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Décisions | Sommaires

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C/11715/2011

ACJC/1535/2011 (3) du 25.11.2011 sur JTPI/13753/2011 ( SML ) , CONFIRME

Descripteurs : ; MAINLEVÉE DÉFINITIVE ; DÉCISION EXÉCUTOIRE ; TRAVAIL
Normes : LP.80. LP.81
Résumé : Jugement exécutoire des Prud'hommes : Le fait que le jugement emporte condamnation à payer un montant brut, sous déduction des cotisations sociales - procédé par ailleurs courant - ne prive donc pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée définitive. Lorsque le salaire alloué est un montant brut, il convient de déduire les charges sociales, selon un mode de répartition impérativement prévu par la législation de droit public (art. 322 al. 1 CO), ainsi que les impôts à la source éventuellement dus. Le fardeau de la preuve du bien-fondé et de l'importance de ces imputations incombe à l'employeur. Extinction complète ou partielle de la dette
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11715/2011 ACJC/1535/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 25 novembre 2011

 

Entre

A_______SA, ayant son siège _______ à Genève, recourante contre un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 septembre 2011, comparant par Me Renuka Cavadini, avocate, rue Emile Yung 9, 1205 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B_______, domicilié ______ à Monaco, intimé, comparant par Me Olivier Cramer, avocat, rampe de la Treille 5, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Par jugement du 12 septembre 2011, expédié pour notification aux parties le 22 septembre 2011, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite no 11 xxxxxx Y (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr. et les a compensés avec l'avance effectuée par la partie requérante (ch. 2), les a mis à la charge de la partie citée et l'a condamnée à les verser à la partie requérante qui en avait fait l'avance (ch. 3) et a condamné la partie citée à verser à la partie requérante 5'787 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 3 octobre 2011, A_______SA recourt contre ce jugement dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut principalement à ce que la Cour de céans dise que la créance de B_______ résultant de l'arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes du 18 janvier 2011 est éteinte, subsidiairement qu'elle dise que cet arrêt n'est pas un titre de mainlevée définitive, que la poursuite n'ira pas sa voie. A titre plus subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision, le tout avec suite de frais et dépens.

En substance, A_______SA ne remet pas en cause les faits tels que retenus par le premier juge. Elle fait valoir que le Tribunal a violé la loi en prononçant la mainlevée, dès lors qu'elle avait mis à disposition de B_______ un chèque de 447'736 fr. depuis le 2 mars 2011, que celui-ci refusait d'accepter, sans motif légitime. Les montants auxquels la Cour d'appel des prud'hommes l'a condamnée correspondent à une année de salaire à titre d'indemnité de licenciement et à des soldes de bonus; ils sont soumis aux charges sociales. Elle reproche ainsi au premier juge d'avoir accordé la mainlevée pour un montant supérieur à celui fixé dans le titre de mainlevée.

Elle a produit sept pièces nouvelles à l'appui de son recours.

b. Dans sa réponse du 14 novembre 2011, B_______ conclut au déboutement de A_______SA de toutes ses conclusions, avec suite de dépens.

Il indique qu'il est au bénéfice d'un jugement exécutoire et que A_______SA ne dispose d'aucun moyen libératoire. En particulier, la dette n'est ni éteinte ni prescrite et aucun sursis n'a été accordé à A_______SA. Celle-ci avait offert de lui payer un montant inférieur à celui fixé par la Cour d'appel des prud'hommes, somme qu'elle ne lui a d'ailleurs pas versée. En outre, le chèque émis était échu.

Il a déposé deux pièces nouvelles.

c. Par décision du 15 novembre 2011, la Cour de justice a refusé d'accorder à A_______SA la suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué.

d. Le 15 novembre 2011, les parties ont été informées de la mise en délibération de la présente cause.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure en première instance :

a. Par jugement du 1er décembre 2009, le Tribunal des prud'hommes de Genève a notamment condamné A_______SA à verser à B_______ la somme brute de 630'653 fr. 60, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er juillet 2007 (ch. 3 du dispositif), condamné A_______SA à verser à B_______ la somme brute de 155'851 fr. 15, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2008 (ch. 4) et a invité la partie qui en a la charge opérer les déductions sociales, légales et usuelles (ch. 5).

b. Par arrêt du 28 septembre 2010, rectifié le 18 janvier 2011 suite à deux erreurs matérielles, la Cour d'appel des prud'hommes a annulé les points 3 et 4 du dispositif du jugement précité et, statuant à nouveau, a condamné A_______SA à verser à B_______ la somme brute de 455'617 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2007, a condamné A_______SA à verser à B________ la somme brute de 186'700 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2008 et confirmé le jugement pour le surplus.

c. Le 10 janvier 2011, saisi par les deux parties d'un recours, le Tribunal fédéral a rejeté les recours, mis les frais judiciaires à charge de chacune d'elles et dit que A_______SA verserait à B_______ une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens réduits.

d. Le 4 mai 2011, B_______ a fait notifier à A_______SA un commandement de payer, poursuite no 11 xxxxxx Y portant sur les montants de 455'617 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2007, de 186'700 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2008 et de 1'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 10 janvier 2011.

A_______SA a formé opposition à la poursuite.

e. Le 27 mai 2011, B_______ a déposé au greffe du Tribunal civil une requête en mainlevée définitive de l'opposition, avec suite de dépens.

f. Lors de l'audience du 12 septembre 2011, A_______SA n'était ni présente ni représentée. Le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition.

D. Les arguments des parties seront repris dans la mesure utile ci-après.

EN DROIT

1. Aux termes de l'art. 405 al. 1 CPC, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RS 272), les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise. S'agissant en l'espèce d'un recours dirigé contre un jugement notifié aux parties après le 1er janvier 2011, la présente cause est régie par le nouveau droit de procédure.

2. S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

A Genève, la Chambre civile de la Cour de justice est l'instance compétente pour connaître d'un recours (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

Le recours ayant été interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, il est par conséquent recevable.

3. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour de justice doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque celui-ci a rendu la décision attaquée.

S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (ATF du 7 octobre 2005 dans la cause 5P.174/2005). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

Par ailleurs, le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

4. Les pièces nouvelles déposées par la recourante sont irrecevables (art. 326 CPC).

5. 5.1. Aux termes de l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Le juge doit vérifier d'office l'identité du poursuivant et du créancier et l'identité du poursuivi et du débiteur désignés dans le titre de mainlevée, ainsi que l'identité de la créance déduite en poursuite et de la dette constatée par jugement (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 13 ad art. 81 LP, ATF du 7 octobre 2005 dans la cause 5P.174/2005).

Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par une autorité du canton dans lequel la poursuite a eu lieu, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Si le jugement exécutoire a été rendu dans un autre canton, l'opposant peut en outre se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas été régulièrement cité ou légalement représenté (art. 81 al. 2 LP).

Il n'incombe toutefois pas au juge de la mainlevée de trancher des questions de droit matériel délicat ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation du juge joue un rôle important; ces questions relèvent exclusivement de la compétence du juge du fond. Il en va de même de la question de savoir si le comportement du créancier constitue un abus de droit et s'il viole les règles de la bonne foi (ATF 124 III 501 consid. 3a; 115 III 97 consid. 4b, JdT 1991 II 47).

Un jugement exécutoire ne justifie une mainlevée définitive que s'il contient une condamnation à verser une somme d'argent déterminée ou déterminable à la suite de vérifications simples (PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, § 108 nos 3 à 7; ZR 1985 no 59 = RSJ 1986 p. 30). Le fait que le jugement dont se prévaut la poursuivante emporte condamnation à payer un montant brut, sous déduction des cotisations sociales - procédé par ailleurs courant - ne prive donc pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée définitive (arrêt du Tribunal fédéral n.p. 5P.364/2002 du 16 décembre 2002, consid. 2.1.2).

Lorsque le salaire alloué est un montant brut (ATF n.p. Hoirs B. c/ B. du 08.04.1997 no 4C.319/1999, consid. 2b; Bersier, RSJ 1982 p. 299 ss, n. 302; SJ 1987 p. 572), il convient de déduire les charges sociales, selon un mode de répartition impérativement prévu par la législation de droit public (art. 322 al. 1 CO; ATF 107 II 430 consid. 4; JAR 1996 p. 95 consid. 2), ainsi que les impôts à la source éventuellement dus. Le fardeau de la preuve du bien-fondé et de l'importance de ces imputations incombe à l'employeur (Wyler, Droit du travail, Berne 2002, p. 126-128; Rehbinder, Commentaire bernois, nos 14-16 ad art. 322 CO; Streiff/Von Kaenel, Arbeitvertrag, 5ème éd., n. 14 ad art. 322 CO).

5.2. L'extinction de la dette peut intervenir non seulement par paiement, remise de dette, compensation ou accomplissement d'une condition résolutoire, mais aussi en vertu de toute autre cause de droit civil. Il appartient au débiteur d'établir que sa dette est éteinte par titre. A la différence de la mainlevée provisoire (art. 82 al. 2 LP), il ne suffit donc pas d'invoquer la vraisemblance du paiement : le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (ATF 124 III 501 consid. 3a).

En cas d'extinction partielle de la dette, le juge ne peut refuser la mainlevée définitive pour la partie éteinte de la dette que si la cause de cette extinction et le montant sont établis, à défaut de quoi il doit prononcer la mainlevée définitive à concurrence de l'entier de la dette. Pour empêcher cela, le débiteur doit donc établir par titre à la fois la cause de l'extinction partielle et le montant exact à concurrence duquel la dette est éteinte. Au regard de la loi et de la jurisprudence, il n'incombe ni au juge de la mainlevée ni au créancier de déterminer cette somme (ATF 124 III 501 consid. 3b).

5.3. En l'espèce, l'arrêt rendu par la Cour d'appel des prud'hommes le 28 septembre 2010, condamnant la recourante à payer à l'intimé les sommes brutes 455'617 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2007 et de 186'700 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2008, constitue un titre de mainlevée définitive. Comme la jurisprudence du Tribunal fédéral l'a rappelé, la condamnation à payer un montant brut ne prive pas cette décision de son aptitude à constituer un titre de mainlevée.

Des montants bruts arrêtés par la Cour d'appel des prud'hommes il convient de déduire les charges sociales légales et usuelles. Toutefois, l'appelante, à qui incombe le fardeau de la preuve, n'a produit aucun décompte desdites charges, alors même que ce calcul pouvait aisément être fait.

Quant arrêt du Tribunal fédéral du 10 janvier 2011 condamnant aux dépens de 1'000 fr., il représente également un titre de mainlevée définitive.

Par ailleurs, l'appelante ne dispose d'aucun moyen libératoire. Elle n'a pas produit le chèque qu'elle allègue avoir mis à disposition de l'intimé, ni aucun autre titre prouvant le versement des montants dus à l'intimé.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a prononcé la mainlevée définitive pour l'intégralité des sommes fixées dans les décisions susmentionnées. Le jugement ne consacre ainsi aucune violation de la loi, de sorte que le recours sera rejeté.

6. La recourante qui succombe sera condamnée aux frais (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.

Partant, l'émolument de décision sera fixé à 1'500 fr., mis à la charge de la recourante et compensé avec l'avance de frais qu'elle a opérée qui reste acquise à l'Etat. La recourante sera également condamnée aux dépens de l'intimé assisté d'un conseil devant la Cour, arrêtés à 3'500 fr., débours et TVA compris (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 85 et 90 du règlement fixant le tarif des greffes en matières civile du 22 décembre 2010, E 1 05.10)

7. La valeur litigieuse, au sens de l'art. 51 LTF, est supérieure à 30'000 fr.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A_______SA contre le jugement JTPI/13753/2011 rendu le 12 septembre 2011 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11715/2011-4 SML.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 1'500 fr.

Les met à charge de A_______SA et dit qu'ils sont couverts par l'avance de frais, acquise à l'Etat.

Condamne A_______SA à verser à B_______ 3'500 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Fatina SCHAERER, greffier.

 

Le président :

Jean-Marc STRUBIN

 

Le greffier :

Fatina SCHAERER

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.