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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/99/2017

ATA/1147/2018 du 30.10.2018 sur JTAPI/1150/2017 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; AUTORISATION DE TRAVAIL ; ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE
Normes : LEtr.18; LEtr.21.al1; LEtr.21.al2; LEtr.21.al3
Résumé : Recours contre le refus de l'OCIRT d'accorder à la recourante, d'origine brésilienne, une autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative, suite à la requête de son employeur. Le recours porte également sur la conséquence de ce refus sur le droit de séjour de la recourante en Suisse. L'ordre de priorité de l'art. 21 al. 1 et 2 LEtr n'ayant pas été respecté par son employeur, le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/99/2017-PE ATA/1147/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Yves Rausis, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2017 (JTAPI/1150/2017)


EN FAIT

1. Madame A______, née en 1974, est ressortissante du Brésil.

2. Elle est arrivée en Suisse le 1er septembre 2008 au bénéfice d’une autorisation de séjour, régulièrement renouvelée jusqu’au 26 juin 2015, afin de suivre des études. Elle a ensuite bénéficié d’une autorisation de séjour d’une durée de six mois, en application de l’art. 21 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), valable jusqu’au 25 décembre 2015, afin de chercher un emploi.

3. Selon son curriculum vitae, Mme A______ est titulaire d’un Bachelor en économie obtenu au Brésil en 2001, d’un Bachelor en sciences de l’éducation ainsi que d’un Master en éducation spécialisée obtenus, respectivement en 2012 et 2015, auprès de l’Université de Genève (ci-après : l’université). S’agissant de son expérience professionnelle, elle a travaillé en qualité de répétitrice auprès d’élèves lusophones en difficultés d’apprentissage (2009 à 2014), d’intervenante ponctuelle à domicile pour enfants avec un handicap (2011 à 2014), d’assistante personnelle à domicile pour enfant avec un handicap (2013 à 2014). En outre, elle a effectué des stages auprès de l’école primaire de ______ (2009) ; du B______ (ci-après : B______ ou le centre), notamment dans le cadre d’une formation continue en psychothérapie pour le suivi des enfants et des jeunes avec un handicap (2012 puis 2015 à 2016) et de la crèche « C______ », dans le cadre de l’intégration d’un enfant à besoins éducatifs particuliers dans un groupe ordinaire (2013-2014). Elle a également œuvré bénévolement auprès de l’Association genevoise d’intégration (2009 à 2010) et auprès du B______ (2010 à 2015).

4. Entre les mois de novembre 2011 et mai 2012, Mme A______ a effectué un stage de sensibilisation en éducation spéciale auprès du B______, en vue de l'obtention de son diplôme de Bachelor en sciences de l'éducation.

L'accent du stage, d'une durée de deux cents heures auprès d'une classe pour enfants en difficulté du développement, avait notamment été mis sur la démarche d'évaluation, l'élaboration des projets éducatifs et des programmes individualisés, de même que sur les dimensions d'intégration scolaire et de partenariat avec les familles.

5. Monsieur D______ est le fondateur du B______, qui dispose notamment d’un établissement à Genève.

6. Par courrier du 22 juillet 2016, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a confirmé à M. D______ avoir enregistré, jusqu’au 5 août suivant, la vacance du poste d’éducateur spécialisé qu’il avait annoncé.

Selon le descriptif du poste, le candidat devait être au bénéfice d’une formation universitaire complète en psychologie et en sciences de l’éducation et avoir été sensibilisé aux méthodes d’éducation cognitive. Une très bonne connaissance du français ainsi qu’une bonne connaissance de l’anglais et du portugais, tant orale qu’écrite, était requise.

7. Par contrat du 6 août 2016, M. D______ a engagé Mme A______, à plein temps, en qualité d’éducatrice spécialisée, auprès du B______, pour un salaire mensuel brut de CHF 7'000.-. Le contrat était conclu pour une durée indéterminée et l’entrée en fonction fixée au 1er septembre suivant.

8. Le 25 août 2016, M. D______, sous la plume de son conseil, a sollicité une autorisation de travail en faveur de Mme A______.

Il avait fondé le B______ en 2000, à Genève. Il en était le principal animateur, le directeur pédagogique et y exerçait également en tant que psychopédagogue. Le B______ était une entité pluridisciplinaire de thérapie et de suivi cognitif pour enfants, adolescents et jeunes adultes en difficulté de développement et d’apprentissage liés à un handicap mental, à un trouble du développement, comportemental ou cognitif. La prise en charge proposée conjuguait la thérapie cognitive aux sciences de l’éducation, soit un accompagnement complet et durable. En septembre 2014, un second établissement avait été ouvert à E______, dans le canton de Vaud. Il était également prévu d’implanter un troisième établissement à F______, en Valais, au sein d’une maison de santé, en automne 2017. D’ici à 2020, le B______ envisageait l’ouverture d’un quatrième établissement dans le canton de Fribourg. Une unité de formation clinique en éducation cognitive, d’une durée de deux cents heures, destinées aux professionnels de l’éducation était en cours d’élaboration, formation qui n’était, à ce jour, pas disponible en Suisse. Les activités du centre présentaient ainsi un intérêt scientifique et de santé.

Les professionnels de santé justifiant d'un cursus en éducation cognitive étaient rares. Les compétences et qualités requises pour l’accompagnement des personnes en difficulté de développement étaient telles que les critères de recrutement devaient être strictement posés et respectés. Le B______ employait actuellement sept personnes à Genève et quatre à E______. La vacance du poste d’éducateur spécialisé avait été annoncée à l’OCE. Les recherches en vue de pourvoir le poste avec une personne issue du marché local n’ayant pas abouti, le choix s’était porté sur Mme A______ qui répondait « très précisément » aux exigences du poste, tel que cela ressortait de son parcours académique et professionnel. Elle avait notamment suivi une formation pratique de deux cents heures auprès du B______ et avait réalisé un programme de formation reconnu en éducation cognitive. Elle était une candidate « désignée » pour ce poste, ce d’autant qu’elle maîtrisait le français, l’anglais et le portugais, ce qui lui permettait d’intervenir « au-delà » des attentes des familles anglophones et lusophones de la région. Il était également prévu qu’elle intègre le programme de formation qui était en cours d’élaboration, en qualité d’intervenante. Sous réserve de l’obtention de l’autorisation sollicitée, son entrée en fonction était prévue le 1er septembre 2016. Le B______ faisait face à un besoin grandissant de collaborateurs intervenant dans le cadre de l’éducation et la thérapie cognitive et il devait pouvoir rapidement compter sur une personne qualifiée et de confiance, apte à répondre à cette demande.

M. D______ a notamment joint copie d’un document établi le 6 septembre 2015, à teneur duquel Mme A______ avait acquis, au terme de sa formation, le titre de psychopédagogue spécialisée en éducation cognitive ; copie des candidatures reçues et des courriels de refus qu’il avait adressés en réponse, au nombre desquels la candidature de Madame G______, ressortissante helvétique, qui avait postulé le 29 juillet 2016, ainsi que le courriel du 18 août 2016 lui annonçant que sa candidature n’avait pas été retenue ; copie d’un courrier adressé par M. D______ à son conseil, le 19 août 2016, à teneur duquel il envisageait d’engager cinq personnes supplémentaires, dont trois déjà sélectionnées, pour le nouveau centre de F______. Il projetait également une collaboration, pour le centre genevois, avec une personne dont le dossier lui avait été communiqué par l’OCE ainsi qu’avec une praticienne, ressortissante suisse. Ces dernières devaient toutefois suivre une formation au centre avant de commencer leurs activités.

9. Par décision du 23 novembre 2016, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé Mme A______ qu’il ne pouvait donner une suite favorable à la demande déposée en sa faveur, aux motifs qu’elle ne représentait pas un intérêt économique ou scientifique prépondérant, que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté, dès lors que son employeur n’avait pas démontré l’impossibilité de trouver un travailleur en Suisse ou ressortissant de l’UE/AELE, et qu’enfin les conditions de travail n’étaient pas respectées pour des raisons qu’il appartenait à son employeur de lui communiquer.

10. Par acte du 10 janvier 2017, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à la délivrance de l’autorisation requise.

Elle reprenait en substance les arguments invoqués à l’appui de la demande d’autorisation de travail déposée en sa faveur, soulignant le développement des activités du B______, les spécificités de la prise en charge des personnes, de la formation, tant théorique que pratique, ainsi que des compétences et qualifications dont elle disposait en la matière. Le fait qu’elle quitte son poste aurait de graves conséquences sur les personnes qu’elle suivait, qui avaient besoin d’une grande stabilité et le travail déjà effectué avec elles serait perdu. Par ailleurs, M. D______ avait annoncé la vacance du poste et avait reçu plusieurs candidatures qui ne correspondaient toutefois « pas exactement » aux compétences recherchées. Or, il avait besoin de pourvoir le poste rapidement afin de répondre aux besoins des personnes fréquentant le centre et ne pas perturber leur équilibre. Le salaire proposé de CHF 7'000.- brut par mois correspondait à celui en vigueur dans cette branche d’activité.

Elle produisait diverses pièces relatives à ses allégations, notamment une lettre de M. D______ qui décrivait les raisons pour lesquelles il souhaitait l'engager ainsi que deux lettres de recommandations.

La première, signée par Madame H______, psychopédagogue et psychologue FSP, attestait que le travail de Mme A______ demandait des qualifications spécifiques. Seul un nombre très restreint de professionnels étaient suffisamment qualifiés pour offrir des prestations adéquates et de qualité, comme elle le faisait grâce à son profil professionnel spécifique.

La seconde, signée par Madame I______, collaboratrice scientifique et chargée d'enseignement à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l’université au sein du Master en éducation spécialisée, et psychopédagogue au B______, attestait des exigences spécifiques relatives au niveau de formation et aux compétences pratiques pour les professionnels qui travaillaient avec des personnes aux besoins éducatifs particuliers. Environ six étudiants étaient formés chaque année à l'approche de l'éducation cognitive dans le cadre de l'atelier d'apprentissage dispensé par l'équipe de « métacognition, évaluation dynamique de l'apprentissage, compétences socio-adaptatives et inclusion » (ci-après : MEDASI), dans le cadre du Master en éducation spécialisée et l'intéressée faisait partie du peu d'étudiants ayant réussi. Son travail s'était avéré excellent au niveau de l'application des connaissances théoriques, mais aussi dans son engagement pour travailler avec cette population spéciale. Son expertise était enrichie grâce au stage de formation pratique effectué dans le cadre de la pratique de M. D______. Elle était devenue experte dans l'approche d'éducation cognitive du B______ et sa contribution était hautement reconnue au sein de l'équipe dont elle faisait partie intégrante.

11. Entre les mois de mars et d'octobre 2017, Mme A______ a participé à une formation clinique dispensée par le B______, intitulée « méthode d'intervention en éducation & thérapie cognitive » en qualité de formatrice, et qui était destinée aux psychologues, aux psychopédagogues, aux enseignants et enseignants spécialisés, et aux éducateurs spécialisés.

12. Dans ses observations du 14 mars 2017, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

L’autorisation de séjour de l’intéressée était arrivée à échéance le 25 décembre 2015. Depuis, elle séjournait à Genève sans titre de séjour. Au terme de ses études, elle avait effectué un stage professionnel, sans autorisation, auprès du B______, alors qu’elle disposait d’une autorisation pour chercher un emploi. Cela étant, il n’y avait pas d’intérêt scientifique à son engagement ni d’intérêt économique. La Suisse ne souffrait pas d’une pénurie d’éducateurs et il n’avait pas été démontré que son engagement permettrait la création immédiate de nouveaux emplois ou qu’il générerait de nouveaux mandats pour l’économie suisse. Par ailleurs, l’intéressée avait mis les autorités devant le fait accompli en travaillant, sans autorisation, au mépris de la loi. Les difficultés à trouver du personnel ne suffisaient pas à elles seules à justifier une exception au principe de la priorité et son engagement semblait relever davantage de la convenance personnelle. Il y avait lieu d’admettre que, si des recherches sérieuses avaient été menées sur le marché du travail de l’UE/AELE, l’employeur aurait pu trouver ou former une éducatrice parlant le portugais. Les conditions de l’art. 21 al. 3 LEtr n’étant pas remplies, l’ordre de priorité aurait dû être respecté. Or, l’employeur s’était contenté d’annoncer la vacance du poste à l’OCE et n’avait entrepris aucune autre démarche. Enfin, le non-respect des conditions de travail concernait une réserve émise par l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC) à l’encontre de l’employeur, ce qui n’inspirait pas confiance et indiquait que la gestion des finances du B______ n’était pas saine.

13. Interpellé par le TAPI, M. D______ a confirmé, par courrier du 29 mars 2017, sa volonté d’engager Mme A______.

14. L’intéressée, sous la plume de son conseil, a répliqué le 6 avril 2017.

Elle avait effectivement commencé son activité professionnelle avant que l’autorité compétente ne se soit prononcée sur sa demande d’autorisation de travail, car elle devait parer au manque de professionnels intervenant au B______, étant précisé qu’un certain temps s’était écoulé depuis le dépôt de sa demande.

S’agissant de l’ordre de priorité, son strict respect aurait requis davantage de démarches et cette condition ne pouvait effectivement être considérée comme satisfaite. Cependant, la particularité des services dispensés par le B______ limitait le nombre de profils correspondant au poste. De plus, une année de formation interne était nécessaire avant de pouvoir y travailler. Cela étant, dans la mesure où son activité revêtait un intérêt économique prépondérant, une dérogation à l’ordre de priorité devait être admise. Il était d’ailleurs surprenant de constater que l’OCIRT avait nié la condition de l’intérêt économique prépondérant, alors qu’elle avait obtenu une autorisation de séjour d’une durée de six mois en application de l’art. 21 al. 3 LEtr afin de lui permettre de trouver une activité lucrative présentant un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Au demeurant, l’absence d’un intérêt scientifique stricto sensu n’était pas contestée. Par ailleurs, contrairement aux allégations de l’OCIRT, il y avait un besoin de main-d’œuvre avéré dans le domaine d’activité de Mme A______ qui était celui d'éducatrice spécialisée. De plus, dans la mesure où elle intégrerait, en tant que formatrice, le programme de formation du B______ destiné aux professionnels, elle contribuerait à la création d’emplois pour l’économie suisse ou, à tout le moins, à « l’enrichissement d’emplois existants ». En outre, les familles ayant recours au B______ diminuaient d’autant la charge des services hospitaliers, ce qui constituait une réelle économie pour le canton de Genève.

Enfin, M. D______ était à la fois ressortissant suisse et des États-Unis. Dans un contexte de double imposition, il était dans l’attente depuis de nombreux mois de la restitution des sommes réglées au fisc américain, afin de s’acquitter de ses obligations envers l’AFC qui lui avait accordé un délai au 31 octobre 2017.

Mme A______ sollicitait une participation à ses « dépens » et versait des pièces complémentaires à la procédure.

15. Dans sa duplique du 5 mai 2017, l’OCIRT a maintenu ses conclusions.

L’octroi d’une autorisation de séjour en vertu de l’art. 21 al. 3 LEtr était un droit accordé à tous les étudiants d’une haute école suisse qui le souhaitaient et la question de l’intérêt économique ou scientifique n’intervenait que dans le cadre de l’examen d’une dérogation à l’ordre de priorité. Partant, il était erroné d’affirmer que, dès lors qu’une autorisation de séjour d’une durée de six mois avait été accordée, l’activité revêtait nécessairement un intérêt scientifique ou économique prépondérant. En l’occurrence, ce n’était qu’après avoir constaté que les conditions de dérogation de l’art. 21 al. 3 LEtr n’étaient pas remplies que l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avait examiné l’ordre de priorité. Enfin, la réserve émise par l’AFC se rapportait au statut de M. D______ en tant qu’employeur et à la perception de l’impôt à la source de ses employés, et n’était pas en lien avec la problématique de la double imposition. L’autorisation sollicitée ne pouvait être délivrée aussi longtemps que l’employeur ne serait pas en règle avec l’AFC.

16. Dans ses observations complémentaires du 2 juin 2017, l’intéressée, sous la plume de son conseil, a notamment indiqué que son employeur s’était toujours acquitté de ses obligations envers l’AFC. Il en allait de même des autres personnes qui exerçaient au B______, étant précisé qu’à l’exception d'elle-même, elles étaient toutes indépendantes. M. D______, qui était enfin informé du motif de la réserve émise par l’AFC, avait pris contact afin d’éclaircir son statut fiscal. Dans cette attente, elle sollicitait la suspension de la procédure.

17. Interpellé par le TAPI, l’OCIRT s’est opposé, par courrier du 19 juin 2017, à la suspension de la procédure.

Même si l’AFC n’émettait plus de réserve à l’égard de l’employeur, il n’en demeurait pas moins que l’absence d’intérêt économique ou scientifique prépondérant et le non-respect de l’ordre de priorité subsistaient. Les dernières écritures de Mme A______ avaient d’ailleurs mis en lumière le fait que le B______ était un lieu où des médecins indépendants pouvaient travailler, sans être salariés. Cette pratique « étonnante », qui ne ressortait ni de la demande, ni des écritures subséquentes, avait l’avantage de soustraire M. D______ à toutes les obligations fiscales et sociales d’un employeur. L’OCIRT avait été induit en erreur par des formulations tendancieuses qui laissaient penser que M. D______ employait le « personnel travaillant actuellement au centre » et les membres de son « équipe ». Ces formulations, parmi d’autres, laissaient entendre que le B______ avait des employés. Or, dans la mesure où il n’était pas inscrit en tant que tel, cela impliquait qu’il n’était pas en règle. Ces nouvelles informations ne modifiaient toutefois en rien la décision contestée. Elles permettaient de relativiser d’autant plus l’intérêt économique de l’employeur pour le canton de Genève, dès lors que Mme A______ serait la première employée du B______. Il ressortait enfin du curriculum vitae de cette dernière qu’elle avait suivi un stage pratique de deux cents heures auprès du B______ entre 2011 et 2012. Malgré cela, M. D______ n’était pas inscrit en qualité d’employeur auprès de l’AFC, de sorte que l’OCIRT ignorait s’il s’était acquitté de ses obligations en matière d’assurances et de charges sociales.

18. Par décision du 6 juillet 2017, le département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), a autorisé M. D______ à exploiter une école d'enseignement primaire avec encadrement spécialisé.

19. Le 4 août 2017, Mme A______, sous la plume de son conseil, a présenté de nouvelles observations.

Il était exact que les personnes travaillant au B______, soit des psychopédagogues, logopédistes, psychomotriciens et éducateurs spécialisés, et non pas des médecins tel que mentionné par l’OCIRT, avaient un statut d’indépendants, comme c’était souvent le cas dans ces domaines d’activité.

Elle entretenait une relation particulière avec le B______ car elle n’avait jamais exercé ailleurs en tant qu’éducatrice spécialisée. Cela étant, le statut d’indépendant des personnes travaillant au B______ ne permettait pas de relativiser son intérêt économique qui allait au-delà de la question du recrutement sur le marché local, tel que cela ressortait de toutes ses écritures. Par ailleurs, M. D______ avait obtenu l’autorisation d’exploiter une école privée d’enseignement primaire, avec encadrement spécialisé. S’agissant du stage qu’elle avait effectué au B______ en 2011-2012, il faisait partie intégrante de son cursus académique.

20. Par courrier du 5 septembre 2017, Mme A______ a informé le TAPI d’une éventuelle collaboration entre le B______ et l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) du canton de Vaud, dans le cadre de l’accompagnement de personnes atteintes d'un trouble du spectre de l'autisme
(ci-après : TSA).

21. Par jugement du 2 novembre 2017, le TAPI a confirmé la décision de l'OCIRT du 23 novembre 2016 refusant à Mme A______ l'octroi d'une autorisation de séjour et de travail.

Celle-ci n'avait notamment pas démontré que le poste pour lequel elle avait été engagée, soit « pédopsychiatre spécialisée en éducation cognitive » (sic) au sein du B______, revêtait un intérêt économique prépondérant, ni prouvé que son engagement aurait engendré la création immédiate de nouveaux emplois. Il n'apparaissait pas non plus qu'il y avait une véritable pénurie de main-d'œuvre durable dans son domaine d'activité. Son employeur était ainsi soumis à l'obligation de respecter l'ordre de priorité.

22. Par acte du 4 décembre 2017, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en tant qu'il confirmait la décision du 23 novembre 2016. Elle a conclu, principalement, à l'annulation de celui-ci et ce faisant, de la décision de l'OCIRT du 23 novembre 2016 lui refusant l'octroi d'une autorisation de séjour et de travail, a invité celui-ci à approuver l'octroi d'une telle autorisation en sa faveur, sous réserve de l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), le tout « sous suite de frais et dépens ».

On lui reprochait, et à son employeur, de n'avoir pas respecté le principe de l'ordre de priorité sur le marché local de l'emploi ; les démarches entreprises n'auraient pas été suffisantes. Son employeur avait, en amont de tout recrutement, annoncé le poste vacant, par l'intermédiaire de l'OCE et parmi les candidatures reçues, il avait effectué des entretiens. Les acquis en terme d'éducation cognitive et une expérience préalable auprès d'enfants et jeunes en difficulté de développement, avaient fait défaut dans le cadre desdites candidatures. Or, les qualifications requises pour un poste d'éducateur spécialisé, au sein d'une institution spécialisée dans l'encadrement d'enfants et de jeunes en difficulté de développement, dont certains souffraient de TSA, étaient fort spécifiques. Aucune concession ne pouvait être faite. Le haut niveau d'exigence associé au poste vacant ne pouvait permettre de transiger quant au profil retenu. Selon l'employeur, une année de formation au B______ serait nécessaire à un professionnel avant d'être apte à intervenir auprès des enfants et jeunes qui y étaient suivis. Leurs développements personnels requéraient une intervention rapide. Différer dans le temps l'encadrement de certains d'entre eux, d'une année, n'était raisonnablement et humainement pas envisageable. L'employeur la connaissait puisqu'il avait suivi son évolution universitaire et professionnelle à travers un stage académique, puis d'une formation pratique. Elle s'était proposée pour le poste en cause. Le cursus unique dont elle justifiait, ainsi que la formation unique en éducation cognitive, dont elle avait pu bénéficier à l'unité MEDASI de l’université, représentaient une spécificité et une plus-value certaines en vue de l'exercice du poste concerné. Elle avait les compétences nécessaires en matière de thérapie et d'éducation cognitive.

Mme G______ était spécialisée en art-thérapie. Elle ne saurait occuper un poste nécessitant une maîtrise de la thérapie cognitive. Son entrée en fonction, en septembre 2016, ne remettait pas en question l'ordre de priorité par l'employeur, ni ne parait la vacance du poste annoncé par ce dernier à l'OCE.

Son activité lucrative était caractéristique d'un intérêt économique prépondérant en vertu de l'art. 21 al. 3 LEtr. Elle satisfaisait également largement aux exigences liées aux intérêts économiques du pays garanti par l'art. 18 LEtr. Ses conditions de travail et de rémunération, lesquels respectaient les standards propres au pays et au canton, quant à sa branche d'activité et ses qualifications, de même que l'intérêt de son employeur, s'inscrivaient également dans les intérêts économiques de la Suisse. La délivrance par l'OCPM d'une autorisation provisoire, telle que prévue par l'art. 21 al. 3 LEtr en sa faveur, illustrait le fait que l'activité lucrative qu'elle entendait exercer était susceptible de présenter un intérêt économique ou scientifique prépondérant. L'absence d'intérêt scientifique stricto sensu et au sens de cette disposition n'était pas contestée. Néanmoins, son activité économique revêtait un intérêt économique prépondérant, conformément aux principes définis par la LEtr et aux directives associées. Il existait un besoin accru de main-d'œuvre qualifiée quant aux professions de l'éducation et des sciences sociales. Les enseignants dans une classe à programme d'enseignement spécial et les pédagogues thérapeutiques représentaient un taux de chômage de 0,3 % et un taux de poste vacant de 0,6 %, soit bien inférieurs à la moyenne nationale. Le besoin avéré de main-d'œuvre s'appliquait à son activité lucrative. Elle encadrait des enfants, adolescents et jeunes adultes en retard de développement, soit, notamment, atteints d'autisme, de syndrome du X-fragile, de trisomie 21 ou de déficience intellectuelle ; les compétences pour intervenir auprès de tels jeunes, dans le but d'aider leur développement et leur apprentissage, étaient naturellement pointues et conduisaient à réduire significativement le nombre de profils compétents pour intervenir en ce sens.

Quant au second indicateur de l'existence d'un intérêt économique prépondérant, soit la création d'emplois ou de mandats pour l'économie suisse, elle devait intégrer le programme de formation clinique mis en place par son employeur, en tant que formatrice. Cette formation était à destination de professionnels tels que les psychologues, psychopédagogues, enseignants et éducateurs spécialisés, qui souhaitaient enrichir leur spectre d'intervention, en se formant à la thérapie et l'éducation cognitive. Outre de nouveaux mandats générés ainsi pour lesdits professionnels, cela permettrait, de la sorte, aux personnes suivies par ces derniers de bénéficier d'un service plus étendu et exhaustif.

M. D______ exploitait une école privée d'enseignement primaire avec encadrement spécialisé, qui dispensait un enseignement reconnu et ciblé, combinant scolarité et encadrement spécialisé, soit à destination d'enfants en difficulté de développement. Cet enseignement spécialisé dispensé par le centre permettrait aux institutions publiques, soit médicales et d'enseignement scolaire, une économie significative, puisqu'un nombre certain d'enfants atteints d'un trouble de l'apprentissage feraient, et, au demeurant, faisaient d'ores et déjà, le choix de l'enseignement privé dispensé au centre ; ceci dans une plus grande mesure encore compte tenu de sa reconnaissance officielle.

Les projets d'interventions établis par la recourante illustraient bien les grandes difficultés personnelles et comportementales rencontrées par ces enfants et jeunes, et l'accompagnement ciblé et abouti qu'elle dispensait ne saurait être minimisé. Il était alors également question d'un intérêt social prépondérant.

Finalement, ses conditions de travail satisfaisaient aux conditions de travail telles qu'encadrées par l'art. 22 LEtr, ce point n'étant pas contesté par l'intimé.

23. Le 8 décembre 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

24. Le 15 décembre 2017, Mme A______ a complété son bordereau de pièces en produisant une lettre de recommandation de son employeur.

25. Par pli du 15 janvier 2018, l'OCIRT a présenté ses observations, persistant dans ses conclusions en se référant intégralement à ses écritures des 14 mars et 5 mai 2017, concluant au rejet du recours.

Mme A______ séjournait en Suisse sans autorisation depuis le 25 décembre 2015 et avait avoué travailler sans autorisation depuis le mois de septembre 2016.

26. Dans sa duplique du 14 février 2018, Mme A______. sous la plume de son avocat, a persisté dans ses conclusions et déposé de nouvelles pièces.

Son audition et celle de M. D______ étaient requises.

Elle n'avait jamais dissimulé avoir commencé son emploi avant la délivrance en sa faveur d'une autorisation de travail, consciente qu'une telle autorisation était néanmoins nécessaire. Une autorisation de séjour provisoire de six mois, en vue de justifier d'une activité lucrative correspondant à sa formation, lui avait été accordée, avec une validité au mois de février 2016. Le support matériel de celle-ci ne lui avait cependant jamais été délivré par l'autorité cantonale.

Son domaine d'activité souffrait d'une pénurie de main-d'œuvre. Il n'était pas aisé pour son employeur de trouver sur le marché suisse du travail une autre personne disponible à même d'occuper sa fonction. Elle était la seule intervenante en tant qu'éducatrice spécialisée au B______, en tenant compte des trois pôles d'activité du centre : Genève, E______ et F______.

Sa fonction d'éducateur spécialisé souffrait d'un sérieux manque de
main-d'œuvre en Suisse, eu égard à la formation spécifique requise, à l'activité difficile qu'elle impliquait, les professionnels intervenant dans ce domaine étant souvent confrontés à des situations émotionnellement complexes, voire à de la violence, ainsi qu'à la forte demande existant en ce sens puisque les enfants et jeunes souffrant d'un trouble du développement ou de l'apprentissage étaient malheureusement en augmentation.

Elle prenait part à plusieurs projets du centre à visées académique et pédagogique. L'éducation cognitive demeurait un domaine insuffisamment maîtrisé dans les professions sociales et de la santé. M. D______ entreprenait de diffuser cette méthode d'accompagnement au travers d'un cycle de formations qui aurait lieu entre le 27 janvier et le 6 octobre 2018.

Elle avait une formation académique complète et maîtrisait les méthodes d'encadrement cognitif, mais continuait néanmoins de se former à de nouvelles techniques d'éducation, afin de pouvoir offrir aux enfants et jeunes qu'elle suivait un accompagnement toujours plus adéquat et performant. Elle avait ainsi participé en 2017 à un atelier avancé « Early Start Denver Model » (ci-après : EDSM [sic]), modèle d'intervention précoce à destination de jeunes enfants souffrant d'un TSA. Ce modèle était l'objet de la collaboration entre le B______ et la Haute école de travail social et de la santé (ci-après : HETS). Elle poursuivrait sa formation en ce sens, dans un délai de deux ans, pour obtenir le certificat de thérapeute EDSM.

Les activités et les projets menés par le centre ne cessaient de croître et rencontraient un intérêt certain auprès des familles comptant un enfant, adolescent ou adulte en difficulté de développement. L'établissement scolaire mis en place par M. D______ comptait de plus en plus d'élèves, pour des prises en charges circonstanciées en fonction du profil de chaque enfant. Une inscription en son sein permettait un suivi personnalisé de chaque enfant, mais encore de décharger les établissements publics au sein desquels pouvaient être scolarisés ces enfants atteints d'un trouble du développement.

Le centre associait son service d'accompagnement scolaire à celui de l'École internationale de Genève, en vue de proposer un suivi personnalisé et évolutif aux enfants en difficulté de développement et d'apprentissage.

Ses domaines de compétence, particulièrement l'éducation cognitive, constituaient des thématiques dont la mise en pratique était récente, et, partant, peu maîtrisées dans le milieu médico-social.

27. Le 15 février 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

28. Les 23 mars et 22 juin 2018, Mme A______ a versé de nouvelles pièces à la procédure.

29. Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La qualité pour recourir de l’intéressée contre une décision de l’OCIRT souffrira de rester indécise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2018 du 10 août 2018 consid. 5.2), compte tenu de ce qui suit.

2. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

3. La recourante sollicite sa comparution personnelle et l'audition de son employeur.

Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

En l’espèce, la recourante a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant devant le TAPI que dans son acte de recours auprès de la chambre de céans, qui dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Il s’ensuit qu’il ne sera pas donné suite aux réquisitions de preuves de la recourante.

4. Le litige porte sur le refus de l’OCIRT d’accorder à Mme A______ une autorisation de séjour à l'année, permis B, avec activité lucrative, suite à la requête de M. D______. Il porte également sur la conséquence de ce refus sur le droit de séjour de Mme A______ en Suisse.

5. De nationalité brésilienne, la recourante ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), ni de celles de la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Échange (RS 0.632.31). Conformément à l'art. 2 al. 1 à 3 LEtr, son admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée en Suisse est donc régie par les art. 18 et ss. LEtr et par les dispositions d'exécution de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du
24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 3 ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 2).

Par voie de conséquence, la recourante ne peut revendiquer aucun droit à exercer une activité lucrative en Suisse. De même, M. D______ ne dispose d'aucun droit à engager la prénommée en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 précité consid. 3).

6. En l'occurrence, l'OCIRT a motivé son refus en application des art. 21 et
22 LEtr, les conditions des dispositions précitées n'étant pas remplies, et le TAPI, dans son jugement, a confirmé cette décision. Dès lors, le recours sera traité sous l'angle de celles-ci.

7. a. Selon l’art. 11 al. 1 LEtr, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé.

b. L’art. 18 LEtr prévoit qu’un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions cumulatives suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEtr sont remplies (let. c ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4b ; ATA/24/2015 du 6 janvier 2015 consid. 4b).

Cet article étant rédigé en la forme potestative, les autorités compétentes bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation (ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3b ; ATA/401/2016 du 10 mai 2016 ; ATA/86/2014 du 12 février 2014).

c. La notion d’« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; ATA/1018/2017 précité consid. 4c ; ATA/24/2015 précité ; Marc SPESCHA/ Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2ème éd., 2015, p. 173 et ss ; art. 23 al. 3 LEtr).

8. En vertu de l’art. 21 al. 1 LEtr, un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé.

Il ressort de cet alinéa que l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à des qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. p. 3537 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1 et la jurisprudence citée ; ATA/1018/2017 précité consid. 5a ; ATA/494/2017 précité). Il s’ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-1123/2013 du 13 mars 2014 consid. 6.4 ; 2011/1 consid. 6.3 ; ATA/1018/2017 précité consid. 5a et les arrêts cités).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEtr et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3 ; ATA/166/2014 du 18 mars 2014 consid. 5b ; ATA/123/2013 du 26 février 2013).

9. a. En dérogation à l'al. 1, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de son perfectionnement en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEtr).

Dans ce cas, l'employeur ne devra notamment plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 précité consid. 5.3.2 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

b. Ainsi que l'a exposé le SEM dans ses directives (Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, état le 3 juillet 2017
[ci-après : directives LEtr]) relatives à l'application de l'art. 21 al. 3 LEtr, cette réglementation permet, notamment, aux entreprises suisses et aux milieux académiques suisses de recruter des spécialistes qui ont terminé avec succès leurs études en Suisse et qui sont bien ou hautement qualifiés. À cet effet, les diplômés d'une haute école suisse (principalement les hautes écoles universitaires et les hautes écoles spécialisées) sont admis provisoirement en Suisse au terme de leurs études pour une durée de six mois (non prolongeable) afin de leur permettre de trouver un emploi qualifié. La réglementation du séjour d'une durée de six mois à des fins de recherche d'un emploi relève de la compétence cantonale. Pour qu'un étranger ayant accompli sa formation en Suisse puisse s'en prévaloir et obtenir ainsi une dérogation à l'ordre de priorité défini à l'art. 21 al. 1 LEtr, il faut que cet étranger soit appelé à exercer une activité lucrative dans un domaine où il peut mettre en pratique à haut niveau les connaissances acquises et où il n'existe effectivement pas d'offre de main-d'œuvre suffisante. Il s'agit, en règle générale, d'activités dans les domaines de la recherche, du développement, dans la mise en œuvre de nouvelles technologies ou encore pour mettre en application le savoir-faire acquis dans les domaines d'activités qui revêtent un intérêt économique prépondérant (directives LEtr, ch. 4.4.6 et 5.1.3). Cela peut être aussi le cas lorsque l'occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse (directives LEtr ch. 4.4.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.2 ; C-5602/2013 du 2 février 2015 consid. 6 ; C-857/2013 consid. 7.2 ; C-674/2011 du 2 mai 2012 consid. 6.3.1). Dans l'esprit du législateur, une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu'il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d'œuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation. Cette précision garantit que ce régime particulier ne s'applique que lorsqu'il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité (par exemple informaticiens, médecins, enseignants ou encore infirmier diplômés) et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l'UE ou de l'AELE ne peuvent accomplir cette activité (Rapport de la Commission des institutions publiques du Conseil national du 5 novembre 2009 relatif à l'initiative parlementaire visant à faciliter l'admission et l'intégration des étrangers diplômés d'une haute école suisse ; FF 2010 373 ch. 3.1 p. 384 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 172 n. 26).

10. En l'espèce, la recourante, diplômée d'une haute école suisse à teneur de l'art. 2 al. 2 de la loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles du 30 septembre 2011 (LEHE - RS 414.20), soit de l’université, a bénéficié d’une autorisation de séjour d’une durée de six mois, en application de l’art. 21 al. 3 LEtr, du 25 juin au 25 décembre 2015, afin de chercher un emploi qualifié. L'autorisation étant arrivée à échéance, la recourante est tolérée depuis lors sur le territoire suisse par les autorités cantonales.

La dérogation de l'art. 21 al. 3 LEtr ne lui étant plus applicable, l'ordre de priorité prévu à l'art. 21 al. 1 et 2 LEtr doit être respecté.

11. Selon les éléments du dossier, M. D______ a informé l'OCE, le 22 juillet 2016, d'un poste vacant d'éducateur spécialisé au sein de son centre. Il recherchait un candidat plurilingue (français, anglais et portugais) étant au bénéfice d'une formation universitaire complète en psychologie et en sciences de l'éducation, et, ayant été sensibilisé aux méthodes d'éducation cognitive. Ledit poste a été enregistré comme vacant par l'OCE jusqu’au 5 août 2016. Le 11 août suivant,
M. D______, à qui l'OCE avait assigné deux candidates pour le poste d'éducateur spécialisé, leur a transmis une liste récapitulative, confirmant que celles-ci avaient pris contact avec lui et avaient été reçues en entretien, mais qu'il n'en avait engagée aucune car elles manquaient de formation en éducation cognitive et l'une d'elles n'avait pas d'expérience avec les enfants. Il avait engagé la recourante qui s'était d'elle-même proposée pour le poste, le 6 août 2016, au motif qu'elle répondait en tous points aux exigences du poste et que les recherches en vue de pourvoir le poste avec une personne issue du marché local n'avaient pas abouti. Il avait ainsi sollicité auprès de l'OCIRT une autorisation de travail en sa faveur le 25 août 2016.

Au regard des compétences, élevées et spécifiques, exigées pour cet emploi, l'employeur de la recourante aurait dû effectuer des recherches plus poussées et sérieuses, avant de conclure que celles-ci n’ont pas abouti. La seule publication de l’annonce auprès de l’OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. M. D______ n’a pas fait appel à des sociétés privées spécialisées dans le placement de cadres, il n’a pas utilisé la presse spécialisée, ni les sites internet voués exclusivement à l’emploi. L'employeur, qui connaissait déjà la recourante et ses qualités professionnelles, n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour engager une personne sur le marché local ou sur celui de l’UE/AELE, son choix s’étant déjà porté sur cette dernière.

Certes, les exigences et critères très stricts de M. D______ quant aux compétences dont doivent faire preuve les candidats au poste ne semblent guère lui faciliter la tâche en matière de recrutement. Ceux-ci ne sauraient toutefois en aucun cas fonder une dérogation à l’ordre de priorité (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; C-6074/2010 précité consid. 5.3).

Dès lors, faute de ne pas avoir élargi ses recherches, M. D______ n’est pas parvenu à démontrer qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État de l’UE/AELE ne pouvait être recruté, en lieu et place de l'intéressée.

L’ordre de priorité n’a donc pas été respecté.

12. Par conséquent, les conditions relatives à l'admission d'un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée étant cumulatives et le défaut de l'une d'entre elles dans le cas d'espèce étant avéré, tant l'OCIRT que le TAPI ont correctement appliqué la loi et n'ont pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en refusant de donner suite à la demande de l'employeur tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme A______.

13. Le recours de Mme A______ sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2017 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat de la recourante, à l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.


 


Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

 
Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.