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C/21692/2020

ACJC/865/2021 du 29.06.2021 sur OTPI/249/2021 ( SP ) , JUGE

Normes : CPC.261.al1; CPC.262; CO.705.al1; CO.23; CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21692/2020 ACJC/865/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 29 JUIN 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (SZ), appelant d'une ordonnance rendue par la 24ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 mars 2021, comparant par Mes Frédéric SERRA et Melina HARALABOPOULOS, avocats, House Attorneys SA, route de Frontenex 46, case postale 6111, 1211 Genève 6, en l'Etude desquels il fait élection de domicile,

et

1) B______ SA, sise c/o C______, ______,

2) D______ SA, sise ______,

intimées, comparant toutes deux par Mes Olivier NICOD et Théo BRUHLMANN, avocats, Walder Wyss SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne (VD), en l'Etude desquels elles font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/249/2021 du 17 mars 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a rejeté les conclusions formées par A______ dans sa requête du 17 juillet 2020 (chiffre 1 du dispositif), fait interdiction à A______ d'agir au nom et pour le compte de D______ SA ou en qualité d'administrateur de celle-ci (ch. 2), fait interdiction à A______ de tenir une assemblée générale de D______ SA (ch. 3), fait interdiction au Registre du commerce de Genève de procéder à toute inscription ou modification concernant D______ SA requise par A______ ou son représentant, en particulier la radiation de l'inscription relative à E______, F______, G______ ou H______ (ch. 4), assorti les interdictions visées sous chiffres 2 et 3 du dispositif de la menace de la peine prévue à l'article 292 CP (ch. 5), dit que dite ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 6), arrêté les frais judiciaires à 4'200 fr. au total, mis à la charge de A______ et compensés avec les avances fournies par les parties (ch. 7), condamné A______ à verser à B______ SA et à D______ SA, prises conjointement, la somme de 1'800 fr. à titre de remboursement de l'avance de frais (ch. 8), condamné A______ à verser à B______ SA et à D______ SA, prises conjointement, la somme de 5'000 fr. à titre de dépens (ch. 9) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 10).

B. a. Par acte expédié le 1er avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de cette ordonnance, qu'il a reçue le 22 mars 2021, dont il sollicite l'annulation. Il conclut au rejet de la requête de mesures provisionnelles formée par B______ SA et D______ SA et à la confirmation de la décision entreprise pour le surplus.

Il produit de nouvelles pièces.

b. Par arrêt du 15 avril 2021, la Cour de justice a rejeté la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché aux chiffres 7 à 9 de l'ordonnance attaquée et dit qu'il serait statué sur les frais liés à cette décision dans l'arrêt au fond.

c. B______ SA et D______ SA ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, subsidiairement à son rejet.

d. Les parties ont été informées par pli du greffe du 18 mai 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA (ci-après : B______) est une société dont le but est la prise de participations directes ou indirectes dans toutes sociétés ou entreprises poursuivant une action commerciale, immobilière, industrielle ou financière, à l'exclusion des opérations prohibées par la LFAIE.

F______ en est l'actionnaire unique et président du conseil d'administration.

b. D______ SA (ci-après : D______) est une société dont le siège est à Genève, qui fournit des services scientifiques, techniques et de marketing en Suisse et à l'étranger pour son propre compte ou celui de tiers en relation avec la recherche, le développement, la production et la commercialisation de médicaments ou d'appareils médicaux. Elle dispose d'un capital-actions de 100'000 fr.

c. I______ AG (ci-après : I______) est une société sise à Lucerne, dont le but est notamment la fourniture de services scientifiques, techniques et de marketing liés à la recherche, au développement, à la production et à la commercialisation de médicaments ou d'appareils médicaux.

d. Par contrat du 23 janvier 2019, intitulé Share Purchase Agreement (ci-après : SPA), A______, le fondateur de D______ et I______, a vendu l'ensemble des actions de ces deux sociétés – dont il était l'unique détenteur –, à B______ pour un montant de 2'500'000 fr.

Cet accord prévoyait notamment que A______ serait employé par I______ jusqu'au 30 novembre 2020 (cf. art. 9.2.3 du SPA) et resterait administrateur de D______ et I______ jusqu'au 30 novembre 2021 (cf. art. 10.1).

e. En exécution de ce contrat, les actions de D______ et I______, émises sous la forme d'actions nominatives, ont été endossées en faveur de B______. En outre, F______ a été inscrit au Registre du commerce comme administrateur de D______, aux côtés de A______. Ont également été inscrits comme administrateurs E______, G______ et H______.

f. Par décisions du 6 juillet 2020 prises lors de leurs assemblées générales respectives, D______ et I______ ont mis fin aux mandats d'administrateur de A______.

Par décision du même jour prise par son conseil d'administration, I______ a mis fin avec effet immédiat au contrat de travail de A______.

g. Dès le lendemain, A______ s'est opposé à la radiation de ses fonctions d'administrateur avec pouvoir de signature individuelle de D______ et I______, contestant les motifs de son éviction, et a mis B______ en demeure de voter son élection au conseil d'administration de D______ sur la base de l'article 10.1 du SPA.

Dans les jours qui ont suivi, il a également contesté les motifs de son licenciement.

h. Par requête de mesures provisionnelles du 17 juillet 2020, A______ a notamment conclu à ce que le Tribunal ordonne au Registre du commerce de bloquer et/ou de maintenir le blocage du registre de manière à empêcher sa radiation en qualité d'administrateur de D______ avec pouvoir de signature individuelle, interdise à D______ de déposer une telle réquisition et à B______ de voter cette résiliation lors d'une nouvelle assemblée générale ordinaire ou extraordinaire, jusqu'à droit jugé sur le fond, ces deux dernières interdictions devant être prononcées sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP. Subsidiairement, A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à D______ de retirer dans un délai de cinq jours la réquisition visant à le radier de ses fonctions d'administrateur avec pouvoir de signature individuelle et à ce qu'il soit interdit à D______ de déposer une telle réquisition jusqu'à droit jugé sur le fond, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP. Plus subsidiairement encore, il a conclu à ce qu'il soit ordonné à B______ de tenir une assemblée générale extraordinaire de D______ et de voter son élection au conseil d'administration avec pouvoir de signature individuelle, dans un délai de cinq jours, et à ce qu'il soit ordonné à D______ de requérir sur cette base l'inscription correspondante au Registre du commerce, également dans un délai de cinq jours, le tout sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP. Il a conclu dans tous les cas à ce qu'il soit ordonné à D______ de sauvegarder tous ses droits en sa qualité d'administrateur.

A l'appui de sa requête, A______ a allégué avoir découvert de graves disfonctionnements dans la gestion de D______ et I______ et avoir demandé, à l'occasion des conseils d'administration des sociétés du 3 juillet 2020 à consulter des pièces et à obtenir des renseignements, ce qui lui avait été refusé. Il avait par ailleurs été accusé à tort de surfacturation ainsi que d'avoir supprimé des données dans les serveurs informatiques des sociétés. En réalité, rien ne justifiait la révocation de son mandat d'administrateur, de sorte qu'il convenait de protéger ses droits.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause C/1______/2020.

i. B______ allègue avoir découvert au cours de l'établissement des comptes 2019 que durant les années 2015 à 2018, des prestations de D______ avaient été facturées par I______, ce qui constituait possiblement une manœuvre de A______ pour en retirer des avantages fiscaux, I______ étant au bénéfice d'un ruling fiscal. Par courrier du 27 juillet 2020, B______ a informé A______ de son intention de déposer le lendemain des dénonciations spontanées auprès des autorités fiscales.

j. Le 29 juillet 2020, les parties ont conclu un pacte de non-agression, s'engageant notamment à suspendre les procédures en cours jusqu'au 30 septembre 2020 et à ne pas en introduire de nouvelles jusqu'à cette date. A______ s'engageait en outre à ne pas agir au nom de D______ et/ou I______ et à ne pas intervenir dans la gestion de celles-ci, y compris dans la gestion des relations de celles-ci avec leurs clients, et ce jusqu'au 30 septembre 2020.

k. Par courrier du 30 septembre 2020 adressé à B______, A______ a soutenu qu'il était dans une erreur essentielle au moment de conclure le SPA. En effet, il s'était engagé de bonne foi en garantissant la conformité avec les normes fiscales des sociétés vendues et il était convaincu que B______ et/ou D______ ou I______ ne procéderaient pas à une dénonciation spontanée auprès du fisc. B______ connaissait exactement le contexte dans lequel elle s'était engagée avant de signer le contrat, puisqu'elle avait fait réaliser une due diligence complète, sans toutefois en communiquer l'ensemble des conclusions au vendeur. A présent, il était manifeste que les manœuvres de B______ visaient à obtenir une réduction du prix de vente convenu. En conséquence, A______ a déclaré invalider le SPA pour erreur essentielle et pour dol. Il restait dès lors le seul propriétaire des actions de D______ et I______, de sorte qu'il convenait de surseoir à toute dénonciation fiscale spontanée, faute de quoi les administrateurs actuels de ces sociétés seraient tenus pour responsables des conséquences qui en découleraient. Il a ajouté qu'il convenait de radier les pouvoirs de ceux-ci et qu'une assemblée générale devrait être tenue dès réception de ce courrier.

l. Le 21 octobre 2020, D______ a requis du Registre du commerce de Genève le blocage de toute réquisition formulée par A______ ou son représentant, en particulier toute modification, y compris la radiation de l'inscription relative à E______, F______, G______ ou H______.

m. Par courrier du 22 octobre 2020 à l'attention de A______, B______ a allégué que celui-ci aurait tenu sans droit une assemblée générale extraordinaire de D______ et I______ le 30 septembre 2020 dans le but de révoquer les administrateurs en place et de réinstaurer son propre mandat d'administrateur avec pouvoir de signature individuelle. Ce faisant, A______ avait violé le pacte de non-agression du 29 juillet 2020. B______ a enjoint A______ de lui confirmer d'ici au 26 octobre 2020 qu'il n'agirait plus au nom de D______ et/ou I______.

n. Par courrier du 23 octobre 2020, A______ a indiqué qu'aucune assemblée générale de D______ et/ou I______ n'avait été tenue par ses soins.

o. Par requête datée du 30 octobre 2020, B______ et D______ ont conclu, sur mesures superprovisionnelles, à ce qu'il soit fait interdiction à A______ d'agir au nom et pour le compte de D______ ou en qualité d'administrateur de cette société, sous la menace de la peine prévue à l'article 292 CP et, sur mesures provisionnelles, à ce que cette interdiction soit confirmée, à ce que l'opposition formée le 21 octobre 2020 auprès du Registre du commerce soit également confirmée, à ce qu'il soit fait interdiction au Registre du commerce de procéder à toute inscription ou modification concernant D______ requise par A______ ou son représentant, en particulier la radiation de l'inscription relative à E______, F______, G______ ou H______.

En substance, B______ et D______ ont fait valoir que le mandat d'administrateur de D______ de A______ avait été valablement révoqué, les décisions des assemblées générales du 6 juillet 2020 de D______ et I______ n'ayant pas été attaquées. Outre les éléments fiscaux qui leur avaient été cachés, elles avaient découvert, au mois de mai 2020, que A______ avait délibérément supprimé ou déplacé de nombreuses données importantes appartenant à D______ et I______, contenues sur le serveur informatique de ces sociétés.

Avec la révocation de son mandat d'administrateur, A______ avait immédiatement perdu tous les droits et pouvoirs se rattachant à cette fonction. La société et son actionnaire avaient un droit matériel à ce qu'interdiction lui soit faite d'agir au nom et pour le compte de la société.

En outre, B______ et D______ étaient en droit de s'opposer à ce qu'un prétendu actionnaire tente de leur imposer des décisions illégitimes, susceptibles de mettre les intérêts de D______ en grave danger. B______ demeurait l'actionnaire unique de D______, en dépit de la prétendue révocation du SPA par A______. En effet, ensuite de cette résiliation, les formalités qui auraient été requises pour que les actions lui soient à nouveau transférées n'avaient pas été exécutées et le prix de vente déjà payé n'avait pas été restitué.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause C/21692/2020.

p. Par ordonnance du 2 novembre 2020, le Tribunal a prononcé l'interdiction requise sur mesures superprovisionnelles dans la procédure C/21692/2020 et l'a assortie de la menace de la peine prévue à l'article 292 CP.

q. Le 12 novembre 2020, A______ a formulé des allégués complémentaires, alléguant notamment avoir été contacté, en août 2020, par deux clients potentiels pour de nouveaux mandats, ce dont il avait informé B______ en proposant même ses services pour traiter lesdits mandats. La seule réponse reçue était de nouvelles accusations de destruction d'archives, lesquelles étaient infondées. Il a en outre allégué qu'à ce jour, aucune dénonciation spontanée n'avait été déposée auprès des autorités fiscales par D______ ou I______. Il ne pouvait et n'entendait pas agir au nom ou pour le compte de ces sociétés, ce que son conseil avait d'ailleurs expressément confirmé par missive du 11 novembre 2020.

r. Par courrier du 16 novembre 2020 adressé au conseil de A______, B______ a déclaré accepter la révocation du SPA par celui-ci. Elle a toutefois contesté les motifs invoqués à l'appui de cette révocation et indiqué qu'elle s'estimait elle-même victime d'erreur et de dol, de sorte qu'elle invalidait également le SPA pour autant que cela soit nécessaire. Elle a indiqué tenir les actions de D______ et I______ à la disposition de A______, entendre les endosser au nom de celui-ci et obtenir des conseils d'administration actuels l'approbation du transfert des actions, pour autant que A______ rembourse la totalité du prix d'achat payé, soit 1'500'000 fr. B______ a précisé qu'elle ne pouvait et ne devait pas remettre D______ et I______ dans l'état qui était le leur avant le closing, d'autant moins que cela était irréalisable. Enfin, elle a indiqué à A______ que des dénonciations spontanées au fisc avaient été déposées le 6 octobre 2020.

s. Par ordonnance du 8 décembre 2020, le Tribunal a notamment ordonné la jonction des causes C/1______/2020 et C/21692/2020 sous le numéro de cause C/21692/2020.

t. Dans ses déterminations du 14 décembre 2020, portant sur la requête de mesures provisionnelles formées par B______ et D______, A______ a conclu au rejet de l'ensemble des conclusions de ses adverses parties.

Il a fait valoir qu'en raison de la méthode de fixation du prix de vente de D______ et I______ telle que prévue par le SPA, qui dépendait des résultats obtenus par ces sociétés, et de la clause selon laquelle le solde du prix de vente n'était pas dû si I______ devait résilier son contrat de travail avec lui pour justes motifs, il était dans l'intérêt de B______, D______, I______ et de leurs dirigeants de minimiser les résultats des sociétés et/ou de mettre un terme à son contrat de travail avant l'échéance prévue. Il n'avait pas volontairement effacé des données des systèmes informatiques de D______ et I______, mais possiblement effectué un "glisser-déposer" au lieu d'un "copier-coller" par mégarde, alors qu'il se trouvait à l'étranger. Il a allégué avoir mis à disposition de D______, dès son retour en Suisse, une clé USB contant les fichiers qui avaient été déplacés par erreur. En outre, il existait une sauvegarde des données sur un disque dur externe, gardé dans un coffre auprès d'une banque auquel B______, F______ et E______ avaient accès.

Il a par ailleurs contesté avoir tenu une assemblée générale extraordinaire le 30 septembre 2020, précisant à cet égard que cela lui aurait été impossible vu qu'il n'était actuellement pas inscrit en tant qu'actionnaire ni de D______, ni de I______. Il a également contesté avoir agi au nom des sociétés depuis la résiliation de son contrat de travail, précisant néanmoins qu'en août 2020, il avait été contacté spontanément par deux clients importants pour de nouveaux mandats, ce dont il avait informé B______. Enfin, il a précisé qu'il n'avait pas formé de réquisition au Registre du commerce tendant à faire radier l'inscription relative à E______, F______, G______ ou H______.

u. Dans leurs déterminations du 14 décembre 2020, B______ et D______ ont conclu à ce que les conclusions prises par leur adverse partie sur mesures provisionnelles soient déclarées irrecevables, subsidiairement soient rejetées.

Elles ont allégué qu'il n'était pas crédible que A______ ait commis une simple erreur de "copier-coller" au moment de supprimer des données des serveurs informatiques de D______ et I______, vu l'ampleur desdites données (plus de 2'700 documents effacés en plusieurs fois et durant plusieurs heures) et vu que d'autres données et des courriels avaient encore disparu par la suite. Ces suppressions de données avaient été constatées dans un rapport établi par des experts externes, que B______ et D______ ont produit. B______ et D______ ont également allégué qu'après avoir reçu une plainte d'un client, elles avaient constaté que A______ avait surfacturé certaines prestations, ce qui était problématique dans la mesure où le litige avec ce client empêchait désormais D______ d'encaisser une facture de plus de 400'000 fr. A______ avait par ailleurs mis des frais privés à la charge de D______ en les faisant passer pour des frais professionnels. Interpellé sur ce point, il avait soutenu avoir droit à 50'000 fr. de frais selon son contrat de travail. A ce jour, A______ n'avait pas donné suite à la demande de D______ de fournir des informations et documents sur ces frais.

B______ et D______ ont insisté sur le fait que les décisions par lesquelles le mandat d'administrateur de A______ avait été révoqué n'avaient pas été remises en cause. Ces décisions étaient fondées, dans la mesure où celui-ci s'était rendu coupable de malversations fiscales, de destruction de documents et d'abus en lien avec des frais professionnels. B______ et D______ ont rappelé que A______ était inscrit au Registre du commerce en tant qu'administrateur avec pouvoir de signature individuelle, ce qui était susceptible de causer des préjudices à D______. En outre, le SPA avait été révoqué, de sorte que A______ ne pouvait plus s'en prévaloir.

v. Dans leurs allégués complémentaires datés du 21 janvier 2021, B______ et D______ ont soutenu que A______ avait déposé des dénonciations spontanées concernant I______, D______ et lui-même le 28 décembre 2020, sans les en avertir ou les consulter au préalable, en se prévalant du fait qu'il restait inscrit au Registre du commerce comme administrateur, même s'il était "temporairement suspendu". B______ et D______ ont indiqué qu'il ressortait de ces dénonciations que A______ admettait avoir mis des frais privés à la charge de D______, omis de refacturer des services entre D______ et I______ et obtenu abusivement un statut fiscal avantageux pour la société. Il ressortait de la dénonciation relative à D______ que les rappels d'impôts pourraient s'élever à 1'536'560 fr. Cela démontrait qu'il était urgent de procéder à la radiation de l'inscription de A______ en tant qu'administrateur au Registre du commerce. B______ et D______ ont également produit un rapport d'expertise informatique du 19 janvier 2021 de J______ AG, dont il ressortait notamment que le scénario d'une suppression accidentelle des données était très peu probable et que A______ avait manuellement procédé à des suppressions dans sa boîte de message après le 26 juin 2020.

w. Le 29 janvier 2021, A______ a admis avoir déposé des "compléments de dénonciations fiscales" le 28 décembre 2020, ce qu'il pouvait faire à tout le moins en sa qualité d'ancien membre d'organe et ancien représentant de D______ et I______, son aide ayant d'ailleurs été sollicitée dans ce cadre par le Conseil fiscaliste de D______.

x. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience du
1er février 2021.

y. Depuis le 10 mars 2021, E______ et G______ ne sont plus inscrits respectivement comme administrateur président et administrateur de D______.

Depuis le 26 mars 2021, A______ n'est plus inscrit comme administrateur de D______ au Registre du commerce et ses pouvoirs ont été radiés.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

Selon l'art. 91 al. 1 CPC, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions. Toutefois, lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC).

En l'espèce, les mesures provisionnelles litigieuses visent à faire interdiction à l'appelant d'agir au nom et pour le compte de D______ en qualité d'administrateur de celle-ci ou de tenir une assemblée générale de cette société, et à interdire au Registre du commerce de procéder à toute inscription requise par ce dernier. Compte tenu du montant du capital-actions de D______, qui est de 100'000 fr., la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte, ce qui n'est pas contesté. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

L'appel a en outre été interjeté dans les délai et forme utiles (art. 130, 131, 145 al. 2 let. b et 314 al. 1 CPC).

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'appelant dispose d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de l'ordonnance querellée (art. 59 al. 2 let. a CPC), dès lors que cette décision est susceptible de porter atteinte à ses droits, ce qu'il conviendra de déterminer ci-après, lors de l'examen des conditions d'application de l'art. 261 CPC, étant précisé que l'appelant n'est pas déchu de son droit du simple fait qu'il plaide ne pas avoir l'intention de procéder aux actes qu'il a été interdit d'accomplir.

1.2 L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), avec administration restreinte des moyens de preuve, la cognition du juge est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

1.3 Les faits et pièces nouvelles, postérieurs à l'audience de mesures provisionnelles du 1er février 2021 et produits sans retard, sont recevables. Ils ont été intégrés directement dans la partie EN FAIT du présent arrêt.

2. Le présent litige est circonscrit, en appel, aux interdictions faites à l'appelant d'agir au nom et pour le compte de D______ ou en qualité d'administrateur de celle-ci, et de tenir une assemblée générale de D______, ainsi qu'à l'interdiction faite au Registre du commerce de Genève de procéder à toute inscription ou modification concernant D______ requise par l'appelant ou son représentant, en particulier la radiation de l'inscription relative à E______, F______, G______ ou H______.

L'appelant reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 261 CPC en considérant que les conditions permettant d'ordonner les mesures provisionnelles précitées étaient réunies.

2.1

2.1.1 Aux termes de l'art. 261 al. 1 CPC, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

En vertu de l'art. 262 let. a CPC, le juge peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment une interdiction.

Dans le cadre des mesures provisionnelles, le juge peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3). L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; arrêts du Tribunal fédéral 5A_931/2014 du 1er mai 2015 consid. 4 et 5A_791/2008 du 10 juin 2009 consid. 3.1; Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile commenté, 2ème éd. 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC). La preuve est (simplement) vraisemblable lorsque le juge, en se fondant sur des éléments objectifs, a l'impression que les faits pertinents se sont produits, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 130 III 321 consid. 3.3, in JdT 2005 I 618).

La vraisemblance requise doit en outre porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou immatériel (Bohnet, op. cit., n. 11 ad
art. 261 CPC; Huber, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 3ème éd. 2017, n. 20 ad art. 261 CPC). Cette condition vise à protéger le requérant du dommage qu'il pourrait subir s'il devait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au fond (ATF 139 III 86 consid. 5; 116 Ia 446 consid. 2). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

En matière de blocage du registre, le préjudice difficilement réparable découle de l'inscription dans le registre du commerce. En règle générale, il existe un tel préjudice lorsqu'il s'agit d'une inscription avec effet constitutif. Les inscriptions avec effet déclaratif peuvent également y conduire (Fontanet/Jeandin, Le blocage du registre du commerce et sa validation, in : Notalex 2016, p. 59 et les références citées).

2.1.2 L'assemblée générale peut révoquer les membres du conseil d'administration et les réviseurs, ainsi que tous les fondés de procuration et mandataires nommés par elle (art. 705 al. 1 CO; MONTAVON et Al., Abrégé de droit commercial, §10, p. 421). Ce droit de révocation de l'assemblée générale ne peut être ni éliminé, ni même restreint, que ce soit contractuellement ou statutairement (Peter/Cavadini, in Commentaire romand, Code des obligations II, 2017, n. 2a ad art. 705 CO).

L'administrateur révoqué perd immédiatement sa fonction ainsi que les pouvoirs (et les obligations) qui y sont attachés. A l'égard de tiers, toutefois, la révocation ne prend en principe effet qu'au moment où elle est inscrite au Registre du commerce (Peter/Cavadini, op. cit., n. 4 ad art. 705 CO).

Le conseil d'administration et chaque actionnaire peuvent attaquer en justice les décisions de l'assemblée générale qui violent la loi ou les statuts, au plus tard dans les deux mois qui suivent l'assemblée générale (art. 706 al. 1 et 706a al. 1 CO).

2.1.3 Un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté, qui peut être expresse ou tacite (art. 1 CO).

Le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans l'erreur essentielle (art. 23 CO). Constitue une erreur essentielle, notamment l'erreur qualifiée sur les motifs (dite erreur de base), soit une erreur portant sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO).

Si un contrat est résilié avec succès pour vice du consentement, il est invalidé dès son origine, avec effet ex tunc. Les prestations déjà exécutées doivent être restituées. En relation avec les transferts de propriété opérés, sont applicables les règles de la revendication et pour le reste, les règles de l'enrichissement illégitime (ATF 137 III 243 consid. 4.3).

2.1.4 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire. L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (arrêt du Tribunal fédéral 4A_362/2020 du 22 janvier 2021 consid. 5.1; ATF 143 III 279 consid. 3.1 p. 281; 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, les intimées soutiennent l'existence d'un risque d'atteinte du fait des actes pouvant être entrepris par l'appelant s'il n'était pas fait interdiction à ce dernier d'agir au nom et pour le compte de D______ ou en qualité d'administrateur de celle-ci, et de tenir une assemblée générale de D______, ainsi que s'il n'était pas fait interdiction au Registre du commerce de Genève de procéder à toute inscription ou modification concernant D______ requise par l'appelant ou son représentant, en particulier la radiation des quatre personnes devenues administratrices de la société. Concernant ces dernières, il sera relevé que les pouvoirs d'administrateur président, respectivement d'administrateur de E______ et G______ ont été radiées le 10 mars 2021 du Registre du commerce, de sorte que les conclusions formées par les intimées à leur encontre sont devenues sans objet.

Il résulte des faits de la cause que l'appelant a invalidé, le 30 septembre 2020, le SPA conclu par les parties le 23 janvier 2019, invalidation acceptée par les intimées le 16 novembre 2020. Cette invalidation a pour conséquence de replacer les parties dans la situation qui était la leur à l'origine, soit avant la conclusion du contrat, et elles doivent se restituer les prestations faites.

Dès lors que l'invalidation a été approuvée par les intimées, elles ne sauraient, sauf à adopter une attitude contradictoire, requérir le prononcé des mesures provisionnelles.

En tout état, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, les intimées n'ont pas rendu vraisemblable que l'appelant tenterait ou aurait tenté d'agir au nom et pour le compte de D______, ni de la représenter en tant qu'organe.

Le seul fait que l'appelant ait usé de son statut d'"ancien membre d'organe" et d'"ancien représentant" pour opérer, près de six mois après son éviction de la société, des dénonciations spontanées aux autorités fiscales "pour le compte de D______" en qualité d'administrateur "temporairement suspendu", ne modifie pas cette appréciation.

Il n'a pas non plus été rendu vraisemblable que l'appelant tenterait de s'immiscer dans les affaires de D______ nonobstant la radiation de ses fonctions d'administrateur.

Dans ces circonstances, les intimées n'ont pas rendu vraisemblable le droit matériel dont elles sollicitaient la protection provisoire ni une possible atteinte à ce droit.

Compte tenu des éléments qui précèdent, c'est à tort que le premier juge a ordonné les mesures provisionnelles litigieuses. L'ordonnance entreprise sera par conséquent annulée et les intimées seront déboutées de toutes leurs conclusions sur mesures provisionnelles.

3. Les frais judiciaires de l'appel, comprenant l'émolument de décision sur effet suspensif, seront fixés à 3'000 fr. et mis à la charge de intimées, pris conjointement, qui succombent (art. 95 et 106 al. 1 CPC; 13, 26 et 37 RTFMC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de 1'440 fr. versée par l'appelant, laquelle reste acquise à l'État de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Les intimées, prises conjointement, seront en conséquence condamnées à verser la somme de 1'560 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire et 1'440 fr. à l'appelant.

Les intimées seront également condamnées à verser 3'000 fr. à l'appelant, à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de ce dernier (art. 95, 104 al. 1, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 25 al. 1 LTVA; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er avril 2021 par A______ contre l'ordonnance OTPI/249/2021 rendue le 17 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21692/2020-24 SP.

Au fond :

Annule l'ordonnance entreprise.

Cela fait et statuant à nouveau :

Déboute D______ SA et B______ SA de toutes leurs conclusions.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'000 fr., les met à charge de D______ SA et B______ SA, prises conjointement, et les compense avec l'avance de frais versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne D______ SA et B______ SA, prises conjointement, à verser à A______ 1'440 fr.

Condamne D______ SA et B______ SA, prises conjointement, à verser 1'560 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne D______ SA et B______ SA, prises conjointement, à verser à A______ la somme de 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.