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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/18197/2015

ACJC/430/2016 du 04.04.2016 sur JTBL/1147/2015 ( SBL ) , CONFIRME

Descripteurs : EXPULSION DE LOCATAIRE; PROLONGATION DU DÉLAI
Normes : CPC.236.3; LaCC.30.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18197/2015 ACJC/430/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 4 avril 2016

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Genève, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 octobre 2015, comparant par Me Michel AMAUDRUZ, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, Genève, intimé, comparant par Me Alexandre DE SENARCLENS, avocat, rue De-Candolle 16, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 27 octobre 2015, expédié pour notification aux parties le 30 octobre 2015, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui, le local commercial au rez-de-chaussée avec dépôt et sous-sol (café-restaurant « C______ ») sis ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique d'A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu qu'A______ ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à occuper les locaux et qu'en continuant à les occuper, il violait l'art. 267 al. 1 CO qui prévoit l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Ils ont en outre considéré que les conditions étaient remplies pour prononcer l'exécution directe du jugement d'évacuation.

B. a. Par acte expédié le 12 novembre 2015 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après : le locataire) a recouru contre ce jugement. Il a conclu à l'annulation du jugement entrepris, à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement d'évacuer les locaux au 30 juin 2016 et de son engagement à payer régulièrement jusque-là la gérance et le loyer et, enfin, à ce que l'exécution de l'évacuation soit repoussée au 30 juin 2016. Il a requis le bénéfice de l'effet suspensif.

Il a fait valoir qu'il souhaitait disposer du temps nécessaire pour préparer sereinement son départ à la retraite, que sa situation financière était modeste et qu'il avait fait "revivre" le café-restaurant.

b. Dans sa réponse du 17 novembre 2015, B______ (ci-après : le bailleur) s'en rapporte à justice s'agissant de l'effet suspensif. Sur le fond, il conclut au déboutement du locataire de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Le 18 novembre 2015, la Cour a suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

d. Les parties ont été avisées le 8 décembre 2015 de ce que la cause était gardée à juger, le locataire n'ayant pas exercé son droit de réplique.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Les parties étaient liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un local commercial au rez-de-chaussée avec dépôt et sous-sol (café-restaurant "C______"), sis ______ à Genève.

b. Par jugement JTBL/988/2011 du 26 août 2011, le Tribunal, statuant d'accord entre les parties, a notamment donné acte :

•  "aux parties de ce qu'elles résilient le contrat de bail et de gérance libre pour le 31 août 2015;

•  à A______ de ce qu'il s'engage à évacuer le local sis ______ à Genève, libre de sa personne, de ses biens et de tout tiers, au plus tard le 31 août 2015."

c. Par requête en protection de cas clair déposée le 3 septembre 2015, le bailleur a introduit une action en évacuation devant le Tribunal des baux et loyers et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation du locataire.

d. A l'audience du 27 octobre 2015 du Tribunal, le bailleur a persisté dans ses conclusions, expliquant que le lien de confiance entre les parties était rompu et qu'il souhaitait désormais récupérer ses locaux le plus rapidement possible. Le locataire a, pour sa part, sollicité un délai de grâce courant jusqu'au 30 juin 2016, expliquant qu'après la cessation de son activité, il ne vivrait que de sa rente AVS.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

D.           L'argumentation juridique des parties sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris a prononcé l'évacuation immédiate du locataire et a ordonné l'exécution de cette décision.

La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 CPC), alors que contre celle du Tribunal de l'exécution, seul le recours est ouvert (art. 319 let. a et 309 let. a CPC), dans la mesure où il s'agit d'une décision finale.

En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'évacuation en tant que telle, mais sollicite un délai pour l'exécution de celle-ci. Le principe même de l'évacuation n'est ainsi pas remis en question. Dans la mesure où seule l'exécution de l'évacuation est litigieuse, la voie du recours est ouverte.

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être déposé dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le Tribunal ayant rendu sa décision en procédure sommaire (art. 257 al. 2 CPC).

1.3 Le recours a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 221 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

2. Le recourant ne s'oppose pas à son expulsion mais souhaite l'ajournement de celle-ci au 30 juin 2016.

2.1 Selon l'art. 236 al. 3 CPC, le tribunal qui statue sur le fond ordonne des mesures d'exécution à la requête de la partie qui a eu gain de cause. Aux termes de l'art. 337 al. 1 CPC, la décision peut être exécutée directement si le Tribunal qui la rend ordonne les mesures d'exécution nécessaires.

Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le tribunal de l'exécution peut choisir quelle modalité il ordonne afin de permettre l'exécution de la décision concernée. La partie requérante peut évidemment suggérer une méthode d'exécution. Le tribunal de l'exécution doit, pour sa part, faire en sorte qu'une décision judiciaire déjà entrée en force soit exécutée dans les meilleurs délais (LUSCHER/HOFMANN, Le Code de procédure civile, 2009, p. 211). Le Tribunal doit prendre les mesures d'exécution adéquates et proportionnées aux circonstances. Entre plusieurs solutions, l'autorité d'exécution choisira la moins dommageable et la moins onéreuse (LACHAT, Le bail à loyers, Lausanne 2008, p. 216 et 217).

Lorsqu'elle procède à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit néanmoins tenir compte du principe général de proportionnalité (ATF 117 I a 336 consid. 2). Cette jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit de procédure, reste applicable sous le nouveau droit.

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties (ACJC/706/2014 du 16 juin 2014 consid. 3.2; ACJC/210/2013 du 18 février 2013).

Cette dernière disposition correspond à l'art. 474A aLPC, lequel a été considéré par le Tribunal fédéral comme conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, pour autant que le droit du bailleur à la restitution de la chose louée (art. 267 al. 1 CO) ne soit pas entravé, notamment par l'octroi à l'ancien locataire de délais de départ équivalant à la prolongation de bail allant au-delà de ce que prévoient les art. 272 ss CO; l'ajournement ne saurait être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail; il doit être limité dans le temps, un renvoi sine die n'étant pas admissible, le sursis à l'exécution devant permettre à l'ancien locataire de trouver à se reloger, au besoin avec l'aide des services sociaux (ATF 117 Ia 336 consid. 2 et 3 = SJ 1992 234; ACJC/1129/2011 du 19 septembre 2011 consid. 3).

L'art. 30 al. 4 LaCC ne s'applique toutefois pas aux locaux commerciaux (ACJC/1154/2015 du 28 septembre 2015 consid. 3.1; ACJC/239/2014 du 24 février 2014 consid. 6.1), de sorte que, faute de norme équivalente en matière de locaux commerciaux, l'évacuation doit intervenir sans délai.

2.2 Le recourant souhaite rester dans les locaux jusqu'au 30 juin 2016. Il a toutefois accepté, dans le cadre d'une procédure qui s'est close le 26 août 2011 par un jugement d'accord du Tribunal des baux et loyers, de libérer les locaux pour le 31 août 2015. Il a donc disposé de quatre années pour se préparer à quitter les lieux. Il ne fait pour le surplus valoir aucun autre motif digne de protection. Lui accorder un délai au 30 juin 2016 reviendrait pour le surplus à lui accorder une prolongation de près de dix mois depuis la fin du bail, ce que le Tribunal fédéral a clairement exclu.

2.3 Au vu de ce qui précède, il apparaît que le Tribunal n'a pas violé le principe de la proportionnalité en ordonnant l'évacuation immédiate du recourant. Le recours sera ainsi rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2015 par A______ contre le chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1147/2015 rendu le 27 octobre 2015 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/18197/2015-8.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Thierry STICHER et Monsieur Mark MULLER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.