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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/165/2020

ACPR/250/2020 du 23.04.2020 sur JTPM/171/2020 ( TPM ) , ADMIS

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/165/2020ACPR/250/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 23 avril 2020

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison B______, comparant par Me H______, avocat, ______, ______, Genève,

recourant

contre le jugement rendu le 25 février 2020 par le Tribunal d'application des peines et des mesures

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé au greffe le 12 mars 2020, A______ recourt contre le jugement du 25 février 2020, notifié le 2 mars suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce que des débats soient ordonnés et, cela fait, à sa libération conditionnelle; subsidiairement, à sa libération conditionnelle par voie de procédure écrite; et, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause au TAPEM pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1977, ressortissant néerlandais, a été condamné, par jugement du Tribunal correctionnel de Genève (ci-après, TCO) du 31 octobre 2018, à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 125 jours de détention avant jugement, pour abus de confiance.

b. À la suite de son extradition par la France, il a été incarcéré le 6 juillet 2018 à la prison C______, puis, dès le 22 mai 2019, à la prison B______, où il demeure encore à ce jour.

c. Les deux tiers de la peine qu'il exécute sont intervenus le 27 février 2020, tandis que la fin de la peine est fixée au 28 décembre 2020.

d. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent. Il ressort toutefois du jugement du TCO sus-évoqué qu'il a été condamné, sous dix alias, à 24 reprises entre les mois de février 1990 et juillet 2013 notamment pour vol, cambriolage, escroquerie et émission ou introduction d'actions ou obligations contrefaites, dans cinq pays différents, soit aux Pays-Bas, en Belgique, en France, en Allemagne et en Espagne.

e. Il ressort du Plan d'exécution de la sanction pénale (PES), validé le 14 février 2019 par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) et signé par A______, que ce dernier est né et a vécu au Pays-Bas jusqu'à ses 20 ans. Issu de la communauté gitane, il était marié et avait quatre enfants et cinq petits-enfants.

L'intéressé s'était par la suite établi en Espagne, où il aurait créé deux entreprises actives dans le domaine du recyclage, qui compteraient une cinquantaine d'employés. Il a déclaré n'avoir aucune dette et avoir vécu confortablement grâce aux gains issus de son activité lucrative.

A______ reconnaissait partiellement les faits reprochés, mais n'exprimait, de manière générale, aucun regret. Il déniait aux victimes leur statut et n'estimait pas leur avoir causé du tort.

Le risque de commettre à nouveau des délits contre le patrimoine était qualifié de particulièrement élevé, eu égard à la multiplicité des infractions commises dans différents pays. A______ était notamment connu des services de police français et belges pour des faits similaires, soit des escroqueries de type "rip-deal". Ses passages successifs dans le système pénal ainsi que les sanctions n'avaient visiblement eu aucun effet sur lui. Des membres de sa famille avaient également participé à des activités délictuelles. Malgré un emploi stable, A______ avait été motivé à passer à l'acte pour obtenir des sommes d'argent importantes. Bien qu'il considérât ses liens familiaux comme un élément protecteur pour l'avenir, ce soutien ne l'avait toutefois pas détourné de commettre des infractions dans le passé.

Ainsi, aucun élargissement du régime n'était possible. Le PES prévoyait seulement deux phases de progression de l'exécution de sa sanction : un maintien en milieu fermé et l'octroi d'une éventuelle libération conditionnelle.

f. Dans le formulaire de demande de libération, A______ mentionne être célibataire et père de quatre enfants et disposer d'une pièce d'identité néerlandaise et se dit non autorisé à séjourner en Suisse. À sa libération, il se rendrait aux Pays-Bas, État dans lequel sa mère résidait et où il souhaitait faire prolonger la durée de validité de ses documents d'identité. Il comptait travailler dans son entreprise, active dans le domaine du recyclage, et prendre soin de sa famille. Il mentionne une femme, D______, domiciliée à E______(Espagne), comme étant susceptible de l'aider à sa libération, mais précise qu'il bénéficierait d'un logement, à F______, aux Pays-Bas.

g. Selon le préavis, favorable, de la direction de la prison B______, le comportement de l'intéressé était jugé satisfaisant. Il avait toutefois fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 27 novembre 2019 pour bagarre.

Du 29 mai au 29 juillet 2019, il avait été occupé au sein de l'atelier "Évaluation", où, d'après le maître d'atelier, il avait effectué le travail requis, sans toutefois faire preuve de motivation, et avait parfois adopté une attitude hautaine. Depuis le 30 juillet 2019, il était affecté à l'atelier "Peinture" où il s'impliquait dans les tâches qui lui étaient confiées et faisait preuve d'un bon comportement général.

Il avait reçu la visite régulière de D______, sa concubine, de G______, sa fille, de son petit-fils et d'une amie.

Les tests toxicologiques effectués sur lui le 4 décembre 2019 s'étaient révélés négatifs.

Il procédait au remboursement des frais de justice et indemnités depuis le 31 juillet 2019, à hauteur de CHF 50.- par mois. Il disposait d'un compte libre avec un solde de CHF 73.05, d'un compte réservé dont le solde s'élevait à CHF 644.25, et d'un compte bloqué avec un solde de CHF 483.10. Ses comptes LAVI et frais de justice présentaient un solde positif de CHF 250.-, respectivement de CHF 200.-.

h. Son passeport néerlandais, échu depuis le 12 novembre 2015, a été déposé auprès du greffe de l'établissement de détention. Selon une lettre de l'Office cantonal de la population et des migrations, du 18 décembre 2018, une décision de renvoi serait prononcée à l'encontre de A______ et une proposition d'interdiction d'entrée en Suisse, transmise en temps voulu au Secrétariat d'État aux migrations (SEM).

i. Le SAPEM a préavisé défavorablement la libération conditionnelle, bien que A______ n'eût jamais bénéficié de cet élargissement et que son comportement carcéral fût satisfaisant, au vu de ses très nombreuses condamnations pour des faits semblables, à des intervalles rapprochés et dans plusieurs pays, et du fait que les peines privatives de liberté subies jusqu'à ce jour ne l'avaient nullement dissuadé de récidiver, et ce, malgré une situation familiale et économique stable.

j. Se référant au préavis du SAPEM, le Ministère public a conclu au refus de la libération conditionnelle et, à titre subsidiaire, à ce qu'elle ne soit accordée qu'avec effet au jour où le renvoi de Suisse de A______ pourrait être exécuté, soit au plus tôt le 27 février 2020.

k. Lors de l'audience devant le TAPEM, A______, qui s'est défendu seul par suite d'une maldonne du tribunal avec le défenseur qu'il s'était constitué, a confirmé avoir fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 27 novembre 2019, mais l'a mise en relation avec le décès de son frère, quelque temps auparavant.

À sa sortie de prison, il comptait retourner en Espagne auprès de sa famille et reprendre son activité au sein de son entreprise spécialisée dans le domaine du recyclage, créée en 2014 et dont la gestion était actuellement assurée par l'un de ses deux associés. Il pourrait entrer en fonction dès le mois de mars 2020, pour un revenu mensuel brut de EUR 5'000.-, auquel s'ajouterait le bénéfice perçu dans le cadre de ventes.

Son activité ayant été profitable en 2014, il avait créé une seconde entreprise à ______ (Espagne), durant la même année. Son revenu annuel avait atteint, cette année-là, entre EUR 60'000.- et EUR 70'000.-.

Avant d'exercer cette activité lucrative, il avait travaillé dans la vente de véhicules automobiles, au sein du garage détenu par son père depuis 40 ans, et avait gagné confortablement sa vie.

Il avait grandi et vécu durant plusieurs années aux Pays-Bas, mais vivait depuis vingt ans en Espagne avec sa famille. Issu de la communauté gitane, il menait une vie sédentaire et possédait une maison dans laquelle il retournerait vivre à sa sortie de prison.

La plupart des 24 condamnations pénales avait été prononcée alors qu'il était jeune, et les dernières d'entre elles étaient, selon lui, de moindre gravité. Il avait fait preuve de bêtise en dérobant des bijoux en 2014 et admettait être attiré par le luxe. Il estimait qu'il n'y avait pas de victime dans les faits pour lesquels il a été condamné, puisqu'elle ne s'était, en premier lieu, pas présentée au procès. En second lieu, il avait été convenu qu'il procéderait à la vente des bijoux reçus pour le compte de cette personne et qu'il lui en verserait le montant. Il ne l'avait pas fait, car le montant de la vente ne correspondait pas à celui initialement convenu entre eux. Il avait dépensé cet argent, soit environ EUR 110'000.-.

Son activité délictuelle ne lui avait pas apporté "grand-chose" et son activité lucrative lui permettait de gagner "beaucoup plus". En effet, l'argent "facile" s'acquérait rapidement, mais "part[ait] très vite" également.

Enfin, il n'avait jamais connu une détention aussi longue. Il était très affecté par le décès de son frère, et son père souffrait d'un cancer depuis plusieurs années, de sorte qu'il convenait qu'il prît soin de ses parents et de sa famille. Une récidive impliquerait ainsi qu'il ne prenne pas en compte ses responsabilités familiales. Âgé de 40 ans, il était temps pour lui d'aller "de l'avant".

Il a produit à l'audience un contrat de travail de durée indéterminée, rédigé en espagnol, daté du 1er février 2020, signé par celui qu'il présente comme son associé et relatif à l'activité lucrative sus-évoquée.

C. Dans le jugement querellé, le TAPEM relève que, si la condition temporelle serait réalisée le 27 février 2020, le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable, en raison des nombreux antécédents de l'intéressé, soit 24 condamnations pour des infractions contre le patrimoine, sur une période de plus de vingt ans et dans six différents pays, de sorte que ce dernier était solidement ancré dans la délinquance et n'avait nullement été dissuadé d'agir malgré les peines qu'il avait exécutées.

Sa situation personnelle et familiale était stable depuis de nombreuses années et, selon ses déclarations, il bénéficiait d'une situation financière confortable, laquelle devrait se poursuivre à sa sortie de prison. Ces facteurs, a priori protecteurs, ne l'avaient nullement détourné de commettre des infractions.

De plus, son introspection était très partielle, car non seulement il remettait en cause le déroulement de l'infraction pour laquelle il a été condamné, mais, en plus, il n'exprimait aucun regret et banalisait ses actes.

Le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaissait donc, en l'état, très élevé.

D. a. Dans son recours, A______ invoque une violation des art. 29 Cst., 6 § 3 let. c CEDH et 129 al. 1 CPP. Il ressortait du procès-verbal de l'audience par-devant le TAPEM que, nonobstant le préavis favorable de l'établissement de détention et l'absence antérieure d'une libération conditionnelle en Suisse, la délibération avait duré 5 minutes, soit de 11h.45 à 11h.50. En outre, son avocat n'avait pu l'assister, sans qu'aucune faute ne pût être imputée à la défense. En raison de ce déni de justice, la décision querellée devrait être annulée. Cela étant, un simple renvoi au premier juge ne paraissait pas offrir de réparation satisfaisante, de sorte qu'il y avait lieu de faire application de l'art. 390 al. 5 CPP et, ainsi, de le convoquer, avec son conseil, afin que ce dernier puisse participer à des débats devant l'autorité de recours.

Par ailleurs, le jugement querellé avait, de façon expéditive, pris en considération ses antécédents judiciaires et, étonnamment, sa situation personnelle et familiale stable. Ce dernier paramètre avait été utilisé pour en tirer la conclusion que, loin de préfigurer une possibilité de réinsertion, il fallait déduire de son excellente situation personnelle une volonté, attestée par le passé, de demeurer dans la délinquance, ce qui était contraire aux règles régissant la libération conditionnelle.

De façon tout aussi étonnante, le rapport de l'établissement B______ et l'absence de libération conditionnelle précédente en Suisse, critères pourtant essentiels, n'avaient même pas été débattus par les premiers juges. N'avait pas plus été débattu le fait qu'il aurait bientôt fait près de cinq ans de détention, si l'on faisait l'addition de sa détention en France. L'ajout de dix mois de détention supplémentaires, plutôt qu'une libération conditionnelle, n'était pas un frein à la récidive et n'avait pas de dimension éducative. Partant, l'analyse faite par les premiers juges était inopportune.

b. Par lettre du 23 mars 2020, le recourant, sous la plume de son conseil, a déclaré maintenir ses conclusions, tout en insistant plus particulièrement sur celle prise subsidiairement, soit une libération conditionnelle ordonnée par voie de procédure écrite. Compte tenu des risques de propagation du Covid-19 à l'intérieur des établissements pénitentiaires, un maintien en détention serait contraire au principe de la proportionnalité.

c. Le Ministère public s'en remet à justice.

d. Le TAPEM déclare persister dans sa décision.

EN DROIT :

1.             1.1. La décision rendue en matière de libération conditionnelle (art. 86 CP) constitue une "autre décision ultérieure" indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 30 ad art. 363).

Le recours au sens de l'art. 393 CPP est la voie de droit ouverte contre les prononcés rendus par le TAPEM en matière de libération conditionnelle (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1 et les références citées).

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Il résulte implicitement de la lettre du défenseur du recourant du 23 mars 2020 que la tenue de débats n'est plus exigée. Au demeurant, la loi ne la prévoit qu'à titre exceptionnel, la procédure écrite étant de règle (art. 397 al. 1 CPP). La Chambre de céans a d'ailleurs déjà eu l'occasion de juger que, lorsque le recourant a pu s'exprimer sans limitation, par écrit et en dernier lieu, une audience ne se justifie pas, dès lors que son droit d'être entendu a été ainsi respecté (ACPR/312/2011 du 2 novembre 2011 et ACPR/390/2011 du 21 décembre 2011). C'est d'autant plus vrai en l'espèce que le recourant a pleinement pu bénéficier du concours de son défenseur en instance de recours, quels qu'aient été les aléas involontaires de la procédure de première instance. Aussi la présente décision a-t-elle été adoptée par voie de circulation (art. 390 al. 4 CPP).

3.             Le recourant conteste le refus de sa demande de libération conditionnelle.

3.1.       Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 p. 203). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 s. et les références citées). Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7).

Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203 et les références citées). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb p. 198 ss).

3.2.       En l'espèce, l'appréciation du risque de récidive doit se fonder sur le constat que l'infraction dont le recourant purge la peine est de nature patrimoniale et a été commise sous une forme exempte de violence. Le recourant n'a aucun antécédent en Suisse. Il n'y a donc jamais non plus bénéficié de libération conditionnelle. S'il n'est pas contesté qu'il a été condamné à 24 reprises pour des infractions de même nature à l'étranger, sur une période de plus de 23 ans, dénotant par là un ancrage assez solide dans la délinquance, les détails de ces antécédents, notamment de modus operandi, de durée des condamnations, voire de libérations anticipées, ne sont pas au dossier.

Dans ces circonstances, la situation familiale et professionnelle du recourant, qu'il qualifie dorénavant de stable et de confortable, paraît offrir une garantie acceptable.

Par ailleurs, la prise de conscience de la faute n'est, peut-être, pas celle qu'ont vue les autorités précédentes. À l'audience du TAPEM, le recourant a essentiellement fustigé l'absence de la victime lors des débats par-devant le TCO, ainsi qu'un "prix" des biens confiés qu'elle aurait "gonflé". Or, au procès, il avait admis les faits reprochés; l'absence de la victime était avérée; et le tribunal n'a pas tenu pour établi que celle-ci, comme elle l'affirmait, eût en sus confié à celui-là des montres de marque (jugement du 31 octobre 2018, pp. 16-17).

Dans ces conditions limite, on peut encore estimer que le pronostic n'est pas défavorable, et que la libération conditionnelle du recourant peut être ordonnée.

Comme le Ministère public l'a suggéré à titre subsidiaire, cet allègement prendra effet à la date du renvoi de Suisse de l'intéressé.

4.             Les frais seront laissés à la charge de l'État.

5.             Le recourant, qui a gain de cause, chiffre à CHF 2'400.- les 4 heures d'activité de son défenseur pour la procédure de recours. Le tarif revendiqué est toutefois supérieur à celui admis par la Cour pénale, qui est de CHF 450.-/h. au maximum pour un chef d'étude (cf. ACPR/109/2020 du 7 février 2020 et les références). Par ailleurs, l'acte de recours ne comporte aucune motivation juridique particulière, égrenant des considérations générales sur le droit d'être entendu et la pandémie de Covid-19. Une indemnisation arrêtée à CHF 1'800.- apparaît donc largement suffisante. La TVA n'est pas due, en raison du domicile à l'étranger du recourant (ATF 141 IV 344).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule le jugement attaqué.

Accorde la libération conditionnelle à A______, à dater de son renvoi effectif de Suisse.

Fixe le délai d'épreuve à un an (art. 87 al. 1 CP) dès cette date.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'800.- TTC pour ses frais de défense en procédure de recours.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur), au Ministère public et au Tribunal d'application des peines et des mesures.

Le communique pour information au Service de l'application des peines et mesures et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Sandrine JOURNET, greffière.

 

La greffière :

Sandrine JOURNET

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).