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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9363/2021

ACPR/430/2022 du 16.06.2022 sur OTMC/1136/2022 ( TMC ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.07.2022, rendu le 23.08.2022, ADMIS, 1b_384/22, 1B_384/22
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9363/2021 ACPR/430/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 juin 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance de prolongation des mesures de substitution rendue le 8 avril 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 21 avril 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 avril 2022, notifiée le 11 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné, jusqu'au 7 juin 2022, la prolongation des mesures de substitution préalablement ordonnées, consistant en :

a) l'interdiction de tout contact avec C______, les parents de celle-ci, D______, E______, F______ et toutes autres personnes susceptibles d'être encore entendues dans la procédure, y compris G______, ancienne directrice du Foyer H______,

b) l'interdiction de se rendre au Foyer H______ ou de s'en approcher à moins de 100 mètres.

La recourante conclut, avec suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la levée des mesures.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, éducatrice remplaçante au foyer H______ (ci-après: le Foyer), a été arrêtée le 7 février 2022. Le lendemain, le Ministère public l'a relaxée, au profit de mesures de substitution, ordonnées le 9 février 2022 par le TMC pour une durée d'un mois, prolongées à nouveau le 7 mars jusqu'au 7 avril 2022.

b. A______ est prévenue d'exposition (art. 127 CP), de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP), d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 LStup) et d'infraction à la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (art. 86 LPTh).

c. Il lui est reproché d'avoir, à Genève, en sa qualité de co-référente de C______, née en 2006, résidente au Foyer et souffrant de graves troubles autistiques, administré à la précitée entre février et le 4 mai 2021 des médicaments contenant de la clotiapine et du levetiracetam, qui ne lui étaient pas prescrits, et, le 28 mars 2021, une grande quantité de TEMESTA®, qui ne lui était pas prescrit non plus, l'exposant ainsi à un danger grave et imminent pour la santé, et mettant en danger son développement.

d. Le traitement de C______ était composé, au moment des faits, d'olanzapine (ZYPREXA®) 2,5 mg 2x/j + 2 réserves par jour, lamotrigine (LAMICTAL®) 100mg 1x/j, MOVICOL 1x/j et Paracetamol. La "réserve" devait être administrée en cas de crise aiguë.

e. Le 29 mars 2021 dans la matinée, C______ a été amenée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) car elle présentait, depuis la nuit du 28 au 29 mars 2021, un état de vigilance fluctuant avec somnolence, instabilité à la marche et élocution altérée.

f. Les analyses d'urine ont établi la présence de benzodiazépines, qui ne faisaient pas partie de son traitement fixe ou en réserve, de sorte que les HUG ont retenu une intoxication à ces composés, plus précisément au lorazépam, substance active du TEMESTA®.

g. Le 1er avril 2021, l'Office médico-pédagogique a dénoncé les faits à la police. I______, représentante légale de C______, déposera plainte pénale le 15 septembre 2021.

h. À teneur du rapport de lésions traumatiques avec analyses toxicologiques, du 16 avril 2021, la présence de clotiapine et levetiracetam dans les cheveux de C______ a été constatée, évocatrice d'une consommation régulière durant les deux/trois mois précédant le prélèvement. Or, ces substances ne faisaient pas partie du traitement de C______, étant précisé que le médicament ENTUMINE®, soit le nom commercialisé de la clotiapine, est a priori réservé à l'adulte.

i. Selon les éléments au dossier, F______ et E______ ont pris en charge C______ durant l'après-midi et le début de la soirée du 28 mars 2021. A______ l'a couchée, le soir. C______ s'est relevée quelques minutes plus tard et s'est présentée à la cuisine du foyer, où se trouvaient F______, E______, A______ et D______ – tous prévenus –. D______, qui a recouché l'adolescente, a allégué avoir remarqué des signes inhabituels dans son comportement.

j. A______ conteste les faits reprochés, mais admet que C______ ne pouvait pas avoir pris en mains et ingéré elle-même des médicaments.

Le 28 mars 2021, elle avait couché C______. Lorsque l'adolescente s'était relevée et était apparue dans la cuisine, D______ était allé la recoucher. Elle n'avait pas constaté que le comportement de C______ était différent lorsqu'elle avait quitté le Foyer, peu après.

D______ a admis avoir recouché C______ après qu'elle était apparue à la cuisine.

A______ a précisé qu'au début du séjour de C______ au Foyer, dans la phase d'intégration, les médicaments en réserve lui étaient régulièrement donnés. Seul un autre résident prenait du TEMESTA®. Elle ne donnait à C______ que les médicaments de son pilulier – préparé par d'autres qu'elle –, prescrits par l'ordonnance médicale. Elle n'était toutefois pas seule à lui administrer les médicaments. Il lui arrivait de donner la dose de réserve, qu'elle avait sur elle, car la crise pouvait être rapide. Elle estimait que les doses de réserve agissaient comme des placebos. Lorsque la réserve était utilisée, cela devait être noté sur la fiche de traitement.

k. Lors de l'audience du 28 février 2022, elle a déclaré que "donner une fois du Temesta cela peut être dû à une guerre de clan mais pas le fait d'administrer dans la durée d'autres médicaments" (PP 500'011).

Interrogée à nouveau, le 21 mars 2022, sur cette déclaration, elle s'est déterminée comme suit (PP 500'075) :

"Il me semble que ça m'est arrivé de donner deux fois du Temesta à C______, mais cela était comme un placebo, car cela ne lui faisait aucun effet.

Avec l'aide de mon conseil, ça n'était pas du Temesta que j'ai donné, mais la réserve.

Vous me demandez si c'est un lapsus révélateur.

Oui, cela arrive. Je suis désolée, je me suis trompée".

l. Les médicaments au foyer H______ étaient stockés dans une armoire, en principe verrouillée, mais dont tous les éducateurs, infirmiers et éducateurs-remplaçants avaient la clé.

m. Il ressort des documents de la pharmacie J______ de K______ [GE], auprès de laquelle le Foyer se fournissait en médicaments, que de l'ENTUMINE® et du KEPPRA®, soit des médicaments composés de clotiapine et levetiracetam, avaient été commandés par le Foyer en 2019. L'ENTUMINE® avait notamment été commandée par le Foyer les 28 mai 2019, jour où A______ était présente. Le KEPPRA®, qui avait été commandé les 21 août et 31 octobre 2019, était destiné à un enfant du foyer seulement pour quelques mois, entre 2019 et 2020. L'ENTUMINE® était destiné à un autre résident, qui avait quitté le Foyer avant l'arrivée de C______.

n. Il ressort également d'un e-mail de la pharmacie susmentionnée, du 24 mars 2022, que le 20 février 2021, 126 comprimés d'olanzapine avaient été commandés pour C______ par le Foyer, puis, à nouveau, 98 comprimés le 8 mars 2021. Compte tenu de la posologie du traitement administré à C______, soit au maximum 4 comprimés de ZYPREXA par jour (soit 2 pour son traitement fixe et 2 en réserve), ces commandes dépassaient les doses nécessaires au traitement.

o. Dans l'ordonnance de mesures de substitution du 9 février 2022, respectivement dans l'ordonnance de prolongation du 7 mars 2022, le TMC a retenu un risque de collusion, notamment avec C______, mais précisé qu'aucun risque de réitération n'était réalisé.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu la persistance de charges suffisantes et graves, C______ ne s'étant pas administrée elle-même les médicaments litigieux et A______ ayant assisté aux soins prodigués ce jour-là par F______ et E______, puis couché l'adolescente avant l'identification par D______ des premiers signes d'intoxication. Elle travaillait en outre au Foyer entre les mois de février et mai 2021. L'instruction se poursuivait, le Ministère public ayant entamé les démarches pour ordonner une expertise médicale et pharmacologique en vue de déterminer notamment la quantité de TEMESTA® ingérée par C______ et l'heure de l'ingestion.

Un risque de collusion perdurait avec les trois autres prévenus, nonobstant les confrontations intervenues.

Il existait en outre un risque de réitération tangible, dans la mesure où l'intoxication de C______ avait eu lieu plusieurs fois, durant une période d'au moins trois mois. Ladite intoxication était intervenue après que des faits de maltraitance eurent été mis en exergue par des parents et des éducateurs, ce qui corroborait l'existence de déficiences importantes au niveau de la prise en charge quotidienne des enfants du Foyer.

Les mesures – consistant en une interdiction de contact et l'interdiction d'approcher le foyer – paraissaient aptes et adéquates pour diminuer les risques présentés par la prévenue, de sorte qu'elles pouvaient être prolongées de deux mois.

D.           a. Dans son recours, A______ conteste l'existence de charges suffisantes. Les soupçons initiaux reposaient uniquement sur sa présence sur son lieu de travail, "fait indépendant de sa volonté et en rien inhabituel". Son rôle en lien avec C______ dans la soirée du 28 mars 2021 apparaissait par ailleurs d'emblée secondaire. Elle avait été constante lors de ses diverses déclarations, sans que les éléments de l'enquête ne diminuent leur crédit. Elle avait été confrontée à ses collègues et divers actes d'instruction avaient été menés. Les charges ne s'étaient aucunement précisées, comme l'exigeait la jurisprudence, et s'étaient au contraire amoindries.

Elle conteste par ailleurs tout risque de collusion et de récidive. S'agissant de ce dernier, elle n'avait aucun antécédent judiciaire et n'était "de loin" pas soupçonnée avec une probabilité confinant à la certitude d'avoir commis les infractions visées par la procédure. Il ressortait en outre clairement de la liste des personnes ayant travaillé au Foyer depuis son ouverture jusqu'en décembre 2021, qu'elle n'y travaillait plus depuis fin juillet 2021.

Le "revirement" opéré par le TMC était surprenant et violait le principe de la proportionnalité. Le juge avait ordonné, puis prolongé, les mesures de substitution sur la base du risque de collusion, en vue de permettre les confrontations. Puis, alors que les actes d'instruction principaux avaient eu lieu, il avait prolongé les mesures de deux mois, pour un risque – de réitération – précédemment non retenu.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les éléments au dossier permettaient de retenir désormais, au vu de la durée des faits et de leur régularité, qu'il ne s'était pas agi d'une erreur de médication, mais bel et bien d'une "camisole chimique" mise en place pour anesthésier l'enfant. Tout portait à croire que C______ s'était vu administrer, en sus de médicaments qui ne lui étaient pas prescrits, des doses plus importantes d'olanzapine que celles prévues. A______ était l'une des dernières personnes à avoir pris en charge C______ avant l'observation des premiers symptômes liés à la prise de TEMESTA. Elle avait passé du temps, seule, avec la jeune fille au moment du coucher. Le risque de réitération était patent, et l'interdiction d'approcher le Foyer n'était pas disproportionnée dans la mesure où la prévenue alléguait ne plus y travailler. Cette mesure constituait un facteur protecteur majeur envers C______, qui résidait toujours au Foyer.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance et renonce à formuler des observations.

d. La recourante n'a pas répliqué.

E. a. Le 25 mai 2022, le Ministère public, après avoir tenu une nouvelle audience de confrontation quelques jours plus tôt, a, par ordonnance de levée partielle des mesures de substitution, levé les mesures précédemment ordonnées, sauf s'agissant de l'interdiction de tout contact avec C______, qui a été maintenue.

b. Invitée par la Direction de la procédure à faire part de sa détermination sur ces nouveaux éléments, A______ constate que son recours est devenu en partie sans objet. Elle maintient toutefois son recours, en tant qu'il porte sur l'interdiction de contact avec C______. Quand bien même elle n'avait aucunement l'intention d'entrer en contact avec la précitée, cette mesure n'était ni fondée en droit ni justifiée par les circonstances. Au vu de l'état de santé de C______, elle ne pouvait être motivée par la collusion, qui n'était pas concevable. Les considérations développées dans le recours, au regard des charges, du temps écoulé et de la proportionnalité demeuraient ainsi applicables.

F. Par ordonnance du 3 juin 2022, le TMC a prolongé, pour une durée de 4 mois, soit jusqu’au 7 octobre 2022, l'interdiction de contact avec C______, en raison du risque de réitération.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Après le dépôt du recours, les mesures de substitution prononcées contre la recourante dans l'ordonnance querellée ont été levées, à l'exception de l'interdiction de contact avec C______. Le recours est donc désormais circonscrit à cette mesure et sera déclaré sans objet pour le surplus.

1.3. La mesure de substitution litigieuse a, par ailleurs, été prolongée jusqu'au 7 octobre 2022. Cette décision ultérieure se fonde sur des motifs analogues à ceux retenus dans l'ordonnance attaquée, de sorte que la recourante conserve un intérêt actuel et pratique au sens de l'art. 382 al. 1 CPP à l'examen de ses griefs (comp. avec l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_134/2022 du 19 avril 2022 consid. 1 [art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF] ; cf. aussi ACPR/394/2022 du 3 juin 2022 et ACPR/18/2022 du 13 janvier 2022 consid. 1).

2.             La recourante estime que les charges se seraient amoindries.

2.1.       Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

2.2.       En l'espèce, la recourante était la co-référente de C______ durant toute la période pénale. L'instruction a démontré que les médicaments faisant partie du traitement de la précitée ont été commandés à la pharmacie, et livrés au Foyer, durant cette période, en quantités plus importantes que celle nécessaire à la posologie ordonnée par le médecin, ce qui est de nature à confirmer une sur-médicamentation volontaire. Il ressort en outre des éléments au dossier que les médicaments dont les molécules ont été retrouvées dans les cheveux de C______, concernaient un ancien résident et étaient restés au Foyer, alors qu'ils auraient dû être remis à la pharmacie. La recourante a admis qu'en sa qualité de co-référente de l'adolescente, elle lui donnait les médicaments prescrits. Si elle conteste lui en avoir administré d'autres que ceux autorisés, et affirme avoir respecté les doses de ceux prescrits, l'absence de reconnaissance des faits n'est pas de nature à diminuer les charges, au vu des éléments recueillis.

Par ailleurs, la recourante s'est occupée, le soir du 28 mars 2021, de coucher C______, avec laquelle elle est restée seule. Elle conteste lui avoir donné du TEMESTA® ce soir-là, mais ses réponses, lors des audiences des 28 février et 21 mars 2022, à la question de savoir s'il lui était arrivé de donner ce médicament à l'adolescente, sont pour le moins confuses, de sorte que, ici également, les soupçons, loin de s'amoindrir, se sont plutôt précisés.

3.             La recourante conteste tout risque de collusion et réitération.

3.1.       Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

3.2.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1).

3.3.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g).

3.4.       En l'espèce, demeure seule litigieuse l'interdiction faite à la recourante de tout contact avec C______, sans que l'ordonnance de levée des mesures rendue postérieurement au présent recours ne précise quel(s) risque(s) cette mesure devait pallier.

Cela étant, compte tenu de l'état de santé de C______, on ne saurait retenir un risque de collusion avec elle.

Sous l'angle du risque de réitération, il n'y a pas à s'interroger sur les motifs pour lesquels le TMC ne l'a pas retenu dans ses précédentes décisions – de février et mars 2022 –, mais à déterminer s'il était fondé à le retenir dans l'ordonnance querellée.

La recourante n'a certes pas d'antécédents judiciaires, mais les actes soupçonnés, qui ont mis en danger la vie et l'intégrité physique de l'adolescente, se sont déroulés sur une longue période. La recourante est soupçonnée d'avoir administré, seule ou avec des collègues, un médicament non prescrit à C______, ainsi que des doses plus importantes de médicaments prescrits, dans le but de la calmer. Les motifs pour lesquels les actes soupçonnés ont été commis n'ont pas disparu, puisqu'ils sont liés à l'état de santé de C______, qui ne s'est pas modifié.

Il est donc nécessaire d'empêcher que, au hasard d'un remplacement, la recourante ne soit amenée à s'occuper de l'adolescente, voire à lui donner des soins, ce risque étant désormais concret puisque l'interdiction de se rendre au Foyer a été levée. Que la recourante déclare ne plus y travailler n'est pas suffisant à annihiler tout risque, puisqu'elle continue d'exercer sa profession d'éducatrice spécialisée, de sorte qu'elle pourrait, si C______ devait se rendre dans un autre foyer, être amenée à s'en occuper.

Partant, l'interdiction de tout contact avec l'adolescente est de nature à pallier le risque de réitération retenu.

4.             La recourante soulève une violation du principe de la proportionnalité.

4.1.       À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte.

4.2. En l'espèce, la mesure litigieuse – soit l'interdiction de contact avec C______ – a été ordonnée pour une durée de deux mois, pour pallier le risque de réitération. On ne voit pas en quoi le principe de la proportionnalité aurait été violé, étant relevé que la recourante précise elle-même n'avoir de toute façon pas l'intention d'entrer en contact avec l'adolescente.

5.             Le recours, en tant qu'il vise l'interdiction de contact, s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

6.             6.1. L'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.2. En l'espèce, une partie du recours étant déclaré sans objet par suite de l'ordonnance de levée partielle des mesures de substitution, la recourante succombe partiellement. Elle supportera donc la moitié des frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), soit CHF 450.-.

7. La recourante plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2. En l'occurrence, si le recours n'était, à l'origine, pas dénué de chances de succès, son maintien après l'ordonnance de levée partielle des mesures de substitution paraît très discutable. Cela étant, un premier contrôle des charges par l'autorité de recours pouvait encore se justifier, de sorte que l'assistance juridique sera accordée pour le recours.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure où il conserve un objet.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-, soit CHF 450.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/9363/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

900.00