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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17074/2003

ACPR/217/2019 du 18.03.2019 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RÉTROACTIVITÉ ; QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE ; HÉRITIER ; CONSULTATION DU DOSSIER ; TIERS NON IMPLIQUÉ ; CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE ; SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE); SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL) ; CODE DE PROCÉDURE PÉNALE CANTONALE ; ACTION EN CONSTATATION ; ALLOCATION AU LÉSÉ
Normes : CPP.453; CPP.382; CP.110; CC.35; CPP.101; CPP.105; CPP.267

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17074/2003ACPR/217/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 18 mars 2019

Entre

A______, domicilié ______ (GE), comparant par Me Pierre BAYENET, avocat, LIBERTAS AVOCATS, chemin de la Gravière 6, case postale 71, 1211 Genève 8,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 30 août 2018 par le Ministère public, l'ordonnance de classement du 1er avril 2014 ainsi que contre la décision de levée de la saisie pénale conservatoire et de restitution à la partie plaignante du 21 août 2006

et

B______, sise ______ (GE), comparant par Me Douglas HORNUNG, avocat, Hornung avocats, rue du Général-Dufour 22, case postale 5539, 1211 Genève 11,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 13 septembre 2018, A______ recourt (i) contre l'ordonnance du 30 août 2018, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder un accès intégral au dossier de la procédure, (ii) contre l'ordonnance du 1er avril 2014, par laquelle le Ministère public a classé la procédure dirigée contre son père, C______, et (iii) contre l'ordonnance du 21 août 2006, par laquelle le Juge d'instruction a ordonné la restitution de
CHF 378'203.-, soit le produit de la vente de l'immeuble sis chemin 1______ à D______ appartenant à son père, à B______ [organisation internationale].

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement à ce qu'une copie intégrale du dossier lui soit transmise et un délai de 10 jours lui soit imparti pour compléter son recours et, principalement, au constat de la nullité de l'ordonnance du 21 août 2006, subsidiairement à son annulation, à l'annulation de l'ordonnance du 1er avril 2014 en tant qu'elle ne lève pas le séquestre ni n'ordonne la restitution au prévenu du produit de la vente de son immeuble, à ce que le séquestre soit levé et le produit de la vente lui soit restitué, subsidiairement à ce qu'une indemnité à hauteur du produit de la vente lui soit octroyée en application de l'art. 429 CPP et, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il complète l'ordonnance du 1er avril 2014 sur ces questions.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 novembre 2003, B______ a déposé plainte pénale à Genève contre C______, pour, principalement, abus de confiance et faux dans les titres.

Ce dernier était suspecté d'avoir, à Genève, entre janvier 2000 et juillet 2003, en sa qualité de directeur de la formation [au sein de] B______, alors qu'il était chargé d'organiser des cours de formation pour les différents membres de B______ de par le monde et, à ce titre, chargé en particulier de transmettre des chèques tirés par B______ aux participants à ces cours, falsifié les signatures des bénéficiaires de ces chèques afin de les encaisser personnellement, soit 13 chèques entre mars et avril 2000 pour un total de USD 264'000.-, 50 chèques entre janvier 2000 et juillet 2003 pour un total de USD 450'000.- et 45 chèques entre février 2000 et avril 2003 pour un total de USD 873'000.- et GBP 30'000.-.

b. C______ a quitté la Suisse le 9 novembre 2003 à destination [de] E______ [Egypte]. Placé dès le lendemain sous mandat d'amener, il a par la suite fait l'objet d'une demande de recherche internationale en vue d'extradition, réitérée jusqu'au
10 novembre 2013, date de la prescription.

c. Le 12 décembre 2003, le Juge d'instruction a ordonné la saisie pénale conservatoire, en mains du notaire, du produit net de la vente (prix convenu moins dette hypothécaire éventuelle) de l'immeuble sis chemin 1______ à D______ (parcelle n° 2______) appartenant à C______.

Ledit immeuble a été vendu aux enchères en 2004 au prix de CHF 965'000.- et le solde du produit net de la vente, qui s'élevait à CHF 378'203.40, versé par le notaire à la Caisse du Palais de justice le 3 juin 2005.

d. Le 21 août 2006, le Juge d'instruction a ordonné à la Caisse du Palais de justice de restituer la somme précitée à B______, levant ainsi la saisie pénale conservatoire sur ces fonds. Il précisait que C______ était en fuite depuis le 9 novembre 2003 et n'avait plus de domicile connu.

e. Il ressort du dossier que l'épouse de C______, F______, avait préalablement transmis au Juge d'instruction deux certificats de décès à teneur desquels son mari serait décédé en 2004, puis en 2006. Le magistrat avait alors émis des doutes sur l'authenticité de ces documents, ce qu'une enquête au Soudan lui avait confirmé.

Il était apparu par la suite que C______ avait été arrêté [à] E______ en octobre 2006, sur la base du mandat d'arrêt délivré, avant d'être extradé vers le Soudan, son pays d'origine.

f. i. Le 1er avril 2014, le Ministère public a classé la procédure ouverte contre C______, les faits reprochés étant prescrits.

L'ordonnance ne comporte aucune mention sur la restitution des fonds à B______.

Elle a été notifiée au prévenu chez son curateur de représentation et de gestion du patrimoine, désigné le 5 février 2014 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

ii. Par arrêt du 3 septembre 2014 (ACPR/385/2014), la Chambre de céans a rejeté le recours formé par B______ contre ladite ordonnance de classement.

g. Le 25 mars 2015, le curateur de C______ a informé le Ministère public être à la recherche du prix de vente de l'immeuble propriété de son protégé.

Le Ministère public lui a refusé l'accès à la procédure, respectivement de lui donner une quelconque information sur celle-ci, au motif que C______ "n'a jamais eu une première audience de jugement avant le classement de la procédure" et dès lors "aujourd'hui un intérêt juridiquement protégé à s'opposer à ce classement".

h. Le 11 juillet 2018, A______ s'est enquis auprès du Ministère public du sort de la maison qui avait été séquestrée dans le cadre de la procédure pénale. Son père avait été déclaré absent par ordonnance du Tribunal de première instance du 29 septembre 2016 (OTPI/510/2016), avec effet rétroactif au 9 novembre 2003. Sa mère ayant répudié la succession, il était l'unique héritier de C______, ainsi qu'en attestait un certificat d'héritier des 11 et 19 octobre 2017.

C. Dans son ordonnance du 30 août 2018, le Ministère public retient que la disparition de feu C______ en 2003 ne "signifie pas qu'il serait décédé à ce moment-là". Il avait été arrêté [à] E______ en octobre 2006, puis extradé vers son pays d'origine, le Soudan, et était donc en vie à cette époque. A______ était un tiers au sens de
l'art. 105 CPP et devait dès lors justifier être directement touché par un acte de procédure. La procédure pénale avait été classée en 2014. Quant au bien immobilier séquestré, il avait été vendu et le produit avait été restitué à B______ en 2006. Le changement de propriété avait eu lieu lorsque C______ était en fuite, mais encore en vie, si bien que le bien immobilier n'était jamais entré dans la succession de celui-ci. Étaient annexés à l'ordonnance : l'ordonnance de restitution du 21 août 2006, les prétendus certificats de décès de 2004 et 2006 et un courrier du 14 décembre 2006 de la police judiciaire faisant état du refoulement de C______ vers le Soudan, lesquels documents valaient accès partiel à la procédure, dans la mesure nécessaire à la sauvegarde des intérêts de A______.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que le produit de la vente de l'immeuble de son père serait entré dans son propre patrimoine s'il n'avait pas été illicitement versé à B______, si bien qu'il disposait, comme unique héritier de C______, de la qualité pour recourir contre les ordonnances querellées, conformé-ment aux art. 382 al. 3 CPP et 35 ss CC.

Au fond, il se plaint de la violation des art. 181 et 181A de l'ancien code de procédure pénale (ci-après : aCPP), alors en vigueur, du fait qu'il n'avait jamais été établi que le bien immobilier objet d'une réalisation forcée était le fruit des infractions reprochées à son père. Les conditions légales de l'allocation au lésé du produit de cette vente n'étaient dès lors pas remplies au moment du prononcé de l'ordonnance du 21 août 2006, et le Juge d'instruction aurait dû conserver les valeurs séquestrées. En outre, sur la base de l'art. 218G aCPP, seul le Procureur général pouvait prendre une décision de confiscation indépendante, de sorte que l'ordonnance précitée avait été rendue par une autorité incompétente et était frappée de nullité.

L'ordonnance de classement du 1er avril 2014 - qui ne lui avait pas été notifiée, mais dont il avait appris l'existence et les implications à réception de l'ordonnance du 30 août 2018 - ne faisait nullement état de l'allocation au lésé du produit de la vente et, partant, était lacunaire. Cette ordonnance violait en outre l'art. 267 al. 1 CPP. Subsidiairement, il avait droit à une indemnité, fondée sur l'art. 429 CPP, correspondant au produit de la vente de l'immeuble, dont il avait été spolié.

Enfin, en sa qualité d'héritier, il était partie à la procédure et disposait dès lors d'un intérêt légitime à pouvoir accéder à l'entier du dossier pénal afin de pouvoir défendre ses intérêts et compléter le présent recours.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Il résultait de sa décision du 30 août 2018 que le recourant avait eu un accès limité au dossier, dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts. S'agissant de l'ordonnance de classement du 1er avril 2014, le recourant ne faisait valoir aucun intérêt personnel et direct à en obtenir la modification. Cette décision ne parlait ni de confiscation ni d'allocation au lésé de valeurs patrimoniales puisqu'il n'y avait, à cette époque, aucun bien saisi. S'agissant enfin de l'ordonnance du 21 août 2006, elle ne concernait pas non plus le recourant, mais feu son père, qui était alors en vie, en fuite et sans domicile en Suisse. Le recourant, qui s'était manifesté ultérieurement, en qualité d'héritier, ne pouvait exiger aujourd'hui de se voir notifier ladite ordonnance.

c. B______ considère que l'affaire est close et renonce à formuler des observations.

d. A______ réplique qu'il n'y a aucune raison de s'écarter de l'appréciation du Tribunal de première instance, lequel avait fait remonter au 9 novembre 2003 la date des dernières nouvelles de son père, au sens de l'art. 38 al. 2 CC, et par là la déclaration d'absence. C'était donc à cette date qu'il avait hérité de la propriété du bien immobilier. Il disposait dès lors d'un intérêt personnel et direct à obtenir la restitution des biens issus de la succession.

EN DROIT :

1.             La recevabilité du recours doit être distinguée selon l'acte attaqué.

1.1. En tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance de classement du 1er avril 2014, il est irrecevable, quand bien même le recourant n'aurait appris son existence que dans le cadre du prononcé de la décision du 30 août 2018.

En effet, le recourant, fils du prévenu, ne revêt pas la qualité de partie dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre son père. Dite ordonnance a du reste été notifiée à ce dernier, via son curateur de représentation.

On ne distingue en outre pas de quel intérêt juridiquement protégé pourrait se prévaloir le recourant, l'ordonnance de classement se limitant à mettre fin à la poursuite pénale dirigée contre son père, sans aucune référence et donc sans se prononcer sur le sort du produit de la vente de l'immeuble appartenant au prévenu.

Quant à l'absence d'indemnisation sous l'angle de l'art. 429 CPP, le recourant n'a pas qualité pour s'en plaindre également, faute d'être partie.

1.2. Le recours est ensuite dirigé contre l'ordonnance du 21 août 2006 par laquelle le Juge d'instruction a levé la saisie pénale conservatoire sur le produit de la vente de l'immeuble appartenant à C______ et ordonné sa restitution à la partie plaignante.

Cette décision est antérieure à l'entrée en vigueur du CPP.

1.2.1. Selon l'art. 453 al. 1 CPP, les recours formés contre les décisions rendues avant l'entrée en vigueur du présent code sont traités selon l'ancien droit par les autorités compétentes sous l'empire de ce droit. La date à laquelle la décision est rendue, et non celle à laquelle elle est notifiée ou un recours contre elle interjeté, est décisive pour déterminer le droit applicable selon cette disposition (ATF 137 IV 219
consid. 1.1 p. 221; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1186/2014 du 3 décembre 2015 consid. 3.2).

La question de savoir si une juridiction aujourd'hui inconnue de l'organisation judiciaire cantonale - l'ancienne Chambre d'accusation de la Cour de justice - "renaîtrait" par l'effet de l'art. 453 al. 1 CPP peut rester indécise, dès lors que tant l'art. 190 al. 1 aCPP, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, que les 393 al. 1 let. a et 20 al. 1 let. b CPP et 128 al. 1 let. a et al. 2 let. a LOJ prévoient la voie du recours contre les décisions du Juge d'instruction - devenu ______ [fonction au sein du pouvoir judiciaire] -, laquelle est maintenant de la compétence de la Chambre pénale de recours.

Le recourant ne prétend pas que les dispositions sur le recours sous l'empire du aCPP lui seraient plus favorables et développe du reste la question de sa qualité pour recourir sur la base du seul art. 382 CPP.

Le recours a également été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Reste à savoir s'il a été interjeté en temps utile (art. 396 al. 1 CPP).

i.Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP), voire, lorsque notamment le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n'a pas pu être déterminé en dépit des recherches pouvant raisonnablement être exigées, par publication (art. 88 al. 1 let. a CPP).

Le CPP ne traite pas des notifications irrégulières (N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 3ème éd., Zurich 2018, n. 4 ad art. 94). Une notification est irrégulière lorsque la mention des voies de droit a été omise ou lorsque celles-ci ont été erronément ou incomplètement mentionnées dans la décision (cf. art. 49 LTF). Selon le Tribunal fédéral, conformément à un principe général du droit administratif, applicable au droit pénal, la notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties. En principe, tant qu'il n'a pas été notifié au destinataire, l'acte est sans effet, car la notification irrégulière ne doit pas nuire à la personne qui a le droit de recourir. Le délai de recours ne part donc qu'au moment où celle-ci a eu connaissance de la décision,
dans son dispositif et ses motifs (ATF 142 IV 201 consid. 2.4 p. 205; 139 IV 228
consid. 1.3 p. 232), sauf fiction de notification (ATF 142 précité, ibid.).

La partie concernée ne peut cependant pas retarder ce moment selon son bon plaisir; en vertu du principe de la bonne foi, elle est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, à défaut de quoi elle risque de se faire opposer l'irrecevabilité de son recours pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 p. 232 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et 2.5).

À relever que la jurisprudencerendue sous l'égide du aCPP admettait que l'absence de notification au titulaire du compte d'une décision de restitution au lésé des avoirs saisis en rétablissement de ses droits (art. 59 al. 1 aCP) ne faisait courir le délai de recours contre cette décision que dès le moment où ledit titulaire en avait eu connaissance (G. REY, Procédure pénale genevoise et règles fédérales applicables : Annotations et commentaires, Bâle 2005, n. 1.8 ad art. 181 et l'OCA/61/2003 du 5 mars 2003 citée).

ii.En l'espèce, il est établi que l'ordonnance du 21 août 2006 n'a pas été notifiée à C______, lequel avait alors quitté la Suisse, faisait l'objet d'une demande de recherche internationale et n'avait pas de domicile connu.

Or, au vu de l'atteinte causée par ladite ordonnance aux droits du prénommé, on ne voit pas à quel titre le Juge d'instruction s'est abstenu de notifier sa décision, cas échéant par voie édictale, ce mode étant également usité sous l'empire de l'ancien droit (art. 91 aCPP).

Il s'ensuit que, faute de notification régulière, le délai de recours contre l'ordonnance querellée n'a commencé à courir qu'à partir du moment où le recourant en a eu connaissance, soit en même temps que l'ordonnance du 30 août 2018. Interjeté dans le délai de 10 jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP - lequel délai était au demeurant identique sous l'ancien droit (art. 192 al. 2 aCPP), - le recours est recevable.

Certes, on peut se demander si, au vu du temps écoulé, le recourant aurait pu, de bonne foi, soupçonner l'existence de cette décision et, partant, s'en enquérir plus tôt auprès du Ministère public. Aucun élément du dossier ne permet toutefois de le retenir. Il y a en outre lieu d'inférer que le Ministère public lui aurait refusé tout accès au dossier, faute d'être partie, étant relevé que même le curateur de C______, qui avait tenté, en 2015 déjà, d'obtenir des informations sur le sort de l'immeuble vendu, s'était vu opposer une fin de non-recevoir.

1.2.2. Reste enfin à déterminer si le recourant dispose de la qualité pour agir.

i. En vertu de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. À teneur de l'art. 382 al. 3 CPP, si le prévenu, le condamné ou la partie plaignante décèdent, leurs proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP (soit notamment les parents en ligne directe) peuvent, dans l'ordre de succession, interjeter recours ou poursuivre la procédure à condition que leurs intérêts juridiquement protégés aient été lésés.

L'art. 382 al. 3 CPP impose aux proches du défunt, pour pouvoir agir, de disposer d'un intérêt propre, qui sera par exemple admis lorsque la décision contestée a des effets directs sur la situation patrimoniale du de cujus et, partant, sur celle de ses héritiers, telles que les prétentions civiles ou des questions relatives à la confiscation, les frais ou les indemnités de procédure (N. SCHMID / D. JOSITSCH, op. cit., 3ème éd., Zurich 2018, n. 7 ad art. 382; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3ème éd., Zurich 2017, n. 1466 p. 658 s.; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du CPP, Bâle 2016, n. 15 ad art. 382; cf. également l'Appelationsgericht de Bâle-Ville, BES.2017.95 du 20 octobre 2017 consid. 1.4).

Selon l'art. 35 al. 1 CC, si le décès d'une personne disparue en danger de mort ou dont on n'a pas eu de nouvelles depuis longtemps paraît très probable, le juge peut déclarer l'absence à la requête de ceux qui ont des droits subordonnés au décès. À teneur de l'art. 38 al. 2 CC, les effets de la déclaration d'absence remontent au jour du danger de mort ou des dernières nouvelles. Parmi ces effets figure l'ouverture de la succession; les héritiers peuvent ainsi faire valoir leurs droits au moment de la disparition en danger de mort ou des dernières nouvelles (A. BÜCHLER / D. JAKOB (éds.), Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Kurzkommentar ZGB, 2ème éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 38; P. PICHONNAZ / B. FOËX (éds.), Commentaire romand: Code civil I, Art. 1-359 CC, Bâle 2010, n. 6 ad art. 38).

ii. En l'espèce, le recourant apparaît être l'unique héritier de C______, dès les effets de la déclaration d'absence, qui remontent au 9 novembre 2003. Dans la mesure où l'ordonnance attaquée, rendue postérieurement, a pour effet de restituer à B______ le produit de la vente d'un bien immobilier appartenant à la succession du précité, le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'attaquer.

iii.Reste que selon la jurisprudence, il faut encore un intérêt actuel et pratique au recours. Si cet intérêt disparaît avant le dépôt de celui-ci, le recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84 s.; 140 IV 74 consid. 1.3.1 p. 77; 136 I 274 consid. 1.3 p. 276).

La décision entreprise ayant déployé ses effets lors de la libération des fonds en faveur de la partie plaignante, le 21 août 2006, le recourant ne dispose plus d'intérêt juridique à en obtenir l'annulation.

Il dispose par contre toujours d'un intérêt juridique à obtenir une décision constatatoire. En effet, selon un principe général de procédure, les conclusions constatatoires ont un caractère subsidiaire et ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues (ATF 135 I 119 consid. 4
p. 122; arrêt du Tribunal fédéral 1C_79/2009 du 24 septembre 2009 consid. 3.5 publié in ZBl 2011 p. 275; ACPR/596/2015 du 4 novembre 2015 consid. 2.1).

1.2.3. Il en résulte que le recours contre l'ordonnance du 21 août 2006 est recevable.

1.3. Enfin, le recours est dirigé contre l'ordonnance du 30 août 2018, par laquelle le Ministère public a refusé d'accorder au recourant un accès complet au dossier.

1.3.1. La présente procédure étant désormais clôturée, les art. 101 ss CPP ne sont pas applicables. En effet, comme cela résulte déjà de l'intitulé de l'art. 101 CPP, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux procédures pénales pendantes. Celles-ci terminées, les modalités d'accès aux décisions judiciaires ne ressortissent pas ou plus au CPP, mais au droit cantonal (N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2e éd., Zurich 2013, n. 11 ad art. 102; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., n. 5 ad art. 102), soit aux textes sur l'information du public, les données personnelles et l'archivage (F. BOMMER, Einstellungs-verfügung und Öffentlichkeit, forumpoenale 4/2011 p. 248).

Or, dans le canton de Genève, l'accès aux procédures judiciaires closes est
régi par l'art. 20 al. 3 et 4 de la loi sur l'information du public et l'accès aux documents (LIPAD; A 2 08). Selon l'art. 3 al. 1 du règlement d'application (RIPAD; A 2 08.01), les institutions publiques auxquelles s'applique la LIPAD - dont le Pouvoir judiciaire et son administration - font l'objet d'une liste établie et publiée
par le pouvoir dont elles dépendent; le Pouvoir judiciaire s'y est conformé,
et, dans cette liste, le Ministère public n'est pas traité différemment des tribunaux (http://ge.ch/justice/acces-aux-documents-officiels-et-protection-des-donnees).

En l'occurrence, si le recourant s'est bien adressé à l'autorité compétente pour traiter sa demande, la réponse apportée par le Ministère public n'était pas sujette à recours, au sens des art. 393 ss CPP, mais à la procédure spéciale prévue par l'art. 28 LIPAD. Par conséquent, en refusant l'accès au document demandé, le Ministère public aurait dû indiquer au recourant qu'il pouvait, s'il s'y estimait fondé, saisir le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence, au sens de l'art. 28 al. 6 LIPAD.

Se pose toutefois la question, indépendamment de tout accès fondé sur la LIPAD, d'un droit de consulter le dossier fondé sur l'art. 29 al. 2 Cst., disposition que le recourant invoque d'ailleurs expressément. La jurisprudence rendue sur la base de cette disposition reconnaît en effet un droit de consulter le dossier en dehors d'une procédure pénale, une protection efficace des droits pouvant justifier que la personne concernée ou un tiers prenne connaissance d'une procédure achevée, en particulier d'un dossier archivé. Dans ce dernier cas, le requérant doit rendre vraisemblable un intérêt digne de protection. Tel est le cas s'il peut justifier d'une proximité particulière avec la cause. Un tel droit est en particulier reconnu s'il s'agit de clarifier les chances de succès d'un procès en dommages-intérêts ou en révision. Le droit de consulter le dossier trouve sa limite dans l'intérêt public prépondérant de l'État ou, lorsqu'il existe, un intérêt fondé d'une tierce personne. En toute hypothèse, un tel droit suppose toutefois une pesée attentive des intérêts en présence par l'autorité décisionnelle (ATF 129 I 249 consid. 3 p. 253 ss; 128 I 63 consid. 3.1 p. 68 s.; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-______/2016 du 19 avril 2018 consid. 5 et les références citées).

1.3.2. En l'espèce, en tant que le recourant s'estime, en qualité désormais d'héritier de C______, frustré du solde du produit de la vente de l'immeuble appartenant à celui-ci, alloué à la partie plaignante, il dispose, dans cette mesure, d'un intérêt juridique-ment protégé à l'annulation de l'ordonnance querellée, qui lui refuse une consultation complète du dossier. Dans cette mesure toujours, dite ordonnance est sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP). Le recours a par ailleurs été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), de sorte qu'il est recevable.

2. Le recourant se plaint de s'être vu refuser l'accès complet au dossier pénal, malgré sa qualité d'héritier de son père, ce qui violait son droit d'être entendu.

Le recourant n'est pas partie à la procédure. Il est tout au plus touché par un acte de procédure au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP. Partant, il ne peut se voir reconnaître la qualité de partie que dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts (art. 105 al. 2 CPP). À ce titre, il ne saurait prétendre à un droit à la consultation
de l'intégralité du dossier de la procédure pénale, mais uniquement aux éléments du dossier pertinents pour l'exercice de ses droits de défense (arrêt du Tribunal fédéral 1B_451/2012, du 20 décembre 2012, s'appuyant sur M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Strafprozessordnung - Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 29 ad art. 105).

Or, la motivation de la décision du 30 août 2018 et ses annexes lui ont permis d'exercer son droit de recours et de faire valoir ses arguments.

Il en résulte que l'accès intégral au dossier de la procédure n'apparait pas nécessaire à la défense de ses droits et qu'il n'y dès lors pas lieu de lui impartir un délai pour compléter son recours.

3. Le recourant considère ensuite que c'est de manière illicite que le Juge d'instruction a, de manière anticipée, le 21 août 2006, levé la saisie pénale conservatoire frappant le solde du produit de la vente du bien immobilier appartenant à C______ et restitué les fonds à la partie plaignante.

Cette décision ayant été rendue sous l'empire du aCPP, sa validité doit être examinée à l'aune de cette loi (art. 453 al. 1 CPP).

3.1. À teneur de l'art. 181 aCPP, le juge d'instruction saisit les objets et les documents ayant servi à l'infraction ou qui en sont le produit. Il peut aussi saisir tout objet ou document utile à la manifestation de la vérité (al. 1). Il en dresse un inventaire et les conserve, s'il y a lieu, pour être mis à la disposition de la justice jusqu'à droit jugé (al. 3).

Le but de la saisie conservatoire est de maintenir les biens auxquelles elle s'applique à la disposition de l'autorité de jugement pour, le cas échéant, en assurer la dévolution à l'État ou la restitution aux ayants droit (G. REY, op. cit., n. 1.1 ad art. 181 et les références citées), conformément aux art. 59 aCP et 60 aCP.

Sous l'égide de l'ancien droit, le Juge d'instruction était autorisé à lever une saisie pénale conservatoire portant sur des avoirs en cours de procédure et à les restituer au lésé sur la base de l'art. 59 al. 1 aCP (cf. OCA/61/2003 du 5 mars 2003), sans passer préalablement par une confiscation, à la condition que l'origine des valeurs patrimoniales acquises au moyen d'une infraction soit identifiée de manière claire (C. FAVRE / M. PELLET / P. STOUDMANN, Code pénal annoté, Lausanne 2004, n. 1.17 ad art. 59 aCP).

L'art. 267 al. 2 CPP, qui prévaut aujourd'hui, est le pendant de ce qui précède, de sorte que l'on peut se référer à la jurisprudence et à la doctrine actuelle.

Ainsi, pour pouvoir restituer à l'ayant droit un objet ou des valeurs sujettes à confiscation, il ne doit plus y avoir de doute sur l'existence d'un acte pénalement qualifié (strafrechtlich relevantes Unrecht), par exemple parce que l'auteur des
faits a avoué (A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd., Zurich 2014, n. 4 ad
art. 267). Comme l'indiquent à la fois le sens du mot en français et sa version allemande (unbestritten), une infraction incontestée n'équivaut pas à une infraction incontestable; seul le juge du fond a la compétence de dire si l'infraction est
réalisée. Il s'ensuit que des incertitudes sur la réalisation des éléments constitutifs objectifs de l'infraction excluent la restitution anticipée (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 27 ad art. 267). C'est pourquoi l'accord formel du prévenu a pu être préconisé (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 267). Sous l'angle de l'art. 267 al. 2 CPP, l'exigence d'une situation claire, telle que posée par la jurisprudence constante (ATF 122 IV 365 consid. 2b p. 374 ; ATF 128 I 129 consid. 3.1.2. p. 133), doit englober le consentement du prévenu. Il ne s'agit pas pour autant de lui conférer un droit de veto, mais bien de réserver cette mesure aux situations dans lesquelles elle est incontestée, dès lors qu'elle est exorbitante du droit commun. À défaut, son prononcé incombe au juge du fond, de la même façon que si les droits des lésés sur les biens concernés étaient disputés par un tiers. En effet, lorsqu'un tiers fait valoir un droit préférable, la restitution anticipée ne peut avoir lieu (ACPR/233/2011 du 5 septembre 2011 et ACPR/267/2011 du 27 septembre 2011; cf aussi, sous l'ancien droit, ATF 128 I 129 consid. 3.1.2. et OCA/251/2005 du 6 septembre 2005).

3.2. En l'espèce, force est tout d'abord de constater qu'il n'est nullement établi par la procédure que l'immeuble dont était propriétaire C______ et dont le solde du produit de la vente a été versé à la partie plaignante était le produit des infractions à lui reprochées.

Le prévenu, sous mandat d'arrêt international, n'a par ailleurs jamais été entendu sur celles-ci et ne les a donc aucunement reconnues.

Force est dès lors de constater que les conditions posées à une restitution anticipée à la partie plaignante de fonds manifestement saisis aux fins de confiscation, au sens des art. 59 aCP et 60 aCP, n'étaient pas réalisées.

3.3. La décision querellée ayant eu pour effet de libérer un montant de CHF 378'203.40 en faveur de la partie plaignante, elle a entièrement déployé ses effets et ne peut plus, en tant que telle, être annulée.

Partant, cette conclusion du recourant sera rejetée, tout comme celle visant à obtenir la levée du séquestre pénal conservatoire sur la somme de CHF 378'203.- et sa restitution en sa faveur.

Par contre, l'illicéité de ladite décision sera constatée.

4. Le recourant, en sa qualité de tiers touché, a obtenu partiellement gain de cause. Il supportera donc les deux-tiers des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 900.-, comprenant un émolument de décision. Le tiers restant sera laissé à la charge de l'État (art. 3 cum art. 13 al. 1 Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4 10 03]).

5. Le recourant a conclu à des dépens, qu'il n'a ni chiffrés, ni justifiés. Il ne sera donc pas entré en matière sur sa demande, conformément à l'art. 433 al. 2 CPP, applicable au tiers participant à la procédure par le renvoi de l'art. 434 al. 1 dernière phr. CPP.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable le recours de A______ contre l'ordonnance de classement du 1er avril 2014.

Constate l'illicéité de la décision du 21 août 2006 de levée de la saisie pénale conservatoire et de restitution à la partie plaignante de la somme de CHF 378'203.40.

Rejette le recours contre l'ordonnance du 30 août 2018.

Condamne A______ aux deux-tiers des frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 900.-.

Laisse le solde des frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, à B______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Le communique pour information à Me G______, curateur de C______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17074/2003

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00