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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/25353/2012

ACJC/936/2014 du 06.08.2014 sur JTBL/1499/2013 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER; UTILISATION; LOYER; PROLONGATION DU BAIL À LOYER; DÉFAUT DE PAIEMENT
Normes : CO.271; CO.272.1; CO.272b.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25353/2012 ACJC/936/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 6 AOÛT 2014

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Genève, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 décembre 2013, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

et

Hoirie de feu B______, soit :

Monsieur C______, Madame D______ et Madame E______, représentés par la Régie F______, ______ Genève, intimés, comparant tous par Me Jean-C______ Sommer, avocat, place Longemalle 16, case postale 3407, 1211 Genève 3, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 20 décembre 2013, expédié pour notification aux parties le 3 janvier 2014, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié à A______ par avis du 18 octobre 2012 pour le 31 mars 2013, concernant l'appartement de quatre pièces situé au cinquième étage de l’immeuble sis 3, rue G______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a refusé à ce dernier toute prolongation de bail (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu qu’il résultait du dossier que le loyer n'était pas payé avec régularité, celui-ci étant parfois payé au-delà du dix du mois. Par ailleurs, les premiers juges ont retenu que le locataire ne vivait pas dans le logement litigieux, ce qui les a amenés à considérer que les motifs de résiliation étaient dignes de protection et que ladite résiliation n'entraînait pas de conséquences pénibles justifiant une prolongation de bail.

B. a. Par acte déposé le 5 février 2014 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après : le locataire ou l'appelant) forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut, principalement, à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans, échéant le 31 mars 2017.

Il se plaint de ce que les premiers juges ont constaté les faits de manière inexacte s'agissant de la question de l'occupation des locaux, ce qui les a conduits à une application erronée des dispositions relatives à l'annulation du congé et à la prolongation de bail. Selon lui, son domicile officiel et effectif est le logement litigieux.

b. Dans sa réponse du 4 mars 2014, l'Hoirie de feu B______, soit C______ et D______ et E______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) conclut au déboutement de l'appelant de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Dans sa réplique du 10 mars 2014, le locataire s'est insurgé contre les propos, qualifiés de vexatoires et outranciers, figurant dans la réponse de la bailleresse, tout en renonçant à se prévaloir de l’art. 132 al. 2 CPC. Il a encore précisé que les faits figurant dans le jugement n’étaient pas reconnus.

d. Par courrier du 14 mars 2014, la bailleresse a renoncé à dupliquer.

e. Les parties ont été avisées le 17 mars 2014 par le greffe de la Cour de justice que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Les parties sont liées par contrat de bail à loyer portant sur un logement de 4 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis rue G______ 3 à Genève.

Ce contrat de bail, a été conclu en mars 2003 avec l'épouse du locataire et un tiers avant d'être transféré, en mars 2007, au locataire et son épouse, à la suite de leur mariage, puis d'être à nouveau transféré au locataire seul, en octobre 2009, à la suite de sa séparation d'avec son épouse.

Ce contrat, initialement conclu pour une période d'une année du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 était par la suite renouvelable d'année en année, sauf congé donné trois mois à l'avance (art. 2 des règles et usages locatifs du Canton de Genève applicables aux immeubles soumis à la LGL ou à la LGZD, édition 2001, auquel le contrat de bail renvoie expressément).

A titre de destination des locaux, il est fait mention d'«habitation exclusivement».

L'immeuble est sorti du contrôle de l'état au 31 décembre 2010 et le loyer a été fixé pour la dernière fois à 21'780 fr. par an, soit 1'815 fr. par mois, charges en sus.

L'art. 12 des règles et usages locatifs précités prévoit que le loyer et les charges sont payables par mois et d'avance (§ 1) et qu'en cas de retard de plus de dix jours, le bailleur peut exiger, après une vaine mise en demeure, le paiement du loyer par trimestre d'avance (§ 2).

b. Selon un décompte, émanant de la régie et produit par le locataire sans que son contenu ne soit contesté, du mois de novembre 2010 (moment du début du décompte) au mois d’octobre 2012 (moment du congé litigieux), huit loyers ont été payés avec plus de 10 jours de retard, le plus souvent au milieu du mois courant.

c. Il ressort des pièces produites, et en particulier des documents et certificats médicaux, que l'épouse du locataire souffre d'une sclérose en plaques en phase progressive s'étant aggravée depuis le mois de juin 2012 qui avait nécessité qu'elle se rende à Cuba à des fins thérapeutiques.

d. Le bail a été résilié par courrier et avis officiel du 18 octobre 2012, adressés tant au locataire qu'à son épouse, ceci avec effet au 31 mars 2013.

Cette résiliation n'était pas motivée. Elle l'a été par courrier du 6 décembre 2012, le conseil de la bailleresse indiquant que la résiliation était donnée pour l'échéance contractuelle, que la bailleresse constatait que les mensualités étaient rarement acquittées dans le délai imparti, et que le locataire n'occuperait plus le logement.

e. Le locataire et son épouse n'ayant pas retiré les plis comportant les avis de résiliation du bail du 18 octobre 2012, à la suite de l'avis postal du 19 octobre 2012, ces plis ont été retournés à la bailleresse le 29 octobre 2012.

Celle-ci, par l'intermédiaire de la régie, a transmis l'avis de résiliation au locataire et son épouse par pli simple du 6 novembre 2012.

f. Le congé a été contesté par requête adressée par le locataire à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 26 novembre 2012.

Le locataire a conclu à ce que le congé du 18 octobre pour le 31 mars 2013 soit annulé, subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de 4 ans échéant au 31 mars 2017.

L'affaire n'ayant pu être conciliée lors de l'audience de conciliation du 11 janvier 2013, l'autorisation de procéder a été délivrée le même jour.

g. Le locataire a déposé, le 8 février 2013, une requête en annulation de congé, subsidiairement prolongation de bail auprès du Tribunal, concluant principalement à l'annulation du congé, subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail de 4 ans. Il a contesté la motivation du congé. Il a expliqué que le loyer n’avait jamais été payé avec plus de 11 jours de retard durant la période comprise entre les mois de novembre 2010 et novembre 2012; il a relevé n'avoir jamais reçu de mise en demeure, si ce n'est quelques rappels. S'agissant du deuxième motif du congé, il avait quitté la Suisse en août 2012 pour se rendre à Cuba pour une durée prévue pour une année, en raison de l'état de santé de son épouse souffrant d'une sclérose en plaques, qui s'était aggravée mi-2012. Il avait accompagné son épouse, avec leurs deux enfants âgés de 4 et 8 ans. Durant ce laps de temps, le logement était occupé par la compagne du locataire, lequel revenait régulièrement à Genève. Il demeurait dans le logement avec son actuelle compagne. Il n'y avait pas de sous-location puisqu'il continuait à régler lui-même le loyer par l'intermédiaire de son frère.

h. Par mémoire de réponse du 3 mai 2013, la bailleresse a conclu au déboutement du locataire de toutes ses conclusions et à la confirmation de la validité du congé du 18 octobre 2012 pour le 31 mars 2013. La bailleresse a relevé que huit loyers avaient été payés avec plus de 16 jours de retard sur deux ans, provoquant l'envoi de huit rappels. Elle prenait acte de ce que le locataire avait quitté la Suisse et n'occupait plus le logement et s'interrogeait sur son éventuel retour, contestant que le locataire entretienne d'excellentes relations avec son épouse et relevant que la maladie de cette dernière n'était pas établie. Elle a expliqué n'avoir jamais été informée de l'occupation du logement par la compagne du locataire. Elle a relevé que cette situation pouvait entraîner, en cas de départ définitif du locataire à Cuba, des pertes importantes et s'est étonnée de ce qu'une personne inconnue occupe un quatre pièces en période de crise du logement et que le locataire soit titulaire de baux pour deux logements.

i. Les parties ont été entendues à l'audience du 29 août 2013 devant le Tribunal.

Le locataire a expliqué être parti pour Cuba le 3 septembre 2012 avec son épouse et ses deux filles, pour rentrer en Suisse le 9 juillet 2013, à la fin de l'année scolaire de ces dernières. Dans l'intervalle, il était revenu en Suisse 15 jours au mois d'octobre 2012 ainsi qu’une période au mois de février 2013. Pendant cette absence, le logement litigieux était occupé par son ex-compagne, L______ (âgée de 26 ans), et le fils d'un de ses amis, M______ (âgé de 26 ou 27 ans). Ils avaient quitté le logement au mois d'avril 2013; il était resté vide, jusqu'à son retour en juillet 2013.

Le loyer était payé par son frère.

Ses deux filles habitaient avec leur mère, enseignante à 50% et à l'AI à 50%, dans un logement à Vernier dans lequel il se rendait pour aider sa femme, mais où il n'habitait pas, même s'il était co-titulaire du bail, afin que son épouse ait plus de chances d'obtenir cet appartement. Il n'avait pas d'activité professionnelle. Il vivait de l'héritage laissé par son père décédé en 2005. Il était propriétaire avec sa mère d'une plantation de tabac à Cuba. Il ne versait pas de pension régulière mais participait ponctuellement à l'entretien de ses deux filles. A son retour de Cuba, il avait remboursé les loyers avancés par son frère. Par ailleurs, lorsqu'il n'était pas dans son logement ce dernier était vide, l'occupation par L______ et M______ étant exceptionnelle et l'ayant arrangé pour éviter les cambriolages.

j. Le Tribunal a auditionné différents témoins le 17 octobre 2013.

H______, concierge de l'immeuble, et vivant dans ce dernier, au 1er étage, a indiqué connaître le locataire qui avait été un habitant de l'immeuble. Elle ne savait pas de quand à quand il avait habité sur place, mais pensait que cela faisait deux à trois ans qu'il n'y habitait plus. Elle ne l'avait pas vu déménager, mais avait constaté que d'autres personnes habitaient l'appartement et n'avait plus croisé le locataire et son épouse, si ce n'est dans l'entrée de l'immeuble, lorsqu'ils relevaient le courrier. Elle n'avait pas vu le locataire et son épouse vivre récemment dans l'appartement.

I______, épouse du locataire, a expliqué qu'ils vivaient séparément. Lorsqu'ils étaient en Suisse, le locataire habitait son appartement au 3 rue G______. Il la visitait fréquemment pendant la journée, mais ne passait pas la nuit sur place, sauf exception. Les deux filles du couple ne se rendaient en général pas à la rue G______, mais c'est le locataire qui leur rendait visite dans le logement à Vernier. Chacun payait le loyer de son propre appartement. Elle souffrait d'une sclérose en plaques et s'était rendue à Cuba pour fréquenter un centre de réadaptation sur conseil de son neurologue, face à l'absence de perspective médicale en Suisse. Elle avait été accompagnée durant ce séjour par son mari et ses filles. Son mari était très présent en raison de ses problèmes de santé et avait d'excellents contacts avec les deux filles. Elle ne savait pas s'il vivait seul à la rue G______. Il était cultivateur de tabac, ce qui l'occupait un mois sur deux environ. Il se rendait à Cuba, à plusieurs reprises, tout au long de l'année.

J______, frère du locataire, a expliqué que ce dernier habitait 3 rue du G______. Il y avait lui-même vécu, en 2005, à son retour de Cuba, pendant deux ans. Le locataire vivait dans ce logement, avec sa compagne L______, il y a environ une année et demie. L______ était partie à une période qu'il n'avait pas pu préciser. Désormais, le locataire y vivait seul. En Suisse, il avait toujours habité à la rue G______, se rendant fréquemment chez son épouse, mais ne restant pas pour y dormir, à sa connaissance. Lorsque son frère était à Cuba, il s'était occupé notamment du courrier et avait alors croisé L______ dans l'entrée de l'immeuble. Il avait également payé le loyer, mais il n'avait pas eu de remboursement particulier. Il a précisé toutefois que sa famille était «un clan» qui avait une plantation commune à Cuba, laquelle était gérée en commun. Il a indiqué que le locataire ne mettait pas son appartement à disposition d'autres personnes.

Enfin, K______, voisine du locataire (au même étage), a indiqué que le locataire n'était plus son voisin depuis environ trois ans. Le locataire et son épouse avaient alors quitté l'appartement, car l'épouse était malade. Ils l'avaient informée qu'ils déménageaient, mais l'appartement n'était pas resté vide, puisque plusieurs jeunes gens (trois) l'avaient occupé, durant plusieurs années, la dernière étant partie au début du mois de juillet 2013. Après quoi l'appartement était resté vide. Elle n'avait pas revu le locataire récemment dans l'immeuble. Durant la période pendant laquelle ces personnes habitaient l'appartement, elle avait croisé le locataire ou son frère. Pour elle, il était clair que le locataire n'habitait plus là et elle avait supposé qu'il venait rendre visite aux personnes qui vivaient dans l'appartement. Elle pensait que le locataire et son épouse étaient toujours en couple, même si elle ne savait rien de particulier.

Les prénommés L______ et M______ n'ont pas été cités comme témoins par les parties, de sorte qu'ils n'ont pas été entendus par le Tribunal.

k. Les plaidoiries finales ont eu lieu à l'issue de l'audience du 17 octobre 2013, après quoi la cause a été gardée à juger.

D. L'argumentation juridique des parties sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91
al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler BSK ZPO, 2ème éd., 2013, no 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 et 136 III 196 consid. 1.1; arrêts du Tribunal fédéral consid. 1.1; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1). Quant au dies a quo, il court dès la fin de la procédure judiciaire. Dès lors que la valeur litigieuse doit être déterminable lors du dépôt du recours, il convient de se référer à la date de la décision cantonale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_187/2011 du 9 juin 2011 et 4A_189/2011 du 4 juillet 2011).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 23'880 fr.

En prenant en compte une période de trois ans en cas d'annulation du congé, augmentée des durées nécessaires au respect des délai et terme de résiliation, le bail ne pourrait être résilié par la bailleresse avant l’échéance du 31 mars 2018. La valeur litigieuse correspond ainsi à trois ans et demi de loyer, de sorte qu’elle est largement supérieure à 10'000 fr. (23'880 fr. x 3,5 ans = 83'580 fr.).

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz, op. cit., p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 La liberté de mettre un terme au contrat de bail est limitée par l'obligation d'agir conformément aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO). Le congé qui contrevient aux règles de la bonne foi est annulable (art. 271 al. 1 CO). Cette protection procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, s'il est purement chicanier ou encore fondé sur un motif qui n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 136 III 190 consid. 2 et les arrêts cités).

En revanche, le congé donné pour un motif d'ordre économique se concilie, en règle générale, avec les règles de la bonne foi (ATF 136 III 190 consid. 2), tel celui signifié par le bailleur afin d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé, mais néanmoins compatible avec l'art. 269 CO qui réprime les loyers abusifs (ATF 136 III 190 ibidem; 120 II 105 consid. 3b/bb). Il en va de même du congé signifié pour l'échéance en vue de vendre un objet dans de meilleures conditions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1; 4C.425/2004 du 9 mars 2005 consid. 1.1, in SJ 2005 I p. 397; 4C.267/2002 du 18 novembre 2002 consid. 2.3, in SJ 2003 I p. 261).

Le but de la loi est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives; un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du simple fait que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêt du Tribunal fédéral 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1 déjà cité), mais pour autant qu'il n'existe pas une disproportion manifeste des intérêts en présence (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 735 s.).

Il appartient au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi; la partie qui résilie a seulement le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle (ATF 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 105 consid. 3c).

2.2 Le paiement du loyer est l'obligation principale du locataire (cf. art. 253 et titre marginal de l'art. 257 CO). La date du paiement n'est pas laissée à la discrétion du locataire. Selon l'art 257c CO, le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires.

Dans un contrat de durée (comme le contrat de bail), les parties se sont liées jusqu'à l'échéance, mais chacune d'elle peut en principe décider librement de ne pas prolonger le contrat au-delà de cette date. Il n'est pas nécessaire, pour une résiliation ordinaire, d'invoquer un motif particulièrement grave. Il suffit, pour ne pas contrevenir aux règles de la bonne foi, que le congé repose sur un intérêt légitime. Il est compréhensible que le bailleur souhaite louer son bien à un locataire dont il peut espérer qu'il s'acquittera ponctuellement de ses obligations pécuniaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_305/2011 du 7 novembre 2011 consid. 2.2).

2.3 Lorsque plusieurs motifs sont invoqués, il suffit que l'un d'eux ne soit pas contraire à la bonne foi (arrêts du Tribunal fédéral 4C.365/2007 du 16 janvier 2007 et 4C.400/1998 du 23 mars 1999).

3. 3.1 En l'espèce, il convient d'examiner si l'un, l'autre, ou les deux motifs invoqués par la bailleresse sont dignes de protection.

3.2 S'agissant de la motivation relative à l'occupation des locaux, la Cour relève que les déclarations du locataire sont quelque peu confuses et difficiles à suivre. Il indique tout à la fois que la prénommée L______ serait sa compagne, et qu'elle occupait les lieux, avec le prénommé M______ pour lui rendre service, afin de se prémunir contre les cambriolages. Ces affirmations sont contradictoires. C'est par ailleurs sans compter que l'on puisse s’étonner que, sans autre explication, le locataire laisse le prénommé M______ loger, sans payer de sous-loyer.

Le locataire a, par ailleurs, indiqué qu'il avait remboursé à son frère le loyer avancé par ce dernier. Or, son frère, entendu comme témoin, a contredit cette affirmation.

S'y ajoute qu'il est surprenant que le frère du locataire doive s'occuper du courrier, alors même que, selon ses dires, sa compagne occupait le logement.

Il n'est d’ailleurs pas établi que la prénommée L______, dont le locataire n'a pas fourni le nom de famille, et qu'il n'a pas cité comme témoin, ait été sa compagne.

Les témoignages de l'ex-épouse et du frère du locataire doivent, par ailleurs, être appréciés avec retenue.

Il en va certes de même du témoignage de la concierge, employée de la bailleresse.

Cela étant, le témoignage de la concierge concorde avec celui, ayant une valeur probante indiscutable (d'ailleurs citée par le locataire lui-même), de la voisine de palier.

Or, selon ledit témoin, tant le locataire que son épouse ont quitté le logement litigieux, qui a ensuite été occupé plusieurs années par trois jeunes gens, avant de rester vide. Elle a précisé n'avoir pas revu le locataire récemment dans l'immeuble, mais avoir croisé celui-ci ou son frère lesquels rendaient visite aux nouveaux occupants.

Compte tenu de l'ensemble des éléments précités, il sera retenu que le locataire n'occupait effectivement plus le logement litigieux au moment de la résiliation du contrat.

3.3 S'agissant de la motivation relative au paiement du loyer, il est établi, et le locataire ne tente pas de le contester, que plusieurs loyers ont été payés avec retard.

Selon les règles et usages locatifs applicables au contrat et l'art. 1 du Contrat-cadre de bail à loyer romand, ayant force obligatoire, le loyer est payable par mois et d'avance. En cas de retard de plus de dix jours, le bailleur peut exiger, après une vaine mise en demeure, le paiement du loyer par trimestre et d'avance.

Il s'avère que, sur la période de deux ans ayant précédé la résiliation du bail, le loyer n'a presque jamais été payé par mois et d'avance, et qu'il a été payé, à huit reprises, avec plus de dix jours de retard.

L'on ne saurait ainsi considérer, au vu des principes jurisprudentiels cités plus haut, que la résiliation au motif des retards de loyer est contraire à la bonne foi ou indigne de protection.

3.4 En définitive, le congé s'avère bien fondé pour les deux motifs invoqués par la bailleresse, de sorte que le congé doit être validé, ce que les juges de première instance ont constaté à bon droit.

4. 4.1 Le locataire se plaint, par ailleurs, de ce que le Tribunal ne lui a octroyé aucune prolongation de bail, alors que, selon lui, l'application de l'art. 272
al. 1 CO devrait conduire à l'octroi d'une prolongation de quatre ans.

Il fait, en particulier, valoir d'une part, qu'il occupe réellement le logement litigieux depuis sept ans et d'autre part, la grave pénurie sur le marché du logement. Il n'a produit, ni en première instance, ni en appel, aucune pièce attestant de recherches d’une solution de relogement.

4.2 En vertu des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de locaux d'habitation pour une durée de quatre ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur ne le justifient. Dans cette limite de temps, le juge peut accorder une ou deux prolongations.

Le but de la prolongation est d'accorder au locataire plus de temps qu'il n'en aurait, selon la date de résiliation prévue, pour trouver des locaux de remplacement. Ne sont pas pertinents les inconvénients liés à la résiliation elle-même, inconvénients qui ne seraient que différés par le report du congé, et non pas supprimés. En revanche, sont précisément des "conséquences pénibles" celles qui sont dues à la pénurie de locaux, dans la mesure où elles empêchent le preneur de trouver des locaux équivalents à ceux qu'il quitte, ou des locaux suffisamment similaires pour qu'on puisse raisonnablement attendre de lui qu'il les accepte (ATF 116 II 446 consid. 3b; 105 II 197 consid. 3a).

4.3 Dès lors qu'il a été retenu ci-avant que le locataire n'occupe plus le logement litigieux, la fin du contrat ne saurait avoir pour lui des conséquences pénibles justifiant l'octroi d'une prolongation de bail.

Le fait que le locataire n'allègue pas (et a fortiori ne démontre pas) avoir procédé à des recherches d'une solution de relogement tend également à confirmer l'absence de conséquence pénible du congé.

Il ne se justifie ainsi pas d'octroyer au locataire une prolongation de bail.

4.4 Le jugement entrepris sera en conséquence intégralement confirmé

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 5 février 2014 par A______ contre le jugement JTBL/1499/2013 rendu le 20 décembre 2013 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25353/2012-2 OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ; juges; Monsieur Mark MULLER, Monsieur Thierry STICHER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.