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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/551/2021

ACPR/494/2021 du 28.07.2021 sur JTPM/391/2021 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;PRONOSTIC
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/551/2021 ACPR/494/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 juillet 2021

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

contre le jugement rendu le 27 mai 2021 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9 – case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 juin 2021, A______ recourt contre le jugement du 27 mai 2021, notifié le 1er juin suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionelle.

Le recourant conclut à l'annulation du jugement précité et à sa libération conditionnelle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1999, ressortissant algérien démuni de documents d'identité, exécute actuellement les peines suivantes :

- 10 jours de peine privative de liberté de substitution, en conversion d'une amende de CHF 1'000.- selon l'ordonnance pénale du Ministère public du 14 août 2019, pour entrée et séjour illégaux et infractions aux lois et règlements genevois (conversion du Service des contraventions (ci-après, SdC) du 22 février 2021),

- 6 mois de peine privative de liberté (sous déduction d'un jour de détention avant jugement), selon ordonnance pénale du Ministère public du 16 août 2019, pour vol et séjour illégal,

- 8 jours de peine privative de liberté de substitution, en conversion d'une amende de CHF 800.- prononcée par ordonnance pénale du Ministère public le 22 août 2019, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (conversion du SdC, du 22 février 2021),

- 90 jours de peine privative de liberté (sous déduction d'un jour de détention avant jugement), selon ordonnance pénale du Ministère public du 11 septembre 2019, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée,

- 120 jours de peine privative de liberté (sous déduction de 2 jours de détention avant jugement), selon ordonnance pénale du Ministère public du 24 septembre 2019, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée, vol, injure et séjour illégal,

- 60 jours de peine privative de liberté d'ensemble, en révocation du sursis accordé le 14 août 2019 par le Ministère public à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.-/jour, pour non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée, injure, vol, séjour illégal (sursis révoqué le 24 septembre 2019, conversion ordonnée par le SdC le 22 février 2021),

- 90 jours de peine privative de liberté (sous déduction de 4 jours de détention avant jugement) ordonnée par la Staatsanwaltschaft Abteilung I Luzern le 3 octobre 2019, pour défaut d'avis en cas de trouvaille, vol, violation des règles de la circulation routière, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée et entrée et séjour illégaux (par délégation du canton de Lucerne du 27 novembre 2019),

- 2 jours de peine privative de liberté de substitution, en conversion d'une amende de CHF 200.-, ordonnée par la Staatsanwaltschaft Abteilung 1 Luzern du 3 octobre 2019, pour contravention à la loi sur les stupéfiants (LStup) (par délégation du canton de Lucerne du 21 janvier 2020),

- 130 jours de peine privative de liberté (sous déduction d'un jour de détention avant jugement), par ordonnance pénale du Ministère public du 6 octobre 2019, pour séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée,

- 160 jours de peine privative de liberté d'ensemble (sous déduction de 4 jours de détention avant jugement), en révocation du sursis accordé le 22 août 2019 par ordonnance pénale du Ministère public, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée (sursis révoqué par le Ministère public le 28 octobre 2019).

b. A______ est incarcéré depuis le 20 novembre 2019. Les deux tiers des peines qu'il exécute actuellement sont intervenus le 24 mai 2021, la fin étant fixée au 3 mars 2022.

 

c. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, il n'y a pas d'autres condamnations que les huit mentionnées ci-dessus.

 

A______ n'a jamais bénéficié d'une libération conditionnelle.

 

d. Selon le plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après, PES), validé par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) le 13 février 2020, A______ est né et a grandi dans la capitale algérienne, où il a effectué sa scolarité obligatoire. Il est le quatrième d'une fratrie de cinq enfants. Au bénéfice d'un diplôme de pâtissier (son père était boulanger), il a déployé cette activité durant deux années dans son pays d'origine. En 2016, âgé de dix-sept ans, il a quitté l'Algérie dans l'espoir de trouver un emploi et une épouse en France. Il aurait séjourné trois ans à D______ [France], où il aurait exercé comme pizzaïolo, puis six mois à E______ [France] – chez sa sœur –, où il aurait travaillé comme boulanger. À Genève, il aurait œuvré en semaine dans la vente de fleurs. Avant son incarcération, il logeait chez un ami de longue date, dans un appartement à Genève.

 

A______ a déclaré boire en secret de l'alcool depuis l'âge de 8 ans. Lors de son arrestation, il buvait environ deux litres de bière quotidiennement et un demi-litre de whisky le jeudi. Selon les auteurs du PES, il ne semblait pas correspondre à un profil pro-criminel per se. Si les états d'intoxication avaient contribué à des incivilités et au comportement inadéquat contre les forces de l'ordre, aucun fait de violence physique n'était connu. L'intéressé semblait capable d'honorer un emploi et sa volonté de travailler paraissait authentique. Mais la négation de sa problématique durable d'alcoolisme risquait de contribuer au maintien d'une vulnérabilité nuisible au-delà des frontières, même si l'addiction ne semblait pas constituer un facteur primordial dans son comportement délinquant.

 

Des conditions générales à respecter ont été fixées à A______ durant la détention : éviter les comportements transgressifs et se soumettre aux éventuels contrôles ; faire preuve d'assiduité, ponctualité et régularité au travail ; s'acquitter des frais de justice ; collaborer en vue du renvoi.

 

Le PES prévoit une unique phase d'exécution en milieu fermé (phase 1), devant permettre au détenu de reconsidérer ses options d'avenir, et l'éventuelle libération conditionnelle (phase 2).

e. Dans le formulaire de demande de libération conditionnelle, A______ déclare être célibataire et sans enfant. Il désigne sa soeur, à F______, en France, comme étant susceptible de l'épauler. Il dit pouvoir loger chez un ami, G______, à H______ [Allemagne], à sa libération. Son projet de réinsertion consiste à se rendre à H______ et y travailler dans le domaine de la pâtisserie, au profit d'une promesse d'embauche, non établie par pièce.

f. La direction de la prison de I______ – où A______ était incarcéré jusqu'au 8 juillet 2020 – a émis un préavis défavorable, le 2 février 2021. Le précité avait peiné à se soumettre aux règles internes de discipline et été placé en cellule forte à trois reprises. Il se trouvait depuis le 3 juin 2020 dans l'attente d'une place de travail. Il n'avait pas été suivi par le secteur socio-éducatif du service de probation (ci-après, SPI).

À teneur des pièces annexées, le précité s'est vu notifier des sanctions le 20 novembre 2019, pour refus d'obtempérer, injures envers le personnel et trouble à l'ordre de l'établissement ; le 7 janvier 2020, pour injures envers le personnel ; et le 20 avril 2020, pour "violence physique exercée sur un détenu". Le rapport relatif à cette dernière sanction mentionne toutefois que lors de l'arrivée des gardiens, A______ avait le visage en sang, les détenus restés en cellule expliquant que l'autre co-détenu lui avait "mis un coup de boule". Une mention manuscrite précise que "les version divergent mais le détenu [caviardé] admet avoir frappé le détenu A______".

g. La direction de B______ a émis deux préavis, le premier du 4 février 2021, positif, et le second, du 10 mai 2021, négatif.

A______ avait adopté un comportement transgressif au règlement de l'établissement, ce qui lui avait valu cinq sanctions disciplinaires :

- le 7 janvier 2021, pour s'être approprié de la marchandise ou du matériel appartenant à l'établissement et mis à disposition des détenus,

- le 4 février 2021, pour avoir été testé positif aux benzodiazépines (non prescrits médicalement) [il sera à nouveau testé positif le 5 mai 2021],

- le 19 mars 2021, pour avoir agressé un co-détenu,

- le 3 mai 2021, pour avoir refusé de se rendre au travail,

- pour consommation et possession de produits stupéfiants.

S'agissant de son parcours en ateliers, il avait intégré du 14 juillet au 25 août 2020 l'atelier "Evaluation 2", où il avait effectué les tâches dévolues en faisant preuve de volonté et de motivation. Il était dépeint comme poli, discret, volontaire et entretenant des bons rapports avec ses codétenus. Du 26 août au 5 octobre 2020, il avait travaillé à l'atelier "Propreté", où il a fourni de bonnes prestations. Du 6 octobre 2020 au 18 mars 2021, il avait œuvré au sein de l'atelier "Boulangerie", où il avait évolué positivement. Depuis le 30 mars 2021, il travaillait à l'atelier "Emballage", où il adoptait une attitude positive, exécutait son travail correctement et était décrit comme proactif. Il suivait des cours de français depuis août 2020, pour pallier ses difficultés de compréhension.

Faute de titre de séjour valable, l'assistance de probation n'entrait pas ligne de compte. A______ avait toutefois été vu à sept reprises en entretien, principalement pour des questions administratives et en lien avec sa détention. Il avait déclaré vouloir reprendre contact avec sa mère et retourner dans son pays d'origine, où vit aussi son frère.

Il possède CHF 842.45 sur son compte libre, CHF 1'040.40 sur son compte réservé et CHF 780.25 sur son compte bloqué. Des démarches avaient été entreprises auprès du SdC, en vue du remboursement des frais de justice, sans toutefois aboutir pour des motifs financiers.

h. Le SAPEM a préavisé défavorablement, le 11 mai 2021, la libération conditionnelle de A______ bien qu'il n'ait jamais bénéficié d'un tel élargissement par le passé, aux motifs que son comportement carcéral s'y opposait et que son projet de réinsertion, étayé d'aucune pièce, n'était pas en adéquation avec sa situation administrative. Le risque de commission de nouvelles infractions demeurait élevé, de sorte que seul un pronostic défavorable pouvait être posé.

i. Par requête du 17 mai 2021, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle, en raison des nombreux antécédents de A______, le risque de réitération étant élevé.

j. Selon le courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après, OCPM), du 25 février 2021, confirmé le 4 mai 2021, le renvoi de A______ à destination de l'Allemagne ne semblait plus possible du fait de sa très longue détention. Une décision de renvoi serait prochainement prononcée et une interdiction d'entrée en Suisse proposée au Secrétariat d'État aux migrations.

k. Au vu de la situation sanitaire en lien avec l'épidémie de coronavirus, le Tribunal a proposé de statuer par la voie écrite.

l. Par lettre de son conseil, du 24 mai 2021, A______ a conclu à sa libération conditionnelle. S'agissant de sa première incarcération, il n'avait jamais bénéficié d'une libération conditionnelle. À sa sortie de prison, il projetait de "tenter sa chance ailleurs" ou retourner en Algérie. Dans l'immédiat, il pourrait loger chez ses sœurs en France (à F______ ou E______), disposées à l'accueillir. Par la suite, son ami à H______ pourrait l'aider à trouver un emploi en tant que pâtissier. Il regrettait de devoir purger en une seule fois l'intégralité des peines, soit 850 jours de peine privative de liberté. Il avait été condamné à des peines particulièrement sévères avant tout pour des infractions liées à son statut administratif et pour des faits relevant de la petite délinquance. Les sanctions prononcées en détention étaient principalement dues à des écarts de comportement et pouvaient être qualifiées d'incivilités. La prison de I______ se référait à une sanction pour agression sur un autre détenu mais le rapport y annexé précisait qu'il avait lui-même été agressé. Le préavis de B______ ne contenait pas les rapports de sanction. Il était disproportionné de lui refuser la libération conditionnelle en raison de ses antécédents, alors que tous les intervenants avaient relevé que sa volonté de trouver un travail était authentique et que les appréciations de son travail en atelier témoignaient de sa motivation. L'éventuel risque de récidive devait s'évaluer au regard de la longue – première – peine effectuée et du solde, apte à pallier toute réitération, pour des infractions à la LEI et, dans une moindre mesure, des petites atteintes au patrimoine ou à l'honneur. Partant, le pronostic était favorable.

C. Dans le jugement querellé, le TAPEM a retenu le mauvais comportement de A______ durant sa détention. Il s'était montré incapable de respecter les règles internes des établissements carcéraux. Dans le premier, il avait été placé à trois reprises en cellule forte, notamment pour "violences physiques sur un autre détenu". Le second faisait également état d'un comportement transgressif au règlement, ce qui lui avait valu six sanctions disciplinaires, en particulier pour agression sur un codétenu. Le comportement carcéral de A______ s'opposait ainsi clairement à sa libération conditionnelle.

Le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents, A______ n'ayant pas su tirer profit des premières condamnations prononcées avec sursis. Les courtes peines privatives de liberté subséquentes ne l'avaient pas dissuadé de récidiver.

Sa situation personnelle demeurait inchangée et on ne percevait aucun effort pour modifier la situation. Aucun projet concret et étayé n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir, en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Il n'avait aucune garantie de pouvoir séjourner légalement en France ou en Allemagne. En l’état, rien n’indiquait qu'il saurait mettre davantage à profit une "nouvelle" (sic) libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait très élevé, étant relevé qu'à teneur de ses dernières condamnations, ce risque ne se limitait pas à des infractions à la LEI.

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation de l'art. 86 CP et du principe de la proportionnalité. La libération conditionnelle constituait la règle et il n'en avait jamais bénéficié, contrairement à ce que retenait le jugement querellé. Les éléments négatifs, mis en avant par le premier juge, soit ses antécédents et les sanctions dont il avait fait l'objet durant sa détention, devaient être mis en balance avec les autres éléments, positifs, qu'il avait mis en exergue dans ses observations du 24 mai 2021.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement et renonce à formuler des observations.

c. Le Ministère public n'a pas répondu.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus en matière de libération conditionnelle par le TAPEM (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées), dont le jugement constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 30 ad art. 363).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé à temps devant la Chambre de céans (art. 396 al. 1 CPP), et selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 390 al. 1 CPP). Le recourant, condamné, a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2. Le recourant conteste le refus de libération conditionnelle.

2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF
133 IV 201 consid. 2.2 p. 203). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 s. et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7).

2.2. Il ne suffit pas que le comportement du condamné pendant sa détention ne s'oppose pas à son élargissement. On peut même se demander si le comportement pendant l'exécution constitue vraiment un critère de décision indépendant ou s'il n'est pas, selon les circonstances, un simple élément supplémentaire d'appréciation pour établir le pronostic (arrêt du Tribunal fédéral 6B_915/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4.1). Seuls peuvent dispenser l'autorité d'examiner les conditions relatives au pronostic les comportements qui, soit portent une atteinte grave au fonctionnement de l'établissement ou à d'autres intérêts dignes de protection (par exemple, voies de fait ou menaces graves contre le personnel ou des codétenus, participation à des mutineries), soit dénotent en eux-mêmes une absence d'amendement (évasion, refus systématique ou obstiné de fournir un travail convenable, abus grave de substances toxiques, etc.). Si les comportements reprochés au détenu n'atteignent pas le degré de gravité qui interdise d'emblée d'envisager la libération conditionnelle, ils peuvent encore être pris en considération dans l'établissement du pronostic (ATF 119 IV 5 consid. 1a p. 7).

2.3. Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 et les références citées).

Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb p. 198 ss).

2.4. Il est admissible de lier l'octroi d'une libération conditionnelle au fait que le condamné quitte effectivement la Suisse si le pronostic est défavorable en cas de séjour en Suisse après sa libération anticipée, alors qu'il serait plus favorable en cas de retour dans son pays d'origine ou dans un État tiers, ce qui est le cas, par exemple, pour le détenu étranger dont l'infraction est notamment liée à des problèmes d'intégration (arrêts du Tribunal fédéral 6A_78/2000 du 3 novembre 2000 consid. 2 et 6A_34/2006 du 30 mai 2006 consid. 2.1; A. BAECHTOLD, Exécution des peines : l'exécution des peines et mesures concernant les adultes en Suisse, Berne 2008, p. 269 ; AARP/309/2013 du 11 juin 2013 consid. 2.2.3 et AARP/14/2014 du 8 janvier 2014 consid. 2.2.3).

2.5. En l'espèce, la condition objective d'une libération conditionnelle est réalisée depuis le 24 mai 2021.

Contrairement à ce que semble avoir retenu le TAPEM, le recourant n'a jamais bénéficié d'une libération conditionnelle. Il purge, en une fois, les différentes peines auxquelles il a été condamné entre août et octobre 2019.

Le préavis de la prison de I______ est négatif, en raison des trois sanctions disciplinaires infligées au recourant. À l'instar de ce dernier, on s'interroge toutefois sur l'intitulé de celle du 20 avril 2020, pour "violence physique exercée sur un détenu, le rapport annexé faisant état d'un acte de violence à l'encontre du recourant, qui aurait reçu un coup de tête d'un autre détenu. Le premier préavis de B______ est positif, mais le second négatif, en raison de trois nouvelles sanctions disciplinaires, notamment une agression sur un codétenu.

Si ces débordements, en prison, montrent une facette fort désavantageuse du recourant, ils ne s'opposent pas, par leur nature, à son élargissement, mais doivent, conformément aux principes jurisprudentiels énoncés au consid. 3.2. supra, être pris en considération dans l'établissement du pronostic.

Le SAPEM a aussi émis un préavis défavorable, en raison des antécédents du prévenu et de son comportement en prison. Il ressort toutefois de l'évaluation faite par le PES, que le recourant ne présente pas "un profil pro-criminel per se". Aucun fait de violence physique n'est relevé – hormis, désormais, une agression sur un codétenu à B______ dont on ignore tout –. Si ses états d'intoxication à l'alcool ont contribué à des incivilités et au comportement inadéquat contre les forces de l'ordre, son addiction à l'alcool n'est pas un facteur primordial dans son comportement délinquant. Les évaluateurs ont estimé que le recourant serait capable d'honorer un emploi, sa volonté de travailler paraissant authentique. Le préavis de B______ est d'ailleurs élogieux sur ce point, le recourant s'étant correctement impliqué dans les divers ateliers dans lesquels il a été occupé.

Les nombreuses infractions pour lesquelles le recourant a été condamné, à Genève et Lucerne, ont été commises sur un court laps de temps, et la majorité est liée à son statut illégal. Avant son arrivée en Suisse, le recourant allègue avoir travaillé comme boulanger (en Algérie et à E______) et pizzaiolo (à D______). À Genève, il n'aurait travaillé qu'une semaine, dans la vente de fleurs. Les condamnations dont il purge les peines semblent donc en lien avec ses difficultés d'intégration. Dans ce contexte, il paraît que le pronostic, s'il n'est pas bon, n'est cependant pas défavorable, pour autant que le recourant ne reste pas en Suisse, où il n'a d'ailleurs pas de projet de vie ni l'intention de rester. Son renvoi en France ou en Allemagne n'est pas envisageable en l'état, faute d'autorisation de séjour dans ces pays. Le recourant allègue toutefois vouloir retourner en Algérie, où vivent sa mère et son frère, pays dans lequel il pourrait exercer le métier de pâtissier qu'il y déclare avoir appris.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée, outre à retenir à tort que le recourant avait déjà bénéficié d'une libération conditionnelle, n'a pas suffisamment tenu compte des éléments favorables mentionnés dans le PES, sur la base desquels on peut, compte tenu des infractions reprochées au recourant, retenir que le pronostic, à l'étranger, n'est pas défavorable.

3. Partant, le jugement querellé sera annulé et la libération conditionnelle ordonnée avec effet au jour du renvoi de Suisse du recourant, et assortie d'un délai d'épreuve correspondant à la durée entre la date de son expulsion et le 3 mars 2022.

Le recourant étant dépourvu de documents d'identité, il devra œuvrer à son admission dans son pays d'origine, étant relevé que la collaboration en vue de son renvoi est, d'ailleurs, une condition inhérente au PES.

4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5. La procédure étant terminée (art. 135 al. 2 CPP), le défenseur d'office sera indemnisé pour son activité en deuxième instance. L'avocat a chiffré celle-ci à CHF 1'550.90, pour un entretien avec le client à [l'établissement pénitentiaire de] B______ (1 heure 30), l'étude du dossier (1 heure 15) et la rédaction du recours (3 heures 15), auxquels il a ajouté CHF 240.- de forfait courriers et téléphone. L'indemnité sera fixée à CHF 1'024.- (TVA à 7.7 % incluse), le temps de rédaction du recours étant ramené à 2 heures, suffisantes pour un acte de huit pages (pages de garde et de conclusions comprises) ayant repris en grande partie l'argumentation exposée devant le TAPEM. L'activité devant l'instance de recours ne justifie au surplus pas de forfait de courriers/téléphones.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Ordonne la libération conditionnelle de A______, avec effet au jour de son expulsion de Suisse.

Dit que le solde de la peine non exécuté sera égal à la durée entre la date de l'expulsion de A______ et le 3 mars 2022.

Fixe à A______ un délai d'épreuve d'un an, à compter de la date de l'expulsion, en l'avertissant que s'il devait, durant ce délai, commettre un nouveau crime ou un délit, sa réincarcération pour le solde de sa peine pourra être ordonnée, nonobstant une nouvelle peine ou mesure (art. 89 CP).

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État une indemnité de CHF 1'024.-, TVA à 7.7 % incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur), au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Communique le dispositif à l'Office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).