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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/588/2007

ACOM/100/2007 du 05.12.2007 ( CRUNI ) , REJETE

Résumé : exonération taxes ; situation financière difficile
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/588/2007-CRUNI ACOM/100/2007

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 5 décembre 2007

 

dans la cause

 

Monsieur P______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

DIVISION ADMINISTRATIVE ET SOCIALE DES ÉTUDIANTS

 

 

 

 

 

 

(exonération taxes ; situation financière difficile)


EN FAIT

1. Monsieur P______, né le ______1979, de nationalité suisse, est inscrit en faculté de droit briguant un bachelor en droit.

En date du 30 octobre 2006, il a formé une demande d’exonération des taxes universitaires auprès du bureau universitaire d’information sociale (BUIS) pour l’année académique 2006/2007.

2. Selon décision du 6 novembre 2006, le chef de la division administrative et sociale des étudiants (ci-après : DASE) a rejeté cette demande, au motif que la situation de l’étudiant ne correspondait pas au critère de « situation financière difficile », au sens des articles 65 B lettre h du règlement d’application de la loi sur l’université (RALU) et 3, 3A des « critères d’exonération des taxes d’encadrement » (ci-après : la directive).

3. M. P______ a formé opposition contre cette décision par lettre du 4 décembre 2006, expliquant avoir dû abandonner un emploi de veilleur de nuit devenu trop contraignant en raison de sa formation universitaire. Il en était résulté une détérioration importante de sa situation financière, les emplois irréguliers qu’il occupait désormais ne lui rapportaient qu’un revenu de CHF 2'072.- par mois en moyenne sur les onze premiers mois de l’année 2006, alors qu’il avait perçu un revenu brut de CHF 33'561.- en 2005.

Or l’article 3A chiffre 7 de la directive précitée permettait de tenir compte des revenus de l’année en cours en cas de péjoration notoire de la situation financière de la personne considérée.

4. Par décision du 19 janvier 2007, le chef de la DASE a rejeté l’opposition.

Les documents produits par l’étudiant démontraient certes une diminution des revenus de celui-là, mais insuffisante au regard des critères fixés par la directive, à savoir que le revenu de l’année en cours ne dépasse pas la moitié de celui de l’année précédente, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

5. M. P______ interjette recours contre cette décision auprès de la CRUNI par courrier du 15 février 2007.

Ses revenus avaient passé de CHF 33'561.- en 2005 à CHF 19'484,15 net après impôt, en raison de la cessation de son activité de veilleur de nuit, devenue incompatible avec ses études dont il était à bout touchant. N’ayant pas les moyens de régler les taxes d’encadrement, il persiste dans sa demande d’exonération.

6. L’université s’est opposée au recours. Le revenu de M. P______ en 2006 représentait plus de la moitié de celui qu’il avait perçu en 2005, confirmant ainsi la décision de refus opposée à l’étudiant par la DASE.

En effet, seuls les revenus de l’année civile précédant la rentrée académique pour laquelle l’exonération était demandée étaient retenus, ceux de l’année en cours étant très difficilement contrôlables en raison des multiples emplois différents occupés par les étudiants au cours d’une année.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 19 janvier 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. L’article 63 LU instaure le principe des taxes universitaires dont le montant est fixé à CHF 500.- par semestre et étudiant selon l’article 65 RALU (al. 1), à savoir CHF 65.- de taxes fixes et CHF 435.- de taxes d’encadrement (al. 2).

3. a. A teneur de l’article 65A RALU une exonération des taxes d’encadrement est possible pour autant que l’étudiant se trouve dans l’une des situations visée à l’article 65 B lettres b à i et qu’il satisfasse aux conditions de l’article 31 alinéa 1 RALEE.

Parmi les causes d’exonération mentionnées à l’article 65 B RALU, figure celle des étudiants non allocataires au sens de la LEE en situation financière difficile qui poursuivent normalement leurs études (let. h).

Quant à l’article 31 alinéa 1 RALEE, il dispose que l’étudiant qui prétend à une exonération doit entreprendre une formation de base, supérieure ou approfondie et suivre un enseignement durant douze heures au minimum par semaine.

b. L’université s’est en outre dotée d’un règlement interne relatif aux taxes universitaires et autres taxes ratifié par le département de l’instruction publique en date du 12 mars 2002 (RITU) dont l’article 5 lettre h reprend les termes de l’article 65 B lettre h RALU en matière d’exonération.

c. Le BUIS a enfin adopté une directive fixant les critères d’exonération des taxes d’encadrement au sujet de laquelle la CRUNI a eu l’occasion de préciser qu’elle devait être considérée comme une directive d’interprétation dont le juge ne devait tenir compte que dans la mesure où elle permettait une application correcte des dispositions légales dans un cas d’espèce, ce même juge devant s’en écarter si les normes qu’elle établit n’étaient pas conformes aux règles légales applicables (ACOM/93/2004 du 28 septembre 2004).

4. a. M. P______ entrant dans la définition d’un étudiant au sens de l’article 7 LEE et n’étant pas allocataire selon les articles 14 et suivants LEE, la seule question à résoudre en la présente cause consiste à déterminer si le recourant est en droit de se réclamer du critère de la situation financière difficile au regard des dispositions susvisées, les autres conditions en matière d’exonération étant remplies.

b. Il ressort de la jurisprudence constante de la CRUNI que la situation financière d’un étudiant, s’agissant de taxes universitaires, doit être examinée au regard des principes établis par la LEE, l’article 65 B lettre h RALU étant au demeurant conforme aux principes posés par cette dernière (ACOM/56/2007 du 25 juin 2007).

c. La notion de « situation financière difficile » est une notion juridique indéterminée qui n’est définie ni dans le RALU, ni dans le RITU, ni dans la LEE. En revanche, cette dernière fixe des barèmes par groupe familial selon que l’étudiant est économiquement dépendant (art. 16 ss), indépendant (art. 19 ss) ou marié (art. 23 ss), afin de déterminer si une personne peut bénéficier d’une allocation, et en l’occurrence de l’exonération des taxes d’encadrement, la directive du BUIS procédant au moyen de critères identiques (ACOM/40/2005 du 1er juin 2005).

5. Les parties ne remettent pas en cause le statut économiquement indépendant du recourant.

Il convient cependant de rappeler qu’il existe des différences notables à cet égard entre l’article 19 alinéa 1 LEE qui prescrit cinq conditions cumulatives, et la directive qui s’y réfère, qui n’en comporte que trois.

La disposition légale prévoit ainsi notamment que l’étudiant célibataire ait subvenu seul à son entretien pendant deux ans et déposé deux déclarations fiscales consécutives pour un revenu annuel brut minimum de CHF 17'200.- avant d’entreprendre la tranche de formation pour laquelle il demande une exonération, alors que la directive arrête la durée à un an pour un revenu brut minimum de CHF 15'000.-, voire 12'000.- avant le dépôt de la demande.

En outre, trois autres conditions sont posées par la disposition légale (logement indépendant, activité rémunérée pendant la formation et n’être pas reconnu comme charge dans la déclaration fiscale d’un tiers), alors que la directive ne retient quant à elle que celle de l’occupation durant l’année de référence et depuis au moins douze mois d’un logement indépendant (ACOM/29/2007 du 30 mars 2007).

Il est certes possible de considérer que les critères qui sont retenus par la directive sont plus favorables à l’étudiant que ceux imposés par la LEE, le législateur pouvant avoir sciemment concédé une marge de manœuvre à l’autorité universitaire en lui permettant, au moyen de sa directive, de remplir un espace que la norme a laissé libre à dessein en se limitant à respecter les principes qui en émanent (cf. P. MOOR, Droit administratif I, 1994, p. 270).

6. Cette question peut en l’espèce demeurer ouverte, le recours devant de toute façon être rejeté.

a.a. Si l’on considère en effet M. P______ comme économiquement indépendant, au sens de la directive, il faut alors retenir que le revenu perçu par le recourant durant l’année civile précédant la rentrée académique pour laquelle l’exonération est demandée, soit 2005, qui s’est élevé à CHF 33'561.-, est de peu supérieur à la limite fermant le droit à l’exonération, qui est de CHF 33'317.- (art. 3A al. 1 et 7 ; art. 9).

Ce mode de calcul est au demeurant conforme aux principes applicables en matière de taxation fiscale (cf. ACOM/40/2005 supra).

a.b. Pour que les revenus de l’année en cours soient pris en considération, l’article 3A alinéa 7 de la directive impose que trois conditions soient réunies :

- une péjoration notoire de la situation financière des personnes considérées ;

- cette péjoration doit provenir d’un changement de situation, tel que maladie, stage, séjour à l’étranger, divorce ou séparation, chômage, reprise d’études. Une diminution des revenus non motivée par un motif extérieur ne peut pas être pris en considération ;

- le revenu de l’année en cours ne doit pas dépasser la moitié de celui de l’année précédente.

a.c. Il est établi que le revenu brut de M. P______ pour 2006 s’est élevé en totalité à CHF 25'491.-.

En conséquence, si la première des conditions susvisées est remplie, alors que la deuxième peut demeurer indécise, la troisième n’est pas réalisée au regard du revenu acquis par le recourant pour l’année 2005.

a.d. Ce dernier évoque le cas de rigueur prévu par l’article 4 de la directive à teneur duquel la commission peut exceptionnellement accorder une exonération après examen attentif de la situation, même si les critères d’exonération ne sont pas remplis à la lettre.

Il faut pourtant rappeler qu’au regard d’une disposition potestative qui laisse une marge d’appréciation importante à l’autorité académique, ce qui est le cas en l’espèce, la CRUNI ne peut substituer sa propre appréciation à celle de cette dernière et se borne à vérifier qu’elle n’est pas tombée dans l’arbitraire (ACOM/23/2005 du 26 avril 2005).

Une décision est arbitraire lorsqu’elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. En revanche, l’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 6B_79/2007 du 23 juillet 2007, 4P.107/2001 du 2 juillet 2001).

Or en l’espèce, l’appréciation de la DASE selon laquelle la situation financière de M. P______, bien que difficile, ne constitue pas un cas de rigueur au sens de la directive, n’apparaît pas insoutenable au vu des circonstances.

b.a. Si l’on considère au contraire M. P______ comme économiquement dépendant, au sens de la LEE et de son règlement d’application, à défaut de satisfaire aux conditions régissant l’indépendance économique, il faut alors se fonder sur le revenu déterminant du groupe familial auquel il appartient, composé du répondant et de son conjoint ainsi que des enfants mineurs et majeurs (art. 16 al. 2 LEE), la qualité de répondant pour l’étudiant majeur étant déterminée par le statut qui était le sien au terme de sa minorité (art. 8 al. 2 LEE).

b.b. La limite du revenu déterminant du groupe familial, constitué de ses parents et de lui-même s’élève à CHF 64'250.- (CHF 36'710.- + CHF 7'460.- par membre du groupe familial (3) + CHF 5'160.- pour un étudiant de plus de vingt ans suivant un second cycle de formation) (art. 16 à 18 LEE ; 46 RALEE ; ACOM/29/2007 supra ; ACOM/150/2002 du 20 novembre 2002).

b.c. Selon la demande d’exonération des taxes du 30 octobre 2006 formulée par le recourant, le revenu annuel total des parents du recourant s’est élevé à CHF 73'499,50 (CHF 37'804 et CHF 35'695,50), indépendamment de son propre revenu (cf. art. 47, 48 RALEE), soit au-delà de la limite mentionnée ci-dessus.

7. En tous points mal fondé le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté par Monsieur P______ le 15 février 2007 contre la décision sur opposition rendue par le chef de la division administrative et sociale des étudiants en date du 19 janvier 2007 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Monsieur P______, à la division administrative et sociale des étudiants, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

 

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :