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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2669/2020

ATA/1098/2021 du 19.10.2021 sur JTAPI/637/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2669/2020-PE ATA/1098/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 octobre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nadia Meylan, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 juin 2021 (JTAPI/637/2021)


EN FAIT

1) Ressortissant portugais né le ______ 1979, Monsieur A______ est arrivé à Genève le 30 septembre 1990 dans le cadre du regroupement familial avec sa mère, Madame B______, de nationalité suisse.

Il a été élevé en Suisse par sa mère et son beau-père, Monsieur C______, citoyen suisse, tous deux parents de Madame D______, née le ______ 1988.

L'intéressé est père de E______ et de F______, nés respectivement le ______ 1996 et le ______ 2001, ressortissants suisses. Le second réside en France depuis 2003.

2) En janvier 1991, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

3) Par jugement du 31 mai 2012, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) a jugé que M. A______ avait droit à une rente d'invalidité entière, fondée sur un taux d'invalidité de 100 % à compter du 1er octobre 2002.

4) Par jugement du 28 août 2013, le Tribunal criminel du canton de Genève l'a reconnu coupable de meurtre et d'infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires et les munitions du 20 juin 1997 (LArm - RS 514.54) et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de six ans et six mois, sous déduction des jours de détention avant jugement, et l'a soumis à un traitement ambulatoire.

Le 8 novembre 2011, dans un centre commercial de Genève, il avait fait feu à cinq reprises avec un revolver sur une connaissance qui l'avait invectivé et poussé au sol, le blessant mortellement. Il ressortait de l'expertise réalisée dans le cadre de l'instruction qu'il souffrait d'un trouble mixte de la personnalité, de syndromes de dépendance aux opiacés, au cannabis et à l'alcool. Au moment des faits, il était sous influence du cannabis, de la méthadone et de l'alcool, l'alcoolémie relevée dans son sang étant proche de 2 ‰.

5) Par arrêt du 19 juin 2014, la chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) a déclaré M. A______ coupable de meurtre, de mise en danger de la vie d'autrui ainsi que d'infraction à la LArm et à la LStup et l'a condamné à une peine privative de liberté de dix ans, sous déduction des jours de détention subis avant jugement. Elle a également ordonné qu'il soit soumis à un traitement ambulatoire.

6) Le 7 octobre 2015, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de M. A______.

7) Le 4 novembre 2015, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a fait part au précité de son intention de proposer au département de la sécurité et de l'économie (actuellement le département de la sécurité, de la population et de la santé, ci-après : DSPS ou le département) de révoquer son autorisation d'établissement. Il lui a accordé un délai pour faire valoir son droit d'être entendu.

8) M. A______ a demandé à l'OCPM de surseoir à statuer jusqu'à l'établissement d'un plan d'exécution de sa sanction, qui permettrait de bénéficier d'informations utiles sur sa dangerosité. En l'absence de telles informations, l'OCPM devait ordonner une expertise portant sur sa dangerosité, compte tenu du suivi thérapeutique et des mesures ordonnées par la justice pénale. Il a encore expliqué que l'office cantonal de l'assurance-invalidité n'avait pas encore donné suite à l'arrêt de la chambre des assurances sociales.

9) Le 27 avril 2016, l'office cantonal des assurances sociales a soumis à l'intéressé un projet de rente AI. Compte tenu de l'arrêt de la chambre des assurances sociales, il avait droit à une rente entière. Son droit prenait naissance dès le 1er novembre 2002.

10) Par décision du 29 avril 2016, le département a révoqué l'autorisation d'établissement de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse. Il était invité à quitter la Suisse dès sa sortie de prison.

Il avait été condamné à une peine privative de liberté de longue durée et avait irrémédiablement porté atteinte au bien juridique de la plus haute importance, à savoir la vie, ce qui tendait à démontrer qu'il représentait une menace importante pour l'ordre et la sécurité publics. Il avait également été condamné à une mesure, et un suivi psychiatrique avait été mis en place. Le plan d'exécution de la sanction était en cours d'élaboration.

La durée de son séjour en Suisse – 25 ans – devait être relativisée par rapport à sa lourde condamnation pénale. Il n'avait par ailleurs pas occupé d'emploi stable avant de bénéficier de sa rente AI, ne disposait d'aucune formation et avait émargé à l'aide sociale. Il ne pouvait ainsi se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle réussie. Il n'avait jamais vécu avec ses enfants et rien n'indiquait que des liens affectifs et économiques forts aient existé entre eux.

Lorsqu'il avait commis les infractions, il entretenait une relation forte et étroite avec sa mère et sa [demi-]soeur. La présence de sa famille à Genève ne constituait en rien un facteur dissuasif ou stabilisateur plaidant en sa faveur. Le suivi psychiatrique et son abstinence à l'alcool et au cannabis, en milieu fermé, ne sauraient suffire pour écarter le risque de récidive, au vu de sa très forte dépendance durant de longues années avant son incarcération, de ses troubles comportementaux et de son extrême vulnérabilité affective. Ces éléments étaient propices à la récidive, ce qui représentait une menace actuelle pour l'ordre et la sécurité publics.

L'intérêt public à son éloignement l'emportait sur son intérêt à poursuivre son séjour en Suisse. Il pourrait toujours percevoir sa rente d'invalidité au Portugal et serait à même d'y trouver un appui psychiatrique.

11) Le 2 juin 2016, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de cette décision.

12) Par jugement du 20 juin 2017, le TAPI a rejeté son recours.

M. A______ ne bénéficiait ni de l'autorité parentale ni de la garde de ses enfants et n'avait pas établi qu'il ait participé à leur entretien ou à leur éducation. Il ne pouvait se prévaloir de la relation avec eux pour invoquer la protection de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Son séjour d'une durée de 20 ans, ses deux enfants de nationalité suisse, la présence en Suisse de sa mère, devaient être contrebalancés par le fait qu'il avait été condamné à une peine privative de liberté de dix ans pour meurtre.

Son évolution depuis son incarcération semblait certes positive, au vu notamment de son abstinence aux stupéfiants et à l'alcool et de la mise en œuvre d'un traitement psychiatrique. Toutefois, elle devait être relativisée, eu égard au fait qu'elle se déroulait en milieu carcéral fermé. Nonobstant l'amélioration apparente de son comportement, le recul nécessaire pour évaluer celle-ci dans la durée faisait défaut, les liens avec sa famille ne l'ayant pas empêché d'adopter un comportement criminel particulièrement grave.

Il était arrivé sur le territoire suisse à l'âge de 11 ans, après avoir passé l'essentiel de son enfance au Portugal, de sorte qu'il devait avoir conservé des connaissances de sa langue maternelle et qu'il ne pouvait être considéré comme totalement étranger aux us et coutumes de son pays. Un retour au Portugal ne devrait donc pas constituer un déracinement insurmontable. Il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle réussie en Suisse, puisqu'il ne bénéficiait d'aucune formation, n'avait jamais occupé d'emploi stable et recevait une rente invalidité complète. Il serait en mesure de la percevoir au Portugal, conserverait la possibilité de rendre visite à sa famille lors de séjours touristiques et celle-ci pourrait aller le trouver dans son pays.

Enfin, le TAPI n'avait pas à attendre la fin de la mesure thérapeutique effectuée durant l'exécution de la peine pour statuer sur la révocation de son autorisation d'établissement.

13) Par arrêt du 19 décembre 2017, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a rejeté le recours formé par M. A______ contre ce jugement. Le Tribunal fédéral en a fait de même le 21 septembre 2018, (arrêt 2C_144/2018).

14) Par jugement du 5 juillet 2018, le Tribunal d'application des peines et mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la levée de la mesure de traitement ambulatoire et a ordonné en lieu et place un traitement institutionnel. La poursuite de ce traitement a été ordonnée par le TAPEM le 11 juillet 2019.

15) Le 21 janvier 2020, Mme B______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour en faveur de son fils.

Il avait été incarcéré de 2011 à 2018 à la prison de Champ-Dollon, puis à l'Établissement de la Brenaz. En octobre 2018, il avait été transféré à la clinique de Belle-Idée, dans un établissement semi-ouvert, qui lui donnait droit à des soins psychiatriques, ainsi qu'à des sorties programmées.

Il était sous le coup d'un renvoi au Portugal, pays qu'il avait quitté à l'âge de 10 ans, mais où personne n'était en mesure de l'accueillir ni de l'orienter dans ses démarches. En outre, il se trouvait dans un état de santé épouvantable et, à l'âge de 40 ans, avait l’âge mental d'un adolescent. Le renvoyer au Portugal équivalait à l'envoyer « à l'abattoir ».

16) L'OCPM a fait part à Mme B______ de son intention de refuser de délivrer une autorisation de séjour à son fils, qui était tenu de quitter la Suisse au terme du traitement dont il faisait l'objet. Un délai lui était accordé pour faire valoir par écrit son droit d'être entendue.

17) Le 22 juin 2020, M. A______ a demandé à l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour.

18) Par décision du 2 juillet 2020, l'OCPM a refusé d'octroyer à M. A______ une autorisation de séjour et a rappelé qu'il était tenu de quitter la Suisse dès qu'il aurait satisfait à la justice helvétique. Il ne disposait d'aucun moyen financier, étant précisé que le versement de sa rente AI était suspendu durant l'exécution de sa peine et que le montant de celle-ci n'était pas connu.

En outre, même s'il bénéficiait d'un régime de sorties accompagnées avec sa mère, il présentait un risque de récidive. Le meurtre qu'il avait commis était très grave, confinant à l'assassinat. Tous les aspects concernant son recours au Portugal au terme de la mesure institutionnelle avaient déjà été pris en compte dans la décision du 29 avril 2016, confirmée par le Tribunal fédéral. Dès lors que l'examen de la proportionnalité imposé par l'art. 96 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) se confondait avec celui prévu par l'art. 8 § 2 CEDH, la question de savoir s'il pouvait se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pouvait dès lors demeurer ouverte. Au demeurant, son fils n'habitait pas en Suisse, mais en France, à Thonon et avait atteint l'âge de la majorité. Enfin, selon la jurisprudence, lorsque les conditions de révocation d'une autorisation d'établissement étaient réalisées, l'autorité ne pouvait délivrer un permis de séjour.

19) Par acte du 3 septembre 2020, M. A______ a recouru devant le TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l'OCPM lui délivre une autorisation de séjour.

La peine qui lui avait été infligée était importante, mais elle ne reflétait plus la menace qu'il représentait pour la société. Les faits étaient survenus il y a dix ans. Depuis son incarcération, il suivait une thérapie sans interruption et avait évolué de manière positive. Le service de probation recommandait de lui permettre de gagner en autonomie et de démontrer ses capacités de respect du cadre en ayant la possibilité de sortir sans accompagnement par le personnel soignant en-dehors de Belle-Idée. Or, si les professionnels médicaux et sociaux l’avaient progressivement autorisé à sortir sans accompagnement, c'était de toute évidence qu'ils considéraient comme ténu le risque de récidive. Dès lors, compte tenu de la grande diminution du risque de récidive, il ne se justifiait plus de lui refuser un titre de séjour.

En outre, il avait fait preuve d'une très bonne conduite durant toute la durée de son incarcération ; il vivait en Suisse depuis plus de trente ans. Il ne parlait pas le portugais. Sa seule famille résidait en Suisse et, du fait de son trouble de la personnalité, il dépendait largement d'autrui, dont sa mère. Il bénéficiait d'une rente AI entière et disposait ainsi de ressources financières suffisantes. À sa sortie, il aurait automatiquement droit à la percevoir. Rien n'indiquait par ailleurs qu'au vu de son évolution médicale, cette rente pourrait lui être retirée. Si tel était le cas, il appartiendrait à l'OCPM de révoquer son permis de séjour.

C'était à tort que l'OCPM avait estimé qu'il ne pouvait pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH du fait que le Tribunal fédéral avait déjà pris en compte tous les aspects concernant son retour au Portugal. En effet, quatre ans s'étaient écoulés depuis lors et sa situation avait évolué. Son fils Léo lui rendait fréquemment visite et il entretenait avec lui de bonnes relations depuis plusieurs années. Un renvoi au Portugal nuirait à cette situation. Sa mère était constamment présente dans sa vie. Invalide à 100 %, ses chances de réinsertion dans son pays d'origine étaient proches de zéro.

L'OCPM avait indûment retenu que l'octroi d'un permis de séjour ne serait pas envisageable, lorsque les conditions de révocation d'une autorisation d'établissement étaient remplies. En effet, elle n'avait en rien procédé à l'examen des conditions de révocation d'une telle autorisation, laquelle n'était plus actuelle et datait de plusieurs années.

20) Par jugement du 1er octobre 2020, le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement institutionnel en établissement ouvert jusqu'au prochain contrôle annuel, étant rappelé que cette mesure était valable jusqu'au 4 juillet 2023.

21) L'OCPM a proposé le rejet du recours.

22) Par jugement du 22 juin 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé se prévalait à tort de changements de circonstances en soutenant en particulier qu’il ne représentait plus un danger pour la société. Il ressortait des jugements successifs du TAPEM que la poursuite de la mesure institutionnelle se justifiait. Les autres motifs invoqués avaient déjà été examinés, notamment celui de la réintégration au Portugal. Enfin, en tant qu’il se prévalait de la relation avec son fils majeur, il était relevé que celui-ci vivait en France et non en Suisse.

23) Par acte expédié le 25 août 2021 à la chambre administrative, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au TAPI.

Son état de santé s’était beaucoup modifié. En sus des pathologies déjà mentionnées dans son recours au TAPI, il avait développé une insuffisance respiratoire, qui portait également atteinte à son activité cardiaque. Il était ainsi placé sous un appareil respirateur toutes les nuits et quelques heures pendant la journée. Il faisait néanmoins tous ses efforts pour poursuivre ses traitements thérapeutiques. Sa mère le soutenait dans ses efforts et apportait également son aide aux médecins.

Le risque de récidive avait été retenu à tort. Quand bien même la poursuite des traitements avait été estimée nécessaire, les spécialistes avaient retenu que le placement en milieu ouvert était le mieux adapté et devait permettre une évolution en milieu de vie/cadre social, des activités et des soins dans son intérêt. Le Service de probation avait recommandé de l’autoriser à sortir du domaine de Belle-Idée sans accompagnement. Ces décisions prouvaient que le risque de récidive était ténu.

Ses possibilités de réintégration devaient faire l’objet d’un nouvel examen. Son état de santé et sa capacité d’apprentissage, notamment du portugais, avaient diminué. Il était en situation d’obésité morbide et souffrait de troubles respiratoires et cardiaques. Sa mère, qui avait atteint l’âge de la retraite, n’avait plus les moyens de le soutenir, notamment de se rendre au Portugal.

Enfin, le TAPI n’avait pas examiné si les conditions de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne1 et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203) étaient remplies. Il entretenait une relation étroite avec son fils, qui lui rendait régulièrement visite. Sa mère constituait un pilier pour lui. Déjà avant qu’il soit incarcéré, elle était appelée à le soutenir quotidiennement dans le suivi des soins ou dans la gestion de ses affaires. Son trouble de la personnalité avait pour conséquence un manque d’autonomie et une forte dépendance d’autrui.

24) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne disposait d’aucune formation, avait émargé à l’aide sociale et n’avait pas occupé d’emploi stable. En dépit des éléments stabilisateurs tels la présence à Genève de sa mère et de sa demi-sœur et alors qu’il était déjà père de deux enfants, il avait commis un meurtre. La CPAR avait relevé qu’il s’agissait d’un cas grave. Il restait soumis à une mesure thérapeutique et continuait à évoluer dans le périmètre de Belle-Idée. Il continuait à représenter une menace pour l’ordre public. Par ailleurs, il n’avait pas établi des liens affectifs et économiques significatifs avec ses enfants, désormais adultes. Il pouvait trouver un appui psychiatrique au Portugal.

25) Dans sa réplique, le recourant a relevé que s’il n’avait pas acquis de formation et qu’il avait émargé à l’aide sociale, c’était en raison de ses problèmes psychiques. Le cadre stabilisateur évoqué par l’OCPM n’était pas de nature à le soigner. C’était en raison de ses troubles de schizophrénie paranoïde qu’il avait commis les infractions pour lesquelles il avait été condamné. Grâce au suivi médical, il disposait désormais de motifs stabilisateurs. La bonne évolution de sa maladie psychiatrique avait conduit au fait qu’il était libre de ses allées et venues sur le domaine de Belle-Idée et était habilité à quitter ce domaine pour se rendre chez sa mère une fois par semaine.

En cas de départ de Suisse, il ne pourrait plus que très peu revoir son fils. Sa mère constituait pour lui une aide indispensable. Enfin, il n’avait plus aucun lien avec le Portugal, dont il ne parlait pas la langue. Il a produit la note de frais de son avocate, dont il convenait de tenir compte dans le calcul des dépens.

26) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant ne sollicite pas expressément son audition, mais offre celle-ci à titre de moyen de preuve pour établir qu’il fournit tous les efforts possibles pour poursuivre l’ensemble de ses traitements thérapeutiques.

Il sera pris acte de cette volonté exprimée par le recourant, sans qu’il soit nécessaire de l’entendre à ce sujet.

3) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

4) Est litigieux le refus de l’OCPM d’accorder au recourant un titre de séjour, alors que le retrait de l’autorisation d’établissement est entré en force.

a. En principe, même si une autorisation de séjour a été refusée ou révoquée, l'octroi d'une nouvelle autorisation peut à tout moment être requis, à condition qu'au moment du prononcé, l'étranger qui en fait la requête remplisse les conditions posées à un tel octroi. Indépendamment du fait que cette demande s'intitule reconsidération ou nouvelle demande, elle ne saurait avoir pour conséquence de remettre continuellement en question des décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3).

b. Saisie d'une telle demande, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a).

De jurisprudence constante, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas en tant que tel un motif justifiant une reconsidération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l'intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d'entraîner une reconsidération de la décision incriminée (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4045/2007 du 5 décembre 2007).

c. En l’espèce, l’OCPM a traité la demande comme une nouvelle demande de séjour, qu’il a refusée.

Il convient donc d’examiner si le recourant peut se voir octroyer une autorisation de séjour.

5) a. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEI).

Les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante selon les modalités prévues aux chap. II à IV. Ce droit est constaté par la délivrance d'un titre de séjour ou spécifique pour les frontaliers (art. 2 al. 1 ALCP).

Comme l'ensemble des droits octroyés par l'ALCP, le droit de demeurer en Suisse ne peut être limité que par des mesures d'ordre ou de sécurité publics, au sens de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP (ATF 140 II 112 consid. 3.6.2). Les droits octroyés par les dispositions de l'ALCP ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (art. 5 al. 1 Annexe I de l'ALCP).

b. Le recours par une autorité nationale à la notion d' « ordre public » pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du trouble de l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société (ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; arrêt 2C_238/2012 du 30 juillet 2012 consid. 2.3). La seule existence d'antécédents pénaux ne permet donc pas de conclure (automatiquement) que l'étranger constitue une menace suffisamment grave pour l'ordre et la sécurité publics. Il faut procéder à une appréciation spécifique du cas, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas obligatoirement avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne sont déterminantes que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle et réelle et d'une certaine gravité pour l'ordre public (ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; 134 II 10 consid. 4.3). Il n'est pas nécessaire d'établir avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir pour prendre une mesure d'éloignement à son encontre ; inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce à une telle mesure. Ce risque ne doit pas être admis trop facilement et il faut l'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances du cas, en particulier au regard de la nature et de l'importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité de l'atteinte qui pourrait y être portée. L'évaluation de ce risque sera d'autant plus rigoureuse que le bien juridique menacé est important (ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; 130 II 493 consid. 3.3 et les références). À cet égard, le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, étant précisé que la commission d'infractions qui sont en étroite relation avec la toxicomanie du délinquant peuvent, selon les circonstances, atténuer cette position de principe (ATF 139 II 121 consid. 5.3 et les références citées).

Le fait que l’étranger fasse preuve d’un comportement adéquat durant l’exécution de sa peine est généralement attendu de tout délinquant (arrêts du Tribunal fédéral 2C_142/2017 du 19 juillet 2017 consid. 6.1 ; 2C_139/2014 du 4 juillet 2014 consid. 4.4 ; 2C_791/2013 du 22 octobre 2013 consid. 5). Par ailleurs, la libération conditionnelle n’est pas décisive pour apprécier la dangerosité pour l’ordre public de celui qui en bénéficie. En effet, le droit pénal et le droit des étrangers poursuivent des buts différents et sont applicables indépendamment l’un de l’autre : le premier prend en compte la possibilité de réinsertion sociale du condamné, le second se base sur une appréciation de la sauvegarde de la sécurité et de l’ordre publics (ATF 137 II 233 consid. 5.2.2 ; 130 II 176 consid. 4.3.3).

6) En l’espèce, les faits ayant donné lieu à la condamnation du recourant ont eu lieu en novembre 2011. Ils se sont, certes, produits il y a près de dix ans. Cela étant, au vu de leur gravité, leur relative ancienneté ne permet pas d’écarter un risque de récidive.

La gravité des infractions pénales commises, notamment le meurtre, la mise en danger de la vie d'autrui et les infractions à la LArm et à la LStup ainsi que la gravité de la faute retenue par l’autorité de jugement pénale ne permettent pas de relativiser à ce point ses agissements pour ne pas admettre un risque de récidive concret.

Le TAPEM a, certes, en 2018 ordonné la levée de la mesure de traitement ambulatoire et prononcé en lieu et place un traitement institutionnel, mieux adapté à la situation du recourant. Il a relevé que l'alternative de la progression du plan d'exécution de la sanction apparaissait moins adaptée au vu des capacités de travail et de la lourdeur des soins nécessaires. En juillet 2019, le TAPEM a retenu qu’un travail continu d'abstinence aux toxiques était en cours et que le recourant reconnaissait la gravité de l'acte commis et exprimait ses remords. Il reconnaissait le lien entre son délit et une pathologie psychiatrique couplée avec une maladie addictive. Il identifiait la nécessité d'un suivi thérapeutique et l'intégrait dans ses projections dans l’avenir. Il était capable d'identifier les symptômes principaux de son trouble et de faire appel à l'aide. La prise en charge du précité était caractérisée par l'introduction de diverses activités thérapeutiques individuelles ainsi qu'un suivi psychothérapeutique. Une exacerbation de nombreuses comorbidités somatiques nécessitant un suivi pluridisciplinaire occupait une large partie de sa prise en charge. Dans ce contexte, il était accompagné par sa mère lors de diverses consultations. Sa capacité d'introspection, plutôt modeste, couplée avec un fonctionnement psychologique dépendant, nécessitait un suivi psychiatrique, notamment psychothérapeutique à long terme et le patient parvenait à s'y projeter dans l'avenir. Le TAPEM a considéré que le traitement institutionnel en cours était parfaitement adapté et que, dans la mesure où le travail de fond n'en était qu'à ces débuts, il devait être poursuivi.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans partage la conclusion du TAPI selon laquelle, dès lors que la mesure institutionnelle était poursuivie, rien n'indiquait que le traitement ait réussi et que le recourant ne constituait plus un danger pour autrui.

Au vu de ces circonstances et compte tenu de la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral en matière d’infractions graves, tant la gravité des faits ayant donné lieu à une lourde condamnation que le maintien de la mesure pénale permettent de retenir l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public, propre à justifier une limitation de son droit de séjour découlant de l'ALCP, conformément à l'art. 5 par. 1 annexe I de celui-ci.

7) Le recourant se prévaut de son impossibilité à se réintégrer au Portugal, de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 20 OLCP.

a. Aux termes de l’art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3). Un séjour légal d'environ dix ans permet, en principe, de se prévaloir de l'art. 8 CEDH sous l'angle de la vie privée, les relations sociales s’étant intensifiées au point que des raisons particulières étaient nécessaires pour mettre fin au droit de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2017 du 8 mai 2018 consid. 3.9 ; 2C_743/2018 du 11 septembre 2018 consid. 5.2).

Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1; 137 I 284 consid. 1.3). Les relations visées par l’art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa ; 120 Ib 257 consid. 1d ; ATA/519/2017 du 9 mai 2017 consid. 10c).

La CourEDH a considéré qu'un ressortissant kosovar souffrant de divers problèmes de santé - notamment des troubles douloureux généralisés, une dépression et une hypothyroïdie primaire ayant conduit à évaluer son taux d'invalidité à 80 % - et dont les deux enfants majeurs le prenaient en charge financièrement, s'occupaient du ménage, faisaient ses achats, le soignaient, le lavaient et l'habillaient, se trouvait dans un lien de dépendance avec ceux-ci relevant de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH dans la mesure où il avait besoin de leur aide pour faire face à sa vie quotidienne et que ses enfants étaient ses premières personnes de référence (ACEDH I.M. c. Suisse du 9 avril 2019, 23887/16, § 62).

b. Une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale est néanmoins possible pour autant qu’une telle mesure soit notamment nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, ce qui implique une pesée des intérêts en présence et l’examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 135 II 377 consid. 4.3 ; 135 I 153 consid. 2.1 et 2.2). Il n’y a pas d’atteinte à la vie familiale si l’on peut attendre des membres de la famille qu’ils réalisent leur vie de famille à l’étranger, l’art. 8 CEDH n’étant pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d’un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l’étranger auquel une autorisation de séjour a été refusée (ATF 140 I 145 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_165/2014 du 18 juillet 2014 consid. 4.1). En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d’emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l’art. 8 par. 2 CEDH, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, et de mettre en balance l’intérêt privé à l’obtention d’un titre de séjour et l’intérêt public à son refus (ATF 140 I 145 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_797/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1 ; 2C_165/2014 du 18 juillet 2014 consid. 4.1).

c. Enfin, la prévention d’infractions pénales et la mise en œuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constituent des buts légitimes au regard de l'art. 8 par. 2 CEDH (ATF 135 I 153 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_933/2014 du 29 janvier 2015 consid. 4.3.1 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 6.3).

S'agissant d'infractions graves, la CourEDH a admis que les autorités en matière de droit des étrangers fassent preuve de fermeté (ACEDH du 15 novembre 2012, Kissiwa Koffi c. Suisse, Req. n° 380005/07 § 65 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 5.1). Aux termes de l'art. 121 al. 3 let. a Cst., le trafic de drogue est une infraction qui conduit à la perte de tous droits à séjourner en Suisse. Si cette disposition n'est pas directement applicable, elle exprime un jugement de valeur, et montre que cela n'entre pas en contradiction avec le droit supérieur (ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2014 du 27 mars 2015 consid. 2.2.3 ; 2C_46/2014 du 15 septembre 2014 consid. 3.3).

d. L'examen de la proportionnalité de la mesure imposé par l'art. 96 LEI se confond avec celui imposé par les art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH. Il n'y a donc pas lieu de procéder à une analyse séparée de ces dispositions (arrêts du Tribunal fédéral 2C_156/2018 du 5 septembre 2018 consid. 6.2 ; 2C_89/2018 du 16 août 2018 consid. 5.1).

e. Aux termes de l'art. 20 OLCP, si les conditions d'admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l'Accord entre la Confédération suisse d'une part et la Communauté européenne et ses États membres d'autre part sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681), une autorisation de séjour peut être délivrée lorsque des motifs importants l'exigent. Il n'existe cependant pas de droit en la matière, l'autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l'approbation du SEM (art. 29 OLCP). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

S'agissant de la notion de « motifs importants », il convient de s'inspirer, par analogie, de la jurisprudence et de la pratique relatives à l'application de l'art. 36 de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE). L'existence de « raisons importantes » au sens de cette dernière disposition constitue une notion juridique indéterminée qu'il convient d'interpréter en s'inspirant des critères développés par la pratique et la jurisprudence en relation avec les cas personnels d'extrême gravité au sens de l'art. 13 let. f OLE, qui correspond à l'art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5385/2009 du 10 juin 2010 consid. 6.2).

f. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

g. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

8) En l’espèce, le recourant peut se prévaloir de son droit à la protection de la vie privée conféré par l’art. 8 CEDH. Se pose ainsi la question de savoir si le refus de lui octroyer une autorisation de séjour et son renvoi constituent une atteinte inadmissible à ce droit, heurtant le principe de la proportionnalité

À cet égard, il convient de relever que son intégration socio-professionnelle ne saurait être qualifiée de réussie. Celui-ci n’a ni acquis de formation, ni exercé d’emploi stable avant son invalidité et n’allègue pas s’être investi d’une quelconque manière dans la vie sociale, culturelle ou associative à Genève. Contrairement à ce qu’il soutient, il ne ressort pas du dossier que son état de santé l’aurait déjà empêché à l’adolescence de suivre une formation.

Par ailleurs, la commission d’infractions graves dénote son incapacité à se conformer à l’ordre juridique suisse. En outre, pour les motifs évoqués plus haut, le risque qu’il commette à nouveau des infractions ne peut être suffisamment écarté.

Il est indéniable qu’il rencontrera des difficultés importantes de réintégration. Ayant quitté le Portugal à l’âge de 11 ans et étant âgé de 42 ans, il a passé la majeure partie de sa vie à Genève. Cela étant, en l’absence d’intégration sociale et professionnelle en Suisse, il ne retrouvera pas une situation différente, de ce point de vue, au Portugal.

Contrairement à la jurisprudence de la CourEDH cité ci-dessus en relation avec l’art. 8 CEDH, le recourant est majeur et ne fait pas ménage commun avec sa mère, dès lors qu’il réside à Belle-Idée. Par ailleurs, si sa mère l’accompagne aux rendez-vous médicaux, il n’est pas allégué qu’elle participerait à sa prise en charge quotidienne. En particulier, il n’est pas établi ni d’ailleurs allégué qu’elle lui administrerait des soins ou l’aiderait dans ses gestes quotidiens (hygiène personnelle, repas, habillage etc.). Le recourant ne se trouve donc pas dans un rapport de dépendance telle à l’égard de sa mère – pas plus que de son fils d’ailleurs – qu’un renvoi de Suisse porterait atteinte à l’art. 8 CEDH. Par ailleurs, il pourra continuer à entretenir des relations continues avec sa mère et son fils grâce aux moyens de télécommunication modernes, notamment.

En outre, sa rente invalidité continuera à lui être versée au Portugal et il n’est pas allégué que les soins nécessaires à son état de santé tant physique que psychique ne seraient pas disponibles au Portugal. Au contraire, il est notoire que le Portugal dispose d’un système de santé apte à assurer les soins médicaux nécessaires à l’ensemble des troubles de la santé.

Ainsi, au vu de l’ensemble des circonstances ainsi que de la gravité des infractions commises, dont celle de l’atteinte au bien suprême qu’est la vie, l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse doit céder le pas à l’intérêt public à son éloignement.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la CEDH ou la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant d’octroyer au recourant une autorisation de séjour.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 août 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nadia Meylan, avocate du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.