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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7671/2017

ACJC/259/2019 du 25.02.2019 sur JTBL/1171/2017 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : MAJORATION DE LOYER ; MOTIF ; FARDEAU DE LA PREUVE
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7671/2017 ACJC/259/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du lundi 25 fevrier 2019

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés rue ______ Genève, recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 décembre 2017, comparant par Me Nils DE DARDEL, avocat, boulevard Georges-Favon 13, 1204 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

B______, p.a. et représentée par la C______, rue ______ [GE], intimée, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1171/2017 du 19 décembre 2017, reçu par les parties le 4 janvier 2018, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a validé la majoration de loyer notifiée le 16 mars 2017 par la B______ à A______ et B______ s'agissant de l'appartement de 4 pièces no XX situé au 1er étage de l'immeuble sis ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), fixé le loyer de l'appartement à 1'414 fr. par mois, hors charges, à compter du 1er juillet 2017 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Les locataires n'avaient pas apporté de preuves suffisantes permettant de démontrer que la hausse de loyer appliquée était abusive. Le logement social était régi par le Règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de B______. Selon ce Règlement, le loyer était fixé en fonction du revenu familial dont le calcul n'avait pas été contesté par les locataires; l'argumentation de ces derniers s'était limitée à exposer que le loyer majoré dépassait le loyer plafond fixé dans une autre procédure, sans jamais solliciter que le loyer soit fixé au moyen d'un calcul de rendement de l'immeuble. La fixation du loyer plafond en se prévalant d'un calcul opéré pour un autre logement dans un autre immeuble ne pouvait s'appliquer.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 2 février 2018, A______ et B______ (ci-après : les locataires ou les recourants) forment «appel» contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation, et concluent au déboutement de la B______ de sa requête en validation de hausse de loyer et à ce que le loyer soit fixé à 16'608 fr. dès le 1er juillet 2017 à titre de loyer plafond au sens de l'art. 12 du Règlement.

Ils reprochent aux premiers juges d'avoir violé les règles en matière de fardeau de la preuve, dès lors qu'il revenait à la bailleresse de démontrer que le loyer majoré n'était pas abusif; ils n'avaient pas non plus tardé à requérir l'exécution d'un calcul de rendement en le sollicitant, pour la première fois, lors des plaidoiries finales; enfin, ils pouvaient valablement se prévaloir du loyer-plafond retenu dans une procédure opposant d'autres locataires mais portant sur un logement identique; à défaut, l'intimée violerait le principe de la bonne foi en appliquant des loyers-plafonds différents à deux appartements similaires.

b. Dans sa réponse du 8 mars 2018, la B______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) conclut à la confirmation du jugement attaqué.

Les locataires avaient invoqué que le loyer dépassait les loyers usuels du quartier en comparaison du loyer-plafond retenu pour un appartement similaire; il leur appartenait pourtant de fournir au minimum cinq exemples de comparaison, ce qu'ils n'avaient pas fait. En outre, en se prévalant du rendement excessif de l'immeuble comme moyen de défense, il leur revenait de prouver le caractère abusif du loyer; ils ne pouvaient donc se borner à solliciter la fixation de leur loyer-plafond au même niveau que celui d'un autre logement.

A aucun moment les recourants, dans leurs écritures en première instance ou dans leur acte de recours, n'avaient sollicité que le loyer soit fixé au moyen d'un calcul de rendement. Cet argument, soulevé dans la procédure de manière non expresse, était donc tardif.

Enfin, le logement considéré et le logement voisin évoqué par les locataires n'avaient pas la même surface, étaient disposés et agencés différemment, leurs loyers étaient calculés sur la base de revenus différents. Ils n'étaient donc pas comparables, ce qui ne permettait pas de transposer le loyer de 16'608 fr. retenu pour le logement voisin au logement considéré. La procédure relative au logement voisin était confidentielle et les concessions faites ne permettaient pas de considérer que le montant de 16'608 fr. avait été retenu comme loyer-plafond.

c. Les recourants ont répliqué le 5 avril 2018 et persisté dans leurs précédents développements et conclusions.

d. L'intimée n'a pas fait usage de son droit de duplique.

e. Le 2 mai 2018, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. Par contrat du 27 mai 2010, la B______, bailleresse, a remis à bail à A______ et B______, locataires, un appartement de 4 pièces d'environ 73 m2 au 1er étage de l'immeuble sis ______, à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours, débutant le 16 juin 2010 et se terminant le 30 juin 2011, puis s'est tacitement renouvelé d'année en année.

Le loyer annuel initial a été fixé à 8'004 fr. charges (2'040 fr.) non comprises, dès le 16 juin 2010, au moyen d'un avis officiel de fixation du loyer contresigné par les locataires.

Cet avis de fixation du loyer initial mentionne, s'agissant des motifs de fixation du loyer, ce qui suit : «Le loyer est fixé selon l'art. 269a let. a du Code des obligations et selon le Règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de B______ du 18 février 2009, entré en vigueur le 8 avril 2009, dont vous avez reçu copie. Le précédent loyer tenait compte de la situation économique et familiale du locataire».

A la signature du bail, les locataires ont accepté d'être soumis au Règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de B______ du 18 février 2009 entré en vigueur le 8 avril 2009 (LC 21 531; ci-après : le Règlement).

Selon l'art. 9 al. 1 du Règlement, le loyer des logements sociaux de B______ ne peut en règle générale pas excéder le pourcentage du revenu familial (taux d'effort) fixé par l'art. 10. Sous réserve du loyer minimum prévu par l'art. 11, le loyer net des logements à caractère social, frais accessoires non inclus, n'excèdera pas 12% du revenu familial annuel s'il est égal ou inférieur à 20'999 fr. et 12,1% du revenu familial annuel s'il est égal ou inférieur à 21'999 fr. (art. 10 al. 1 par. 1); au-delà de 21'999 fr., le taux d'effort de 12,1% est majoré de 0,1% par tranche de revenu familial annuel de 1'000 fr., et ce jusqu'à un revenu familial annuel de 119'999 fr. (art. 10 al. 1 par. 2). A partir d'un revenu familial annuel de 120'000 fr., le loyer net des logements à caractère social n'excédera pas 22% de ce revenu.

Le Règlement prévoit, à son art. 11, un loyer minimum dans une fourchette comprise entre 1'000 fr. et 2'000 fr. la pièce par an; l'art. 12 stipule que le loyer maximum résultant du revenu déterminant (art. 13) multiplié par le taux d'effort (art. 10) ne peut pas dépasser le loyer admissible au sens du Code des obligations.

b. Par avis de majoration notifié aux locataires le 16 mars 2017, la B______ a porté le loyer annuel du logement à 16'968 fr. dès le 1er juillet 2017, les provisions pour frais accessoires restant inchangées à 2'040 fr.

S'agissant des motifs de la majoration, l'avis indique ce qui suit : «Loyer fixé en application du règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de B______ du 18 février 2009. Il est tenu compte de votre revenu annuel déterminant de CHF 89'758.00, de votre fortune de CHF 23'511.00, du taux d'occupation et du taux d'activité du ménage».

Un courrier d'accompagnement reprenant les éléments du calcul ci-dessus était joint à cet avis de majoration, précisant que la majoration restait dans les limites des loyers admissibles au sens du code des obligations.

Etait également annexée au courrier une fiche de calcul datée du 14 mars 2017 fixant le revenu déterminant du ménage à 89'758 fr. annuels, un taux d'effort réglementaire de 18,9% et un loyer net, calculé avant plafonnement, à 16'968 fr.

c. Par requête déposée le 5 avril 2017 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les locataires ont contesté la majoration de loyer du 16 mars 2017 en indiquant que le loyer-plafond était dépassé, se prévalant d'un accord trouvé en conciliation dans la cause C/1______/2013 opposant la B______ aux locataires d'un appartement de 4 pièces au 1er étage d'un immeuble sis ______, par lequel un avis de majoration notifié le 11 avril 2013 avait été retiré.

d. A la suite de l'échec de la tentative de conciliation du 15 juin 2017, la B______ a saisi le Tribunal le 16 août 2017 d'une requête en validation de hausse de loyer.

Elle a conclu à la validation de la majoration de loyer du 16 mars 2017 faisant passer le loyer annuel, charges non comprises, de 15'468 fr. à 16'968 fr. dès le 1er juillet 2017, et au déboutement des locataires.

Elle fait valoir qu'une réglementation ad hoc acceptée par les locataires et fixant le loyer en fonction des revenus de ces derniers était admise par la jurisprudence; l'application du Règlement n'était pas remise en cause par les locataires, tout comme les éléments pris pour procéder au calcul du loyer; ces derniers ne pouvaient donc se prévaloir d'un loyer-plafond de 16'608 fr. applicable à un autre logement de 4 pièces dans un immeuble voisin (______), ayant fait l'objet d'une procédure de conciliation (C/1______/2013); en raison de la confidentialité attachée à cette procédure, les dépositions et informations provenant de celle-ci ne pouvaient être utilisées; en outre, il était faux de prétendre que le loyer-plafond retenu dans cette procédure s'élevait à 16'608 fr.; ce montant résultait d'un calcul du revenu déterminant du ménage concerné.

e. Dans leur réponse du 21 septembre 2017, les locataires ont conclu à la fixation du loyer annuel à 16'608 fr., dès le 1er juillet 2017, en application de l'art. 12 du Règlement et au déboutement de la bailleresse.

Ils ont soutenu que l'art. 12 du Règlement ne faisait que reprendre la règle applicable à toute majoration de loyer, à savoir que le locataire était en droit de s'opposer à toute hausse de loyer allant au-delà du loyer fixé en application de la méthode absolue du rendement équitable (art. 269 CO) ou des loyers usuels du quartier (art. 269a let. a CO); le loyer ne pouvait donc pas être fixé au-delà du loyer maximum fixé par la B______ pour un appartement identique situé dans le même groupe d'immeubles (appartement E______ sis rue ______). Afin d'établir une comparaison entre les deux objets, ont été produits des plans des façades et du 1er étage des immeubles sis ______ établis lors d'un projet de rénovation visés ne varietur par le département compétent le 8 octobre 2001, l'avis de majoration du 11 avril 2013 notifié aux locataires E______, les éléments retenus pour le calcul du loyer des locataires E______ par la B______ le 8 avril 2013, le procès-verbal de conciliation du 11 novembre 2013 dans la cause C/1______/2013 entérinant le retrait de l'avis de majoration du 11 avril 2013 et un courrier du 6 septembre 2017 des locataires E______ expliquant que ce retrait se justifiait par le fait que le loyer-plafond de 16'608 fr. dépassait le maximum au vu des loyers pratiqués dans le quartier.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 31 octobre 2017, les locataires ont sollicité l'audition de F______; les différences entre le logement ______ et leur appartement étaient infimes; il s'agissait bien de logements semblables, dans le même immeuble, rénovés en même temps.

La B______ a déclaré que pour fixer le loyer-plafond, il existait tout une série de critères, notamment l'étage, la luminosité, la taille de l'appartement, la présence ou non d'un ascenseur.

g. Par ordonnance du 7 novembre 2017, le Tribunal a considéré l'affaire en état d'être jugée et renoncé à toute nouvelle mesure d'instruction.

h. Par courrier du 13 novembre 2017, les locataires ont produit de nouvelles pièces, à savoir le bail des locataires E______ portant sur un logement de 4 pièces au 1er étage de l'immeuble sis ______, d'une surface d'environ 71 m2 ainsi que la décision d'aide personnalisée au logement du 17 juillet 2008 adressée par la B______ à ces derniers.

i. Dans leurs plaidoiries finales du 28 novembre 2017, les locataires ont relevé que la bailleresse n'avait produit aucun document permettant de fixer le loyer annuel, sur la base des art. 269 et 269a let. a CO; il lui incombait pourtant d'apporter la preuve que le loyer majoré aboutissait à un loyer admissible. Pour le surplus, ils ont persisté dans leurs précédents développements et conclusions, tout en maintenant l'audition de F______.

Dans ses plaidoiries finales déposées le même jour, la bailleresse a persisté dans ses précédentes conclusions. Elle a relevé que l'appartement E______ n'était pas identique au logement considéré (métrés, tailles des pièces, aménagement des pièces et agencement des cuisines et salle-de-bains différents); les baux n'avaient pas été conclus à la même période et les loyers avaient été calculés sur la base de revenus différents, ce qui excluait d'appliquer au logement litigieux un loyer maximum de 16'608 fr. A la lecture des pièces, il convenait plutôt de retenir que le loyer maximum du logement E______ était de 18'876 fr. l'an et non de 16'608 fr. Enfin, la confidentialité des discussions attachée à la procédure de conciliation de la procédure E______ excluait que des éléments puissent être utilisés en sa défaveur dans la présente cause.

j. Les locataires ont déposé une détermination complémentaire le 13 décembre 2017 en réponse aux écritures de la bailleresse du 28 novembre 2017; les éléments tirés de la procédure E______ n'étaient pas confidentiels; le retrait de l'avis de majoration, dans cette procédure où le loyer-plafond avait été porté à 18'876 fr., et le retour à un loyer de 16'608 fr. devait conduire à admettre ce dernier montant comme étant le loyer-plafond.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

S'agissant d'un contrat de bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), la valeur litigieuse déterminante, dans le cadre d'une contestation de majoration du loyer, doit être déterminée d'après les dernières conclusions prises devant l'autorité précédente. La divergence que celle-ci devait trancher s'élevait en capital à 360 fr. par an (16'968 fr. - 16'608 fr.), uniquement en ce qui concerne la fixation du loyer net (sans les charges) de l'appartement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_314/2011 du 3 novembre 2011 consid. 1.1). En multipliant ce seul chiffre par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2011 consid. 1.1), la valeur litigieuse de l'espèce s'élève à 7'200 fr. (360 fr. x 20) et ne dépasse pas le seuil limite de 10'000 fr. requis, de sorte que seule la voie du recours est ouverte.

1.2 Le recours a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, la Cour revoit la cause avec un pouvoir de cognition limité, en ce sens qu'elle ne peut revoir les faits que si ceux-ci ont été établis de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire de façon arbitraire (art. 320 CPC; JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, Bâle, 2ème éd. 2019, n. 5 ad art. 320 CPC).

2. Les recourants se plaignent d'une violation du fardeau de la preuve.

2.1 En matière de hausse de loyer, l'autorité de conciliation est certes saisie par le locataire (cf. art. 270b al. 1 CO), mais la prétention litigieuse émane du bailleur. Il appartient donc à celui-ci d'agir dans les trente jours s'il persiste dans sa prétention à augmenter le loyer. A ce défaut, il est réputé y avoir renoncé. Il garde toutefois la possibilité de notifier une nouvelle hausse pour l'échéance contractuelle suivante et peut se prévaloir des mêmes motifs (cf. ATF 124 III 245 consid. 2 et 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_538/2009 du 13 janvier 2010 consid. 2.1 sous l'ancien droit; cf. art. 209 al. 1 let a CPC).

Le cadre du débat est délimité par les motifs invoqués par le bailleur pour justifier la hausse et par les moyens opposés par le locataire (MONTINI/WAHLEN, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd. 2017, ad
art. 270b CO n. 10). En procédure, il appartient au bailleur de prouver le
bien-fondé des motifs de hausse (art. 8 CC); il doit ainsi produire les pièces probantes (MONTINI/WAHLEN, op.cit., n. 15; dans le même sens, LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 409 ch. 3.3.4).

A certaines conditions, de son côté, le locataire peut opposer au bailleur des facteurs compensatoires ou demander que le loyer soit examiné au vu d'autres critères de fixation du loyer, notamment le rendement abusif de la chose louée (art. 269 CO ou 269a let. c CO). Dans ces hypothèses, le locataire assume le fardeau de cette contre-preuve. Le bailleur doit, de son côté, collaborer en fournissant les documents qu'il est le seul à détenir (LACHAT, op.cit., p. 409 ch. 3.3.5 et p. 538 ch. 5.3.2).

2.2 En l'espèce, la majoration litigieuse se fonde directement sur le Règlement, dont l'application au logement considéré n'est pas remise en cause par les recourants. Ainsi, la fixation du loyer selon les revenus déterminants du ménage doit être admise sur le principe, étant rappelé que ce mode de fixation jugé conforme à l'ancien droit par le Tribunal fédéral ne doit pas procurer au bailleur un rendement excessif du logement ou du local loué (cf. ATF 116 II 184; LACHAT, op.cit., p. 502 ch. 10.2.2 qui fait référence à l'art. 269 CO).

L'avis de hausse contesté précise, sous les motifs de majoration, que celle-ci est fondée sur le Règlement, compte tenu d'un revenu annuel déterminant de 89'758 fr., d'une fortune de 23'511 fr., du taux d'occupation et du taux d'activité du ménage.

Les revenus déterminants calculés par l'intimée sont admis par les recourants; en outre, l'intimée a versé à la procédure les éléments retenus pour le calcul du loyer, dont il découle qu'il a effectivement été tenu compte du nombre d'occupants du logement, du revenu déterminant du ménage et d'un taux d'effort réglementaire de 18,9% calculé conformément à l'art. 10 al. 1 par. 2 du Règlement et à la tabelle permettant de déterminer le taux d'effort (tranche de revenus entre 89'000 fr. et 89'999 fr.; taux d'effort : 18,9%).

L'intimée a donc démontré que le Règlement dont l'application a été convenue par les parties a été correctement appliqué et que la hausse contestée est conforme à celui-ci, ce que les premiers juges ont justement relevé.

A titre défensif, les recourants font valoir que le loyer-plafond du logement est dépassé, en se prévalant d'un procès-verbal du 11 novembre 2013 entériné dans un litige ayant opposé l'intimée aux locataires E______, lequel prenait acte du retrait d'un avis de majoration de loyer faisant passer le loyer de 16'608 fr. à 18'876 fr.; ils déduisent de ce retrait la reconnaissance que le
loyer-plafond pour un logement de 4 pièces dans le même groupe d'immeuble ne doit pas dépasser 16'608 fr.

Dans leur réponse du 21 septembre 2017 au Tribunal, les recourants ont évoqué le principe général selon lequel le loyer maximum fixé par l'art. 12 du Règlement ne pouvait pas dépasser celui fixé selon la méthode absolue du rendement net (art. 269 CO) ou des loyers usuels du quartier (art. 269a let. a CO). L'on pouvait comprendre qu'ils invoquaient, à titre défensif, un rendement abusif. Toutefois, et bien qu'en pareilles circonstances le fardeau de la preuve d'un loyer abusif leur incombait, ils n'ont produit aucun exemple de comparaison démontrant l'existence d'un abus, ni n'ont sollicité que le loyer soit fixé au moyen d'un calcul de rendement net de l'immeuble. Les recourants se sont contentés, comme seuls moyens de preuve, d'invoquer le loyer appliqué dans un logement similaire de quatre pièces, sis au même étage et dans le même groupe d'immeubles.

Aucune conclusion n'a été prise par les recourants visant à faire porter l'instruction de la cause sur la production d'exemples de loyers comparatifs ou à obtenir de l'intimée qu'elle produise les éléments permettant de réaliser un calcul de rendement net de l'immeuble. Comme le Tribunal l'a retenu à juste titre, c'est pour la première fois dans leurs plaidoiries finales du 28 novembre 2017 que les locataires ont soutenu que leur contestation visait à obtenir que le loyer soit fixé selon la méthode absolue, en référence aux art. 269 et 269a let. a CO. A ce stade, ils ne pouvaient modifier leur demande et prendre de nouvelles conclusions visant à obtenir que le loyer soit fixé selon la méthode absolue. Quand bien même la modification de la demande n'a pas à reposer sur des nova au sens de l'art. 229 al. 1 CPC, l'exigence de la nouveauté demeure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.2). Les recourants ne pouvaient donc introduire une nouvelle conclusion en se fondant sur les seuls faits et moyens de preuve allégués précédemment.

Le cadre des débats, fixé par les recourants, se limitait à soutenir que le
loyer-plafond retenu dans le cadre du dossier E______ devait s'appliquer également au présent cas. Le retrait, dans le dossier précité, d'un avis de majoration ne permet toutefois pas de déduire que l'intimée admettait que le loyer-plafond, pour un logement de 4 pièces sis dans le même complexe d'immeubles, s'élevait à 16'608 fr. En effet, les situations de revenus - élément prépondérant dans le système de fixation du loyer prévu dans le Règlement - sont différentes, tout comme les logements dont la configuration et les surfaces ne sont pas identiques. En outre, il résulte des pièces produites par les recourants que, dans le cas évoqué, le loyer maximum a été fixé au montant annuel de 18'876 fr. par an, en raison d'un revenu familial déterminant plus élevé. Cet élément confirme l'absence de présomption d'un abus dans la majoration notifiée aux recourants. Il n'est pas non plus établi que le retrait de l'avis de majoration en question signifiait que l'intimée admettait un loyer maximum de 16'608 fr. pour tout logement de 4 pièces sis dans le même complexe d'immeubles. Appliquer ce loyer maximum au logement considéré signifierait fixer un loyer sans corrélation avec le revenu familial déterminant et les spécificités du cas, ce qui violerait les règles de fixation du loyer contenues dans le Règlement et consacrerait un mode de fixation arbitraire des loyers.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a admis que les recourants avaient échoué à démontrer l'existence d'un loyer abusif et a validé l'avis de majoration de loyer du 16 mars 2017 fixant le loyer annuel, charges non comprises, à 16'968 fr., dès le 1er juillet 2017.

Le recours sera donc rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 2 février 2018 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1171/2017 rendu le 19 décembre 2017 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7671/2017.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ et Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies et délais de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.