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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3866/2019

ACJC/465/2022 du 04.04.2022 sur JTBL/663/2021 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.257f.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3866/2019 ACJC/465/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 4 AVRIL 2022

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 août 2021, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

C______ LTD, sise ______[ZH], intimée, comparant par Me Zena GOOSSENS-BADRAN, avocate, avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/663/2021 du 5 août 2021, communiqué aux parties par pli du 17 août 2021, le Tribunal des baux et loyers a déclaré efficace le congé avec effet immédiat notifié le 22 avril 2020 par C______ LTD à B______ et A______ concernant l'appartement de 5 pièces et demie situé au deuxième étage de l'immeuble sis 1______ à D______ (ch. 1 du dispositif), a condamné B______ et A______ a évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens l'appartement susmentionné, ainsi que la cave (ch. 2), a transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel contre sa décision, à la 7ème Chambre du Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution requises (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte déposé le 13 septembre 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ (ci-après également : les locataires) forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation.

Ils concluent à l'inefficacité du congé extraordinaire notifié à eux-mêmes le 22 avril 2020.

b. Dans sa réponse du 14 octobre 2021, C______ LTD (ci-après également : la bailleresse) conclut, principalement, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris et, subsidiairement, à ce que la cause soit retournée au Tribunal pour décision sur les requêtes en évacuation et sur le congé ordinaire du 25 janvier 2019.

c. Les appelants n'ayant pas répliqué, les parties ont été avisées le 19 novembre 2021 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. Le 27 août 1996, la SOCIETE IMMOBILIERE E______, alors propriétaire, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces et demie situé au deuxième étage de l'immeuble sis 1______ à D______, ainsi qu'une cave.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de trois ans, du 1er août 1996 au 31 juillet 1999, et s'est renouvelé tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.

Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 17'688 fr. à partir du 1er août 2009, charges de 1'620 fr. par an non comprises.

b. B______ a épousé A______ à une date indéterminée.

c. C______ LTD est devenue propriétaire de l'immeuble en juillet 2015.

d. Courant mars 2008, la bailleresse a informé les époux A/B______ avoir reçu de nombreuses plaintes de locataires et de fournisseurs lui signalant être importunés par leur comportement, soit des insultes, diverses dégradations des équipements communs de l'immeuble et une tenue vestimentaire très légère s'agissant de A______.

e. Le 27 octobre 2009, la bailleresse a mis les époux A/B______ en demeure de changer radicalement d'attitude, faute de quoi leur bail serait résilié, les incivilités ayant repris et les services sociaux se plaignant de l'intrusion agressive et déplacée de A______.

f. Par courrier du 11 juillet 2017, la bailleresse a indiqué aux époux A/B______ avoir reçu de nombreuses plaintes de voisins importunés par leur comportement, à savoir des insultes, une agressivité dans les communs de l'immeuble et une tenue vestimentaire très légère de A______.

g. Le 10 août 2017, les époux A/B______ ont été une nouvelle fois mis en demeure de changer leur comportement, faute de quoi leur bail serait résilié.

h. F______ s'est plainte à la bailleresse le 7 avril 2018 de ce que A______ l'avait agressée le jour même en lui disant qu'elle ne devait pas porter des talons aiguilles, mais des pantoufles. Cette dernière l'avait menacée, avait violemment frappé contre sa porte et l'avait mise en garde.

i. Par courrier du 11 avril 2018 adressé aux époux A/B______, la bailleresse est revenue sur ses nombreuses correspondances au sujet des plaintes du voisinage, lequel signalait être incommodé par leur comportement inacceptable. Elle a relevé qu'en dépit de ces avertissements, les époux A/B______ n'avaient pas changé d'attitude. Ceux-ci étaient mis en demeure de changer leur comportement dès réception du courrier, faute de quoi leur bail serait résilié.

j. Par courriel du 16 avril 2018, F______ a indiqué à la bailleresse que A______ avait à nouveau voulu s'en prendre à elle, mais que son mari l'avait retenue.

k. Par pli du 11 janvier 2019, G______, locataire au 2ème étage de l'immeuble litigieux, a informé la bailleresse que le 7 janvier 2019, A______ avait sonné à sa porte à plusieurs reprises, ivre, réveillant leur fils de cinq ans. Elle les avait insultés lui et son épouse en leur disant de rentrer chez eux, qu'ils étaient des « sales arabes musulmans et terroristes », que lui-même était un « connard » et sa femme « cocue ». Le mari de A______ l'avait retenue et ramenée de force chez eux, mais elle était revenue une demi-heure plus tard les harceler. La police était intervenue et l'avait menottée et ramenée de force chez elle. Il avait demandé à ses voisins de signer son courrier en tant que témoins, ajoutant ne plus pouvoir vivre dans cet « enfer » et qu'il poursuivrait A______ en justice si la bailleresse ne faisait rien.

Le pli était contresigné par sept autres personnes.

l. Par avis du 25 janvier 2019, la bailleresse a résilié le bail des époux A/B______ de manière extraordinaire sur la base de l'art. 257f al. 3 CO pour le 28 février 2019, au motif que, malgré son avertissement du 11 avril 2018, ceux-ci persistaient à incommoder leurs voisins, la police étant intervenue le 7 janvier 2019 et une plainte pénale ayant été déposée à leur encontre. Leurs agissements constituaient une menace réelle pour les autres locataires et ne pouvaient plus être tolérés.

m. Par avis du même jour, la bailleresse a résilié le bail des époux A/B______ pour sa prochaine échéance au 31 juillet 2023.

n. Par courrier du 29 janvier 2019 adressé à la bailleresse, A______ a contesté les accusations formulées à son encontre par H______ dans sa plainte pénale, relevant que le jour des faits, cette dernière, très énervée, avait donné des coups de pieds dans sa porte et qu'elle l'avait également insultée en présence de témoins. Elle a nié avoir mis le feu au parapluie et au paillasson de sa voisine, reconnaissant des altercations verbales et expliquant être suivie médicalement pour dépression nerveuse.

o. Par courriel du 9 février 2019, H______ s'est plainte du comportement de A______ et a indiqué ne plus pouvoir supporter la situation, demandant qu'un appartement dans une autre résidence lui soit proposé. Par courriel du 17 février 2019, F______ a informé la bailleresse avoir été réveillée le jour même à 5h45 par des cris de A______.

p. Par requête du 18 février 2019, déclarée non conciliée à l'audience du 4 avril 2019 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission), puis portée devant le Tribunal le 9 avril 2019, les locataires ont conclu à l'inefficacité du congé extraordinaire et à l'annulation du congé ordinaire.

q. Par ordonnance pénale définitive du 15 mai 2019, A______ a été reconnue coupable d'injures, le Ministère public n'étant pas entré en matière sur l'infraction d'exhibitionnisme, les injures proférées en 2017 et le parapluie incendié.

r. Dans sa réponse et demande reconventionnelle en évacuation du 25 juin 2019, la bailleresse a conclu, sur demande principale, à la validation des résiliations de bail et, à titre reconventionnel, à l'évacuation immédiate des locataires avec mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation.

s. Dans leur réplique du 14 août 2019, les locataires ont pris une conclusion additionnelle en nullité des congés tant extraordinaire qu'ordinaire.

t. Les parties ont persisté dans leurs conclusions à l'audience de débats d'instruction et de premières plaidoiries du Tribunal avec ouverture des débats principaux du 3 octobre 2019.

u. Courant janvier ou février 2020, A______ s'est rendue dans les bureaux de la société I______ SARL, qui occupait des locaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble en cause et a forcé le passage pour se rendre dans le bureau de J______, associé-gérant, lequel était au téléphone. Ce dernier lui a demandé de remonter, mais celle-ci n'a pas obtempéré. Il n'a jamais su les raisons l'ayant poussée à se rendre dans son bureau. Dépêchée sur place, la police municipale a mis 15 minutes pour la faire sortir.

v. Par courriel du 26 février 2020, H______ a informé la bailleresse avoir à nouveau porté plainte contre A______ pour insultes et menaces.

w. Le 28 février 2020, la bailleresse a reproché aux locataires le fait que A______ se comportait à nouveau de manière problématique avec ses voisins, proférant, souvent ivre, des menaces et des insultes à connotation raciste, poussant les voisins à bout.

x. Par courriel du 14 avril 2020, H______ a informé la bailleresse avoir déposé une nouvelle plainte pénale contre A______, laquelle était devenue un « vrai danger » pour elle et sa famille et qui, la veille, l'avait menacée de mort avec un couteau devant ses enfants et donné un coup de poing au visage. La situation étant invivable, elle a demandé qu'un nouvel appartement lui soit trouvé en urgence. Une photographie, la montrant avec un visage tuméfié au coin de l'œil droit, était jointe.

y. Par courriel du 17 avril 2020, K______, voisin des locataires, a interpelé la bailleresse au sujet de A______, indiquant que depuis des années, celle-ci agressait, menaçait et injuriait des voisins. La fréquence et la gravité de ses agressions avaient récemment augmenté. Le 13 avril 2020, elle avait jeté divers objets depuis son balcon (morceaux de céramique, fourchette) sur le parking et sur la route. Le même jour, elle avait donné un coup de poing à sa voisine en la menaçant puis, une heure après le départ de la police, elle l'avait encore menacée et injuriée. Aux environs de 20h, il avait dû intervenir avec un autre voisin, car elle avait menacé de mort cette même voisine avec un couteau. La police avait dû intervenir à trois reprises. Les enfants de cette voisine étaient en larmes et blottis de peur au fond de leur canapé. A______ trainait également dans les couloirs de l'immeuble vêtue uniquement d'un peignoir sans ceinture. K______ a expliqué que la situation était invivable et qu'il craignait un « passage à l'acte ».

z. Le 14 avril 2020, L______, locataire au 3ème étage de l'immeuble litigieux, s'est plaint à la bailleresse du fait que A______ avait lancé des tuiles depuis son balcon sur la route au moment où des gens passaient. La police était également intervenue à plusieurs reprises, notamment la veille, parce que A______ s'était rendue chez un voisin avec un couteau.

aa. Par avis du 22 avril 2020, la bailleresse a résilié le bail des locataires de manière extraordinaire avec effet immédiat selon l'art. 257f al. 4 CO.

Dans son courrier d'accompagnement, la bailleresse a relaté les faits du 13 avril 2020, soit l'agression physique avec menace de mort au moyen d'un couteau à l'encontre d'une voisine, ainsi que les jets d'objets dangereux sur le parking et sur la route depuis le balcon, événements ayant nécessité l'intervention de la police à plusieurs reprises.

Par courrier du même jour adressé par son conseil à celui des locataires, la bailleresse a indiqué avoir reçu trois nouvelles plaintes de voisins et a rappelé les faits relatifs à l'altercation entre A______ et H______. Les enfants de cette voisine avaient été traumatisés par la violence de la scène et l'ensemble des habitants de l'immeuble avait été choqué, de sorte que plusieurs d'entre eux souhaitaient le quitter.

ab. Le 28 avril 2020, le Dr M______ a établi un certificat médical aux termes duquel il a attesté avoir vu A______ en consultation le 22 avril 2020, qui lui avait déclaré avoir eu une altercation avec sa voisine directe le 13 avril 2020. A______ lui avait expliqué avoir reçu un coup de poing qu'elle aurait rendu par une gifle. Puis, dans l'après-midi, sa voisine, qui l'aurait attendue dans l'ascenseur, l'aurait alors bloquée, rouée de coups et lui aurait arraché les cheveux. L'examen clinique du médecin a mis en évidence des ecchymoses des membres inférieurs et une perte de cheveux par zone du cuir chevelu.

ac. Par requête du 30 avril 2020 à la Commission, non conciliée à l'audience du 21 août 2020, puis portée devant le Tribunal le 1er septembre 2020, la bailleresse a sollicité l'évacuation immédiate des locataires avec mesures d'exécution directe fondée sur le congé du 22 avril 2020 (C/2______/2020).

ad. Par requête du 19 mai 2020 à la Commission, non conciliée à l'audience du même jour, puis portée devant le Tribunal le 16 septembre 2020, les locataires ont contesté le congé notifié le 22 avril 2020 (C/3______/2020).

ae. Par ordonnance pénale du 20 septembre 2020 contre laquelle A______ n'a pas fait opposition, celle-ci a été reconnue coupable de lésions corporelles simples, d'injures, de menaces et de violation de domicile, le Ministère public lui adressant un avertissement formel et ordonnant le séquestre, la confiscation et la mise hors d'usage du couteau.

af. Dans leur réponse du 14 octobre 2020 dans la cause C/2______/2020, les locataires ont conclu au rejet de la requête en évacuation, dans la mesure où ils avaient contesté le congé du 22 avril 2020.

ag. Par ordonnance du 23 décembre 2020, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/3866/2019, C/2______/2020 et C/3______/2020 sous le numéro de cause C/3866/2019.

ah. Le Tribunal a entendu les parties et douze témoins lors des audiences des 3 mars, 2 juin, 27 octobre 2020 et 23 mars 2021.

B______ a déclaré que son épouse était dépressive et traitée avec des cachets. Il a admis s'être interposé à une ou deux reprises dans des disputes, car il était présent, précisant que le conflit venait des deux côtés, en particulier avec H______.

N______, O______ et P______, tous trois représentants de la régie, ont confirmé avoir reçu régulièrement des plaintes de différents locataires au sujet de A______, en raison essentiellement d'insultes et de violences verbales, voire physiques.

H______ a confirmé qu'il s'agissait bien d'elle sur la photographie qu'elle avait communiquée par courriel du 14 avril 2020 et qu'elle disposait également d'un certificat médical. L'épisode du coup de poing était survenu le même jour que l'agression au couteau, précisant qu'il y avait eu ce jour-là une succession d'événements. H______ avait appelé la police en raison de l'agression physique dont les traces étaient visibles sur la photo et par la suite, A______ était venue la menacer avec son couteau.

Q______, voisin des locataires, a déclaré avoir entendu du bruit le 13 avril 2020, puis vu par le judas qu'une dispute avait lieu entre H______ et A______, laquelle avait suivi la première chez elle, un couteau à la main. Il était alors sorti de son appartement et avait vu le couteau par terre devant chez lui. Il était entré chez H______ et avait fait sortir A______, la ceinturant jusqu'à l'arrivée de la police. Cette dernière lui avait expliqué qu'elle avait été battue par H______, qui lui avait tiré les cheveux. Elle avait menacé de se « fracasser la tête » contre les murs et de dire ensuite à la police que c'était Q______ qui l'avait battue.

R______, voisine des locataires, a exposé avoir assisté aux événements du 13 avril 2020 qu'elle a décrit comme très choquant, à savoir que A______ se tenait très nerveuse devant la porte du couple G______, avec un couteau à la main qu'un voisin du 2ème étage lui avait enlevé. Elle n'avait toutefois pas vu ce qui s'était passé dans l'appartement. A______ l'avait insultée depuis 2005, avant de se calmer un peu vis-à-vis d'elle, s'étant choisie une autre victime dans l'immeuble, procédant toujours de la sorte.

K______ a déclaré que trois ou quatre ans auparavant, les problèmes s'étaient intensifiés. A______ se posait systématiquement en victime et portait plainte pour des blessures qu'elle s'infligeait elle-même.

S______, officier de police, a déclaré que les faits d'exhibitionnisme n'avaient pas pu être objectivés, au contraire des insultes, A______ ayant confirmé en avoir proférées.

ai. A l'issue de l'audience du 23 mars 2021, le Tribunal a clos les débats principaux et a fixé aux parties un délai au 14 mai 2021 pour déposer leurs plaidoiries finales écrites.

aj. Par écritures du 12 mai 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions, puis la cause a été gardée à juger le 21 mai 2021.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse s'élève à 57'924 fr. ((17'688 fr. + 1'620 fr.) x 3 ans). Elle est donc supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans les délais et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. Les appelants font griefs au Tribunal d'avoir violé l'art. 257f al. 4 CO, faisant valoir que les conditions de cet article ne seraient pas réalisées dans le cas d'espèce.

Ils soutiennent que l'altercation entre A______ et H______ était un fait isolé et que l'hématome sous-orbital infligé à cette dernière devait être considéré comme un cas de peu de gravité selon la jurisprudence et la doctrine. Quant aux menaces de mort et celles avec un couteau, elles étaient contestées et n'avaient pas été démontrées, tout comme les jets d'objets.

2.1 A teneur de l'art. 257f al. 1 CO, le locataire est tenu d'user de la chose avec le soin nécessaire. S'il s'agit d'un immeuble, il est tenu d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus (art. 257f al. 2 CO).

Selon l'art. 257f al. 4 CO, les baux d'habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec effet immédiat, si le locataire cause volontairement un préjudice grave à la chose.

La résiliation "exceptionnellement extraordinaire" visée à l'art. 257f al. 4 CO (sans délai, sans protestation préalable, sans preuve que la poursuite du bail devient insupportable, effet immédiat) peut être signifiée par le bailleur s'il observe que le locataire - ou l'un de ses auxiliaires - provoque intentionnellement, ou par dol éventuel, un préjudice grave à la chose. Ainsi en est-il d'un acte volontaire d'incendie ou de sabotage des locaux loués à titre d'habitation ou commercial. La faute du locataire, ou celle d'une personne dont il répond, doit être intentionnelle; elle sera le plus souvent, sinon toujours, la cause d'une infraction pénale. Ainsi en est-il également, par une interprétation extensive systématique de la règle par la doctrine, d'une atteinte délibérée aux droits de la personnalité de voisins ou à leurs biens. En toute hypothèse, il doit s'agir d'une violation qualifiée du contrat (WESSNER, in Droit du bail à loyer, Commentaire pratique, BOHNET/MONTINI, 2ème éd. 2017, n. 40 et 41 ad art. 257f CO, et auteurs cités).

A teneur de la jurisprudence, le fait d'agresser physiquement la concierge de l'immeuble en lui causant des hématomes et des griffures, sans provocation de celle-ci, ceci peu après le témoignage en justice de celle-ci dénonçant le comportement de la fille de la locataire pouvait dans le cas d'espèce être qualifié de lésions corporelles simples, la limite des voies de fait étant manifestement dépassée. Le comportement était intentionnel et pouvait être compris comme un acte de représailles envers l'auxiliaire du propriétaire. Le degré de gravité exigé par l'art. 257f al. 4 CO était, dans ce contexte, atteint, de sorte que la résiliation immédiate était justifiée (ACJC/464/2010 du 19 avril 2010).

Dans l'arrêt ACJC/720/2020 du 29 mai 2020, la Cour de justice a déclaré inefficace un congé donné sur la base de l'art. 257f al. 4 CO en retenant que si le comportement du locataire, lequel avait crié sur sa voisine, l'avait insultée, l'avait frappée au visage et avait sorti un couteau suisse de sa poche dans l'intention de lui faire peur, constituait une violation du devoir de diligence d'une gravité certaine, lui et son épouse n'avaient jamais fait l'objet de plainte de la part de leurs voisins en plus de 40 ans d'occupation de leur appartement. Dix voisins, y compris les concierges de l'immeuble depuis 35 ans, avaient écrit à la régie pour en témoigner, de même que pour manifester leur étonnement quant aux conséquences de la querelle les ayant opposés à leur voisine. Dans ces conditions, il appartenait à la bailleresse de prendre contact avec ce locataire de longue date pour lui permettre de lui présenter sa version des faits. Compte tenu du fait qu'il s'agissait du premier incident mettant en cause le locataire, rien ne disait que la notification d'une mise en demeure, avec menace de résiliation, n'eût pas suffit dans le cas d'espèce, le locataire n'ayant pas causé de préjudice à la chose elle-même.

2.2 En l'espèce, l'intimée a résilié le contrat de bail à loyer des locataires avec effet immédiat au sens de l'art. 257f al. 4 CO en raison de l'altercation du 13 avril 2020 et des jets d'objets depuis leur balcon.

Les premiers juges ont retenu que lors de cette altercation, A______ avait frappé sa voisine au visage et l'avait menacée avec un couteau devant ses enfants, de sorte qu'elle avait été reconnue coupable de lésions corporelles simples, d'injures, de menaces et de violation de domicile, par ordonnance pénale du 20 septembre 2020.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la blessure infligée au coin de l'œil droit de H______ ne saurait être considérée comme des voies de fait, le Ministère public ayant retenu l'infraction de lésion corporelle simple et aucun élément justifiant de revenir sur cette qualification.

Il en découle que cet acte fonde à lui seul une résiliation de bail au sens de l'art. 257f al. 4 CO, sans compter les autres actes reprochés d'une gravité certaine, ayant débouché pour la plupart sur une condamnation pénale, contre laquelle A______ n'a pas fait opposition.

Le Tribunal a également retenu que le même jour, A______ avait jeté des morceaux de tuiles depuis son balcon sur le parking et sur la route au moment où des gens passaient.

Ces actes ont été confirmés par des témoins dont la majorité a été entendue dans la procédure.

Considérant que le degré de gravité exigé par l'art. 257f al. 4 CO était atteint sur la base de ce qui précède, les premiers juges ont donc à raison déclaré efficace le congé extraordinaire avec effet immédiat donné le 22 avril 2020.

Contrairement à l'arrêt précité ACJC/720/2020 du 29 mai 2020, la Cour retiendra à l'instar du Tribunal que les faits reprochés à la locataire n'étaient pas isolés, le comportement intentionnel de celle-ci posant problème depuis plusieurs années, ayant contraint la bailleresse à adresser aux appelants plusieurs mises en demeure et ayant débouché sur une première ordonnance pénale du 15 mai 2019, qu'elle n'avait pas contestée, la reconnaissant coupable d'injure. Cela n'avait pas empêché A______ de récidiver, alors même qu'elle contestait dans une procédure en cours les congés donnés en raison de son comportement inapproprié.

Au vu de ce qui précède, la Cour confirmera le jugement entrepris. Par conséquent, à l'instar du Tribunal, elle n'a pas à examiner la validité des congés extraordinaire et ordinaire du 25 janvier 2019, ni la question de la prolongation de bail exclue par l'art. 272a let. b CO.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 13 septembre 2021 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/663/2021 rendu le 5 août 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3866/2019-4-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.