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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3656/2017

ACPR/302/2022 du 02.05.2022 sur OTDP/2130/2021 ( TDP ) , ADMIS

Recours TF déposé le 02.06.2022, rendu le 06.12.2022, IRRECEVABLE, 6B_738/2022
Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;RECEL;PRESCRIPTION;DÉCISION NON FORMELLE;MISE EN ACCUSATION;ORDONNANCE PÉNALE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);ATTRIBUTION(SENS GÉNÉRAL);POSSESSION
Normes : CPP.329; CPP.267; CPP.257; CPP.426

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3656/2017 ACPR/302/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 2 mai 2022


Entre

A______, domiciliée ______, Italie, comparant par Mes B______ et C______, avocats,

D______, domicilié ______, Espagne, comparant par Me E______, avocate,

recourants,

contre l'ordonnance rendue le 28 septembre 2021 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3

D______, domicilié ______, Espagne, comparant par Me E______, avocate,

A______, domiciliée ______, Italie, comparant par Mes B______ et C______, avocats,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par ordonnance du 28 septembre 2021, notifiée aux parties le 4 octobre suivant, le Tribunal de police a, notamment, classé la procédure dirigée contre D______, ordonné la levée du séquestre portant sur "l'émeraude taillée d'une seule pièce en forme de croix, de ______.02 carats" (ci-après: l'émeraude ou la croix) et sa restitution à A______, pour autant qu'aucune action civile n'ait été ouverte dans le délai de trente jours imparti aux autres réclamants pour ce faire; rejeté les conclusions en indemnisation de D______ (art. 429 CPP) et condamné ce dernier à payer à A______ une indemnité à titre de frais de défense ainsi que les frais de la procédure.

B. a. Par recours déposé le 14 octobre 2021, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée en tant qu'elle classe la procédure et au renvoi de la cause sur ce point à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

c. Par recours expédié le 14 octobre 2021, D______ conclut, à titre principal, à "la levée du séquestre" portant sur l'émeraude et sa restitution en ses mains, au rejet des "conclusions civiles en indemnisation" de A______, à l'admission de ses propres conclusions en indemnisation, supportée par deux tiers "par la partie plaignante (art. 427 al let. b CPP)" (sic), et à la condamnation de A______ aux frais de la procédure; subsidiairement au maintien du séquestre de l'émeraude et à "un délai de 30 jours à l'Etat Espagnol et à la partie plaignante pour ouvrir un procès civil" (sic).

d. Le 15 octobre 2021, la Direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif assortissant le recours de D______ (OCPR/44/2021).

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 16 février 2017, A______, petite-fille de F______, ancienne ______ [titre de noblesse] d'Espagne, a déposé plainte pénale contre inconnu des chefs tentative de recel (art. 160 CP), blanchiment d'argent (art. 305bis CP), ainsi que de violation de l'art. 24 al. 1 let. a de la Loi sur le transfert des biens culturels (ci-après: LTBC), auprès du Ministère public de Genève.

Lors d'un trajet en avion entre Genève et Paris le 22 novembre 1989, elle s'était fait voler une "croix en émeraude de ______.02 carats supportant à chaque extrémité de ses trois branches ______ diamants", se trouvant dans un bagage en soute. Cette émeraude avait une valeur culturelle et historique, ayant appartenu, successivement, à plusieurs personnalités des monarchies anglaise et espagnole. Son beau-père l'avait acquise en 1981 avant de lui en faire cadeau par la suite. Malgré le dépôt de sa plainte à J______ [France], deux jours après le vol, le bijou, qui n'était pas assuré, n'avait jamais été retrouvé. Le 29 février 2017, G______ SA lui avait transmis des photographies de la croix dans le cadre de prospections précédant sa mise aux enchères. Elle avait reconnu le bijou et en avait signalé le vol à G______ (Genève), par lettre du 2 février 2017, qui l'avait retiré de la vente de mai 2017 et conservé sous sa garde. Le 3 février 2017, G______ SA l'avait informée que le déposant ("consignor") de l'émeraude allait être avisé du vol et qu'il aurait la possibilité de fournir des explications à ce sujet.

À l'appui de sa plainte, A______ a produit:

-          un reçu manuscrit daté du 5 mars 1981, "en règlement de la "croix en émeraude" faisant l'objet de la lettre de ______ [titre de noblesse] F______". La signature de l'auteur apposée au bas du document n'est pas identifiée et l'acquéreur n'est pas mentionné;

-          une lettre signée de ______ [titre de noblesse] F______, retraçant l'histoire de l'émeraude avant sa vente au bijoutier H______, en 1937;

-          un certificat de dépôt de plainte émis le 22 février 1990 par les autorités françaises, portant sur le vol d'une croix en émeraude et d'une chainette en or jaune et diamants;

-          une circulaire de recherches émise le 29 décembre 1989 par l'Office central pour la répression du vol d'œuvres et d'objets d'art de la République française, avec une photographie noir et blanc de très mauvaise qualité de l'émeraude;

-          des photographies non datées, où on la voit porter la croix, assortie de ______ diamants à chaque extrémité, suspendue à un collier en or et en émeraude.

b. Le 23 février 2017, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre inconnu pour recel, ordonné le séquestre de l'émeraude en mains de G______ (Genève) et requis de cette dernière l'identité et le dossier de la personne cherchant à proposer la croix lors d'une vente aux enchères.

c. Le 23 mars 2017, G______ (Genève) a confirmé le séquestre de l'émeraude et fourni la documentation sollicitée, d'où il ressortait que le consignant était la société I______ SL, sise à K______, en Espagne, et dont D______ était l'administrateur unique.

d. Par commission rogatoire du 13 juin 2018, adressée aux autorités espagnoles, le Ministère public a pu recueillir des explications de D______.

Il était commerçant de détail en joaillerie et bijouterie, associé et administrateur unique de I______ SL depuis 1995. Il ne connaissait pas la plateforme "Art loss register". La pièce la plus précieuse qu'il ait vendue était un diamant de EUR 4'000.-. Son père, bijoutier, décédé en 1995, avait obtenu l'émeraude d'un tailleur de pierre qui vendait habituellement des pierres précieuses. Il l'avait ensuite reçue de son père en 1994, en échange de travaux effectués pour ce dernier. Il ne disposait d'aucun document relatif à l'acquisition de l'émeraude par lui-même ou au nom de I______ SL, ni de document signé avec son père. Il ne lui avait pas versé d'argent liquide. À l'époque, les transactions se faisaient avec des bons de livraison, lesquels n'avaient pas été conservés après la fermeture du magasin en 2006. Il n'avait entrepris aucune démarche pour vérifier l'origine licite de l'émeraude, ignorant qu'elle avait une valeur significative. En 2008, il avait demandé un certificat à L______, laboratoire de gemmologie à M______ [Espagne]. La pièce était inscrite à l'actif de sa société, l'estimation (EUR 98'000.-) faite par L______ ayant contribué à l'augmentation du capital de la société I______ SL en 2016. G______ avait envoyé la croix à H______ (N______ [Grande-Bretagne]) pour examen et l'avait tardivement informé que, vu l'importance de la pièce, il pouvait y avoir une plainte. Agissant de bonne foi, il n'avait pas envisagé cette possibilité. Il avait contacté G______ en 2008 car il pensait qu'une vente aux enchères était le moyen le plus efficace pour vendre l'émeraude, n'étant pas, lui-même, accoutumé à traiter des pièces de telle valeur et n'ayant pas la clientèle pour une telle pierre.

e. Les pièces suivantes ont été versées à la procédure:

- un catalogue de vente aux enchères édité par G______, daté du 26 octobre 1989, portant sur la collection "O______", dans lequel se trouvait le collier de diamants et d'émeraudes, visible sur les photos de A______ produites à l'appui de sa plainte, estimé entre USD 1'500'000.- et 2'000'000.-. Le descriptif accompagnant l'image expliquait que ledit collier soutenait originellement une croix d'émeraude de ______ carats, appartenant à l'ancienne ______ [titre de noblesse] d'Espagne et vendue par H______ à O______;

- un email du "Art loss register" confirmant que le vol de l'émeraude avait été porté à la base de données éponyme, au début des années 1990;

- un contrat portant la date du 10 décembre 1994, signé par D______ et son père à K______ [Espagne] et décrivant très précisément l'objet de la transaction, à savoir une pierre d'émeraude, d'origine colombienne, taillée en forme de croix d'une seule pièce, d'un poids approximatif de ______ carats. Le prix convenu n'était pas mentionné;

- un relevé de la "caisse de ventes" ("ventas caja"), daté du 5 janvier 2004, auprès d'acheteurs non identifiés, réalisées par I______ SL. La vente de trois bijoux, pour un total de "2'567.50" [la monnaie n'étant pas précisée] y était listée, avec une mention en espagnol dont la traduction libre est la suivante: "Avec ces trois articles, nous finalisons le paiement de la pierre émeraude en forme de croix et pesant ______ carats";

- une facture du 3 octobre 2008 de L______, adressée à D______, pour une estimation de la valeur de l'émeraude, chiffrée à EUR 98'500.-, laquelle était sertie d'une structure en or mais sans diamants à ses extrémités;

- des photographies produites par D______, datées au 8 novembre 2008 selon un faire-part d'invitation à un mariage, où son épouse arborait l'émeraude, dans son état décrit ci-dessus;

- une attestation de Q______ (datée du 25 juin 2021), selon laquelle D______ l'avait contactée en 2008 pour évaluer "La Cruz de Esmeralda", qu'il aurait acheté "37 ans" plus tôt, à un "homme colombien";

- un courriel du 12 décembre 2009 de la société R______ SL, active dans le commerce de bijoux, à D______, proposant quatre variantes d'incrustation de diamants sur l'émeraude; D______ avait choisi celle comportant ______ diamants, dont ______ étaient situés à l'extrémité supérieure de la croix et ______ aux autres pointes. La facture du 15 décembre 2009, de R______ SL, adressée à I______ SL, pour ce travail, s'élevait à EUR 2'890.-;

- un article de Q______ du 24 septembre 2013 à propos de la mise aux enchères du collier de diamants et d'émeraudes de la collection "O______" susmentionné, lié historiquement à l'émeraude;

- une estimation du 5 juin 2014 de l'émeraude, dans sa nouvelle configuration, effectuée par L______, fixant son prix à EUR 100'750.-;

- un formulaire du 27 novembre 2015 de G______ (ci-après: G______ (Espagne)), concernant la remise par D______, agissant au nom de I______ SL, d'une "croix en émeraude de ______.02 carats", montée avec "______ diamants taillés brillants" ("______ brillant cut diamonds");

- un document daté du même jour de G______ (Genève), intitulé "Property Schedule", adressé à I______ SL, selon lequel une expertise de l'émeraude était prévue à l'Institut de gemmologie P______ (ci-après: l'Institut P______), à AE______ [Suisse] et avec la mention: "Item imported by G______ into Switzerland. Sale under normal VAT rules". L'émeraude y était estimée entre EUR 450'000.- et EUR 650'000.-;

- un rapport de l'Institut P______ du 18 février 2016, attestant l'origine colombienne de la croix et sa composition en émeraude;

- un acte notarié du 13 juin 2016. L'émeraude avait été remise en vue de l'augmentation du capital de I______ SL. La description et la valeur retenues correspondaient à celle de l'estimation de L______ du 3 octobre 2008. Selon cet acte, la croix appartenait aux associés, à savoir D______, son épouse et ses enfants;

- une procuration du 10 octobre 2016, signée par D______, au nom de I______ SL, en faveur de G______ en vue d'obtenir un permis d'exportation. Ce faisant, il certifiait que la croix n'avait pas été déclarée d'intérêt culturel au sens de la loi espagnole sur le patrimoine historique et artistique:

·         "El Propietario garantiza a G______ y a la Administración la veracidad y exactitud en todo momento de las siguientes declaraciones: [ ] La Obra no ha sido declarada de interés cultural ni está incluida en el Inventario General a que se refiere el art. 26 de la Ley 16/1885, de 25 de Junio, de Patrimonio Histórico-Artístico Español [ ]" / "Le Propriétaire garanti à G______ et à l'Administration la véracité et l'exactitude, à tout moment, des déclarations suivantes: [ ] L'œuvre n'a pas été déclarée d'intérêt culturel et ne fait pas partie de l'Inventaire général visé à l'article 26 de la loi 16/1885, du 25 juin, sur le patrimoine historique et artistique espagnol"),

- un permis d'exportation définitif du 16 novembre 2016, délivré par le Ministère de l'éduction, de la culture et des sports espagnol en faveur de G______ (Espagne), agissant au nom de I______ SL, valable un an, pour une "émeraude taillée en forme de croix avec une monture moderne" d'une valeur de EUR 897'760.-. Le permis était octroyé à destination de N______ [Grande-Bretagne] et du reste de l'Union européenne.

f. De nombreux échanges de courriels et lettres entre les différents intervenants à la procédure ont été versés à la procédure. Il en ressort:

- que "The cross-shaped emerald belonged originally to ______ [titre de noblesse] S______ of Spain, who gave it to ______ [titre de noblesse] T______ of the French, wife of U______. From her it passed to ______ [titre de noblesse] V______ of Great Britain, then to her daughter, ______ [titre de noblesse] W______, who married ______ [titre de noblesse] X______. Their daughter, F______, who became ______ [titre de noblesse] of Spain upon her marriage to Y______ inherited it. H______ bought it from her in 1937. The jewellery house created a magnificent necklace with fifteen emeralds and diamonds and sold it to Bolivian tin magnate O______ in 1938. The emerald cross was then purchased by Z______ in the 1970s" / "l'émeraude en forme de croix appartenait originellement à la ______ [titre de noblesse] S______ d'Espagne, qui la donna à ______ [titre de noblesse] des français T______, femme de U______. L'émeraude est ensuite passée à la ______ [titre de noblesse] V______ de Grande-Bretagne, puis à sa fille, la ______ [titre de noblesse] W______, qui mariât le ______ [titre de noblesse] X______. Leur fille, F______, qui devint ______ [titre de noblesse] d'Espagne avec son mariage à Y______, en hérita. H______ la lui acheta en 1937. Le joailler créa un magnifique collier avec quinze émeraudes et diamants et vendit le tout au magnat de l'étain bolivien O______ en 1938. La croix d'émeraude fut ensuite achetée par Z______ dans les années 1970" (annexe au courriel interne de G______ du 21 août 2017);

- qu'avant de recevoir l'émeraude de D______, G______ pensait l'avoir identifiée mais des doutes subsistaient;

·         "We sold the necklace – without the cross pendant, in NY in 1989 [ ]. I checked the AA______'s book: unfortunately the illustration is in b/w and small I cannot be sure it is the same. [ ] But hey, how many 45.02 emerald cross exist ?" / "Nous avons vendu le collier – sans le pendentif, à New-York en 1989 [ ]. J'ai consulté le livre de AA______: malheureusement l'illustration est en noir et blanc et petite. Je ne peux pas être certain que c'est la même. [ ] Mais bon, combien de croix en émeraude de ______.02 carats existe-t-il ?" (courriel interne de G______ du 23 novembre 2015);

·         "I have also checked -and copied- the AA______s book and the facet angles of the cross seem to be different" / "J'ai également consulté – et copié – le livre de AA______ et les angles de facettes de la croix semblent être différents" (courriel de G______ du 24 novembre 2015);

- un courriel interne de G______ du 27 novembre 2015, à la teneur suivante:

·         "The Client came today and consigned the emerald cross for us to certify it at P______ and of course to see if we can track back, doing research and/or contacting H______, if the piece is actually the same as the one that appears in the image of V______ Eugenia" / "Le Client est venu aujourd'hui et a consigné la croix d'émeraude pour que nous la certifiions auprès [de l'Institut de gemmologie] P______ et évidement pour voir si nous pouvions retracer, par des recherches et/ou en contactant H______, si la pièce est en réalité la même que celle qui apparaît sur l'image de F______".

- un courriel interne de G______ du 24 février 2016, se lit comme suit:

·         "Amazing news! I just saw [X], he came with pictures from the archives and all the details about the cross, he confirmed that this is definitely the same emerald cross, the one from the necklace belonging to ______ [titre de noblesse] F______ of Spain. [ ] We compared the measurements, the cut, the inclusions No doubt! [X] was really impressed and very moved; he has been looking for this cross for years!" / "Excellentes nouvelles! Je viens de voir [X], il est venu avec des images des archives et tous les détails concernant la croix, il confirme que c'est définitivement la même croix d'émeraude, celle du collier appartenant à la ______ [titre de noblesse] F______ d'Espagne. [ ] Nous avons comparé les mesures, le découpage, les inclusions Aucun doute! [X] était vraiment impressionné et très ému; il cherchait cette croix depuis des années!");

- que la vente de l'émeraude était planifiée pour le 16 mai 2017 ("The sale is planned for May 16th") (courriel interne de G______ du 3 février 2017);

- un courriel du 7 avril 2016 de D______ à G______:

·         "Me gustaría saber come esta el proceso para la subasta de la Cruz. En cuanto al certificado y la valoración del precio de la cruz. Me comento AD_______ que me informarían de tolo los procesos. Si ya lienen editado el catalogo etc." / "J'aimerais savoir comment se déroule le processus de vente aux enchères de la croix. Concernant le certificat et l'évaluation du prix de la croix. AD______ m'a dit que je serais informé de toutes les procédures. S'ils ont déjà édité le catalogue, etc.";

- des courriels internes à G______ échangés le 2 février 2017, après réception de la lettre envoyée le même jour par le conseil de A______ au sujet du vol de l'émeraude. Le lendemain, une lettre avait été envoyée à cette dernière pour confirmer que la pièce était consignée et qu'elle ne serait pas libérée sans instruction de sa part et celle du consignant, ou sans ordre judiciaire.

- un courrier du 15 février 2017 de G______ à D______, comportant le passage suivant:

·         "I understand [Y] has already been in touch with you to let you know that we have been contacted on behalf of an individual who states that the emerald cross which you have deposited with us for potential sale [ ] had been stolen from them some years ago. Although at the time of the export from Spain we indicated that we could not rule out the possibility of a claim, given the previous history of the cross, this latest development is nevertheless unexpected. We which to make clear that there is no suggestion of any wrongdoing on your part." / "Je crois savoir que [Y] a déjà pris contact avec vous pour vous informer que nous avons été contactés au nom d'une personne qui affirme que la croix en émeraude que vous avez déposée chez nous en vue d'une vente éventuelle [...] lui a été volée il y a quelques années. Bien qu'au moment de l'exportation d'Espagne, nous ayons indiqué que nous ne pouvions pas exclure la possibilité d'une réclamation, étant donné l'historique de la croix, ce dernier développement est néanmoins inattendu. Nous tenons à préciser qu'il n'y a aucune suggestion d'actes répréhensibles de votre part.";

- un courrier de G______ du 14 septembre 2017 à D______, comportant le passage suivant:

·         "G______ had no knowledge of any previous theft (and H______ also did not notify G______ of any issue in that regard)" / " G______ n'avait pas connaissance d'un quelconque vol antérieur (et H______ n'a pas non plus informé G______ d'un quelconque problème à cet égard)";

g.a. Dans des observations du 11 février 2019, A______ s'est opposée au classement de la procédure, envisagé par le Ministère public à la suite de la commission rogatoire. Elle considérait que de forts soupçons existaient contre D______ d'une tentative de recel ou de vente de biens culturels volés.

g.b. Le 25 juin 2019, le Ministère public a informé les parties qu'une ordonnance pénale allait être rendue et que la croix serait restituée à la partie plaignante.

g.c. Le 15 novembre 2019, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale contre D______ pour avoir, entre fin 2015 et le courant du mois de janvier 2017, cherché à faire vendre par G______, et par conséquent cherché à dissimuler, l'émeraude, dont il savait ou devait présumer qu'un tiers l'avait obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine, soit un vol, se rendant ainsi coupable de tentative de recel. Les dénégations de D______ n'étaient "pas crédibles au vu de la très grande valeur historique et pécuniaire du bijou concerné".

g.d. À la suite de l'opposition de D______ à ladite ordonnance, le Ministère public a, le 2 décembre 2019, maintenu son prononcé et renvoyé la cause par-devant le Tribunal de police.

h. Le 17 novembre 2020, A______ a adressé au Tribunal de police ses conclusions civiles, visant à la restitution de l'émeraude.

i. Le 15 juin 2021, le Tribunal de police a entendu les parties en audience de jugement.

A______ a réitéré ses explications; son beau-père, qui avait acquis l'émeraude en "1981", la lui avait donnée pour la naissance de l'une de ses deux filles, nées en 1984 et 1985. Elle n'avait pas de documents l'attestant, seulement des photos et la lettre signée de sa grand-mère expliquant l'histoire de cette pièce. De manière générale, elle n'assurait pas ses bijoux et l'émeraude n'avait pas fait exception.

D______ a déclaré avoir débuté sa formation de bijoutier entre 1980 et 1985. Il ne pouvait pas dater l'acquisition de l'émeraude par son père. Invité à situer son premier souvenir du bijou, il a d'abord affirmé qu'il remontait à 1982. Rendu attentif au fait que l'émeraude avait été volée en 1989, il est revenu sur ses déclarations pour mentionner 1992. Il l'avait achetée à son père, pour le prix fixé d'un commun accord de "30'000.- Pesetas", avant de l'offrir à sa femme entre 1992 et 1993. Le montant de "EUR 2'567.50" (équivalant environ à 40'000 Pesetas) mentionné dans la facture du 5 janvier 2004 correspondait "au solde du prix [qu'il] devai[t]". Le document daté du 10 décembre 1994 était l'acte de vente entre lui et son père; il avait effectué des travaux pour celui-ci, avec qui il s'était arrangé. Il avait déclaré avoir reçu l'émeraude en héritage pour ne pas "raconter à tout le monde que [s]on père [lui] avait donné cette croix", le but étant de ne pas la porter à "l'inventaire d'héritage de son père". Il se rappelait cet acte au moment de la commission rogatoire mais n'en avait pas parlé car il était "quelque chose de privé" entre lui et son père. À l'origine, il ne savait pas que l'émeraude avait une valeur historique et n'avait pas cherché à savoir d'où elle pouvait provenir, précisant qu'avant l'estimation de L______, il imaginait qu'elle devait valoir entre EUR 40'000.- et EUR 50'000.-. Il avait compris sa valeur marchande après la première estimation de L______ en 2008. En 2004, il était exact de considérer que l'émeraude appartenait à I______ SL, celle-ci ayant remboursé le solde du prix convenu. Le bijou n'avait été porté à l'inventaire de la société qu'en 2016, après que G______ lui avait conseillé d'agir ainsi car dans le cadre d'une vente aux enchères, la commission qu'il percevrait serait plus grande que s'il "la vendait en personne". Il était persuadé d'avoir acquis l'émeraude par prescription acquisitive, ce qui signifiait, en Espagne, "que si vous avez quelque chose avec vous pendant 6 ans et que si personne ne le réclame, elle devient votre propriété".

AC______, sœur de D______, a également été auditionnée à cette occasion. Il lui semblait que son père avait acheté la croix à un voyageur mais elle ne se souvenait plus de la date. Celui-ci avait ensuite vendu le bijou à son frère mais elle ne connaissait pas le prix. Elle a d'abord déclaré n'avoir jamais vu le relevé du 5 janvier 2004, ni le contrat du 10 décembre 1994, avant de préciser les avoir vus, la première fois, après les avoir cherchés à la demande de son frère "dans l'inventaire" pour trouver "quelque chose sur l'acquisition de la croix".

D. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que, compte tenu des déclarations constantes, détaillées et non contredites de A______, celle-ci était la propriétaire légitime de l'émeraude au moment de son vol en novembre 1989. Les circonstances de l'acquisition du bijou par D______ était opaques, celui-ci ayant varié dans ses explications. Ce dernier, ainsi que son père, ne pouvaient pas ignorer la valeur de l'émeraude compte tenu de leur métier. L'achat d'une telle pierre à un marchand évoquait "immanquablement l'écoulement de pièces dont l'origine [était] illégale" et malgré cela, D______ n'avait pas cherché à se renseigner plus avant sur la provenance de l'émeraude. Pendant les années qui avaient suivi, il n'avait pas été en mesure d'apporter la moindre preuve que sa femme eut porté l'émeraude avant 2009 alors qu'il affirmait lui en avoir fait cadeau. Connaissant le processus de la prescription acquisitive, D______ avait attendu 2008 avant de faire estimer l'émeraude, puis 2016 pour l'intégrer dans les actifs de sa société I______ SL. Il apparaissait ainsi que D______ savait depuis le début, ou à tout le moins qu'il aurait dû savoir, que l'émeraude "provenait d'une infraction contre le patrimoine et qu'il s'en [était] accommodé, patientant ensuite suffisamment longtemps pour pouvoir se comporter comme le propriétaire légitime de ce bijou, pensant être protégé par les règles sur la prescription acquisitive". Rien ne démontrait en revanche qu'il connaissait les affiliations historiques de l'émeraude et le choix de la faire sertir de diamants de façon semblable à son sertissage d'origine apparaissait "troublant" mais n'excluait pas pour autant tout doute. En ayant acquis un pouvoir de disposition sur une chose dont il savait, ou devait savoir qu'elle avait fait l'objet d'une infraction, D______ s'était rendu coupable d'un acte de recel "dès le début des années 1990", en Espagne. À teneur de la jurisprudence (ATF 128 IV 23), ce premier acte de recel rendant impossible tout acte de recel ultérieur, y compris sous la forme de tentative, la cause ne présentait pas de lien avec la Suisse et les faits étaient, en tout état, vraisemblablement prescrits. Un jugement ne pouvait dès lors pas être rendu et le classement de la procédure s'imposait. À supposer que l'acte de recel n'avait pas été réalisé lors de l'acquisition du bijou, le lien spatial de la tentative de recel reprochée avec la Suisse était trop ténu. Au niveau interne, G______ avait envisagé de vendre l'émeraude en Suisse mais le dossier ne permettait pas de retenir que D______ en avait été informé. Il était certes fait mention d'un transport en Suisse dans le "Property Schedule" mais dans un but d'estimation auprès de l'INSTITUT P______ et non pas de vente. Le permis d'exportation délivré par les autorités espagnoles mentionnait N______ [Grande-Bretagne] ou le reste de l'Union européenne mais pas la Suisse.

La remise de l'émeraude à G______, organisme réputé mondialement, en vue de sa mise aux enchères ne s'apparentait pas à un acte de dissimulation, la démarche ayant d'ailleurs conduit à la récupération de l'émeraude par les autorités après son vol en 1989.

Le classement appelait la levée des mesures de contrainte, soit le séquestre portant sur l'émeraude. A______ en était la propriétaire avant son vol et D______, dernier détenteur en date, n'en était pas devenu possesseur de bonne foi. La première paraissait mieux légitimée que le second pour obtenir la restitution de l'émeraude, sous réserve d'une éventuelle acquisition par prescription acquisitive par le prévenu, question qui devait être réglée en application du droit espagnol et dont l'examen était disproportionné. Le bijou, sans les ______ diamants assortis et son support en or, était restitué à A______, à charge pour D______ d'agir au civil dans un délai de trente jours.

Malgré le classement de la procédure, D______ avait acquis de mauvaise foi l'émeraude. En cachant l'objet pendant plusieurs années et en se comportant ensuite comme son légitime propriétaire, il avait violé le "droit de propriété" de A______. Ce comportement contraire à l'ordre juridique suisse était à l'origine de toute la procédure, si bien que les frais de celle-ci, fixés à CHF 1'610.-, étaient mis à la charge du prévenu, ce qui excluait également de lui allouer une indemnité. La condamnation de D______ aux frais de la procédure justifiait encore sa condamnation à payer à A______ une indemnité pour ses frais de défenses, fixée à CHF 11'375.80. Le séquestre sur la monture d'or, ornée de ______ diamants était maintenu, en couverture des montants précités.

E. D______ et A______ ont chacun fait recours contre cette ordonnance.

I. Recours de A______

a. A______ soutient que le Tribunal de police aurait constaté de manière erronée les faits et que les conditions d'une tentative de recel (art. 160), subsidiairement d'une tentative de "revente d'un bien culturel volé" (art. 24 al. 1 let. a LTBC), étaient réalisées.

L'ordonnance querellée retenait à tort que le prévenu ignorait que l'émeraude devait être vendue en Suisse et la valeur historique et culturelle du bien. Son choix de faire modifier l'émeraude de manière semblable à son sertissage d'origine, soit avec des diamants à chaque extrémité, en étant une première indication. G______ ayant rapidement pu constater l'importance historique du bijou, elle en avait "de toute évidence fait part" à D______, ce qui se reflétait également dans l'estimation retenue par le formulaire de remise du 27 novembre 2015, ainsi que dans le mandat d'exportation et de vente signé par le précité, se référant expressément à la loi espagnole sur les biens culturels. S'agissant des conditions du recel, la jurisprudence invoquée par le Tribunal de police ne s'appliquait pas en l'espèce, dans la mesure où les circonstances autour de l'acquisition de l'émeraude par D______, sa famille ou I______ SL demeuraient obscures en raison des nombreuses contradictions du prévenu à ce sujet. Au moment où la pierre avait été remise à G______ en vue de sa vente, il était impossible de déterminer qui aurait eu un pouvoir de disposition sur celle-ci. Face à ces incertitudes et aux déclarations du prévenu "dépourvues de toute valeur probante", il ne pouvait être tenu pour établi que D______ avait acquis un pouvoir de disposition propre sur l'émeraude au début des années 1990. L'ATF
128 IV 23 traitait en outre de la compétence intercantonale et non pas d'un classement pour défaut de compétence des autorités suisses au niveau international, dans le cas où, comme en l'espèce, le prévenu connaissait l'origine illicite de l'objet dissimulé par le recel mais qu'il s'en était accommodé. La remise de l'émeraude par le précité à G______, le 27 novembre 2015, marquait ainsi le moment déterminant pour l'acte constitutif du recel. Les autres conditions étant réunies, l'infraction était réalisée, sous la forme d'une tentative, et l'action pénale n'était pas prescrite. Il était erroné de considérer que la remise de l'émeraude à G______ excluait toute intention de dissimulation et que D______ cherchait simplement à obtenir le meilleur prix du bijou, en pensant être couvert par la prescription acquisitive. Il était "probable" que le prénommé ait sous-estimé le risque de la découverte de l'origine de l'émeraude, en agissant par "appât du gain", et l'on ne pouvait retenir à sa décharge qu'il ait commis un "acte stupide" en remettant le bijou à G______. Compte tenu du caractère historique qui devait être reconnu à l'émeraude, le Tribunal de police aurait dû examiner l'infraction visée à l'art. 24 al.1 let. a LTBC, dont l'ordonnance querellée ne disait mot.

b. Le Tribunal de police et le Ministère public ont déclaré n'avoir pas d'observations à présenter.

c. Dans ses observations, D______ conteste avoir eu connaissance de la vente planifiée en Suisse et de la valeur historique de l'émeraude. L'envoi de celle-ci à N______ [Grande-Bretagne] pour une expertise visait à clarifier, auprès de H______, un doute sur sa provenance. Il avait appris, après cet examen, que le bijou avait appartenu à la ______ [titre de noblesse] d'Espagne et qu'il ne pouvait pas être exporté sans l'autorisation des autorités espagnoles. Le sertissage choisi pour décorer l'émeraude avait été proposé et conseillé par R______ SL. Les éléments constitutifs de l'infraction de recel n'étaient pas réalisés. Il avait reçu, de bonne foi, le bijou de son père en "1992", en compensation de son travail effectué dans la bijouterie. Avant de remettre l'émeraude à G______, il avait effectué des actes que "seul un légitime propriétaire" pouvait faire, soit la recevoir "le 10 décembre 1994", l'envoyer à R______ SL pour sertissage en 2009 et la faire évaluer par L______ en 2014. Son acceptation des démarches en vue d'établir l'origine de l'émeraude contredisait sa prétendue connaissance de l'origine illicite du bien en question. En toute hypothèse, l'infraction de recel réalisée en Espagne serait prescrite en droit suisse et espagnol. La croix n'était pas attachée à la "Couronne espagnole" lorsqu'il l'avait reçue de son père "en 1992" et la LTBC ne s'appliquait dès lors pas, à défaut d'être en présence d'un bien culturel.

À l'appui de son écriture, il produit des pièces nouvelles dont:

- trois messages électroniques envoyés à des collaborateurs de G______ (Espagne), les 31 mars, 20 juillet 2016 et 21 janvier 2017, où, en substance, il cherchait à se renseigner sur le processus de vente de l'émeraude et du moment où devait se tenir la "prochaine vente aux enchères" ("para preguntar cuando va ser la próxima subasta para presentar la Cruz");

- une capture d'écran affichant ses rendez-vous chez G______, à AB______ [Espagne], dont celui du 27 novembre 2015 aurait duré 2h43;

- un courriel daté du 1er décembre 2021 du collaborateur de R______ SL avec qui il était en contact au moment d'assortir la croix et qu'il traduit ainsi: "A votre demande, je vous rappelle que des quatre modèles que je vous ai présentés pour réaliser la monture de la Croix d'Emeraude, vous avez décidé de suivre mon conseil pour faire le numéro trois, puisqu'à mon avis c'est celui qui s'est le plus démarqué la croix de émeraude" (sic).

d. Dans sa réplique, A______ relève les nouvelles contradictions de D______ et réaffirme que celui-ci n'ignorait pas la vente planifiée en Suisse ainsi que la valeur historique de la croix. Les nouvelles pièces produites n'étaient pas pertinentes et démontraient uniquement que la réunion du 27 novembre 2015 avec G______ avait duré 2h43, soit suffisamment de temps pour supposer que le prévenu y avait été informé de l'origine de l'émeraude et des projets pour sa vente.

II. Recours de D______

a. D______ soutient, dans un premier chapitre intitulé "Introduction", que vu sa nationalité, son domicile et l'acquisition de la croix en Espagne, la légitimité de sa propriété sur l'émeraude devait être examinée à la lumière du droit de ce pays, établi d'office selon "l'art. 16 LDIP". L'ordonnance querellée constituait "un abus du pouvoir d'appréciation, subsidiairement une violation du droit" en retenant, sans base légale, que A______ était la propriétaire légitime de la croix. Dans un deuxième chapitre nommé "Violation des articles l'art. 393 alinéa 2 CPP Condamnation au frais de la procédure" (sic), il explique que tout au long de la procédure pénale, il avait confirmé son intention de faire vendre la croix par G______ "de AB______ [Espagne]", sans qu'il soit question d'une vente en Suisse. Le Ministère public avait fait preuve "d'une grande légèreté" en n'examinant pas "les questions de fait et de droit de l'infraction reprochée de recel". Il n'avait pas provoqué l'ouverture d'une procédure pénale et n'avait eu aucun comportement fautif. L'ordonnance querellée s'était "arbitrairement fondée sur des hypothèses, suppositions pour retenir [qu'il avait] acquis la croix de mauvaise foi". L'imputation des frais était "inacceptable et arbitraire". L'ordonnance querellée appliquait l'art. 426 al. 2 CPP de manière "insoutenable" et violait "la présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 31 al. 1 Cst., 13 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large" (sic). Dans un troisième chapitre intitulé "Constatations inexacte des faits pertinents" (sic), il prétend que l'ordonnance querellée retenait "à tort qu'au cours de la procédure [il] ait indiqué ne pas avoir connu cet aspect historique de la croix". Il avait agi comme un propriétaire légitime. Lors de ses contacts avec les différents intervenants, aucune remarque n'avait jamais été formulée sur le vol de l'émeraude ou sur sa "protection accrue". Il n'avait ainsi "nullement laissé passer le temps pour se voir protéger par les règles de la prescription acquisitive" (sic) comme le prétendait à tort l'ordonnance querellée. L'ordonnance querellée contenait une "constatation fausse de faits essentiels". Dans un quatrième chapitre intitulé "Violation du droit", il affirme, citant à l'appui le droit espagnol, avoir été de bonne foi au moment de son acquisition. Même dans le cas contraire, la croix "lui aurait appartenu depuis plus de 10 ans par la prescription acquisitive selon le droit espagnol". Celle-ci n'appartenait pas au patrimoine historique espagnol selon la loi applicable. Dans un cinquième chapitre intitulé "Levée du séquestre et restitution à l'ayant droit", il soutient que le Tribunal de police avait perdu de vue que l'objet de la procédure pénale était de savoir s'il était le propriétaire légitime de la croix au moment de son séquestre. Sur la base des explications contenues dans son recours, l'émeraude devait lui être restituée, avec sa monture en or, ornée de ______ diamants et, subsidiairement, si celle-ci avait réellement une valeur historique, elle devait être restituée à l'État espagnol.

b. Le Tribunal de police et le Ministère public ont déclaré n'avoir pas d'observations à présenter.

c. Dans ses observations, A______ conteste les griefs invoqués par D______. Ce dernier avait expressément admis qu'il connaissait l'importance historique de la croix avant son exportation hors d'Espagne en déclarant dans son recours que l'ordonnance querellée retenait "à tort qu'au cours de la procédure [il] ait indiqué ne pas avoir connu cet aspect historique de la croix". Les explications du précité au sujet de sa prétendue acquisition du bijou étaient toujours plus "incohérentes". La violation de l'art. 267 al. 5 CPP n'était étayée par aucune explication, ne respectant pas l'exigence de motivation du recours et, en tout état, infondée. Le Tribunal de police avait retenu à juste titre que D______ était de mauvaise foi s'agissant de la possession de la croix et qu'elle-même en était propriétaire au moment de son vol en 1989. Il était donc justifié, eu égard aux critères légaux, de lui attribuer directement l'émeraude en laissant la question au fond se régler devant les juridictions civiles. Pour ces mêmes motifs, l'ordonnance querellée le condamnait à raison aux frais de la procédure ainsi qu'à lui verser une indemnité pour ses frais de défense.

EN DROIT :

1.             Vu leur connexité évidente, les recours seront joints et traités en un seul arrêt.

2.             2.1. Le recours de A______ est a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne, sous réserve de ce qui suit, une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_336/2018 du 12 décembre 2018 consid. 2.3; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 44 ad art. 393), soit un classement prononcé par le Tribunal de police, non dans le cadre d'un jugement au fond (art. 329 al. 5 CPP) mais lors des débats (art. 329 al. 4 CPP), et émane de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

Elle dispose d'un intérêt juridiquement protégé à agir (art. 382 al. 1 CPP) contre l'ordonnance querellée, en tant que celle-ci classe les faits dénoncés en lien avec une infraction de recel.

Son recours est recevable dans cette mesure.

2.2. En revanche, elle ne saurait se plaindre de ce que l'ordonnance querellée ne traite pas de la LTBC.

2.2.1. Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP).

L'acte d'accusation doit, notamment, désigner les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (art. 325 al. 1 let. f CPP), les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du Ministère public (let. g).

2.2.2. À teneur de l'art. 329 CPP, la direction de la procédure examine prima facie l'acte d'accusation (al. 1). Le tribunal décide ensuite s'il estime nécessaire de renvoyer l'accusation au ministère public pour qu'il la complète ou la corrige (al. 2), voire de suspendre ou de classer tout ou partie de la procédure (al. 3 à 5).

L'art. 333 al. 1 CPP, qui constitue une exception au principe d'accusation, prévoit que le tribunal donne au ministère public la possibilité de modifier l'acte d'accusation, lorsqu'il estime que les faits exposés dans celui-ci pourraient réunir les éléments constitutifs d'une autre infraction, mais qu'il ne répond pas aux exigences légales. Dans ce cadre, le Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005 donne comme exemple le cas du prévenu accusé d’abus de confiance qualifié. Le tribunal peut être d’avis que le comportement incriminé pourrait aussi être qualifié juridiquement d’escroquerie. Il est donc compréhensible que l’acte d’accusation ne décrive, par exemple, pas par quel comportement le prévenu a agi dolosivement. Il manque ainsi un élément factuel nécessaire pour permettre au tribunal de qualifier juridiquement le comportement d’escroquerie. En pareille situation, l’al. 1 permet au tribunal d’inviter le ministère public à modifier son acte d’accusation. Il lui impartit un délai à cet effet. Toutefois, le ministère public n’est pas tenu de modifier son acte d’accusation (FF 2006 1263 et 1264).

Enfin, lorsque le tribunal entend s'écarter de l'appréciation juridique que porte le ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, il en informe les parties présentes et les invite à se prononcer (art. 344 CPP). Dans cette situation, les faits, tels qu'ils sont présentés dans le texte de l'acte d'accusation, forment les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de plusieurs infractions. La doctrine cite par exemple le cas du vol contenu dans l'infraction de brigandage ou la commission à titre de complice contenue dans celle d'auteur principal (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 5 ad art. 344).

Tant dans le cas de l'art. 333 CPP que dans celui de l'art. 344 CPP, le tribunal souhaite s'écarter du contenu de l'acte d'accusation. Dans la première hypothèse, c'est la partie factuelle qui ne correspond pas à l'appréciation qu'il s'est faite de l'affaire : un renvoi devant le ministère public de l'acte d'accusation s'impose; dans la seconde, c'est la partie juridique et un tel renvoi n'est pas nécessaire.

Toutefois, selon la doctrine, le tribunal du fond est en principe lié par le complexe de faits ("Lebensvorgang"), c'est-à-dire par le "thème" du procès, ce conformément à la maxime d'accusation. Les compléments de l'acte d'accusation doivent donc se situer dans le cadre fixé par le complexe de faits qu'il décrit (A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, n. 3 ad art. 333). En d'autres termes, il arrive que la maxime d'accusation se heurte à d'autres principes cardinaux de la procédure pénale, tels que le principe de la légalité et le principe de la vérité matérielle. Il en découle que toute adaptation de l'acte d'accusation ne constitue pas une violation du principe d'accusation, y compris lorsque l'acte d'accusation doit être complété par des éléments de faits nouveaux. Cependant, un complément à l'acte d'accusation ne peut se concevoir que si les faits y sont pour l'essentiel ("im Kern") déjà contenus (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 52 et suivants ad art. 9; ACPR/243/2013 du 31 mai 2013).

2.2.3. Dans le contexte d'une ordonnance pénale, si le ministère public n’entend condamner le prévenu que pour une partie des faits sous enquête et abandonner, vu l’insuffisance des charges, d’autres chefs d’accusation, il lui appartient de prononcer simultanément une ordonnance de classement. S’il se contente du prononcé d’une ordonnance pénale, il convient alors de considérer celle-ci comme un classement implicite, qui doit être attaqué, conformément à l'art. 322 al. 2 CPP, par la voie du recours (ATF 138 IV 241 consid. 2.6 p. 246 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 1.3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 14 ad art. 322).

2.2.4. Une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4). L'autorité de chose jugée de cet acquittement et le principe "ne bis in idem" s'opposent à de nouvelles poursuites pénales pour les mêmes faits (ATF
143 IV 104 consid. 4 p. 109 s.).

2.3. À titre liminaire, la plainte de A______ dénonçait initialement l'infraction de tentative de recel, de blanchiment d'argent et de violation de l'art. 24 al. 1 let. a LTBC. La procédure a été ouverte pour recel uniquement. Par la suite, alors que le Ministère public envisageait de classer la procédure, la plaignante s'y est opposé, arguant qu'il existait des soupçons suffisants de tentative de recel ou de vente de biens culturels volés.

Cela rappelé, l'ordonnance pénale du 15 novembre 2019, devenue par la suite acte d'accusation, retenait comme seule infraction la tentative de recel. Dans son accusation, le Ministère public reprochait au prévenu d'avoir cherché à faire vendre l'émeraude, dont il savait – ou devait savoir – qu'un tiers l'avait obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine. Il était admis que le bijou avait une "très grande valeur historique", cet aspect n'étant néanmoins ni retenu comme étant connu du prévenu, ni rattaché à une quelconque appartenance de la croix à la définition de bien culturel au sens de la LTBC, qui n'est d'ailleurs pas mentionnée dans l'acte d'accusation.

Au moment de recevoir cet acte, le Tribunal de police a abouti à la conclusion que l'infraction de recel – seule soumise à son examen – devait être classée, faute de compétence des autorités suisses et, au demeurant, pour cause de prescription. Il n'a jamais été question d'une appréciation juridique divergente de celle retenue par le Ministère public. En outre, les infractions prévues par la LTBC intervenant à titre subsidiaire ("Pour autant que l'infraction ne tombe pas sous le coup d'une disposition prévoyant une peine plus sévère"; art. 24 al. 1 1ère phr. LTBC) et l'acte d'accusation portant sur un recel – étroitement lié à la vente de biens culturels volés –, les faits étaient suffisamment connexes pour qu'un complément de l'acte d'instruction soit requis. Il n'a cependant jamais été question de tenir compte d'une éventuelle violation des dispositions pénales prévues par la LTBC. En particulier, aucune demande en ce sens n'a été formulée par la partie plaignante lors de l'audience du 15 juin 2021, ni discutée d'office par le Tribunal de police. La recourante n'a pas non plus demandé, à titre préjudiciel, le complément de l'acte d'accusation.

Dans ce contexte, il faut retenir que le Ministère public a considéré, dans son acte d'accusation, que les éléments constitutifs d'une infraction à la LTBC n'étaient pas réalisés et classé la procédure sous cet aspect. Cela n'a ensuite pas été remis en cause, notamment par la plaignante, durant la phase de jugement, en particulier lors de l'audience par-devant le Tribunal de police. Il lui appartenait, si elle estimait que ce chef d'accusation était avéré, de recourir contre le classement implicite de cette infraction pour faire valoir ces griefs, ce qu'elle n'a pas fait.

Il en résulte que l'éventuelle violation de la LTBC a été classée implicitement avec l'acte d'accusation, classement entré en force en l'absence de recours.

C'est donc à juste titre que le Tribunal de police n'en a pas discuté.

2.4. Le recours de D______ a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP).

S'il conclut vainement à la levée du séquestre, l'ordonnance querellée l'ayant déjà prononcée, on comprend qu'il s'oppose surtout à la restitution de la croix à la plaignante, au motif qu'il estime avoir un droit préférentiel sur ce bien. Il conteste également le refus de lui allouer une indemnité au sens de l'art. 429 CPP et sa condamnation à payer les frais de la procédure ainsi que les dépens de A______. Ces aspects de l'ordonnance querellée sont sujets à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al.1 let. b CPP; ACPR/841/2021 du 2 décembre 2021 consid. 1) et le précité dispose de la qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Son recours est donc recevable.

2.5. Les pièces nouvelles produites par D______ devant la Chambre de céans sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 in fine).

3.             A______ reproche au Tribunal de police d'avoir classé la procédure.

3.1. À teneur de l'art. 329 al. 4 CPP, lorsqu'un jugement ne peut définitivement pas être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'aux tiers touchés par la décision de classement. Cette disposition vise les empêchements majeurs ou insurmontables, notamment si les conditions à l'ouverture de l'action publique font durablement défaut; elle se place dans le même contexte que l'art. 329 al. 1 CPP, soit lorsque qu'une condition de procédure n'est définitivement pas réalisée ou que se présente un empêchement définitif de procéder (ATF 139 IV 220 consid. 3.4.5 p. 225 s.; JdT 2014 IV 90; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 27 et 29a ad art. 329).

L'absence de for en Suisse est un empêchement de procéder (arrêt du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 consid. 2), tout comme la prescription de l'action pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 5 ad art. 329).

Lorsque l'autorité examine si les conditions à l'ouverture de l'action publique sont remplies, au sens de l'art. 329 al. 1 let. b CPP, elle vérifie que le comportement dénoncé par le ministère public dans l'acte d'accusation est bien punissable, soit apprécie le bien-fondé de l'action publique et l'existence de soupçons suffisants pour étayer l'accusation. L'examen doit rester sommaire, puisque c'est au tribunal dans son ensemble, lors des délibérations, qu'il appartiendra de déterminer si les preuves avancées suffisent ou non pour justifier un éventuel verdict de culpabilité. (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 8 et 8 ad art. 329).

3.2. Commet un recel celui qui aura acquis, reçu en don ou en gage, dissimulé ou aidé à négocier un objet dont il savait ou devait présumer qu'un tiers l'avait obtenu au moyen d'une infraction contre le patrimoine (art. 160 al. 1 CP).

3.2.1. Selon le texte de la loi, l'infraction préalable doit être commise par un tiers. En d'autres termes, l'auteur ou le coauteur de l'infraction préalable ne peut pas être le receleur de son propre butin (ATF 111 IV 51 consid 1b p. 53-54; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 21 ad art. 160).

3.2.2. Dans l'ATF 128 IV 23, concernant sur un prévenu qui avait acheté en Argovie un autoradio volé avant de le transporter dans sa voiture et de se faire arrêter à Saint-Gall, le Tribunal fédéral retient que les comportements énumérés par l'art. 160 CP constituent des états de faits indépendants, dont chacun réalise l'infraction. Ce qui est déterminant pour le recel est que l'auteur acquiert un propre pouvoir de disposition sur cette chose. Une fois acquis ce pouvoir de disposition autonome, il n'y a plus de place pour la commission d'un autre acte de recel, notamment la dissimulation de la chose (consid. 3; SJ 2002 I 170).

3.3. En l'espèce, la plaignante discute et illustre longuement les incohérences et contradictions du prévenu au sujet des circonstances entourant sa propre acquisition, sa possession et son utilisation de l'émeraude Il n'en demeure pas moins établi – contrairement à l'avis de la recourante – que D______ a effectivement acquis, en Espagne, à tout le moins entre 1990 et 1994, la possession de l'émeraude. Le contrat daté du 10 décembre 1994, signé entre lui et son père, dont l'authenticité n'est pas remise en cause, en atteste, tout comme les déclarations de sa sœur.

À partir de ce constat, le Tribunal de police a considéré que le prévenu connaissait, à tout le moins devait savoir, l'origine illicite de l'émeraude dès son acquisition. En cela, l'éventuel acte de recel originel se serait déroulé en Espagne, au plus tard en 1994, au moment pour le prévenu d'acquérir un pouvoir de disposition autonome sur l'objet. Dès lors, tous les éventuels actes subséquents entrepris par D______ ne réaliseraient pas une nouvelle infraction de recel, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Dans ces circonstances, l'acte primaire de recel échapperait à la compétence des autorités pénales suisses et serait, au demeurant, prescrit, ce qui justifiait de classer la procédure sur la base de l'art. 329 al. 4 CPP.

Ce raisonnement, du point de vue adopté par le Tribunal de police et sans préjudice avec ce qui suit, ne prête pas le flanc à la critique. En outre, les principes autour du recel sont clairement établis et, sur le fond, le cas d'espèce ne se démarque pas de la situation traitée par la jurisprudence précitée, dont la teneur reste pertinente aujourd'hui encore (cf. A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 12 ad art. 160).

Enfin, les constatations inexactes des faits dont se plaint la recourante ne sont pas de nature à modifier ce constat, et sont, au demeurant, infondées. En particulier, la recourante ne saurait tirer argument de la phrase extraite du recours du prévenu ("l'ordonnance entreprise retient à tort qu'au cours de la procédure [il] ait indiqué ne pas avoir connu cet aspect historique de la croix"), dans la mesure où l'orthographe et la syntaxe de ce passage, et plus généralement des écritures de ce dernier ne permettent pas d'y attribuer un sens univoque.

4.             S'il est patent que D______ s'oppose à la restitution de l'émeraude à la plaignante, l'écheveau de griefs invoqués à cet égard en particulier – ou plus généralement dans son écriture de recours – ne permet pas de les traiter de manière optimale. Cela n'a toutefois pas d'importance compte tenu de ce qui suit.

4.1. Aux termes de l'art. 267 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (al. 1). Si plusieurs personnes réclament des objets ou des valeurs patrimoniales à libérer, le tribunal peut statuer sur leur attribution (al. 4). L'autorité pénale peut attribuer les objets ou les valeurs patrimoniales à une personne et fixer aux autres réclamants un délai pour intenter une action civile (al. 5).  

La possibilité de statuer sur l'attribution des objets ou des valeurs patrimoniales à libérer, conférée au tribunal par l'art. 267 al. 4 CPP, n'entre en considération que lorsque la situation juridique est claire. Si tel n'est pas le cas, le tribunal doit procéder selon l'art. 257 al. 5 CPP, soit attribuer les objets ou des valeurs patrimoniales concernées à une personne et impartir aux autres personnes ayant émis des prétentions à cet égard un délai pour agir devant le juge civil (arrêts du Tribunal fédéral 1B_485/2020 du 29 janvier 2021 consid. 2.3; 6B_247/2018 du 11 juin 2018 consid. 4.1 et les références citées; 1B_288/2017 du 26 octobre 2017 consid. 3). Concernant la décision à prendre sur l'attribution d'un objet, l'autorité pénale doit s'inspirer des règles du droit civil. L'attribution au possesseur doit être envisagée en premier lieu, celui-ci étant présumé propriétaire de l'objet en vertu de l'art. 930 CC. En présence d'indications claires sur l'inexistence de ce droit réel, l'attribution doit être ordonnée en faveur de la personne qui apparaît la mieux légitimée (ATF
120 Ia 120 consid. 1b; arrêt 6B_54/2019 du 3 mai 2019 consid. 5.1). L'autorité procède à un examen prima facie, sur la base de l'examen du dossier. Elle répartit ainsi de façon provisoire le rôle des parties dans la procédure civile à venir, sans préjudice de la décision éventuelle sur le plan civil (arrêt du Tribunal fédéral 1B_573/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.1). 

4.2. En l'espèce, le Tribunal de police a restitué l'émeraude à A______, retenant que le prévenu l'avait acquise de mauvaise foi au début des années 1990 et l'avait détenue, sans droit, jusqu'au moment de la remettre à G______ en vue de sa mise aux enchères.

On ne peut suivre le juge précédent lors qu'il part de la prémisse selon laquelle l'acquisition originelle de la croix était entachée de mauvaise foi, pour les raisons développées plus bas (cf. consid. 5.3).

En effet, seul demeure établi que le prévenu a possédé la pierre durant plus de vingt ans avant son séquestre, en son nom ou par le biais de I______ SL, société dont il est admis qu'il est l'unique administrateur. Il a ainsi détenu la pierre plus longtemps que la plaignante, qui a déclaré l'avoir reçue de son beau-père entre 1983 ou 1984 et qui l'aurait perdue en 1989. Cette possession du prévenu, nonobstant l'historique du bijou et ses rattachements à la famille de la plaignante, ne pouvait pas être niée et devait, au contraire, conduire l'autorité intimée, par le jeu de la présomption institué par l'art. 930 CC, à considérer – prima facie et sans trancher la question sur le fond – le prévenu comme le plus légitime à se voir restituer le bijou, conformément à la jurisprudence citée.

Partant, c'est de bon droit que le prévenu conclut à la restitution de l'émeraude en ses mains propres et l'ordonnance querellée sera modifiée en ce sens.

Une restitution à la société I______ SL peut être écartée, dès lors que le prévenu a expliqué avoir déposé la croix chez G______ au nom de la société pour de simples questions de commission et que les documents relatifs à ce dépôt comportent son nom en sus de celui de la société.

5.             Même si elle ne l'exprime pas, il faut déduire de la conclusion de D______ demandant la condamnation de A______ à payer les frais de procédure de l'instance inférieure qu'il conteste sa propre condamnation à verser lesdits frais, tout comme il conteste le refus d'indemnisation de ses frais de défense devant l'autorité précédente.

5.1. La question de l'indemnisation doit être tranchée après la question des frais (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Il en résulte qu'en cas de condamnation aux frais, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens ou de réparer le tort moral (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.1).

5.2. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; 119 Ia 332 consid. 1b ; 116 Ia 162 consid. 2c). Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1).

Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_429/2017 du 14 février 2018 consid. 5.1 et 6B_385/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.3). La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; 116 Ia 162 consid. 2c). La prescription, comme motif de libération, n'est pas incompatible avec la condamnation aux frais du prévenu, mais celle-ci ne doit pas se fonder sur le reproche pénal (ACPR/69/2022 du 4 février 2022 consid 2.4; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 38 ad art. 426).

5.3. En l'espèce, le Tribunal de police a fondé sa décision de mettre les frais de procédure à la charge du prévenu, et par-là même, de lui refuser ses conclusions en indemnisation, au motif qu'il avait acquis de mauvaise fois l'émeraude, qu'il savait – ou dont il devait se douter – qu'elle avait été soustraite à A______, qu'il avait ensuite dissimulé l'objet durant plusieurs années avant de se comporter comme son légitime propriétaire.

Ce faisant, l'instance précédente impute au prévenu tous les éléments constitutifs du recel, non sans citer aucune norme juridique suisse enfreinte par celui-ci, se bornant à invoquer "le droit de propriété" de la plaignante.

Cette manière de procéder viole la présomption d'innocence, dans la mesure où l'on comprend que le choix du Tribunal de police d'imputer les frais de la procédure au prévenu repose avant tout sur son reproche de la commission d'un recel, dont seuls des empêchements de procéder préviennent la condamnation.

Un tel reproche ne trouve pas d'assise au dossier.

En effet, rien ne permet de retenir que le prévenu était de mauvaise foi au moment d'acquérir l'émeraude, ni par la suite, jusqu'au moment où celle-ci a été séquestrée. Aucun élément matériel ne permet d'étayer cette supposition. Au contraire, tant le prévenu que sa sœur ont soutenu que leur père avait acheté le bijou à un marchand. L'absence de document à cet égard ne saurait suffire à jeter des soupçons sur le bien-fondé de cette transaction et établir la mauvaise foi du fils. Les explications de celui-ci ont certes été décousues au fil de la procédure. Cela ne permet pas encore d'en tirer la conclusion qu'il couvrirait de la sorte un comportement illégal. Le temps écoulé depuis certains faits – remontant à presque trente ans – peut expliquer une mémoire chancelante sur certains points, tout comme des considérations familiales, notamment successorales, peuvent expliquer certaines réticences ou contradictions du prévenu au moment de faire état des circonstances dans lesquelles il a obtenu la croix.

Le sertissage de l'émeraude en 2009 par le prévenu, de manière quasi-similaire à son ornement avant sa disparition en 1989, apparaît fortuit et pas encore suspect, d'autant moins que le choix portait sur quatre options préétablies.

Il apparaît, par ailleurs, délicat d'imputer au prévenu, bijoutier professionnel, une intention délictuelle du simple fait que, eu égard aux particularités de la croix, présentant manifestement une grande valeur, il n'aurait pas été en mesure d'établir une traçabilité de son origine. De telles démarches n'ont pas été requises par les entités intervenues pour estimer (L______ [à] M______ [Espagne]), modifier (R______ SL) ou même examiner la croix (Institut P______). Surtout, ni G______ au moment de la recevoir, ni H______ au moment de l'authentifier, n'ont envisagé l'éventualité que cette émeraude pouvait avoir été volée (alors même que sa disparition était inscrite dans le "Art loss Regsiter"). Si de tels experts dans le domaine, dont le premier a vendu le collier auquel était suspendu l'émeraude juste avant la déclaration de sa disparition et le deuxième en a été le propriétaire, ignoraient son prétendu vol, ne l'ont pas constaté en retraçant son parcours et n'ont pas questionné son acquisition par le prévenu, on peine à comprendre quel reproche subsiste à l'encontre de ce dernier et permettrait de remettre en cause sa bonne foi.

Selon les échanges internes à G______, le prévenu a finalement été informé, par écrit, le 15 février 2017 (et quelques jours auparavant par oral), qu'une personne prétendait que la croix lui avait été volée et que celle-ci était consignée. En l'état de l'instruction, c'est la première preuve matérielle qui établit la connaissance par le prévenu du vol allégué de l'émeraude. Or, à ce moment-là, il l'avait déjà remise à G______ depuis plus d'un an et la décision de consigner la pièce avait déjà été prise depuis le 3 février 2017. La recourante a formellement déposé plainte pénale le 16 suivant.

Il n'y avait donc pas lieu de condamner le prévenu aux frais de la procédure, lesquels doivent donc être mis à la charge de l'État (art. 423 CPP).

Par voie de conséquence, le rejet des conclusions en indemnisation du prévenu, acquitté, au sens de l'art. 429 al. 1 CPP tombe à faux, celles-ci devant donc être examinées, tout comme la condamnation de celui-ci à supporter les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure à A______, dans la mesure où le précité n'est plus astreint au paiement des frais (art. 433 al. 1 let. b CPP) et que la partie plaignante n'obtient plus gain de cause (art. 433 al. 1 let. a CPP).

La cause sera donc renvoyée au Tribunal de police pour qu'il statue sur ces points, en tenant compte de ce qui précède.

6.             6.1. En tant qu'elle recourt contre le classement de la procédure, A______ succombe. Elle supportera dès lors les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.2. Les frais de la procédure de recours intentée par D______ seront laissés à la charge de l'État, dans la mesure où il obtient gain de cause.

7.             Il y a lieu de fixer encore les indemnités dues aux parties pour la procédure de recours.

7.1. En tant qu'il intervient comme prévenu, intimé, dans le recours de A______, D______ obtient gain de cause, puisque le classement de la procédure est confirmé. Concernant son propre recours, la plupart de ses conclusions sont admises.

Il a donc droit à une indemnité pour ses dépens selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP).

7.2. En l'espèce, D______ requiert, pour son propre recours, une indemnité de CHF 3'870.27, correspondant à treize heures d'activité de son conseil, au tarif de CHF 270.-/h, TVA à 7.7% incluse. Ce montant parait excessif. Compte tenu de l'écriture de recours (composée de seize pages), allongée inutilement par des griefs mal formulés, une indemnité ex aequo et bono de CHF 1'000.- lui sera allouée, correspondant à trois heures d'activité, au tarif horaire appliqué par l'avocat, TVA en sus.

L'intéressé n'a pas chiffré ni détaillé l'activité de son conseil s'agissant de son intervention pour le recours de la plaignante. Eu égard à ses observations (quinze pages, dont une de garde et deux de conclusions, le reste étant consacré à des raisonnements non pertinents pour la cause), une indemnité ex aequo et bono de CHF 1'000.-, lui sera allouée. Cette indemnité sera mise à la charge de l'État (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 p. 53 s.), la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (ATF 139 IV 45 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_357/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.2).

7.3. A______, partie plaignante, n'obtenant pas gain de cause et le prévenu n'étant pas astreint aux frais de la procédure, celle-ci ne peut pas prétendre à une juste indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP a contrario).

Ses conclusions en ce sens seront dès lors rejetées.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

S'agissant du recours de A______:

Le rejette dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure, en lien avec son recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'000.-.

S'agissant du recours de D______:

L'admet.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle restitue l'émeraude à A______.

Ordonne la restitution de l'émeraude à D______ et impartit un délai de trente jours, à compter de la notification du présent arrêt, aux autres réclamants pour intenter une action civile (art. 267 al. 5 CPP).

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle a rejeté les conclusions en indemnisation de D______ et l'a condamné au paiement de CHF 11'375.80 à A______ à titre d'indemnité pour ses frais de défense.

Renvoie la cause au Tribunal de police pour qu'il fixe les indemnités dues à ces titres.

Annule l'ordonnance querellée en tant qu'elle condamne D______ aux frais de la procédure devant l'instance précédente et dit que lesdits frais sont laissés à la charge de l'État.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3656/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00