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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10945/2023

ACPR/813/2023 du 18.10.2023 sur OCL/726/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 20.11.2023, 7B_911/2023
Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;SOUPÇON;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DISJONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.319; CP.123; CP.126; CP.177; CP.144; CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10945/2023 et P/27133/2022 ACPR/813/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 21 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 2 juin 2023, A______ recourt contre deux ordonnances du 21 mai 2023, notifiées le 23 suivant, par lesquelles le Ministère public a 1) dans la procédure P/27133/2022, ordonné la disjonction de la procédure sous le présent numéro, et, 2) dans la présente procédure, rejeté ses réquisitions de preuve et classé la procédure à l'égard de C______.

Le recourant conclut, sous suite d'indemnité de CHF 1'615.50, à l'annulation des ordonnances précitées et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'admettre sa réquisition de preuve du 11 mai 2023 et de reprendre l'instruction, y compris sur les dommages à la propriété.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 14 décembre 2022 a eu lieu, à Genève, une altercation entre deux automobilistes. Le lendemain, tous deux ont déposé plainte pénale, l'un contre l'autre. Les plaintes ont été enregistrées sous le numéro de procédure P/27133/2022.

b. La plainte de A______, pour insultes, "coups reçus" et dommages à la propriété sur son véhicule, précise que ce jour-là, il était accompagné de son fils adolescent. Après qu'il eut effectué une manœuvre de dépassement à l'avenue Giuseppe-Motta, le conducteur du véhicule dépassé, C______, l'avait notamment traité de "connard" et "enculé de ta race" lorsqu'ils s'étaient retrouvés à l'arrêt pour les besoins de la circulation.

Arrivé devant son lieu de travail, la société D______ SA [dont il est salarié mais inscrit au Registre du commerce avec signature collective à deux], à la rue 2______, il avait remarqué que C______, qui était également accompagné de son fils, l'avait suivi. Tous deux avaient critiqué la manière de conduire de l'autre, qu'ils jugeaient inconsciente. C______ l'avait alors empoigné avec ses deux mains par le col de la veste. Lui-même avait voulu le repousser avec ses bras et, "dans la foulée [il avait] pris un coup de poing sur le côté gauche de [s]a mâchoire". Il ne se souvenait plus avec quelle main le précité l'avait frappé, à une seule reprise. De rage, lui-même avait asséné un coup sur le capot de C______ avant d'entrer dans l'entreprise. Il en était ressorti avec une barre de fer pour menacer C______, lequel s'était jeté sur lui. Il ne se souvenait plus de la suite des événements. Ils avaient été séparés par plusieurs collègues, parmi lesquels E______.

Il a produit un constat médical, établi le même jour, à teneur duquel le médecin déclare avoir constaté une douleur à la palpation de l'articulation temporo-mandibulaire gauche et une raideur cervicale. Les "lésions", d'origine traumatique, pouvaient avoir été causées par les "sévices" que le patient disait avoir subis.

Au procès-verbal d'audition figurent des photographies du véhicule de A______, prises par la police, où apparaît un enfoncement sur le pare-chocs arrière.

c. Dans sa plainte pour l'agression subie, C______ a exposé que la voiture conduite par le précité, s'était rabattue devant lui dangereusement. Plus loin, il avait vu le précité arrêté en double file. Après être sorti de son véhicule, il avait demandé à A______ comment il pouvait "conduire comme ça avec un enfant à bord". Après l'avoir insulté, A______ s'était approché de son visage. Il l'avait repoussé, en posant sa main "gauche" sur le torse du précité. A______ était parti en frappant sur le capot de sa voiture et était entré dans un local, dont il était ressorti avec une croix métallique pour dévisser les écrous des roues et l'avait frappé au visage avec cet objet. Des personnes étaient intervenues.

Il a produit un constat médical établi le 14 décembre 2022, lequel fait état d'un hématome en regard infra orbitaire gauche d'environ 5 cm, d'une fracture multi-fragmentaire de la paroi latérale de l'orbite gauche, d'une fracture en trois morceaux de l'arcade zygomatique gauche et d'une fracture du plancher de l'orbite gauche.

Au dossier est également jointe une lettre de F______, fils du plaignant, datée du 15 décembre 2022, dans laquelle le précité expose, s'agissant de la première partie de l'altercation, qu'un véhicule les avait dépassés dangereusement par la droite. Son père avait "fait part de son mécontentement" au conducteur.

d. Entendu par la police sur la plainte de A______, le 22 décembre 2022, C______ a contesté l'avoir insulté et avoir donné un coup à son véhicule. Il ne l'avait pas frappé, mais seulement repoussé.

e. Entendu sur la plainte de C______, le 23 décembre 2023, A______ a expliqué qu'après qu'ils étaient tous deux sortis de leurs véhicules, le précité l'avait "empoigné par [s]es habits". Il avait alors tenté de se débattre pour se dégager de l'emprise. Par la suite, lorsqu'il était muni de la barre de fer, C______ lui était "arrivé dessus", puis tout était allé très vite, il ne se souvenait plus de ce qu'il s'était passé, mais avait reçu un coup au visage, du côté gauche, ce qui avait fait tomber ses lunettes.

f. Par ordonnance pénale du 24 décembre 2022, A______ a été déclaré coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 2 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), injure (art. 177 al. 1 CP) et violation des règles de la circulation routière (art. 90 al 1 LCR).

Il y a formé opposition.

g. Par ordonnance du 16 mars 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre C______ pour voies de fait (art. 126 CP) et injure (art. 177 CP).

h. Lors de l'audience devant le Ministère public du même jour, A______ a exposé que C______ l'avait traité de "connard" et lui avait fait "une feinte de [lui] mettre un coup de poing" puis l'avait empoigné par la veste, en mettant ses mains à la hauteur de son col. C______ lui avait ensuite porté un coup au niveau de la mâchoire. Par la suite, lorsque lui-même était muni de la barre de fer, C______ lui avait encore donné un coup au visage. Le précité lui avait donc donné deux coups de poing, le premier lorsqu'ils étaient devant le véhicule, le second devant l'entrée du bureau. Il n'avait pas parlé à la police du second coup de poing, car il était encore perturbé par l'altercation.

C______ a quant à lui contesté avoir été violent à l'égard de A______. Il était accompagné de son fils, qui était sous-officier parachutiste, de sorte que "s'il y avait eu violence, cela aurait été différent et ce n'est pas trois chauffagistes qui lui aurai[en]t fait peur". Il avait repoussé A______ de sa main "droite" posée sur le torse du précité ; il ne pouvait pas utiliser la gauche en raison d'une ancienne blessure. Il n'avait pas frappé A______ au visage ni prononcé les insultes que celui-ci lui prêtait.

i. E______ – qui a lui-même reçu un coup "perdu" lorsqu'il s'est interposé et a déposé plainte pénale pour ce fait [qui a fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière non contestée] –, a déclaré être le collègue de A______ depuis neuf ans.

Depuis son bureau, à l'étage, il avait entendu A______ et C______ qui parlaient fort, et il y avait eu "un contact entre les deux". Il avait entendu des insultes mais ne savait pas qui les avait proférées. Il n'avait pas vu C______ frapper A______, ni les deux hommes faire le geste de donner une claque, il avait seulement vu "deux hommes se bousculer". Ensuite, A______ était parti en courant et C______ avait donné un coup de pied, sans qu'il puisse voir si ce dernier avait touché le pare-chocs du véhicule de A______. Il était descendu et avait rejoint des collègues, qui se trouvaient dehors. A______ était sorti avec une barre de fer et s'était retrouvé face à C______. Il y avait eu "des injures et des contacts". Il ne savait pas à quel moment C______ avait reçu le coup au moyen de la barre de fer.

j. Au procès-verbal de l'audience précitée est jointe une attestation – dactylographiée – du 27 février 2023, signée par G______, fils mineur de A______, dans laquelle l'adolescent expose que C______ avait traité son père de "connard" lorsqu'ils s'étaient arrêtés pour les besoins de la circulation. Ensuite, lorsque les deux hommes étaient sortis de leurs véhicules respectifs, C______ avait "empoigné" son père et l'avait "frappé". "[Son] père a[vait] réussi a un peu évité le coup et à se retirer du monsieur et il a tapé sur le capot de la voiture du monsieur et est rentré dans son bureau" (sic). Il avait ensuite vu C______ donner un coup de pied dans le coffre de la voiture de son père.

k. Par avis de prochaine clôture, les parties ont été invitées à présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve.

l. C______ a renoncé à requérir l'audition de son fils.

m. A______ a requis l'audition de H______, assistante administrative auprès de D______ SA, qui avait été témoin des faits.

n. Par ordonnance du 21 mai 2023, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police.

C. a. Dans l'ordonnance de classement, le Ministère public a rejeté la requête de A______ visant à faire auditionner H______, celle-ci étant "l'employée" du précité. Les collègues de A______ n'étaient de toute manière intervenus qu'à la fin de l'altercation.

Les déclarations des parties étaient contradictoires sur les injures alléguées, C______ ayant formellement contesté en avoir proféré. Selon les éléments du dossier, C______ avait uniquement exprimé, à A______, que sa manière de conduire était dangereuse. Il était dès lors peu probable que, lors de l'altercation routière, C______ eût injurié A______, de surcroît dans les termes que ce dernier avait indiqués. Faute d'autre élément de preuve objectif, aucun soupçon ne justifiait une mise en accusation. Quant aux voies de fait dénoncées, il était établi que C______ avait repoussé A______ au niveau de son torse. S'agissant d'une position défensive, le classement s'imposait (art. 15 CP). Faute d'éléments objectifs, il n'était pas retenu que C______ aurait empoigné A______ par le col de sa veste.

S'agissant du coup de poing allégué sur le côté gauche de la mâchoire, il y avait certes eu un contact physique entre les deux hommes, sans toutefois pouvoir déterminer de quelle manière. Dans tous les cas, au vu des graves blessures et du choc subis par C______, ce dernier avait été directement atteint par les conséquences de ses actes, de sorte qu'il y avait lieu de renoncer à toute poursuite pénale, en vertu de l'article 54 CP.

b. À l'appui de l'ordonnance de disjonction, le Ministère public, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, a retenu qu'il se justifiait de disjoindre la procédure ouverte contre C______, dès lors que la procédure concernant A______ pouvait suivre sa voie par-devant le Tribunal de police.

D. a. Dans son recours, A______ invoque un déni de justice, une constatation incomplète et erronée des faits, et une violation des art. 6, 308 et 319 CPP. H______ n'était nullement son employée, puisqu'il n'était ni administrateur, ni directeur ni actionnaire de D______ SA. Le témoignage de la précitée était capital. Par ailleurs, le Ministère public n'avait pas instruit les faits relatifs au dommage causé à l'arrière de son véhicule, pour lequel il produit une facture de réparation.

Son fils avait entendu C______ l'injurier, ce qu'il avait confirmé dans sa lettre versée à la procédure. D'ailleurs, C______ avait corroboré malgré lui les injures, en admettant qu'il était accompagné de son fils militaire, ce jour-là, et que s'il y avait eu de la violence "cela aurait été différent et ce n'est pas trois chauffagistes qui lui aurai[en]t fait peur". De plus, E______ avait confirmé l'avoir vu "se lancer des insultes" avec C______. Il ne pouvait donc être retenu que le précité n'avait proféré aucune injure. Aucun élément objectif ne permettait ainsi de faire primer les déclarations de celui-ci sur les siennes, bien au contraire, de sorte que la probabilité d'une condamnation était supérieure à celle d'un acquittement.

S'agissant des "coups échangés" – qu'il ne qualifie pas juridiquement –, il maintient que C______ l'avait empoigné avec ses deux mains par le col de la veste et, après que lui-même l'eut repoussé, lui avait porté un coup de poing sur le côté gauche de la mâchoire. Son fils avait, dans sa lettre du 27 février 2023, confirmé que C______ l'avait empoigné et frappé. E______ avait, quant à lui, mentionné les avoir vus se porter "quelques claques". Or, C______ avait déclaré, à la police, n'avoir fait que le repousser avec sa main gauche, pour ensuite, devant le Ministère public, expliquer l'avoir repoussé avec sa main droite car il ne pouvait utiliser l'autre, ce qui contredisait ses précédentes déclarations. Le Ministère public donnait la priorité aux déclarations de C______, alors qu'elles allaient à l'encontre des deux témoins oculaires et qu'aucun élément objectif ne permettait de retenir cette version. La bonne application de l'art. 54 CP ne pourrait être vérifiée qu'après l'audition de H______.

E______ avait vu C______ porter un coup de pied sur le bas de son véhicule et son fils expliquait d'ailleurs avoir vu "l'homme" donner un coup de pied "dans le coffre de notre voiture". Le dommage était avéré. Or, le Ministère public n'en faisait aucune mention dans son ordonnance de classement.

Enfin, l'ordonnance de disjonction conduisait à une séparation artificielle en deux procédures d'un seul complexe de faits.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La facture nouvellement produite devant l'autorité de recours est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant invoque une constatation erronée des faits (art. 393 al. 2 let. b CPP) s'agissant du témoin dont il a requis l'audition, celui-ci n'étant pas son employé, contrairement à ce que retenait indument l'ordonnance querellée.

S'il est vrai que ce lien de subordination ne résulte nullement des éléments au dossier, cette constatation a été corrigée dans l'état de fait établi ci-devant, la Chambre de céans jouissant d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.).

Au demeurant, cet élément n'a aucune incidence sur l'issue du recours.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte pour "les coups échangés" et injures.

4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a).

Cette condition doit être interprétée à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime signifie que, en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).

4.2. Aux termes de l'art. 123 al. 1 CP est punissable quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé.

L'art. 126 al. 1 CP vise quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé.

Les voies de fait se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a; ATF 117 IV 14 consid. 2a). Une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 191 et les références citées). Ont également été qualifiés de voies de fait: une gifle, un coup de poing/pied ou encore l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide ou le renversement d'un liquide ou solide (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 4.4).

4.3. En l'espèce, lors du dépôt de sa plainte pénale, le recourant a allégué avoir été frappé par le mis en cause au début de l'altercation. Lors de sa seconde audition par la police, il a déclaré avoir reçu un coup de poing lorsqu'il tenait la barre de fer, soit lors de la deuxième partie de l'altercation. Devant le Ministère public, il a expliqué avoir d'abord esquivé un coup de poing, puis en avoir reçu deux, l'un au début de l'altercation, l'autre dans la deuxième partie.

Le recourant estime que ses propos seraient confirmés par ceux de son collègue E______. Or, ce dernier n'a fait état que de "contacts" entre les deux protagonistes et a clairement précisé ne pas avoir vu le mis en cause frapper le recourant, ni les deux hommes faire le geste de donner une claque. Il les avait seulement vus "se bousculer", ce qui ne corrobore nullement les explications du plaignant.

Le recourant se réfère ensuite aux déclarations écrites de son fils. Outre que ce document – dactylographié – n'a pas la valeur d'un témoignage et qu'il y a lieu de prendre avec une grande retenue les propos d'un fils – qui plus est mineur – à l'égard de son père au vu du lien qui les unit, force est de constater que si l'adolescent allègue que son père aurait été "frappé" par le mis en cause, il ajoute qu'il (son père) "a réussi [à] un peu éviter le coup", ce qui semble faire référence à la "feinte" mentionnée par le recourant lui-même. Quoi qu'il en soit, ces déclarations ne confirment pas la version du recourant, qui a déclaré au Ministère public avoir évité un premier coup, puis reçu deux coups de poing, l'un sur la mâchoire, l'autre au visage.

À cet exposé des faits confus s'ajoute le constat médical, lequel se limite à évoquer une douleur à la palpation de l'articulation tamporo-mandibulaire gauche et une raideur cervicale.

Ainsi, ni les explications du recourant – qui ont fluctué –, ni les déclarations de son fils et de son collègue – qui ont assisté aux faits –, pas plus que le constat médical ne permettent de retenir une prévention suffisante que le recourant aurait subi des lésions corporelles, voire voies de fait, de la part du mis en cause.

Le témoignage d'une autre collègue, requis par le recourant, n'est pas de nature, au vu du constat médical, à modifier cette conclusion. Les contradictions du mis en cause, sur l'usage de l'une ou l'autre de ses mains – gauche ou droite – pour retenir le recourant, ne changent rien aux constats qui précèdent, pas plus que les allusions du mis en cause sur son fils militaire. Partant, le renvoi en jugement du mis en cause pour des "coups échangés" ne se justifie pas.

5.             Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir classé sa plainte pour injure.

5.1. L'art. 177 CP réprime le comportement de quiconque qui, autrement que par les actes visés aux art. 173 et 174 CP, attaque autrui dans son honneur par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait (al. 1). Le juge peut renoncer à prononcer une peine si l’injurié provoque directement l’injure par une conduite répréhensible (al. 2). Si l’injurié riposte immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge peut renoncer à prononcer une peine contre les deux auteurs ou l’un d’eux (al. 3).

5.2. En l'espèce, le recourant allègue que le mis en cause l'aurait injurié, lorsqu'ils se trouvaient encore sur la route, chacun dans son véhicule, ce que l'intéressé conteste. Les parties étaient accompagnées, chacune, de leur fils respectif, dont il y a lieu de considérer avec une grande retenue les déclarations, au vu des liens familiaux les unissant et, pour le fils du recourant, son jeune âge. Au demeurant, le fils du mis en cause ne fait état que de la manifestation d'un "mécontentement" et celui du recourant ne mentionne qu'une seule des deux injures alléguées par son père.

Les déclarations du collègue du recourant ne sont, pour le surplus, d'aucune utilité puisqu'il fait mention d'injures échangées, de part et d'autre, lors de la seconde partie de l'altercation. Cet échange, qui n'a aucune incidence sur la situation antérieure, n'est d'aucune utilité.

Ici également, faute d'élément suffisants, un renvoi en jugement du mis en cause est injustifié.

6.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit/statué sur sa plainte pour dommages à la propriété.

En l'occurrence, si cette infraction était certes mentionnée dans le procès-verbal valant dépôt de plainte, le recourant n'en a plus fait état par la suite et l'instruction n'a pas été ouverte pour ces faits. Le recourant n'a d'ailleurs versé la facture de réparation qu'à l'appui de son recours. Il ne saurait donc reprocher au Ministère public un déni de justice.

En revanche, dans la mesure où ces faits n'ont pas été instruits, ils auraient dû, si le Ministère public estimait qu'aucune prévention pénale n'était réalisée, faire l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière. Faute de décision préalable, la Chambre de céans ne peut se prononcer.

Partant, le recours sera admis sur ce point et la cause retournée au Ministère public pour qu'il statue sur cet aspect de la plainte, étant précisé qu'au regard de la nature procédurale du vice examiné et dans la mesure où la Chambre de céans n'a pas traité la cause sur le fond – ne préjugeant ainsi pas de l'issue de celle-ci –, il n'était pas nécessaire d'ordonner un échange d'écritures (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_662/2020 du 18 août 2020 consid. 2 et 6B_30/2020 du 6 avril 2020 consid. 2).

7.             Le recourant reproche encore à l'autorité précédente d'avoir ordonné la disjonction de la procédure.

7.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b).

Le principe d'unité de la procédure découle déjà de l'art. 49 CP et, sous réserve d'exceptions, s'applique à toutes les situations où plusieurs infractions, respectivement plusieurs personnes, doivent être jugées ensemble (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénales suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 1 ad art. 29). Ce principe tend à éviter les jugements contradictoires quant à l'état de fait, l'appréciation juridique ou la quotité de la peine. Il sert en outre l'économie de la procédure (ATF 138 IV 214 consid. 3; 138 IV 29 consid. 3.2).

7.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le Ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales. Elle sert, avant tout, à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Ces raisons objectives excluent en revanche de se fonder sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds.), op. cit., n. 2 ad art. 30).

7.3. En l'espèce, les plaintes respectives du recourant et du mis en cause ont été instruites sous le numéro de procédure P/27133/2022. À l'issue de l'instruction, la plainte du mis en cause a conduit au maintien de l'ordonnance pénale et au renvoi du recourant en jugement, dans le cadre de cette procédure-là. L'ordonnance de classement, s'agissant des faits visés par la plainte du recourant, a, en revanche, après disjonction de la procédure, été rendue sous le présent numéro de procédure.

Bien que l'on ne comprenne pas ce qui aurait empêché le Ministère public de rendre, dans la procédure P/27133/2022, une ordonnance de classement partielle s'agissant des faits qu'il entendait classer, la disjonction querellée, à part constituer une complication procédurale, ne lèse pas les droits du recourant puisqu'il pourra, à l'audience de jugement, se prévaloir de l'entier du complexe de faits, qui figure à la procédure susmentionnée.

Dans la mesure où l'ordonnance de classement est confirmée par le rejet du recours sur ce point, il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance de jonction.

8. En définitive, très partiellement fondé, le recours sera admis uniquement sur le grief examiné au consid. 6 supra et rejeté pour le surplus.

9. Le recourant, qui succombe très largement, supportera les neuf dixièmes des frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.-, soit CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

10. Le recourant, plaignant, a chiffré à CHF 1'615.50 l'indemnité de procédure requise, en précisant qu'elle correspondait à 7 heures 30 pour l'examen du dossier et la rédaction du recours par un avocat-stagiaire au tarif horaire de CHF 200.-.

10.1. Selon l'art. 433 al. 2 CPP, la partie plaignante adresse à l'autorité pénale ses prétentions, qu'elle doit chiffrer et justifier.

Le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

10.2. La Chambre de céans applique un tarif horaire de CHF 150.- pour un avocat-stagiaire (AARP/65/2017 du 23.02.2017 consid. 5.1).

10.3. En l'espèce, le recours n'étant admis que sur une infime partie des griefs soulevés, et sur un point dépourvu de toute complexité, l'indemnité accordée sera arrêtée à CHF 150.-, TVA à 7.7% en sus. Elle sera mise à la charge de l'État (ATF 141 IV 476 consid. 1.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet très partiellement le recours et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il statue sur la plainte de A______ pour dommages à la propriété.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ aux neuf dixièmes des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.- (soit CHF 900.-), et laisse le solde des frais (CHF 100.-) à la charge de l'État.

Dit que la somme précitée sera prélevée sur les sûretés versées et invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer le solde, soit CHF 100.-, au recourant.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 161.55 (TVA à 7.7% incluse) pour ses frais de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/10945/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

 

 

 

Total

CHF

1'000.00