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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14388/2020

ACPR/232/2022 du 07.04.2022 sur ONMMP/4477/2021 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉPENS;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.429.al1.leta; CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14388/2020 ACPR/232/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 avril 2022

 

Entre

 

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 14 décembre 2021 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 décembre 2021, A______, prévenu, recourt contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public le 14 précédent, communiquée par pli simple, laquelle est muette sur la question de son indemnisation au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.

Il conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 675.- TTC, au paiement de CHF 2'650.-, à titre de frais de défense pour la procédure préliminaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. En automne 2018, C______ SA, société sise à Genève, active dans les domaines du courtage, de l'assurance et de la prévoyance professionnelle, a engagé A______ en qualité de "responsable clients" et D______, de directeur.

a.b. À une date non déterminée, cette société a requis du premier nommé qu’il signe une clause de non-concurrence, ce que l’intéressé a refusé.

a.c. Arguant de difficultés financières, C______ SA a résilié le contrat de ses deux employés, avec effet au 30 juin 2020.

b.a. Le 11 août suivant, cette société a porté plainte contre D______ et A______ pour gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 3 CP) et infraction à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241; art. 5 let. a LCD cum 23 LCD).

En substance, elle y exposait que D______ était en train de constituer une entité concurrente, E______. À cet effet, les mis en cause avaient, alors qu’ils étaient encore employés, aussi bien démarché de nombreux clients – lesquels avaient résilié leurs contrats avec elle, vraisemblablement au profit de cette entité – qu’exploité indûment des données lui appartenant. Ce faisant, ils lui avaient causé un dommage de CHF 600'000.-.

b.b. Le 29 juin 2021, A______ a été entendu en qualité de prévenu, par la police, sur délégation du Ministère public (art. 309 al. 2 CPP), en présence de son avocate de choix. Il a nié toute infraction. À son arrivée au sein de C______ SA, il avait apporté son "portefeuille client[s]"; son rôle avait notamment consisté à gérer celui-ci et à le faire évoluer. Il avait effectivement refusé de signer une clause de non-concurrence. Il n’avait pas créé de société concurrente à C______ SA. D______ lui avait demandé son avis au sujet d’une entité qu’il pensait constituer après son licenciement; lui-même avait envisagé toutes les options afin de ne pas se retrouver sans travail, y compris celle de rejoindre une nouvelle structure; toutefois, durant son délai de congé, il avait négocié un nouvel emploi avec une compagnie d’assurance, laquelle l’avait engagé le 1er juillet 2020, en qualité de "conseiller aux courtiers". Depuis lors, il n’avait plus de clientèle privée, ce dont il avait informé les personnes qui composaient jusque-là son portefeuille. Il n’avait jamais démarché celles-ci pour qu’elles rejoignent E______, société avec laquelle lui-même n’avait eu aucun contact, ni n’avait utilisé de quelconques données appartenant à C______ SA, n’ayant plus de clientèle.

L’avocate du prévenu ne semble pas être intervenue durant l’audition, à teneur du procès-verbal dressé à cette occasion.

b.c. D______ a également été entendu en qualité de prévenu, par la police, en présence de son défenseur de choix.

C. a. Dans sa décision déférée – laquelle concerne exclusivement A______, la procédure contre D______ se poursuivant –, le Ministère public a considéré que les conditions de l'article 158 CP n’étaient pas réalisées, faute, pour l’intéressé, d’avoir aussi bien revêtu la qualité de gérant de C______ SA que participé à la création d’une société concurrente après son licenciement. Quant aux prétendus agissements contrevenant à la LCD, le prévenu les avait formellement contestés et ils n’étaient pas établis, à teneur du dossier. Vu l’issue du litige, les frais de la procédure étaient laissés à la charge de l’État.

b. C______ SA n’a pas contesté cette ordonnance.

D. a. À l’appui de ses recours et réplique, auxquels il joint une pièce nouvelle, A______ affirme avoir reçu le 16 décembre 2021 l’ordonnance précitée. Le délai pour recourir échoyait donc le lundi 27 suivant.

Au fond, le Ministère public avait violé l’art. 429 CPP, en négligeant de l’indemniser de ses frais de défense, lesquels s’élevaient à CHF 2'650.- pour les divers contacts que son avocate avait eus, tant avec le défenseur de D______ qu’avec lui-même, respectivement pour le temps passé à l’assister lors de l’audience à la police, conformément à la note d’honoraires établie par cette avocate, qu’il produisait.

b. Invité à se déterminer, le Procureur conclut à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, le dernier jour du délai tombant le 26 décembre 2021. Sur le fond, il s’en rapporte à justice.

EN DROIT :

1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé dans le délai utile – lequel est arrivé à échéance le dimanche 26 décembre 2021, de sorte qu’il a expiré le lundi 27 suivant (art. 90 al. 2 CPP) – et selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner les conséquences économiques accessoires d’une ordonnance de non-entrée en matière, points sujets à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 81 cum 320 al. 1 et 393 al. 1 let. a CPP; art. 128 LOJ/GE), et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à ce qu’il soit statué sur ses prétentions en indemnisation au sens de l’art. 429 CPP (art. 115 cum 382 CPP).

1.2. Il en va de même de la pièce nouvelle produite par ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2).

2. 2.1. En cas de refus d'entrer en matière, le prévenu peut prétendre à l’octroi de dépens au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP (ATF 139 IV 241 consid. 1).

Encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire. Pour déterminer si tel est le cas, l’on gardera à l'esprit que le droit pénal (matériel et de procédure) est complexe et représente, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés; celui qui se défend seul est susceptible d'être moins bien loti. L’on doit donc tenir compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1). Par rapport à un crime ou à un délit, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat sera considérée comme non nécessaire; cela pourrait, par exemple, être le cas lorsque la procédure fait immédiatement l'objet d'un classement après une première audition (ATF 142 IV 45 précité; arrêt du Tribunal fédéral 6B_938/2018 du 28 novembre 2018 consid. 1.1).

2.2. Le Tribunal fédéral a considéré que l’intervention d’un avocat n’avait pas lieu d’être dans les occurrences suivantes : une affaire de dommages à la propriété où le prévenu et un tiers avaient été entendus par la police, le ministère public ayant rendu, à cette suite, une ordonnance de non-entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1121/2014 du 29 janvier 2015 consid. 3.2 et 3.3); une procédure ouverte pour atteinte à l’honneur ayant donné lieu à deux audiences d’instruction et une tentative de conciliation, avant d’être classée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_458/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.4); un cas de dommages à la propriété clos par une ordonnance de non-entrée en matière, après une seule audition du prévenu par la police (arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2013 consid. 2.2 non publié aux ATF 139 IV 241).

2.3. En l’espèce, le recourant s’est vu reprocher la commission d’un crime et d’un délit (en regard des peines menaces prévues par les art. 158 ch. 1 al. 3 CP et 23 LCD), soit d’infractions relativement graves.

Pour autant, il a participé à un seul acte de procédure – à savoir, son audition par la police – avant que le Ministère public rende une ordonnance de non-entrée en matière.

L’affaire ne présentait, au stade de cette audition, pas de complexité particulière. En effet, les actes reprochés au prévenu se limitaient à l’éventuel exercice d’une activité concurrente à celle de C______ SA, problématique qui n’avait rien d’inédite, ces parties ayant évoqué la signature d’une clause de non-concurrence par le passé. Le recourant a, du reste, été en mesure de répondre clairement et précisément aux questions qui lui étaient posées, semble-t-il sans le concours de son avocate. De plus, rien ne lui permettait de penser que sa version des faits aurait pu être considérée comme d’emblée peu crédible, de sorte que l’on pouvait attendre de lui qu’il la présente avant d’être assisté d’un conseil.

À cela s’ajoute que la procédure a été de courte durée, six mois ayant séparé l’unique audition du prévenu du prononcé de l’ordonnance déférée, et que le recourant n’a fait état d’aucune répercussion de celle-là sur sa vie professionnelle et privée.

Dans ce contexte, l’intervention d’un avocat était prématurée et, partant, non nécessaire.

Le prévenu ne peut donc prétendre à l’octroi de dépens pour la procédure préliminaire.

Infondé, le recours doit être rejeté.

3. 3.1. Bien que le recourant succombe, il lui a fallu recourir pour obtenir une décision sur ses prétentions en indemnisation, le Procureur ayant omis de statuer à ce propos.

Les frais de la procédure de recours seront donc laissés à la charge de l’État.

3.2. Le prévenu peut, corrélativement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211), prétendre au versement de dépens.

Il chiffre à CHF 675.- TTC les honoraires de son avocate, correspondant à 1 heure et 30 minutes d’activité de cheffe d’étude, facturée au tarif horaire de CHF 450.-.

Cette quotité apparaît raisonnable au regard des circonstances de l’espèce, de sorte qu’il sera fait droit à sa conclusion.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l’État.

Alloue à A______, à la charge de l’État, une indemnité de CHF 675.- TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, ainsi qu’au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).