l’encontre de M. J__________, ce dernier ayant commis un agissement professionnel incorrect en ne tenant pas un dossier médical permettant de reconstituer l’histoire médicale de sa patiente.

14. Par pli du 1er juillet 2005, posté à une date qui n'a pas pu être déterminée mais réceptionné par le tribunal de céans le 5 juillet 2005, M. J__________ a recouru à l'encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à son annulation. La patiente n’avait saisi la commission que pour réclamer la transmission de son dossier. A aucun moment, elle ne s'était plainte que celui-ci était incomplet. La commission l'avait sanctionné au motif que les "notes de suite" faisaient défaut. En réalité, la plaignante n'avait fait appel à lui que pour qu'il l'assiste dans des démarches juridiques et administratives en relation avec son état de santé; en conséquence, il n'était pas nécessaire d'établir de telles notes.

15. Dans sa réponse du 1er septembre 2005, le département a souligné que la décision constatant que le recourant n'avait pas tenu un dossier médical conforme à la loi, était définitive. L'avertissement était la peine la plus légère prévue par la loi. En conséquence, le recours devait être rejeté.

B. Mme G__________

16. Par courrier du 4 août 2003, M. M__________ (ci-après : le patient), domicilié à Genève a dénoncé à la commission les faits suivants :

a. Le 18 décembre 2002, il s’était rendu à la permanence car il ressentait de fortes douleurs et des fourmillements dans les deux jambes.

b. Il avait été reçu par Mme G__________ (ci-après : la doctoresse), seule, qui avait établi un certificat d’arrêt de travail et avait pris rendez-vous pour lui à la radiologie de Florissant afin qu’il soit procédé à une IRM et à un scanner.

c. Il avait ensuite envoyé à son assurance, Assura, les factures relatives à ces examens établies par Diagnostica S.A. Radiologie Florissant.

Par courrier du 29 juillet 2003, Assura avait informé le patient qu’elle refusait la prise en charge de ces factures, celles-ci totalisant quelque CHF 4'720.-, au motif qu’elle était en litige depuis quelques mois déjà avec ce centre de radiologie qui dispensait des prestations n’entrant pas dans le cadre de celles relevant de l’autorisation d’exploitation qui lui avait été octroyée par le Conseil d’Etat. Par ailleurs, renseignements pris auprès de la direction générale de la santé, la doctoresse qui avait prescrit ces examens ne bénéficiait pas d’une autorisation de pratiquer dans le canton de Genève.

Bien que dans une situation financière précaire, il devait donc régler lui-même les factures précitées.

17. Par courrier du 13 août 2003, la commission a informé le patient qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur les contestations d’ordre pécuniaire mais qu’elle allait examiner si les faits qu’il reprochait à la doctoresse et au médecin répondant de la permanence étaient avérés.

18. Par plis séparés du même jour, la commission a sollicité des deux médecins précités leurs observations au sujet du courrier du patient qu'elle joignait en copie.

M. J__________ a indiqué, dans un courrier du 25 août 2003, que la permanence avait mandaté en 2002 la doctoresse, qui avait un cabinet médical privé et l’expérience de la prise en charge de femmes battues, ceci dans le but d’assurer la formation des médecins de l'établissement dans ce domaine, à raison de deux après-midi par semaine. En échange, la permanence avait accepté de parfaire la formation de la doctoresse dans un contexte de prise en charge des urgences. La doctoresse s’étant bien intégrée à l’équipe, et elle avait peu à peu été considérée comme une partenaire à part entière. Le docteur poursuivait en ces termes :

« le fait qu’elle soit inscrite comme Suissesse dans notre établissement et dans les différents organismes sociaux et que sa formation soit reconnue comme diplôme fédéral post-gradué a renforcé cette conviction.

Il est effectivement arrivé à la fin de son mandat et stage qu’elle voie de nouveaux patients à leur arrivée, sous ma responsabilité ou celle du médecin de garde et qu’elle remplisse pour nous des demandes d’examens mais ces demandes doivent être considérées comme étant le fait de notre établissement, comme lorsque nos assistantes remplissent de telles demandes ».

19. Le 10 septembre 2003, la commission s’est à nouveau adressée à M. J__________. Le pli expédié à la doctoresse à l’adresse de la permanence lui avait été renvoyé avec la mention « plus à cette adresse ». En conséquence, M. J__________ était prié de lui transmettre la nouvelle adresse professionnelle de la doctoresse. Celui-ci s'est exécuté par courrier du 18 septembre 2003 en indiquant les coordonnées d'un cabinet de médecine générale à Saint-Julien-en-Genevois.

20. Le 14 octobre 2003, la commission a sollicité derechef de la doctoresse des explications relatives à la dénonciation du patient.

Le 25 octobre 2003, la doctoresse a répondu que le 15 novembre 2001, la permanence lui avait proposé un poste de collaboratrice en tant que médecin. Elle s’était renseignée auprès de M. J__________ pour connaître les formalités à accomplir pour travailler en Suisse. Celui-ci lui avait indiqué que l'exercice de sa profession en Suisse, au sein de la permanence dont il était médecin répondant, ne posait aucun problème. Elle s’étonnait que son engagement n’ait pas été signalé au médecin cantonal, lequel se serait alors aperçu de l'absence d’inscription au registre cantonal et l’en aurait avertie, ce qui lui aurait permis de régulariser sa situation.

Pour le surplus, elle précisait qu’elle était titulaire depuis 1988 d’un diplôme d’Etat de docteur en médecine obtenu à l’Université de Bourgogne en France où elle était domiciliée. C’était en toute bonne foi qu’elle avait pratiqué en qualité de médecin sur la base de son titre universitaire français en tant que collaboratrice de la permanence. Dans ce cadre, elle avait effectivement pris en charge le patient et au vu de l’état de santé de celui-ci, lui avait prescrit les soins décrits dans la dénonciation.

Au début de l’année 2003, elle avait appris qu’elle avait exercé sa profession en Suisse sans être formellement déclarée et autorisée. Elle avait alors immédiatement sollicité la reconnaissance de son diplôme français à l’Office fédéral de la santé publique qui lui avait délivré une attestation en ce sens, le 10 mars 2003. Elle avait de plus reçu un arrêté du Conseil d’Etat du 19 août 2003 l’autorisant à pratiquer dans le canton de Genève. Elle annexait au courrier les documents précités.

21. Le 3 novembre 2003, la commission a transmis ces documents à M. J__________.

22. Par courrier du 14 novembre 2003, la commission a informé M. J__________ que selon la sous-commission A (ci-après : la sous-commission) chargée de l'instruction du dossier, il n’avait pas annoncé la doctoresse comme membre des professionnels de la santé ; il avait failli à son rôle de médecin répondant. Un délai au 15 décembre 2003 lui était octroyé pour déposer ses observations.

A l'appui de ses conclusions, elle joignait les listes du personnel de la permanence établies en date des 28 août 2002, 6 mars 2003 et 21 octobre 2003. Le nom de la doctoresse ne figurait sur aucune d'elles.

23. Le 12 décembre 2003, M. J__________ a répondu que cette dernière n'avait jamais été engagée comme médecin par la permanence ; c’était la raison pour laquelle elle ne figurait pas sur les listes du personnel de l'établissement. Transmis à la doctoresse, le courrier précité n'a suscité aucune observation de sa part.

Il ressort des documents joints à ce courrier, qu'en 2001, la permanence avait refusé une offre spontanée de la doctoresse de travailler pour cet établissement. Une proposition d'un travail salarié auprès de la permanence avait été formulée par la suite par pli du 25 août 2003 et n'avait jamais été formellement agréée par la doctoresse. Entre-temps, celle-ci avait accepté d'effectuer "un échange intellectuel" dans les locaux de l'établissement. Pour ces échanges, elle adressait à la permanence des notes d'honoraires établies sur papier à en-tête de son cabinet sis en France.

24. Dans son préavis du 23 août 2004, la commission a retenu que M. J__________ avait failli à ses obligations en tant que médecin répondant de la permanence dès lors qu'il lui incombait de s'assurer que la doctoresse était au bénéfice d'un droit de pratique et qu'elle était dûment inscrite dans le registre de sa profession, ainsi qu'il lui appartenait d'informer le médecin cantonal de son engagement puis de son départ.

La commission proposait au département d'infliger à M. J__________ un avertissement assorti d'une amende de CHF 5'000.- compte tenu de ses antécédents, celui-ci ayant déjà fait l'objet d'un avertissement au terme d'une précédente procédure.

25. Par décision du 20 novembre 2004, le département a suivi le préavis de la commission et a infligé à M. J__________ un avertissement assorti d'une amende de CHF 5'000.-.

La doctoresse avait bien exercé la médecine au sein de la permanence sans avoir été préalablement autorisée par les autorités cantonales compétentes. M. J__________ aurait dû informer le médecin cantonal de son engagement ainsi que de son départ. Il aurait également dû s'assurer que la doctoresse était bien titulaire d'une autorisation de pratiquer. La sanction prononcée était également motivée par le fait que cette omission fautive avait eu des conséquences financières importantes pour le patient.

26. Par acte posté le 20 décembre 2004, M. J__________ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l'encontre de la décision précitée, en concluant à son acquittement.

La doctoresse n'avait pas été engagée par la permanence, raison pour laquelle il n’avait aucune obligation d'informer le département. Il contestait n'avoir pas renseigné la doctoresse sur les lois en vigueur. Le fait qu’elle ait apposé son nom sur une demande d'examen ne constituait pas un "délit" puisque, dans tout établissement assurant les formations, les stagiaires ou assistants le faisaient sous la responsabilité du médecin répondant. Le préjudice financier subi par le patient était en réalité lié au fait que l’assurance et l'institut de radiologie concernés étaient en litige précédemment ; l’assurance avait saisi ce prétexte pour ne pas régler les factures. En matière de "politique médicale", aucun reproche ne pouvait lui être adressé. En conséquence, la sanction prise à son encontre devait être annulée.

27. Dans sa réponse du 25 février 2005, le DES a persisté dans sa décision.

28. Lors de la comparution personnelle des parties du 8 avril 2005, le recourant a confirmé en substance ses précédentes explications.

Il a admis qu'il ne s'était pas préoccupé de savoir si la doctoresse avait obtenu une autorisation de pratiquer parce qu'elle faisait des stages à la permanence et qu'il ne l'avait pas engagée. Pour cette raison également, il ne l'avait pas annoncée au médecin cantonal. Il n'avait pas signé d'accord écrit avec elle et elle n'avait pas reçu d'instructions écrites s'agissant des contacts qu'elle avait avec les patients. Elle établissait des notes d'honoraires pour son activité sur le papier à en-tête de son cabinet de Saint-Julien-en-Genevois. Le recourant s'engageait à produire la liste des honoraires qui lui avaient été versés par la permanence.

Suite à cette affaire, il avait été inquiété par le Parquet du Procureur Général et par le service de la main-d'œuvre étrangère. Il avait proposé au patient de régler ses frais lorsqu'il aurait liquidé ses propres problèmes.

A l'issue de l'audience, le tribunal de céans a informé les parties qu'il allait convoquer la doctoresse et solliciter du Parquet copie de la procédure pénale ainsi que des renseignements du service de la main-d'œuvre étrangère.

29. Par plis du 11 avril 2005, le Tribunal administratif a demandé aux autorités précitées des renseignements sur les procédures ouvertes à l'encontre du recourant en relation avec la présente cause.

a. L'office de la main-d'œuvre étrangère a indiqué qu'il avait diligenté un contrôle général du personnel de la permanence suite à un rapport de la Police judiciaire du mois d'avril 2003. Le recourant était en infraction avec la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20) pour avoir employé la doctoresse du 15 novembre 2001 au 4 avril 2003 en qualité de médecin à raison de 8 heures par semaine sans autorisation de séjour et de travail ainsi que pour avoir employé une autre personne du 1er janvier 2002 au 29 septembre 2003 en qualité d'acupunctrice esthétique à raison de 4 heures par semaine sans autorisation de travail, le séjour étant légal dans ce cas. Les sanctions infligées au recourant avaient été de CHF 1'000.- dans le premier cas et de CHF 300.- dans le second, soit une amende totale de CHF 1'300.-, pour infractions à la LSEE, sans préjudice d'infractions à d'autres lois cantonales ou fédérales.

b. Il résulte du dossier transmis par les autorités pénales que le recourant a été acquitté du chef d'inculpation de violation de l'article 23 LSEE par jugement du Tribunal de Police du 17 décembre 2003 au motif qu'il n'avait pas intentionnellement enfreint la loi. En effet, d'une part il pouvait se fier de bonne foi au curriculum vitae de la doctoresse qui mentionnait qu'elle obtiendrait la nationalité suisse en 2001 et d'autre part, la permanence employait des travailleurs frontaliers au bénéfice des autorisations nécessaires.

30. Le recourant a déposé le 28 avril 2005 une demande de récusation à l'encontre du juge délégué du Tribunal administratif. Par décision du 21 juin 2005, le plenum du tribunal de céans, siégeant sans le magistrat dont la récusation était demandée, a rejeté ladite demande au motif qu'elle était tardive.

31. Entendue comme témoin par le tribunal de céans le 5 septembre 2005, la doctoresse a confirmé le contenu de son courrier du 25 octobre 2003.

a. A cette occasion, elle a remis au tribunal un contrat établi le 6 décembre 2001 prévoyant son entrée en fonction à la permanence le 15 novembre 2001 dont le recourant avait une copie contresignée par elle. A son avis, le contrat la désignait comme "consultante externe" parce que, contrairement à ses confrères, elle n'avait pas de bureau propre à la permanence mais seulement un local à disposition. Entre M. J__________ et elle, il n'avait pas été spécialement question d'un échange de connaissances contrairement à ce qu'alléguait ce dernier, parce qu'elle n'avait pas d'expérience particulière en matière de femmes battues et que par ailleurs elle travaillait seule à la permanence sous la surveillance du médecin répondant. Elle n'avait pas collaboré plus spécifiquement avec un médecin urgentiste.

Le recourant lui avait dit à la fin de l'été 2001 qu'il allait se renseigner sur les formalités à accomplir en raison des accords bilatéraux. Il l'avait rappelée en octobre 2001 pour lui indiquer qu'il n'y avait pas de problème et qu'elle pouvait commencer à travailler deux demi-journées par semaine. En discutant plus tard avec une collègue de la permanence, elle avait appris incidemment qu'il fallait obtenir la reconnaissance d’un diplôme étranger pour exercer en Suisse.

b. Elle avait été interpellée par la police suite à une dénonciation anonyme.

c. Il résulte des pièces figurant au dossier que dès le mois de janvier 2002, elle avait établi ses notes d'honoraires pour les heures de consultation effectuées dans les locaux de la permanence sur le papier à en-tête du cabinet dans lequel elle était associée à Saint-Julien. Elle mentionnait mensuellement le produit de son activité qui correspondait à ses fiches de salaire alors même qu'elle et son employeur disposaient des attestations-quittances comportant le montant total annuel. Ces notes d'honoraires ne correspondaient pas à des montants qu'elle aurait encaissés en plus. Dans l'intervalle, soit en mars 2003, elle avait obtenu la reconnaissance de son diplôme par l'office fédéral de la santé publique. L'arrêté du Conseil d'Etat l'autorisant à pratiquer comme médecin indépendant dans le canton de Genève avait suivi en août 2003. Depuis le 10 août 2004, elle travaillait au Centre médical d'Onex. Elle avait reçu un avertissement du département contre lequel elle n’avait pas recouru. La procédure pénale ouverte à son encontre avait été classée.

Au moment des pourparlers, elle avait dit au recourant que son époux étant Suisse, elle entendait demander la nationalité suisse qu'elle avait d'ailleurs obtenue en avril 2005. La mention de la nationalité suisse figurant sur la carte AVS demandée par la permanence en 2002 était par conséquent fausse, à cette date.

d. Elle a remis au tribunal son attestation de salaire pour janvier 2002 ainsi que l'attestation quittance de l'impôt à la source pour l'année 2002.

32. Par pli du 13 septembre 2005, le recourant a déposé une liste comportant le nom de deux témoins. A la demande du tribunal de céans, il a indiqué que le témoignage de ceux-ci devait porter sur les explications qui leur avaient été fournies par la permanence concernant leur statut au moment de leur engagement ainsi que sur leur contrat qui différait de celui de la doctoresse et encore sur l'activité effectivement déployée par celle-ci ainsi que sur toutes circonstances permettant d'apprécier la portée de la déposition de cette dernière.

33. Le 5 octobre 2005, le département a indiqué au juge délégué qu'il ne voyait pas l'opportunité de faire entendre de tels témoins dans la mesure où si ces engagements ne respectaient pas la loi, l'autorité intimée devrait prononcer de nouvelles sanctions. Le type de contrat conclu avec le personnel de la permanence n'avait pas d'importance puisqu'une telle question relevait du droit privé et non du droit public, seul en cause dans le cas d'espèce. Quant à l'activité déployée par la doctoresse, personne n'était à même de la décrire mieux qu'elle, d'autant plus que ses déclarations étaient corroborées par la dénonciation du patient.

34. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les deux recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 119 de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05).

2. Lorsque différentes affaires se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune, l'autorité peut d'office les joindre en une même procédure (art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10). Les deux recours interjetés par M. J__________ (A/2591/2004 ; A/2345/2005) se rapportant à une situation identique puisque dans les deux cas il s'agit d'une violation à la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05), ils seront joints en une même procédure, sous le numéro de cause A/2591/2004.

A. Mme L__________.

3. En l’espèce, il est fait grief au recourant de ne pas avoir établi de "notes de suite" dans le dossier de sa patiente, ce qui constitue une violation de l'obligation de tenir un dossier médical tel que défini par la LMPSP. Ces reproches sont formulés dans la décision du 13 avril 2005, qui est entrée en force. Cette manière de faire est conforme à la jurisprudence du Tribunal administratif (ATA/461/1998 du 28 juillet 1998).

4. L'article 10 alinéa 5 LMPSP renvoie aux sanctions prévues dans la LPS.

Il convient d'examiner ici si la violation reprochée au recourant constitue un agissement professionnel incorrect susceptible d'entraîner une sanction, problématique qui a été traitée dans la seconde décision du département, non datée qui a fait l'objet du recours de M. J__________.

5. a. La LPS réglemente notamment l'exercice à titre privé des professions de la santé (art. 2 litt. a LPS). Elle prévoit des sanctions administratives, aux articles 108 et suivants, pour les infractions aux dispositions de la LPS ou de ses règlements et pour les agissements professionnels incorrects dûment constatés et qualifiés comme tels par la commission (art. 108 al. 2 litt. a et b LPS).

Ces dispositions relèvent du droit disciplinaire. Celui-ci constitue un ensemble de sanctions dont dispose l’autorité à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes qui sont soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il en va ainsi des membres de la fonction publique, des personnes soumises à des rapports de puissance publique particuliers (soldats, détenus, étudiants) et des professions libérales (médecins, avocats) (ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; P. MOOR, Droit administratif Vol. II, 2ème édition, Berne, 2002, p. 24, n° 1.4.3.4).

b. Par agissement professionnel incorrect, il faut entendre l'inobservation d'obligations faites à tout praticien d'une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d'adopter un comportement professionnel consciencieux, en l'état du développement actuel de la science. Cet agissement professionnel incorrect peut notamment résulter d'une infraction aux règles de l'art, de nature exclusivement technique, par commission, par omission ou par une violation de l'obligation générale d'entretenir des relations adéquates avec les patients (ATA/687/2003 du 23 septembre 2003).

c. L'agissement professionnel incorrect, au sens de l'article 108 alinéa 2 lettre b LPS, constitue une notion juridique imprécise dont l'interprétation peut être revue librement par la juridiction de recours, lorsque celle-ci s'estime apte à trancher en connaissance de cause. Cependant, si ces notions font appel à des connaissances spécifiques, que l'autorité administrative est mieux à même d'apprécier qu'un tribunal, les tribunaux administratifs et le Tribunal fédéral s'imposent une certaine retenue lorsqu'ils estiment que l'autorité inférieure est manifestement mieux à même d'attribuer à une telle notion un sens approprié au cas à juger. Ils ne s'écartent en principe pas des décisions prises dans ces domaines par des personnes compétentes, dans le cadre de la loi et sur la base des faits établis de façon complète et exacte (ATF 109 IV 211 ; 109 Ib 219 ; ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; ATA/687/2003 du 23 septembre 2003 ; ATA H. du 29 avril 1992 ; ATA M. du 7 mars 1990 A. GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. I., Neuchâtel, 1984, p. 336 et 337).

In casu, le département, sur préavis de la commission, a retenu à la charge du recourant un agissement professionnel incorrect au motif que le dossier médical de la plaignante tenu par le recourant ne permettait pas de reconstituer l'histoire médicale de sa patiente. En effet, le recourant avait omis de retranscrire fidèlement les divers examens entrepris et leurs résultats, de noter et commenter ses observations, d'indiquer les critères l'ayant conduit à poser ses diagnostics. Cette omission était d'autant moins acceptable qu'en sa qualité de médecin répondant de la permanence, le recourant devait montrer l'exemple aux médecins assistants dont il assure la supervision et le contrôle.

Compte tenu du fait que la commission est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique telle l'absence des "notes de suite" dans un dossier, le Tribunal administratif s'impose une certaine retenue et retiendra qu’un tel manquement constitue un agissement professionnel incorrect au sens de l’article 108 LPS.

 

B. Mme G__________.

6. Dans ce cas, le recourant sollicite préalablement l'audition en qualité de témoin de deux personnes employées par la permanence.

L'article 29 alinéa 2 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comporte le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves, lorsqu'elles sont présentées en temps utile et dans les formes requises. Encore faut-il que la preuve fournie soit apte à établir le fait à prouver et que celui-ci soit pertinent, à savoir de nature à influer sur le sort de la décision à prendre. De surcroît, l'article 29 alinéa 2 Cst. n'empêche pas le juge de refuser d'administrer une mesure probatoire lorsqu'au terme d'une appréciation anticipée non arbitraire de la preuve proposée, il parvient à la conclusion que les faits pertinents sont déjà établis et qu'un résultat, même favorable au recourant, de la mesure probatoire sollicitée ne l'amènerait pas à modifier sa conviction (ATF 124 I 208 consid. 4a, 241consid. 2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.106/2004 du 3 août 2004 consid. 4.1).

Selon le recourant, les témoins dont il sollicite l'audition devraient être entendus au sujet de leur statut au moment de leur engagement ainsi que sur leur contrat, qui différait de celui de la doctoresse.

Ces personnes ne pourraient être entendues qu’à titre de renseignements, le recourant étant leur employeur. De plus, ces questions sont irrelevantes pour la solution de la présente procédure. En effet, peu importe que le statut des autres membres du personnel de la permanence soit conforme à la loi : ce point n'est pas litigieux. Seul est en cause le statut de la doctoresse et les témoignages requis ne sauraient apporter aucun éclairage nouveau à cet égard.

De même, l'audition de la doctoresse ainsi que la lettre du patient ont permis au tribunal de saisir l'activité déployée par la doctoresse à la permanence même si les explications données ne concordent pas avec celles du recourant. Les témoignages sollicités ne sont donc d’aucune utilité.

Au vu de ce qui précède, la demande d'audition de témoins présentée par le recourant sera écartée.

7. Le département reproche au recourant de n'avoir pas informé le médecin cantonal de l'engagement de la doctoresse et de ne pas s'être assuré que celle-ci était bien titulaire d'une autorisation de pratiquer.

a. Les responsabilités des médecins-répondants des établissements médicaux sont définies à l'article 66 du règlement d'exécution de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 25 juillet 2001 (le règlement - K 3 05. 01). Aux termes de l'article 66 alinéa 1, ils sont notamment responsables de vérifier :

a) que les personnes exerçant dans l'établissement l'une des professions visées à l'article 3, chiffres 1 et 2 de la loi (notamment les médecins) sont inscrites dans le registre de leur profession, conformément à l'article 7 de la loi ;

b) que la direction de l'établissement adresse chaque mois au médecin cantonal, conformément à l'article 13, la liste des engagements et des départs qui se sont produits dans l'effectif du personnel exerçant les professions mentionnées sous lettre a ;

b. En vertu de l'article 7 LPS, nul ne peut exercer une profession de la santé, à titre indépendant ou à titre dépendant, sans être inscrit dans les registres du médecin cantonal ou du pharmacien cantonal.

8. a. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d’une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l’autorité qui applique le droit ne peut s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 124 II 265 consid. 3 p. 268 ; 121 III 460 consid. 4a/bb p. 465 et les arrêts cités). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s’écarter du texte clair de la loi surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e p. 342, 117 II 523 consid. 1c p. 525).

9. Il ressort du dossier que la doctoresse a travaillé comme médecin à la permanence à raison de huit heures par semaine du 15 novembre 2001 au 4 avril 2003. Elle a reçu seule le patient en consultation dans les locaux de la permanence le 18 décembre 2002. L'arrêté du Conseil d'Etat l'autorisant à pratiquer dans le canton de Genève n'est daté que du 19 août 2003, raison pour laquelle l'assurance du patient a refusé de prendre en charge les examens qu'elle avait prescrits.

a. Le recourant fait valoir que la doctoresse n'a jamais été engagée en qualité de médecin au sein de la permanence. Cet argument ne résiste pas à l'examen. En effet, selon l'article 66 alinéa 1 lettre a du règlement, le médecin répondant doit s'assurer que les personnes exerçant la profession de médecin dans l'établissement sont inscrites dans le registre de leur profession. Il résulte d'une interprétation littérale de la loi que ce n'est pas le type de contrat (mandat, contrat de travail…) liant l'établissement et le médecin qui est déterminant mais bien le simple exercice de la profession au sein de l'établissement. Cette interprétation est également conforme au but de la LPS qui vise la sauvegarde et l'amélioration de la santé publique. C'est également dans un souci de protection de santé publique qu'il faut comprendre l'article 66 alinéa 1 lettre b du règlement : si le médecin répondant doit signaler les engagements et les départs des membres du personnel de la permanence au médecin cantonal, c'est bien pour que celui-ci soit informé de la qualité des professionnels de la santé auxquels peut faire appel le public.

En conséquence, peu importe la nature du contrat que la doctoresse avait avec la permanence ; cette question relevant du droit civil, elle n'est pas pertinente pour la solution de la présente cause. Au vu de ce qui précède, la doctoresse a bien exercé seule la profession de médecin dans les locaux de la permanence. Il s'ensuit que le recourant devait s'assurer qu'elle était inscrite dans le registre de sa profession et qu'elle disposait des titres nécessaires.

b. Le recourant objecte encore que la doctoresse avait un statut de stagiaire ou d'assistante et que, lorsqu'elle signait des prescriptions, elle le faisait sous la responsabilité du médecin répondant de sorte qu’elle n'avait pas besoin de figurer dans le registre des médecins autorisés.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, aux termes de l'article 84 alinéa 1 LPS, les permanences peuvent certes engager en qualité d'assistants des médecins non titulaires du diplôme fédéral mais il est précisé à l'alinéa 3 de cette même disposition, que ceux-ci doivent obtenir une autorisation du Conseil d'Etat sur préavis du médecin cantonal pour un employeur déterminé. Même dans cette hypothèse, l'obtention d'une autorisation des autorités compétentes était nécessaire.

Partant, ces arguments seront rejetés, le recourant ayant violé ses obligations de médecin répondant de permanence.

10. Les sanctions administratives visent les infractions aux dispositions de la loi ou de ses règlements ainsi que l'agissement professionnel incorrect dûment constaté et qualifié comme tel par la commission (art. 108 al. 2 litt. a LPS).

Quand la loi n'en dispose pas autrement, les sanctions sont infligées par le département, sur préavis de la commission (art. 110 al. 1 LPS). Le département est compétent pour prononcer notamment l'avertissement, le blâme et l'amende jusqu'à CHF 50'000.-, celle-ci pouvant être cumulée avec les deux premières sanctions (art. 110 al. 2 let. a à c et al. 3 LPS).

11.  Les sanctions disciplinaires doivent être fixées en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/123/1997 du 18 février 1997). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), les dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) sont applicables, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG (ATA/364/2003 du 13 mai 2003). Selon une jurisprudence bien établie, l'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues dans l'article 68 CP lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions et ne prononcer qu’une seule sanction pour l'ensemble des actes en cause (ATF 122 II 182-184 ; 121 II 25 et 120 Ib 57-58 ; RDAF 1997 p. 103 ; ATA/667/1997 du 4 novembre 1997).

En l'espèce, la plaignante a saisi la commission par dénonciation du 25 février 2003. La commission a été saisie de la deuxième plainte par courrier du 4 août 2003 alors que la première procédure disciplinaire était encore en cours d' instruction. Les deux affaires ont été instruites en même temps, quoique séparément, la deuxième ayant même donné lieu à une décision avant la première. Or, la commission aurait dû joindre les deux causes et rendre un seul préavis afin que le département puisse prononcer une peine d'ensemble. En effet, au moment où il a statué la première fois, soit le 20 novembre 2004, le département ignorait l’existence de la seconde procédure. Le 15 juin 2005, il ne pouvait plus prononcer une peine d’ensemble. Il s'ensuit que le dossier doit être renvoyé au département pour qu'il prononce une peine d'ensemble.

12. En conséquence, le recours sera partiellement admis. Les décisions du département de l'économie et de la santé seront annulées pour ce seul motif et le dossier lui sera renvoyé afin qu’il prononce une peine d'ensemble tenant compte de tous les agissements reprochés au recourant et faisant l'objet désormais d'une seule procédure.

13. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui obtient pour partie gain de cause mais pour des motifs qu’il n’a pas invoqués. Une indemnité de CHF 500.- à la charge de l'Etat, lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevables le recours interjeté le 20 décembre 2004 par M. J__________ contre la décision du département de l'économie et de la santé du 20 novembre 2004 ainsi que le recours interjeté le 5 juillet 2005 par M. J__________ contre la décision du département de l'économie et de la santé non datée mais reçue le 15 juin 2005 ;

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/2591/2004 et A/2345/2005 sous le numéro A/2591/2004 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule les décisions du département de l'économie et de la santé du 20 novembre 2004 ainsi que celle, non datée mais reçue par le recourant le 15 juin 2005 ;

renvoie le dossier au département de l'économie et de la santé afin qu'il prononce une peine d'ensemble ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l'Etat ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Ruff, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : M. Paychère président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président  :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :