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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8765/2018

ACPR/364/2021 du 03.06.2021 sur OCL/62/2021 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;IRRESPONSABILITÉ;FAUTE;FRAIS JUDICIAIRES;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);MALADIE MENTALE;AFFECTION PSYCHIQUE
Normes : CPP.319.al1.letd; CP.19; CPP.374; CP.52; CPP.426; CPP.419; CPP.429

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8765/2018 ACPR/364/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 3 juin 2021

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 25 janvier 2021 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 9 février 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 janvier 2021, notifiée le 2 février suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à son égard [par suite de la plainte déposée par B______] (art. 8 al. 1 et 319 al 1 let. e CPP ; ch. 1 du dispositif), a refusé de lui allouer une indemnité et/ou un montant à titre de réparation du tort moral (art. 430 al. 1 let. c CPP ; ch. 2 du dispositif) et l'a condamnée aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 6'408.90 (art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP ; ch. 3 du dispositif).

La recourante conclut au constat de son innocence ; à ce qu'elle soit dispensée de payer les frais de la procédure ; à ce que B______ soit condamné à lui payer CHF 5'000.- pour tort moral et à prendre en charge ses frais d'avocat, d'un total de CHF 14'482.- selon décompte du 14 novembre 2020 (auquel elle ajoute CHF 10'000.- d'autres frais liés à la procédure) ; à ce qu'un tort moral [non chiffré], commis par la justice, lui soit alloué ; à ce que l'autorité de recours renonce à l'avertissement ; à l'annulation de l'expertise psychiatrique "erronée" ; à ce que B______ soit informé de l'annulation de l'expertise psychiatrique et qu'il lui soit fait interdiction de l'utiliser ; à la reprise de la procédure parallèle P/1______/2018 ; au transfert de la procédure P/1______/2018 à un autre procureur, "qui ne connaît pas la mère du plaignant, juge en Valais" ; et à l'annulation de la procédure au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE).

b. Dans une lettre postée le 12 février 2021, A______ développe encore ses griefs.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale rendue le 15 novembre 2016 par le Ministère public (P/2______/2016), A______ a été condamnée à une amende pour utilisation d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP). Il lui était reproché d'avoir, entre 2015 et 2016, inquiété et importuné B______, son ancien collaborateur, en lui envoyant de très nombreux messages, e-mails et courriers ainsi qu'en l'appelant à réitérées reprises, malgré que celui-ci lui avait demandé de cesser. Le précité avait déposé plainte pénale le 11 mars 2016. La prévenue avait reconnu les faits, tout en expliquant avoir répondu à des sollicitations du plaignant.

A______ ayant formé opposition, les parties ont été confrontées par le Ministère public, le 21 décembre 2016, audience au cours de laquelle la précitée s'était engagée à ne plus contacter B______. Elle a retiré l'opposition.

b. Le 12 mai 2018, B______ a déposé une nouvelle plainte pénale contre A______, exposant que cette dernière s'imposait à nouveau dans son quotidien sans y être invitée. Courant 2017, la fille de la précitée s'était rendue à plusieurs reprises sur son profil J______, puis une amie de A______ l'avait appelé pour qu'il accepte une rencontre avec la précitée, ce qu'il avait refusé. Le 20 février 2018, il avait reçu un message inaudible sur son répondeur, appel provenant d'une cabine téléphonique. Le mardi 24 avril 2018, A______ s'était "présentée à [s]on domicile", comme l'attestait le message qu'elle lui avait fait parvenir le 26 suivant (cf. B.h.c. infra). Il souhaitait qu'elle fût condamnée au sens de l'art. 179septies CP et qu'il lui soit ordonné de cesser toute forme de harcèlement. Il a joint à sa plainte copie des messages reçus de A______, depuis l'adresse A______@______.com, sur son adresse professionnelle info@4______.ch, les 26 avril, 3-6-14 juin et 7 juillet 2018.

c. Auditionnée par la police, A______ a reconnu avoir envoyé cinq courriels à B______, depuis le 26 avril 2018, ainsi que de s'être rendue au lieu où il tenait une exposition, sans l'y trouver. Elle lui avait systématiquement demandé de lui dire s'il ne souhaitait plus de contact avec elle. Le fait qu'il ne répondait pas et le dépôt de deux plaintes pénales n'étaient pas suffisants, car il "jou[ait] un double jeu". Il cherchait à maintenir un lien fort entre eux, mais ne l'assumait pas. Elle était persuadée que par le passé, B______ avait piraté ("hacké") son ordinateur, et était certaine qu'il entrait en contact avec elle par le biais de courriels et de visuels, tels que des motifs de pingouins et de koalas, lesquels faisaient référence à des épisodes de leur ancienne relation professionnelle. Elle avait été amoureuse de B______, mais ne l'était plus. Elle envisageait prochainement de déposer plainte pénale contre lui.

d. Une amie de A______, entendue comme témoin par la police, a confirmé avoir vu les e-mails que la précitée disait avoir reçus de B______. Il y avait des photos de pingouins et de koalas. A______ lui avait déclaré être sûre que ces messages venaient de B______ et souhaitait avoir une réponse du précité lui disant clairement qu'il ne voulait plus entendre parler d'elle. Mais, au contraire, l'intéressé persistait à lui envoyer des "signes" (photos et e-mails).

Elle (le témoin) avait alors pris contact avec B______, fin octobre 2017, dans le but d'organiser une rencontre. Il avait toutefois contesté écrire à A______, avait déclaré ne pas souhaiter voir la précitée et qu'il n'en pouvait plus de ce harcèlement. Elle lui avait rétorqué que A______ était harcelée de messages venant d'un B______, de sorte qu'elle s'étonnait qu'il ne veuille pas clarifier la situation. Il avait persisté à dire qu'il ne voulait rien entendre de A______ et avait raccroché. Elle avait évoqué avec A______ qu'elle lâche l'affaire, mais à chaque fois les signes reprenaient et la précitée n'était donc jamais tranquille. C'est pourquoi A______ avait besoin d'une rencontre avec lui pour mettre les choses à plat. Il fallait voir si B______ était ambivalent ou si c'était un tiers qui persistait à lui envoyer des signes et qui était ce hacker.

e. Le 30 juillet 2018, A______ a déposé plainte pénale contre B______, pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP). La procédure pénale P/1______/2018 a été ouverte, puis suspendue dans l'attente de l'issue de la présente cause. Le recours formé par A______ contre la suspension a été rejeté par la Chambre de céans (ACPR/656/2018 du 8 novembre 2018).

f.a. Dans la présente cause, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre A______ pour utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP) et contrainte (art. 181 CP). La procédure a été confiée à la Procureure C______.

f.b. Le 8 janvier 2019, A______ a été entendue par le Ministère public. Convoqué, B______ ne s'est pas présenté à l'audience et expliquera avoir mal noté l'audience dans son agenda. A______ a expliqué connaître B______ depuis octobre 2013. À l'époque, ils travaillaient tous deux dans le même département, où ils avaient collaboré à des projets. Dès 2014, elle avait rencontré des difficultés avec sa nouvelle directrice et le précité l'avait soutenue. Durant son incapacité de travail, elle le voyait toutes les deux semaines pour un repas à midi. Il l'avait aidée à concrétiser son projet pour devenir indépendante. B______ avait quitté son emploi en juillet 2015 et le sien avait pris fin le 30 septembre 2016. Elle l'avait vu la dernière fois le 21 décembre 2016, dans le cadre de la précédente procédure pénale. Elle avait retiré son opposition à l'ordonnance pénale par gain de paix. Sa vérité à elle, était que B______ la relançait de diverses manières. Elle lui écrivait directement et lui la relançait "de manière sournoise". Les pingouins qui apparaissaient étaient une des petites choses qu'il utilisait pour la relancer. Il l'avait piratée et était très invasif. Il avait créé un compte "B______", mais disait que ce n'était pas le sien, tout en lui écrivant "je veux reconstruire avec toi". La plainte pénale était créée de toute pièces. D'ailleurs, il n'était pas venu à l'audience. Il la bloquait puis la débloquait sur J______, et elle était d'accord de "jouer avec lui", dans la mesure où elle pensait que cela allait les mener à se retrouver. Ils avaient partagé des sentiments forts, qu'ils n'avaient pas concrétisés. Le 6______ avril 2015, elle lui avait envoyé un message émotionnel, mais pas d'amour, qu'il avait mal pris. Il avait alors trouvé une excuse pour rompre, tout en gardant un lien. Elle ne contestait pas avoir envoyé les cinq e-mails en 2018, mais estimait que le problème provenait de B______.

g. Par lettre du 13 janvier 2019, A______ a informé le Ministère public ne pas avoir d'objection quant aux experts proposés pour l'expertise psychiatrique envisagée par cette autorité.

h.a. Parmi les nombreuses pièces produites par A______, figurent des impressions sur format papier de courriels, en particulier :

- un courriel du 22 mai 2016 de "B______" - sans précision d'adresse e-mail - à "A______" - sans précision d'adresse e-mail - avec le texte : "mais bien sur que je veux reconstruire avec toi chérie".

- un courriel du 24 mai 2017 de "[prénom de A______] [prénom de A______] A______@______.com" à une adresse non spécifiée, avec le contenu suivant : "...qui m'a presque fait tomber par terre ! Affiche dans le bureau de ma collègue... Je suis décidément sur la bonne voie. Et en plus j'aspire à terme à ce qu'on travaille ensemble. Bonne journée".

Sur la même page figure un message du même jour envoyé par "B______" - sans précision d'adresse - à "[prénom de A______] [prénom de A______]" avec le texte : "Oui chérie, je suis tout à faire d'accord avec toi, je veux vraiment reprendre tout a zéro avec toi bisous. B______" (sic).

- un courriel du 30 juillet 2017 de l'adresse "[prénom de A______] [prénom de A______]" à une adresse non spécifiée, dont le contenu est le suivant : "Cher... Monsieur ?, Je vais bien mais je suis triste. Vraiment triste. Cependant, je ne veux pas vivre d'illusions. [prénom de A______]-Madame A______".

Sur la même page figure un message du 2 août 2017, provenant de l'adresse B______@______.com envoyé à "[prénom de A______] [prénom de A______]" avec le contenu : "MOI NON PLUS MAIS J'AI DU MAL A VOUS RÉPONDRE MA CHÉRIE. B______".

- un courriel du 2 novembre 2017 de "[prénom de A______] [prénom de A______]" à une adresse non spécifiée, avec le contenu : "J'arrive plus. Impossible. Insoutenable. Bonne route. A______".

Sur la même page figure un message du 8 novembre 2017 de "B______" - sans précision d'adresse - à "[prénom de A______] [prénom de A______]" avec le texte : "Bonjour A______, comment tu vas bien, j'espère quant à moi, je vais bien" (sic).

h.b. Dans un courriel du 20 octobre 2017 adressé par A______@______.com à un dénommé D______, A______ explique que le pseudo de son adresse e-mail "ivoirienne" - qu'on comprend être A______@______.com - avait été modifié, passant de "[prénom de A______]" à "[prénom de A______] [prénom de A______]", sans qu'elle n'ait rien changé. Il lui semblait que cette modification "ne vient pas de la Côte d'Ivoire, puisque mon « tondeur » nigérien n'a pas hacké l'adresse mais l'a créée pour me « charmer » puis me faire payer selon le scénario classique". Elle pensait que ces changements provenaient plutôt de son "collègue" - soit B______ -, qui l'avait piratée deux ans plus tôt. C'est pourquoi elle imaginait que, "subtilement", celui-ci lui mettait des éléments pour lui montrer que c'était bien lui, et non un Africain, derrière ces modifications, comme tout le lui laissait d'ailleurs penser. Le Nigérien et B______ pouvaient aussi se superposer, soit le premier lui envoyer des courriels et le second les voir et y réagir.

h.c. Par ailleurs, le 26 avril 2018, A______ a écrit, depuis son adresse A______@______.com, un courriel à B______, à l'adresse info@4______.ch, pour l'informer qu'elle s'était rendue, deux jours plus tôt, avec une amie à son exposition, où elles avaient trouvé porte close. Elle demandait à pouvoir louer le lieu pour un récital et poursuit en ces termes : "Enfin, il me semblait important de rétablir entre nous une certaine harmonie rompue par la folie ambiante professionnelle [...], alors que tant de belles et grandes choses avaient pu être accomplies ensemble dans votre service. [...] L'eau a coulé sous les ponts, les années ont passé et j'imagine que comme moi, vous avez un grand coeur et regrettez ces épisodes bien désolants. Si ce n'est pas le cas, il vous suffit de me le dire et je vous laisse tranquille bien évidemment. [...]".

i. À teneur de l'expertise psychiatrique rendue le 16 mai 2019 par les experts E______ et F______, médecins-psychiatres, A______ souffrait, au moment des faits, d'un grave trouble mental, de type délire chronique de type paranoïaque, plus précisément un délire érotomane chronique, de sévérité importante. Elle présentait l'idée délirante d'être aimée par B______, sans qu'il n'y ait de critères objectivables par des tiers. Ce trouble était habituellement persistant, parfois durant toute une vie, mais pouvait changer d'objet. Le délire érotomaniaque évoluait en trois phases : espoir, dépit (incompréhension) et rancune (revendication).

Ne possédant pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes, A______ était en état d'irresponsabilité pénale. Il existait un risque de récidive d'actes similaires, voire plus graves, ou que l'expertisée ne respecte pas les éventuelles mesures d'éloignement. Le degré de probabilité d'infractions contre la vie et l'intégrité corporelle était moyen, surtout en troisième phase d'évolution du délire, en raison du risque de jalousie revendicatrice.

Un suivi médical régulier et un travail psychothérapeutique étaient indispensables, dans un cadre ambulatoire. Un traitement médicamenteux serait nécessaire. La prévenue acceptait de consulter un psychiatre, mais risquait de ne pas accepter de traitement médicamenteux.

j. Le 20 mai 2019, copie de l'expertise psychiatrique a été envoyée à A______ et B______, avec un délai pour formuler leurs éventuelles observations.

Par lettre du 29 mai 2019, A______ a formé "opposition formelle" au rapport d'expertise, lequel contenait, selon elle, une erreur de diagnostic et plusieurs inexactitudes.

k. A______ a été assistée d'un avocat dès le 15 août 2019 et jusqu'au 3 février 2020.

l. Lors de l'audience du 4 septembre 2019, menée par le procureur G______, B______ a confirmé sa plainte, mais déclaré ne pas souhaiter participer à la procédure pénale comme partie plaignante au pénal et au civil.

Le Dr F______ a confirmé son rapport. Il existait une conviction pathologique, chez A______, d'être aimée par B______ et qu'il aurait piraté son ordinateur. En revanche, certains éléments du récit étaient exacts, notamment le fait qu'ils aient travaillé dans les mêmes bureaux.

Le conseil de A______ a soumis à l'expert un courriel [sans autre détails et non annexé au procès-verbal d'audience] apparemment envoyé par B______ à A______. Au même moment, ce courriel a été soumis à B______, qui a répondu qu'il ne s'agissait pas de son adresse e-mail. L'avocate de A______ a alors attiré l'attention du Procureur que, dès lors que B______ n'était pas partie plaignante, il ne pouvait assister à l'audition de l'expert. Le précité a dès lors quitté l'audience.

Répondant au conseil de A______, l'expert a constaté qu'a priori le courriel ne provenait pas de B______. Il n'était toutefois pas son rôle d'établir les faits. Cette pièce n'allait pas à l'encontre de son diagnostic. Lors des entretiens, A______ avait évoqué le fait que B______ créait des adresses e-mails à son nom à elle pour s'envoyer des messages d'amour ; le courriel en question semblait être la situation inverse, où A______ aurait créé une fausse adresse de B______ pour s'envoyer des messages d'amour. Il ne s'était pas posé la question de savoir si B______ était amoureux de A______ et ne pouvait répondre à la question de savoir si son diagnostic serait différent dans cette hypothèse. Le psychologue consulté par A______, H______, n'était pas autorisé à poser de diagnostic. Il (l'expert) n'aurait eu aucune raison de s'intéresser à l'aspect psychique de A______ s'il n'y avait pas cette situation. Le délire ne s'exprimait que dans certaines situations et de manière ponctuelle, mais la conviction de l'expertisée restait constante.

À l'issue de l'audience "les parties" ont réservé leur droit de convoquer à nouveau l'expert.

m. Par lettre de son conseil, du 13 septembre 2019, A______ a remis en cause la validité de l'expertise, dont elle a demandé l'annulation, en raison du manque d'indépendance des experts. Ces derniers étaient partis du principe qu'elle harcelait B______, théorie qui n'était pas avérée et de nombreuses pièces au dossier permettaient de démontrer que le précité l'avait contactée à plusieurs reprises, de sorte qu'elle n'avait fait que répondre à ses sollicitations. Elle a requis une confrontation avec le plaignant.

n. Le Ministère public a répondu, à l'avocate, le 18 septembre 2019, que l'expert, reconnu, avait l'habitude de traiter ce genre de procédure. Il était usuel qu'il n'entende pas le lésé en cas d'expertise. La prévenue pouvait requérir sa ré-audition.

o. Lors de l'audience de confrontation, le 13 novembre 2019, B______ a contesté avoir entretenu une relation amoureuse ou avoir adopté de langage amoureux avec A______. Il n'a pas reconnu comme étant siennes les adresses e-mails à partir desquelles des messages à son nom avaient été envoyés à A______, notamment "B______@______.com". Il était interpellé par le fait que A______ recevait un message en provenance de l'adresse précitée mais lui écrivait à son adresse professionnelle et non à celle-là.

La prévenue a reconnu avoir appelé à une reprise le plaignant, en 2017, car il lui envoyait sans arrêt des e-mails. Elle ne s'était pas rendue chez lui, mais à une exposition qu'il avait organisée dans la rue de son domicile. Elle savait qu'il ne voulait ni la voir ni l'entendre, mais il "venait [la] chercher de plein de manières souterraines", notamment par des pingouins qui apparaissaient sur son écran pour la relancer. Elle a, à nouveau, contesté l'expertise psychiatrique. Pour la poursuivre de la sorte, c'était bien plutôt B______ qui avait un problème.

À l'issue de l'audience, B______ a réitéré sa demande de ne plus être en contact avec A______. Il avait conscience qu'il n'était plus partie à la procédure et s'engageait à ne pas divulguer les éléments dont il avait connaissance (procès-verbal, page 6 in fine).

p. Le 13 novembre 2019, le Ministère public a ordonné la suspension de l'instruction jusqu'au 13 juin 2020, pour un temps d'observation, sous réserve que A______ se rende régulièrement, dès le lundi 25 novembre 2019, chez le psychiatre de son choix et fournisse un rapport une fois par mois.

q. Dès décembre 2019, A______ a consulté la Dresse I______, médecin-psychiatre, qui a fourni des attestations de suivi, à teneur desquelles l'état psychologique de la précitée était stable. Dans son attestation du 9 juin 2020, la praticienne a certifié que l'évaluation psychiatrique n'avait montré aucun signe de décompensation psychique, de sorte qu'il n'y avait pas eu besoin d'introduire une médication psychotrope. Durant la prise en charge, A______ avait mené à bien plusieurs projets professionnels.

r. Le 17 juin 2020, A______ a requis du Ministère public des informations sur l'état de la procédure, le délai de suspension étant venu à échéance. Elle a produit la facture intermédiaire de son conseil, du 20 novembre 2019, en CHF 15'454.95, à laquelle s'ajoutait une facture de CHF 1'500.- reçue par courriel (non annexée). Elle requérait la participation du plaignant à ces frais, engendrés par sa "plainte diffamatoire".

s. Par avis du 22 juin 2020, le Ministère public a repris l'instruction. Le même jour, il a rejeté la requête de A______ en paiement des honoraires de son avocat.

t. Le 1er juillet 2020, le Ministère public a rejeté la requête de A______ visant à interdire à B______ de communiquer au sujet de l'expertise psychiatrique dont il avait reçu copie. La Procureure a retenu que, le précité ayant "retiré sa plainte", il n'était plus partie à la procédure, de sorte qu'il n'avait pas accès au dossier.

u. À diverses reprises, notamment les 19 décembre 2019 et 19 octobre 2020, A______ a écrit au Ministère public pour contester les faits reprochés et démontrer que B______ l'avait régulièrement sollicitée. Elle a produit divers documents en vue de démontrer les liens qui l'unissaient au précité. Elle avait en particulier, contrairement à ses dénégations, été déjeuner avec lui toutes les deux semaines durant son arrêt maladie, en 2014, ce qui démontrait que leurs relations dépassaient le cadre strictement professionnel.

v. Entendue le 2 novembre 2020, A______ a confirmé avoir été suivie durant six mois par la médecin-psychiatre, soit jusqu'en juin 2020, date à laquelle elle avait arrêté le traitement. Elle n'avait pas eu besoin de traitement médicamenteux. Elle n'avait pas tenté de prendre contact avec B______ - lequel a été dispensé de comparaître à l'audience.

S'agissant de sa situation personnelle, elle a déclaré être indépendante et que c'était "compliqué". Ses revenus se situaient entre CHF 1'500.- et CHF 2'000.- par mois. Elle envisageait une collaboration avec le canton de Vaud, à 80%, pour laquelle elle serait rémunérée CHF 5'000.- par mois. Son loyer s'élevait à CHF 1'900.- par mois et elle avait pris une colocataire pour réduire les frais. Elle ne payait pas d'impôts et son assurance maladie s'élevait à CHF 550.- par mois. Pour le reste, elle vivait sur son deuxième pilier, qu'elle avait retiré. Elle arrivait à "surnager".

w. Par avis de prochaine clôture, du 11 novembre 2020, le Ministère public a informé la prévenue qu'il entendait classer la procédure. Un délai lui a été imparti pour formuler ses éventuelles réquisitions de preuve.

x. Le 11 novembre 2020, le Ministère public a transmis l'expertise psychiatrique de A______ au TPAE, qui a nommé une curatrice de représentation. Le 15 janvier 2021, la curatrice a demandé au TPAE que la procédure soit classée sans suite ni mesures, la conclusion de mise sous curatelle ne faisant "aucun sens".

y. Par lettre du 15 décembre 2020, A______ a demandé : qu'il soit fait interdiction à B______ de parler de l'expertise; la reprise immédiate de la procédure P/1______/2018; et à ce qu'elle soit protégée par la justice, en raison de la "malveillance" de B______ à son égard. Précédemment, dans une lettre du 6 novembre 2020, elle avait détaillé ses frais liés à la procédure.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que la plainte portait sur la violation de l'art. 179septies CP. Au vu des certificats médicaux produits par la thérapeute consultée par A______ durant la suspension de l'instruction - lesquels faisaient mention de la stabilité de l'état psychique de la prévenue -, de l'absence de nouveaux faits et du refus de B______ de se constituer partie plaignante, le Ministère public a considéré "exceptionnellement" que "la culpabilité de la prévenue et les conséquences de son acte [étaient] peu importantes". Il existait ainsi un motif de renoncer à toute poursuite pénale, en application de l'art. 52 CP. Un avertissement était toutefois adressé à A______, l'enjoignant à adopter, à l'avenir, un comportement empreint de modération et à respecter le souhait de B______ de ne plus avoir de contact avec elle. Cette clémence ne serait plus de mise en cas de récidive.

Les frais de la procédure étaient mis à la charge de A______ (art. 426 al. 2 CPP) et aucune indemnité ne lui était accordée (art. 430 al. 1 let. a CPP), dès lors qu'elle avait admis avoir adressé les courriels litigieux à B______.

D. a. Dans son recours, A______, agissant en personne, requiert le respect de la vérité, qui avait été malmenée dans la présente procédure. En substance, elle reconnaît avoir écrit à B______, mais en réponse à ses sollicitations à lui, "souterraines", qui avaient duré plusieurs années, depuis août 2015. Elle avait certes renoncé à former opposition à l'ordonnance pénale du 15 novembre 2016, mais uniquement car B______ l'avait soutenue sur le plan professionnel et qu'elle ne voulait pas lui nuire. Elle s'était "sacrifiée" en pensant que chacun irait sa route. Elle avait toutefois été piégée, car B______ avait continué à la solliciter "de manière virtuelle tout en refusant le contact dans la réalité". Elle lui avait demandé de la laisser tranquille, en écrivant à l'adresse mail B______@______.com. C'est dans ce contexte qu'elle s'était rendue à l'exposition. La réalité de ses échanges avec B______ avait été constatée tant par son psychologue, H______, que par son amie, entendue comme témoin. Sa fille avait déclaré, dans une attestation écrite, n'avoir été consulter le profil J______ de B______ qu'une seule fois. Elle (A______) avait retrouvé dans son téléphone, sous format PDF, un courriel entre la compagne de B______ et son employeur, élément qu'elle n'avait pas pu inventer et prouvait que son ordinateur avait été piraté par B______.

A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit les divers points qu'elle avait soulevés. B______ avait été dispensé de se prononcer sur les preuves produites, ne s'était pas présenté à l'audience du 8 janvier 2019, avait menti, et pourtant ses propos n'avaient jamais été remis en question. Il avait été cru sur parole, contrairement à elle. B______ étant le fils d'une juge valaisanne, il lui était aisé de "se faufiler" dans la procédure pour éviter que ses mensonges ne soient confrontés à la réalité.

L'expertise psychiatrique n'aurait pas dû être ordonnée avant la confrontation des parties - laquelle aurait mis à mal les propos du plaignant et démontré qu'une expertise n'était pas nécessaire - et reposait sur un socle de mensonges échafaudé par B______. Elle devait être annulée. Lors de l'audience du 4 septembre 2019, l'expert avait démontré son parti pris en faveur du plaignant. D'ailleurs, le rapport ne mentionnait pas l'avis de son psychologue, H______. Elle n'avait pas pu poser toutes ses questions à l'expert, le Procureur ayant abrégé l'audience et il n'y avait nulle trace, dans le dossier, de sa demande, faite oralement à la Procureure, de revoir l'expert. En outre, la Dresse I______ avait constaté son excellent équilibre psychique.

Elle réfute l'avertissement que lui a adressé le Ministère public et demande qu'au contraire, il soit adressé à B______. Elle prend les conclusions sus-énoncées (cf. A.a. supra).

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. B______ avait "retiré sa plainte pénale" à l'audience du 4 septembre 2019. Entendu par la suite en qualité de témoin, il avait expliqué le harcèlement dont il faisait l'objet et demandé que cela cesse. A______ avait partiellement reconnu les faits. Les "mensonges" de B______ n'étaient pas étayés. Les frais de la procédure ne pouvaient être mis à la charge du précité, mais la Procureure s'en rapporte à justice sur le point de savoir s'ils auraient dû être mis à la charge de l'État. Il n'y avait pas lieu de joindre la procédure P/1______/2018, qui allait être classée. La prévenue étant irresponsable, le Ministère public avait transmis une copie de "l'ordonnance de classement" [recte : l'expertise psychiatrique], pour information, au TPAE.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours et le complément du lendemain, en tant qu'ils visent les ch. 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance querellée, sont recevables puisqu'ils ont été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concernent les points d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émanent de la prévenue, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification de ces décisions (art. 382 al. 1 CPP).

2. Il convient de déterminer si la recourante peut aussi contester le motif du classement de la procédure ouverte contre elle (ch. 1 du dispositif).

2.1. L'intérêt du recourant se détermine en fonction du dispositif de l'acte juridictionnel exclusivement. Cet intérêt provient en effet de la partie de l'acte qui énonce la conséquence juridique et qui est seule susceptible d'atteindre le recourant dans ses droits. La motivation d'une décision n'est, pour elle-même, pas susceptible d'être entreprise par un recours, car elle ne contient pas l'élément matériel caractéristique qu'est la conséquence juridique, sous réserve d'une violation de la présomption d'innocence (ATF 133 IV 121 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_3/2011 du 20 avril 2011 consid. 2ss; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 382 ; ACPR/579/2015 du 26 octobre 2015).

2.2. En l'espèce, la recourante, laïque comparant sans l'assistance d'un avocat, n'attaque pas le premier chiffre du dispositif de l'ordonnance querellée, qui a prononcé le classement de la procédure, lequel lui est favorable. Sous cet angle, son recours serait irrecevable, faute d'intérêt juridiquement protégé. Elle invoque toutefois, avec ses propres mots mais de manière claire et sans équivoque, une violation du principe de la présomption d'innocence. À ce titre, elle invoque donc un grief exceptionnellement recevable, bien que dirigé contre les motifs de l'ordonnance de classement.

Le recours est dès lors recevable sur ce point.

3.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir constaté sa culpabilité dans l'ordonnance querellée.

3.1. À teneur de l'art. 179septies CP, celui qui, par méchanceté ou par espièglerie, aura utilisé abusivement une installation de télécommunication pour inquiéter un tiers ou pour l'importuner sera, sur plainte, puni d'une amende.

3.2. La présomption d'innocence est ancrée aux art. 6 § 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 al. 1 CPP.

Selon la jurisprudence, l'art. 6 § 2 CEDH, n'interdit pas seulement à l'autorité de prononcer un verdict de condamnation lorsque la culpabilité de l'accusé ne repose pas sur une appréciation objective des preuves recueillies (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Cette disposition est aussi violée lorsque l'autorité de jugement - ou toute autre autorité ayant à connaître de l'affaire à un titre quelconque - désigne une personne comme coupable d'un délit, sans réserve et sans nuance, incitant ainsi l'opinion publique à tenir la culpabilité pour acquise et préjugeant de l'appréciation des faits par l'autorité appelée à statuer au fond. Plus spécifiquement, la présomption d'innocence est méconnue si, sans établissement légal préalable de la culpabilité du prévenu et, notamment, sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer ses droits de défense, une décision judiciaire le concernant "reflète le sentiment qu'il est coupable", et cela "même en l'absence de constat formel" (ATF 124 I 36______ consid. 3b p. 331). Une atteinte à la présomption d'innocence peut émaner non seulement d'un juge ou d'un tribunal mais aussi d'autres autorités publiques, y compris de procureurs (CourEDH Daktaras c. Lituanie du 10 octobre 2000 § 42).

Dans un arrêt Peltereau-Villeneuve c. Suisse du 28 octobre 2014 (requête 60101/09), la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après, CourEDH) a rappelé qu'une distinction devait être faite entre les décisions qui reflètent le sentiment que la personne concernée est coupable et celles qui se bornent à décrire un état de suspicion. Les premières violent la présomption d'innocence, tandis que les deuxièmes ont été à plusieurs reprises considérées comme conformes à l'esprit de l'art. 6 CEDH. Il y a en effet une différence fondamentale entre le fait de dire que quelqu'un est simplement soupçonné d'avoir commis une infraction pénale et une déclaration judiciaire sans équivoque avançant, en l'absence de condamnation définitive, que l'intéressé a commis l'infraction en question. Il est contraire au principe de la présomption d'innocence d'employer des expressions superfétatoires qui ne laissent aucun doute sur l'opinion du Procureur. Il ne tient qu'à ce dernier de choisir des termes se bornant à décrire un état de suspicion (§ 32).

3.3. La clôture de la procédure par classement (art. 319ss CPP) ne soulève pas de problème sous l'angle du principe de la présomption d'innocence, car il ne peut être déduit de cette présomption un droit (inconditionnel) de se voir condamner ou acquitter (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 12 et Note 20 ad art. 10). Lors de la rédaction de la décision de classement, l'autorité doit néanmoins se montrer prudente dans la formulation (ibid. note 20).

3.4. Selon l'art. 19 al. 1 CP, l'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.

Un auteur irresponsable est inapte à la faute et, partant, n'est pas punissable (ATF 145 IV 94 consid. 1.3).

3.5. Les art. 374 et 375 CPP régissent la procédure indépendante à l'égard des prévenus irresponsables.

À teneur de l'art. 374 al. 1 CPP, si le prévenu est irresponsable et que la punissabilité au sens de l'art. 19 al. 4 ou 263 CP n'entre pas en ligne de compte, le ministère public demande par écrit au tribunal de première instance de prononcer une mesure, sans prononcer le classement de la procédure pour irresponsabilité du prévenu.

Lorsque le ministère public arrive à la conclusion que le prévenu est irresponsable et doit être considéré comme tel sans que, notamment aux dires d'expert, aucune mesure n'est nécessaire, il peut classer la procédure en application de l'art. 319 al. 1 CPP (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, N. 7 ad art. 374 ; Y. JEANNERET / A. KUHN, Précis de procédure pénale, Berne 2018, N. 18016 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens,
Zurich/St-Gall 2012, N. 808 ; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung - Praxiskommentar, Zürich/St-Gallen 2018, n. 5 ad art. 374 CPP).

3.6. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure, notamment, lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (al. 1 let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e).

Dans cette dernière hypothèse (let. e), le ministère public et les tribunaux renoncent à toute poursuite pénale lorsque le droit fédéral le prévoit, notamment lorsque les conditions visées aux art. 52, 52 et 54 CP sont remplies. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Selon certains auteurs, l'application de l'art. 52 CP interdit de retenir que la culpabilité de l'auteur est établie, eu égard au principe de la présomption d'innocence et à la nature procédurale d'une décision de classement, car seuls les ordonnances pénales et les jugements au fond peuvent contenir un tel verdict. Seule une appréciation hypothétique de la faute (Schuldverdacht) est admissible dans ce cadre (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, Bâle, 2013, n. 31 ad art. 52-55; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle, 2012, n. 8 ad art. 52). Le Tribunal fédéral a confirmé à cet égard que le classement de la procédure par application du principe de l'opportunité - que consacre notamment l'art. 52 CP - ne contient pas implicitement un constat de la commission d'une infraction, mais exprime qu'un soupçon suffisant existe et que, à supposer que l'acte soit prouvé, une sanction ne serait pas nécessaire au regard de la culpabilité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_568/2007 du 28 février 2008 consid. 5.1).

3.7. En l'espèce, le classement de la procédure ouverte contre la recourante pour violation de l'art. 179septies CP est favorable à celle-ci.

Il est surprenant - et contraire au droit - qu'en présence d'une expertise psychiatrique concluant à l'irresponsabilité de la prévenue, à un risque de récidive d'actes plus graves et à la nécessité de mesures thérapeutiques, le Ministère public ait, sans aucune explication, choisi de classer la procédure, purement et simplement - possibilité dont bénéficie cette autorité uniquement lorsqu'aucune mesure n'est envisagée par l'expert -. Cette décision profite toutefois à la recourante, de sorte qu'on ne saurait y revenir, au risque de violer l'interdiction de la reformation in pejus.

Ce nonobstant, l'application de l'art. 52 CP, accompagné d'un avertissement, à l'égard d'une prévenue dont l'expertise psychiatrique conclut à l'irresponsabilité pour les infractions reprochées, viole le principe de la présomption d'innocence. En effet, cette disposition trouve sa place lorsque la culpabilité supposée de l'auteur et les conséquences de son acte apparaissent peu importantes. Or, une prévenue irresponsable est, conformément aux principes juridiques sus-rappelés, inapte à la faute. Le Ministère public ne pouvait donc retenir, dans l'ordonnance querellée, que la recourante était coupable, même de manière peu importante.

C'est donc un classement sur la base de l'art. 319 al. 1 let. d CPP, pour irresponsabilité, que le Ministère public aurait dû prononcer.

La recourante estime, à cet égard, que l'expertise psychiatrique n'aurait pas dû être rendue et en demande l'annulation, par quoi il faut comprendre qu'elle requiert son retrait du dossier. Cette requête a toutefois déjà été formulée - par la recourante en personne le 29 mai 2019 et par son conseil le 13 septembre 2019 - devant le Ministère public, qui l'a rejetée le 18 septembre 2019 et aucun recours n'a été formé. Au demeurant, l'expertise répond aux critères et conditions des art. 182ss CPP. Le fait que l'expert ait, lors de l'audience du 4 septembre 2019, entendu le plaignant contester être le détenteur de l'adresse e-mail ayant répondu à la recourante n'y change rien, puisque des demandes de précision sur l'expertise ont pu être adressées à l'expert sur-le-champ et qu'il y a répondu. Au demeurant, le rapport d'expertise avait été rendu avant cette audience, qui n'a donc pas influencé ses conclusions. De plus, la recourante avait été informée par le Ministère public de la possibilité de demander la ré-audition de l'expert, acte d'instruction qu'elle n'a, à teneur des éléments au dossier, pas sollicité.

À bien suivre le raisonnement de la recourante, elle sollicite le prononcé d'un classement en raison de l'absence de soupçons (art. 319 al. 1 let. a CPP) ou d'éléments constitutifs d'une infraction (art. 319 al. 1 let. b CPP), au motif qu'elle se serait limitée à répondre aux sollicitations du plaignant. Cette conclusion est doublement infondée. D'une part, car la prévenue n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à contester le classement prononcé en raison de son irresponsabilité (cf. consid. 2.2.1. supra). D'autre part, car il existe, en l'espèce, des éléments suffisants permettant de soupçonner une violation de l'art. 179septies CP. La recourante a reconnu avoir adressé, en 2018, des courriels au plaignant. Or, quelle qu'ait été l'intensité de leurs contacts durant leur collaboration professionnelle, elle savait, pour avoir été condamnée par ordonnance pénale du 25 novembre 2016, qu'elle ne devait plus l'aborder. Qui plus est, elle a appris, par son amie qui avait appelé le plaignant fin octobre 2017, qu'il ne voulait ni la rencontrer ni plus rien entendre d'elle. Or, après s'être rendue sur le lieu de l'exposition qu'il tenait près de son domicile, elle lui a envoyé cinq messages, du 26 avril au 7 juillet 2018. La recourante allègue n'avoir fait que répondre aux sollicitations du plaignant, car elle recevait des courriels de sa part, provenant en particulier de l'adresse B______@______.com et de signes "souterrains". On relèvera toutefois qu'elle-même éprouvait des doutes sur l'expéditeur des messages provenant de cette adresse, puisqu'elle a exposé au dénommé D______ penser qu'un Nigérien ou Ivoirien lui écrivait sur son adresse @______.com, dont il avait même changé le pseudo. On constate également que dans le premier de la série de courriels adressés au plaignant entre avril et juillet 2018, elle renoue contact avec lui, sans faire allusion aux messages qu'elle était censée avoir reçus de lui via l'adresse B______@______.com. Mais surtout, elle lui écrit à son adresse professionnelle (info@4______.ch) en utilisant son adresse e-mail A______@______.com, comme si les adresses B______@______.com et A______@______.com n'existaient pas, alors qu'elle allègue précisément que le plaignant entretenait un lien avec elle par ce biais. Ces éléments sont autant d'indices permettant de retenir que les conditions à l'ouverture de l'action pénale étaient réunies. Ce n'est donc pas sans aucun soupçon, ni sans aucun élément constitutif d'une infraction pénale, que le classement est prononcé.

Au vu des éléments précités le recours sera partiellement admis, le classement de la procédure devant être prononcé sur la base de l'art. 319 al. 1 let. d CPP et aucun avertissement prononcé à l'égard de la recourante.

4.             La recourante conteste la mise à sa charge des frais de la procédure, à juste titre.

4.1. L'art. 419 CPP prévoit que lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement en raison de l'irresponsabilité du prévenu ou si celui-ci a été acquitté pour ce motif, les frais peuvent être mis à sa charge si l'équité l'exige au vu de l'ensemble des circonstances.

L'autorité pénale doit effectuer une pesée des intérêts en présence et cette disposition n'est applicable que si la situation financière de l'intéressé est favorable et permet une telle prise en charge (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1308) et s'il serait inadmissible que l'État supporte les frais (N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 1 ad art. 419). L'application de cette disposition est limitée aux frais (N. SCHMID / D. JOSITSCH, op. cit., n. 4 ad art. 419). L'art. 419 CPP prévoit ainsi une application analogique de l'art. 54 CO, qui institue une responsabilité causale fondée sur les risques que présente pour autrui l'état de la personne incapable de discernement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1395/2017 du 30 mai 2018 consid. 1.1 et les références citées).

4.2. En l'espèce, l'ordonnance querellée a mis les frais à la charge de la recourante sur la base de l'art. 426 CPP, inapplicable ici. Dans ses observations, le Ministère public s'en rapporte à justice sur ce grief.

Le recours sera dès lors admis sur ce point et les frais de première instance laissés à la charge de l'État, la recourante ne se trouvant pas dans une situation financière favorable au point que l'équité exigerait d'elle qu'elle prenne en charge tout ou partie des frais de la procédure.

5.             La recourante conclut à la prise en charge de ses frais de défense et à une indemnité pour tort moral.

5.1. En cas d'acquittement ou d'ordonnance de classement en raison de l'irresponsabilité du prévenu, le législateur a expressément prévu, à l'art. 419 CPP, la possibilité de mettre les frais à la charge du prévenu irresponsable. Selon la jurisprudence, il doit exister une corrélation entre la prise en charge des frais par le prévenu et l'indemnisation de celui-ci. Ainsi, lorsque le prévenu supporte les frais, une indemnité est en règle générale exclue et, inversement, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357). Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1065/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.2; 6B_256/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.3). Compte tenu de cette corrélation, il faut admettre que si le prévenu irresponsable a été condamné aux frais pour des raisons d'équité en application de l'art. 419 CPP, l'indemnité selon l'art. 429 CPP doit pouvoir être refusée (ATF 145 IV 94 consid. 2.3.2).

5.2. En l'espèce, les frais de la procédure ayant été laissés à la charge de l'État, sur la base de l'art. 419 CPP, la recourante a droit à une indemnité pour ses frais de défense, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP. La cause sera renvoyée au Ministère public, à charge pour lui d'examiner les requêtes de la recourante en indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 29 al. 1 let. a CPP) et en réparation du tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP).

6.             Contrairement au souhait de la recourante, aucun frais ni indemnité ne peut être mis à la charge du plaignant, qui ne s'est pas constitué partie plaignante ni n'a déposé de conclusions civiles (art. 432 CPP).

7.             La recourante demande qu'il soit fait interdiction au plaignant d'utiliser l'expertise psychiatrique, qu'il aurait selon elle reçue à tort.

En l'occurrence, contrairement à ce qu'a avancé à deux reprises le Ministère public, B______ n'a nullement retiré sa plainte, mais a déclaré, lors de la première audience à laquelle il a été entendu, le 4 septembre 2019, renoncer à sa qualité de partie plaignante au pénal et au civil, au sens de l'art. 118 al. 1 CPP. Il conserve toutefois, comme plaignant, la qualité de lésé, conformément à l'art. 115 CPP.

Au moment où la copie de l'expertise psychiatrique lui a été adressée, le 20 mai 2019, le précité était partie à la procédure, car le dépôt de plainte vaut déclaration de partie plaignante (art. 118 al. 2 CPP). Il ne l'a donc pas reçue par erreur ni à tort. Certes, il n'a pas comparu à l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle il était convoqué, mais on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir renoncé plus tôt à sa qualité de partie, cette renonciation pouvant intervenir en tout temps.

Au demeurant, le plaignant s'est expressément engagé, lors de l'audience du 13 novembre 2019, à ne pas divulguer les éléments de la procédure dont il a eu connaissance.

Le grief sera donc rejeté.

8.             La conclusion de la recourante en lien avec la reprise de la procédure parallèle P/1______/2018 ne saurait être traitée dans le cadre du recours contre l'ordonnance querellée, qui est circonscrit à celle-ci. La demande de récusation de la Procureure, dans cette procédure-là, sera traitée dans le cadre de la PS/6______/2021 ouverte à cet effet.

9.             Pour les mêmes raisons, la Chambre de céans ne saurait entrer en matière sur les conclusions de la recourante en lien avec la procédure devant le TPAE, qui concerne de surcroît une autre juridiction.

10. En définitive, le recours sera partiellement admis. L'ordonnance querellée sera annulée et la cause retournée au Ministère public pour qu'il :

- ordonne le classement de la procédure sur la base de l'art. 319 al. 1 let. d CPP, en veillant à sauvegarder, dans sa motivation, la présomption d'innocence de la recourante,

- laisse les frais de la procédure à la charge de l'État,

- examine les prétentions de la recourante sur la base de l'art. 429 CPP.

11. Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État.

12.         La recourante agissant en personne, aucune indemnité ne sera due pour la procédure de recours.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule l'ordonnance de classement et retourne la cause au Ministère public pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).