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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6029/2022

ACPR/509/2022 du 29.07.2022 sur ONMMP/862/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.08.2022, rendu le 10.11.2022, IRRECEVABLE, 6B_982/22
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;SOUPÇON
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6029/2022 ACPR/509/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 29 juillet 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______[GE], comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 mars 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 22 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 18 mars 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale du 15 mars 2022 contre inconnu.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 800.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a déposé plainte pénale contre inconnu en 1994 et en 2001, pour des vols furtifs commis, à réitérées reprises, dans son appartement, dès 1973. Ses plaintes ont été classées par la justice genevoise.

b. Le 30 juillet 2018, elle a déposé une nouvelle plainte pénale pour des faits portant sur une longue période (1973 à 2018). Elle se plaignait d’avoir subi, depuis 1973, des cambriolages sans effraction lors desquels des déprédations et des vols auraient été commis. Elle reprochait en outre aux policiers ayant mené une enquête à la suite de sa plainte en 2001 d’avoir commis un faux en concluant, dans leur rapport, que les dégâts dont elle se plaignait étaient des marques d'usure et d'avoir suborné un témoin, soit l'ébéniste ayant constaté que son mobilier ne souffrait d'aucun dommage. Elle alléguait également avoir été victime de harcèlement sonore depuis 1997. Dès 2013, elle avait aussi été victime de tentatives d'assassinat par empoisonnement à l'arsenic. Enfin, sa plainte était dirigée contre trois médecins pour diffamation et non-assistance à personne en danger. Elle leur reprochait d'avoir établi, et communiqué à d'autres médecins ou entités, en 2009, un diagnostic psychiatrique la concernant qu'elle estimait infondé, abusif et diffamatoire et de n'avoir rien fait pour l'aider alors qu'elle leur avait décrit les faits susmentionnés dont elle était victime.

Cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de non-entrée en matière par le Ministère public, confirmée par la Chambre de céans (cf. P/1______/2018 ; ACPR/173/2019 du 17 septembre 2019).

Le 23 octobre 2019, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par A______ contre cette décision (arrêt 6B_1174/2019).

c.a. Le 15 mars 2022, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale contre inconnu des chefs de violation de domicile, dommages à la propriété, vol, tentatives de lésions corporelles graves et accès indu à un système informatique.

En substance, elle réitérait ses précédentes plaintes au motif que la commission des crimes et délits précités était récurrente et persistait sans que le mode opératoire n’ait pu être déterminé.

Des inconnus s'introduisaient dans son appartement durant son absence ou même parfois en sa présence, pour y commettre des déprédations. Ils pouvaient s'introduire chez elle et commettre leur forfait pendant quelques minutes, alors qu'elle relevait son courrier, se rendait à la buanderie, à sa cave ou au local des containers. L'installation d'une barre de sécurité et d'une deuxième serrure, en 1998, ainsi que d'un système d'alarme, en 2001, n'avait pas permis de stopper ces intrusions.

c.b. Entre décembre 2021 et mars 2022, les déprédations dénoncées avaient été commises de façon à faire croire à des traces d'usure. Celles-ci consistaient principalement en des raclages sur la commode de la chambre d’hôte, une profonde entaille au milieu du miroir du WC visiteurs, des coupures sur la poignée du placard de la cuisine ainsi que des trous sur une couverture et un set de cuisine. Elle avait également trouvé une cruche et un gobelet ébréchés, les semelles d’une paire de chaussures brisées et les feuilles de ses plantes vertes « incisées par centaines ». Le réfrigérateur et la boîte électronique de sa machine à laver – « cassés » – avaient dû être remplacés par une entreprise privée. De plus, le câble de recharge de son B______ avait été coupé jusqu’au métal et un objet de décoration avait été « ostensiblement » déplacé à un autre emplacement de la cuisine.

c.c. En juin 2020, la clé du placard de sa chambre avait été, quant à elle, volée en sa présence, alors qu’elle se trouvait dans la chambre d’hôte.

c.d. Par ailleurs, elle avait été victime de trois tentatives d’assassinat. Premièrement, en novembre 2019, l’intérieur en verre d’un thermos – qu’elle avait acheté la veille – avait été cassé par un tiers en son absence dans le but de faciliter l’ingestion de la poussière de verre. Deuxièmement, en septembre 2020, elle avait pris une douche durant la matinée et une lourde applique murale en verre – préalablement désolidarisée par un tiers – était tombée sur le lavabo de la salle de bain durant l’après-midi. Troisièmement, le 17 décembre 2021, la porte gauche – en verre – de l’armoire à pharmacie de sa salle de douche avait été déstabilisée par un tiers en son absence, dans le but de faciliter sa chute sur elle. Le jour-même, une patrouille de la police s’était rendue dans son appartement, l’avait entendue et avait inspecté la porte d’armoire en question. La police avait également effectué une enquête de voisinage, après qu’elle eut fait part qu’un voisin avait tenté de s’introduire dans son appartement en janvier 2021.

c.e. Dès le 21 juillet 1997, elle avait, de plus, souffert de harcèlements sonores sous forme de cliquetis contre les parois et les radiateurs venant d’un appartement situé au sixième étage. Depuis octobre 2021, elle entendait également l’égouttement sur la cuvette des WC et les bruits de perceuse, à des heures de repos, qui provenaient de l’appartement du voisin du huitième étage. Les craquements – dont elle ignorait l’origine – se produisaient dans la salle de bain. De plus, un tiers avait appuyé sur la sonnette de sa porte le 9 mars 2022 vers 3h25.

c.f. De 2017 à 2020, une odeur pestilentielle – dont elle ignorait l’origine – s’était répandue dans tout son appartement. Le concierge – étant venu à sa demande pour sentir « l’air » des pièces – avait confirmé que ça sentait « le caca ». Cette nuisance avait néanmoins cessé par suite du nettoyage des colonnes des eaux usées opéré par une entreprise privée en janvier 2020. L’odeur pestilentielle s’était cependant à nouveau répandue dans la salle de bain et les WC, en novembre 2021 et mars 2022.

c.g. Depuis le mois d’octobre 2021, une fenêtre – avec le message « Pour fermer le programme qui empêche Windows de s’arrêter, cliquer sur annuler » – apparaissait à chaque fois qu’elle s’apprêtait à fermer son ordinateur. Celui-ci avait probablement été manipulé en son absence par un tiers, tel qu’un « intrus criminel ou un hacker ». En février 2022, la boîte électronique des machines à laver et à sécher – situées à la buanderie – avait été manipulée et mise hors fonction par un tiers. Le jour-même, le propriétaire des machines avait été contacté et les machines étaient à nouveau opérationnelles.

c.h. Plusieurs indices laissaient penser que ses voisins et un commerçant étaient à l’origine des agissements précités. En effet, le 5 janvier 2021, lorsqu’elle avait trouvé deux des trois serrures de sa porte d’entrée sans le double tour, elle avait entendu une personne se déplacer au huitième étage, sans parvenir à l’identifier. Par ailleurs, entre 1997 et 2008, son voisin du sixième étage lui avait infligé des remarques qu’elle considérait, d’une part, déplacées (telles que « Vous lisez ce journal ? Trop français ! »), et d’autre part, inintéressantes (informations sur sa vie privée et professionnelle). Sa voisine du septième étage adoptait, quant à elle, une attitude « agressive », consistant notamment à ne pas lui ouvrir la porte et à se rapprocher de son siège en réponse aux remarques qu’elle formulait lors des assemblées de copropriétaires. Enfin, un commerçant de Thônex la suivait avec différentes voitures jusqu’à son domicile pour y commettre des déprédations et des vols.

C. Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière, au motif qu'il existait des empêchements de procéder, dès lors que la poursuite pénale était prescrite pour une bonne partie des faits dénoncés, soit ceux échelonnés sur quelque 50 ans.

En outre, certains faits semblaient relever du droit civil, de la copropriété notamment (bruits, odeurs, entretien, etc.). D’autres faits paraissaient liés à la durée de vie peu élevée de certains objets ménagers ou à leur usure naturelle. Le message Windows était, quant à lui, fort courant et faisait partie des ennuis réservés aux utilisateurs de systèmes informatiques.

Les faits allégués et les pièces produites par A______ n'étaient pas de nature à corroborer le fait que des personnes auraient pénétré dans son appartement et y auraient dérobé des biens, occasionné un quelconque dommage ou encore tenté de porter une atteinte à son intégrité corporelle, si bien que les maux dont elle avait pu souffrir ne pouvaient pas être rattachés à des actes délictueux. Faute de soupçons suffisants de commission d’une infraction, les conditions à l'ouverture de l'action pénale n'étaient pas réunies.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend, en substance, les termes de sa plainte. À ses yeux, il y avait suffisamment d'éléments pour retenir les chefs d'infractions dénoncées. De plus, si une partie des infractions était prescrite, il appartenait au Ministère public d'investiguer les nombreux autres faits qui ne l'étaient pas, de sorte qu'il ne pouvait conclure à un empêchement de procéder pour ces derniers. Le Ministère public se devait dès lors d'ordonner qu'une enquête policière approfondie soit menée, en particulier que l’audition de témoins et le prélèvement d’ADN soient effectués.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Une partie des faits de la plainte de la recourante du 15 mars 2022 ayant déjà fait l’objet d’une décision entrée en force, seuls les faits postérieurs à sa dernière plainte, du 30 juillet 2018, seront traités dans le présent recours, les arguments exposés par la recourante ne remplissant au demeurant pas les conditions d’une reprise de la procédure (art. 11, 310 al. 1 let. b CPP et 323 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées), qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_417/2017 du 10 janvier 2018 consid. 2.1.2 ; 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. Le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand: Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 9 ad art. 310; R. PFISTER-LIECHTI (éd.), La procédure pénale fédérale, Fondation pour la formation continue des juges suisses, Berne 2010, p. 62).

4. La recourante estime tout d'abord qu'il existe des soupçons suffisants d'infractions de violation de domicile, de dommages à la propriété et de vol.

4.1. L'art. 186 CP qui réprime la violation de domicile, punit celui qui, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une habitation.

4.2. L'art. 144 al. 1 CP réprime l'infraction de dommages à la propriété, soit celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

4.3. Aux termes de l'art. 139 ch. 1 CP, commet un vol, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

Si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende (art. 172ter CP).

Le comportement délictueux consiste à soustraire la chose. Autrement dit, une autre personne avait la possession de la chose (même non exclusive), l'auteur la lui enlève contre sa volonté et prend ainsi sa place. Le lésé devait être possesseur de la chose et l'auteur, par la soustraction, a acquis une possession qu'il n'avait pas auparavant (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 2 ad art. 139 CP). L'auteur du vol doit soustraire la chose dans le but de se l'approprier. Ainsi, il ne suffirait pas que l'auteur ait le dessein d'utiliser temporairement la chose ou de la détruire, il faut qu'il veuille l'incorporer à son patrimoine en vue de la conserver ou de l'aliéner (B. CORBOZ, op. cit, n. 9 ad art. 139 CP).

4.4. En l'occurrence, la recourante soutient que, depuis de nombreuses années, un tiers se serait régulièrement introduit dans son appartement, durant son absence ou même parfois en sa présence, pour y commettre des déprédations.

En ce qui concerne les infractions de violation de domicile, la recourante n'a constaté aucun signe d'effraction, étant précisé que le fait de trouver deux des trois serrures de sa porte d’entrée sans le double tour n’en est pas un. Elle n'explique pas non plus de quelle manière un tiers aurait pu entrer dans son appartement, ce d'autant plus que celui-ci était équipé – selon ses dires – d'une barre de sécurité et d'une deuxième serrure, dès 1998, ainsi que d'une alarme depuis 2001.

Aucun indice ne permet non plus d’établir que les dommages constatés par la recourante seraient dus à l'intervention d'un tiers. Au contraire, au vu de leur nature, telle que décrite par la recourante elle-même, les constats – des raclages sur la commode de la chambre d’hôte, une entaille au milieu du miroir du WC visiteurs, un gobelet et une cruche ébréchés, des coupures sur la poignée du placard de la cuisine, des cache-pots abîmés, des trous sur une couverture et un set de cuisine, et des semelles de chaussures brisées – laissent à penser qu'il s'agit de traces d'usure, tel que l'a retenu le Ministère public. La même conclusion s’impose aux appareils électroménagers, qui ont été remplacés par une entreprise privée.

La durée et la nature des coupures des feuilles des plantes décrites par la recourante – plantes vertes « incisées par centaines » de 1997 à mars 2022 – permettent plutôt de penser qu’il s’agit d’une cause naturelle.

La disparition de la clé de la chambre de la recourante ne paraît pas non plus rattachée à un acte délictueux, faute de trace d’effraction due à l’intervention d’un tiers.

Ainsi, hormis les déclarations de la recourante, le dossier ne recèle aucun indice concret et concluant laissant à penser qu'un tiers (voisin, commerçant ou autre inconnu) aurait pénétré dans son appartement contre son gré et à son insu, afin d'y causer des dommages et un vol, tel que l'a retenu le Ministère public.

Au surplus, dans la mesure où elle n’est pas propriétaire des machines à laver et à sécher dont les boîtes électriques auraient été mises hors fonction, on ne voit pas quel intérêt juridiquement protégé elle aurait à se plaindre d’une quelconque déprédation sur ceux-ci.

Faute de prévention suffisante de la commission d’une quelconque infraction, une visite de son appartement par la police ne modifierait en rien ce constat.

Ainsi, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les infractions précitées.

5. La recourante reproche ensuite au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction au sujet des tentatives d'assassinat dont elle se dit victime.

5.1. L’art. 111 CP réprime le comportement de celui qui aura intentionnellement tué une personne. L’assassinat (112 CP) est une forme qualifiée d’homicide intentionnel qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l’auteur a tué avec une absence particulière de scrupules (ATF 141 IV 61 consid. 4.1.).

5.2. Aux termes de l'art. 122 CP, se rend coupable de lésions corporelles graves, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1) ou aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3).

5.3. L’art. 255 CPP prévoit qu’un profil d’ADN peut être établi afin d’élucider un crime ou un délit. Tel est le cas lorsqu’il existe des soupçons suffisants laissant présumer que la personne a pu commettre l’infraction en question (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand: Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 15 ad art. 255).

5.4. En l'espèce, la recourante se contente d'alléguer, sans apporter une preuve corroborant cette hypothèse, qu’un tiers aurait, en décembre 2021, déstabilisé en son absence la porte gauche de son armoire à pharmacie dans le but de lui causer des blessures et de la tuer. Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées (supra consid. 4.4), le dossier ne recèle aucun indice concret et concluant laissant à penser qu'un tiers aurait pénétré dans son appartement – contre son gré et à son insu – pour mettre en œuvre un tel scénario. Enfin, comme le relève la recourante elle-même, le jour-même, la police s’était rendue à son appartement, l’avait entendue et avait effectué une enquête de voisinage afin d’élucider les faits. Il s'ensuit qu’il n’existe pas de prévention suffisante de tentative de lésion corporelle grave ou d’assassinat.

Au vu de ce qui précède, une nouvelle visite de la police – plus de six mois après les faits – ne modifierait en rien ce constat. Au surplus, faute de soupçon suffisant et vu l’écoulement du temps, un prélèvement d’ADN ne pourrait pas non plus être ordonné.

Ces mêmes conclusions s’appliquent aux deux autres hypothèses selon lesquelles, dans le but de lui causer des blessures ou de la tuer, un tiers aurait cassé l’intérieur d’un thermos pour favoriser l’ingestion de la poussière de verre ou aurait désolidarisé l’applique murale de la salle de bain.

Faute d'indice de la commission d'une infraction pénale, l'ordonnance querellée ne souffre aucune critique également sur ce point.

6. La recourante reproche ensuite au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction alors qu’un tiers manipulerait son ordinateur.

6.1. Selon l'art. 143bis CP, est poursuivi quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système informatique appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.

L'accès indu à un système informatique peut être considéré comme l'équivalent informatique de la violation de domicile (FF 1991 II 933, 979). Pour que l'infraction soit réalisée, il faut être en présence de trois conditions, soit un accès à un système informatique, appartenant à autrui et spécialement protégé, qui soit indu et intentionnel (S. METILLE / J. AESCHLIMANN, Infrastructures et données informatiques : quelle protection au regard du code pénal suisse ?, in Revue pénale suisse 2014, vol. 132, p. 283/297).

6.2. En l'espèce, la recourante allègue que depuis le mois d’octobre 2021, une fenêtre – avec le message « Pour fermer le programme qui empêche Windows de s’arrêter, cliquer sur annuler » – apparaît à chaque fois qu’elle s’apprête à éteindre l’ordinateur. Or, il est notoire que le message Windows précité est fort courant et fait partie des désagréments réservés aux utilisateurs de systèmes informatiques, tel que retenu par le Ministère public. Ces faits ne sont donc constitutifs d’aucune infraction pénale.

7. La recourante estime que les nuisances sonores et l’odeur pestilentielle dont elle se plaint sont constitutives d'une infraction pénale.

7.1. Au sens de l’art. 11D de la loi pénale genevoise (LPG ; E 4 05), se rend coupable de trouble à la tranquillité publique celui qui, par la voix, au moyen d’un instrument ou d’un appareil produisant ou amplifiant des sons, avec un instrument ou un appareil dont le fonctionnement ou la manipulation sont bruyants, ou de quelque autre manière, aura troublé la tranquillité publique (al. 1). Par voie de règlement, le Conseil d’Etat peut interdire des comportements bruyants déterminés, en restreindre l’adoption à certains lieux, jours ou heures, ainsi que les soumettre à des conditions (al. 2).

7.2. Le règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques (RSTP ; E 4 05.03) précise que tout excès de bruit de nature à troubler la tranquillité publique est interdit (art. 16 al. 1 RSTP), en particulier les bruits inutiles tels que les cris, les vociférations, les claquements de porte ou tout autre bruit inutile (art. 27 RSTP).

Dans la mesure où leur bruit peut être perçu par des tiers, l’utilisation de marteaux, de perceuses ou d’autres appareils analogues est interdite : du lundi au vendredi, avant 8 h et après 19 h ; le samedi, avant 9 h et après 18 h ; le dimanche et les jours fériés selon le droit fédéral ou cantonal (art. 32 RSTP).

Le dérangement malicieux des occupants d’un logement ou d’un autre local, notamment au moyen de la sonnette équipant ces derniers, est interdit (art. 37 RSTP).

7.3. En l'espèce, la recourante allègue, sans apporter d’éléments pour appuyer ses dires, de cliquetis contre les parois et les radiateurs, des égouttements sur la cuvette des WC, de craquements dans la salle de bain, du bruit d’une perceuse – à des heures de repos – provenant des appartements de ses voisins, ainsi que d’un coup de sonnette à 3h25 du matin.

Les nuisances alléguées – sous réserve du coup de sonnette et du bruit de perceuse – ne tombent pas sous le champ d’application de l’art. 11D LPG ni du RSTP, qui visent tout excès de bruit de nature à troubler la tranquillité publique. Quoi qu’il en soit, faute d’indices suffisants des auteurs, aucune enquête ne paraît envisageable.

L’odeur pestilentielle alléguée ne relève pas non plus du droit pénal, ce d’autant moins que la recourante relève elle-même que cette nuisance avait cessé – une première fois – après le nettoyage des colonnes des eaux usées opéré par une entreprise privée. Au surplus, le témoignage du concierge ne modifie en rien ce constat, de sorte que son audition apparaît inutile.

Enfin, les remarques, selon elle, déplacées de son voisin – telles que « Vous lisez ce journal ? Trop français ! » – ou l’attitude prétendument « agressive » de sa voisine – consistant, notamment, à ne pas lui ouvrir la porte –, ne remplissent les éléments constitutifs d’aucune infraction pénale.

C'est donc à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur ce point non plus.

8. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

9. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), fixés en totalité à CHF 800.-, émolument de décision compris.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6029/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00