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C/79/2013

ACJC/1472/2013 du 13.12.2013 sur JTPI/8206/2013 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE DÉFINITIVE; MODIFICATION DE LA DEMANDE; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE
Normes : LP.80; CPC.326.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/79/2013 ACJC/1472/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 13 DECEMBRE 2013

 

Entre

A______, domiciliée ______ (France), recourante contre un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juin 2013, comparant en personne,

et

B______, domicilié rue des Bains 25, 1205 Genève, intimé, comparant en personne.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement du 13 juin 2013, notifié aux parties le 17 juin 2013, le Tribunal de première instance a débouté A______ de sa requête de mainlevée de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1), a arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance effectuée, et laissés à la charge de la précitée (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toute autre conclusion.

En substance, le premier juge a retenu que le montant en poursuite ne correspondait pas à la période de référence ni au montant de la contribution d'entretien fixée par la Cour de justice, qu'à se baser sur la décision de justice produite, le montant pour la période invoquée aurait dû être de 38'576 fr., que A______, qui aurait été assistée par le SCARPA, avait vraisemblablement cédé sa créance à ce dernier et donc, selon toute vraisemblance perdu la légitimation active pour la créance objet de la poursuite.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour le 24 juin 2013, A______ a formé recours contre le jugement précité.

Sans prendre des conclusions formelles, elle apporte, sur quatre pages, des éléments "permettant d'éclairer la justice". Elle a admis que la créance qu'elle invoquait en poursuite devait être de 38'360 fr. et non de 42'858 fr.

Elle a formulé des allégués nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. B______ n'a pas adressé de réponse

c. Par avis du 6 septembre 2013, les parties ont été avisées de la mise en délibération de la cause.

d. Par courrier du 24 octobre 2013, les parties ont été priées de faire parvenir à la Cour, dans un délai échéant au 12 novembre, les pièces produites en première instance qui leur avaient été retournées par le Tribunal en date du 30 août 2013.

L'intimé n'a pas adressé les pièces demandées.

C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :

a. Par arrêt du 8 octobre 2004 (procédure C/2______), la Cour de justice a complété le chiffre 4 du dispositif du jugement du Tribunal de première instance du 24 mai 2004 rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, en ce sens que la contribution d'entretien de la famille due par B______ de 1'400 fr., allocations familiales non comprises, l'était dès le 1er août 2003, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre et pour cette période.

Le 22 novembre 2012, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer poursuite n° 1______, portant sur 42'858 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er avril 2010, auquel ce dernier a formé opposition, indiquant comme cause de l'obligation: "les pensions alimentaires dues pour ses deux enfants dès le 31 mars 2010 jusqu'au 17 juillet 2012".

b. Le 7 janvier 2013, A______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer précité.

Dans sa requête, A______ s'est référée au jugement du Tribunal de première instance [recte l'arrêt de la Cour de justice] du 8 octobre 2004 produit à l'appui de la requête.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 15 mars 2013, A______ n'a pas comparu. B______ n'a pas contesté le bien-fondé de la créance, a indiqué qu'il avait repris la vie commune avec A______ de mars à octobre 2004, période pendant laquelle le SCARPA n'ayant pas été informé, aurait poursuivi ses avances. Depuis octobre 2004, A______ vivrait en France avec les enfants.

B______ a introduit une procédure en modification des mesures protectrices de l'union conjugale devant le Tribunal le 15 mars 2013.

 

EN DROIT

1.                     1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 lit. b ch. 3 et 319 lit. a CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les 10 jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

L'art 326 al. 1 CPC stipule que les conclusions, allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables en procédure de recours. Cependant une modification à la baisse de ses conclusions par l'une des parties ne saurait être assimilée à la prise de conclusions nouvelles au sens de l'art. 326 al. 1 CPC (Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, SJ 2009 II p. 257ss, n. 9 p. 261; Jeandin, in Code de procédure civile commenté, 2011, n. 2 ad art. 326).

1.2 En l'espèce, bien que ne comportant pas de conclusions formelles, le recours permet de comprendre que la recourante, qui agit en personne, sollicite que le jugement querellé soit mis à néant et que la mainlevée requise soit prononcée à concurrence de 38'360 fr. pour la période courant du 1er avril 2010 au 12 juillet 2012.

En outre, l'appelante expose se fonder sur l'arrêt de la Cour de justice du 8 octobre 2004 condamnant l'intimé à verser la contribution d'entretien de 1'400 fr. dès le 1er août 2003, devenu définitif et exécutoire.

Ses conclusions nouvelles en tant qu'elles sont modifiées à la baisse, sont recevables.

Dans cette mesure, le recours introduit dans le délai légal doit être déclaré recevable.

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL/DE PORET/BORTOLASO/AGUET, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

Les conclusions, les allégations de fait et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Cela concerne également les faits survenus après la clôture des débats devant le premier juge, dès lors que la juridiction de recours doit statuer sur un état de fait identique à celui soumis à celui-ci (Chaix, L'apport des faits au procès, in BOHNET, Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, p. 132-133; HOFMANN/LUSCHER, Le Code de procédure civile, 2009, p. 202).

2.2 Il s'ensuit que les allégués de fait et pièces nouveaux de la recourante sont irrecevables.

3. 3.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable. Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

Aux termes de l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Depuis l'entrée en vigueur du CPC, le caractère exécutoire d'une décision est défini par l'art. 336 CPC. Auparavant, le jugement exécutoire était celui qui était formellement entré en force de chose jugée, c'est-à-dire qu'il ne pouvait plus être attaqué par un moyen de recours ordinaire (STAEHELIN, Basler Kommentar SchKG, 2010 note 7 ad art. 80 LP et réf. citées).

3.2 Dans le cadre de la procédure sommaire de mainlevée définitive, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui lui est soumis. Il n'a à vérifier ni l'existence matérielle de la créance ni l'exactitude matérielle du jugement. Il ne lui appartient pas davantage de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, dont la connaissance ressort exclusivement au juge du fond (ATF 124 III 501 consid. 3a; 113 III consid. 1b).

Le juge doit seulement vérifier d'office l'identité du poursuivant et du créancier et l'identité du poursuivi et du débiteur désignés dans le titre de mainlevée, ainsi que l'identité de la créance déduite en poursuite et de la dette constatée par jugement (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 13 ad art. 81 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_635/2008 du 23 janvier 2009).

3.3 D'après la jurisprudence, le commandement de payer et la requête de mainlevée en matière de prestations périodiques doivent renseigner exactement le débiteur sur chaque détail de la créance déduite en poursuite et sur les imputations à faire valoir. Cette exigence n'a pas pour seule raison d'être de permettre au débiteur de préparer sa défense, mais elle est encore destinée à donner au juge de la mainlevée les moyens de trancher une contestation éventuelle portant sur la libération du débiteur. Il appartient au juge d'examiner d'office cette question (SJ 1988 p. 506).

Néanmoins, il ne s'agit pas d'une règle absolue dans la mesure où il suffit que le débiteur sache à quoi s'en tenir sans que le commandement de payer et la requête de mainlevée le renseignent de façon spécifique sur le détail de chaque créance s'il dispose d'éléments clairs et cohérents quant à la teneur de la créance en poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5P.149/2005 du 21 décembre 2005 consid. 2.3).

3.4 Dans le cadre d'une requête de mainlevée définitive fondée sur un jugement exécutoire, il incombe au poursuivi de prouver par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu, postérieurement au jugement, un sursis ou encore de se prévaloir de la prescription. Le titre de mainlevée au sens de l'art. 81 al. 1 LP créant la présomption que la dette existe, cette présomption ne peut être renversée que par la preuve stricte du contraire (ATF 124 III 501 consid. 3a).

Le débiteur doit donc établir par titre à la fois la cause de l'extinction partielle et le montant exact à concurrence duquel la dette est éteinte. Au regard de la loi et de la jurisprudence, il n'incombe ni au juge de la mainlevée ni au créancier de déterminer cette somme (ATF 124 III 501 consid. 3b).

3.5 En l’occurrence, la recourante a requis une poursuite à l'encontre de l'intimé pour un montant total de 42'858 fr. Il découle du libellé du commandement de payer que cette somme était réclamée au titre de pensions alimentaires dues pour ses deux enfants du 31 mars 2010 jusqu'au 17 juillet 2012.

A l'appui de sa requête de mainlevée, la recourante a produit l'arrêt de la Cour de justice, définitif et exécutoire, duquel il ressort que l'intimé avait été condamné à verser sur mesures protectrices de l'union conjugale à la recourante, au titre de contribution à l'entretien de la famille, 1'400 fr. par mois.

La Cour considère dès lors que l'intimé savait ou pouvait déterminer quelles mensualités de contributions d'entretien lui étaient réclamées et était ainsi en mesure d'apporter la preuve libératoire de tous éventuels paiements effectués pour la période concernée.

Or, l'intimé, qui n'a pas prétendu ne pas savoir à quoi correspondait la créance poursuivie, ne conteste pas avoir omis de s'acquitter de l'intégralité des contributions dues durant ladite période. Il ne se prononce pas sur les mensualités réclamées par la recourante et ne produit aucun titre prouvant le versement de ces montants. Il s'est limité à alléguer que le SCARPA avait ignoré que le couple avait repris la vie commune de mars à octobre 2004, que dans la mesure où la garde des enfants était partagée dans les faits, le jugement devrait être revu. Il aurait saisi le Tribunal le 15 mars 2013 d'une demande en modification du jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale.

Cela étant, comme l'a calculé le Tribunal, c'est un montant total de 38'567 fr. qui est dû au titre d'arriérés de contributions d'entretien pour la période concernée, au lieu des 42'858 fr. déduits en poursuite, ce que la recourante admet, tout en réduisant la période pour laquelle la contribution est réclamée de sorte que le montant dû est de 38'360 fr. Ce montant correspond effectivement à la contribution de 1'400 fr. due du 1er avril 2010 au 12 juillet 2012.

La mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer ne doit dès lors être accordée qu'à concurrence de 38'360 fr.

4. Le premier juge a, en outre, considéré que la recourante avait selon toute vraisemblablement perdu la légitimation active pour la créance objet de la poursuite dans la mesure où celle-ci aurait vraisemblablement été cédée au SCARPA.

La légitimation des parties au procès est examinée d'office.

En l'occurrence, rien ne permet de retenir l'existence d'une éventuelle cession de créance ni en particulier pour la période litigieuse; aucune pièce produite en première instance n'en atteste. L'intimé s'est exprimé sur la période de mars à octobre 2004 mais n'allègue ni n'établit une cession de créance en faveur du SCARPA pour la période litigieuse.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris consacre une violation de l'art. 80 LP.

Le recours sera dès lors admis et la mainlevée définitive de l'opposition formée par l'intimé au commandement de payer, poursuite n° 1______, sera prononcée à concurrence de 38'360 fr.

5. Lorsque l'instance de recours statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

La recourante obtient l'essentiel de ses conclusions, dont la quotité avait toutefois été exagérée en raison de son calcul erroné. Il se justifie dès lors de mettre les frais des deux instances à la charge de l'intimé, à raison des trois quarts de ceux-ci (art. 106 al. 1 et 2 CPC), fixés respectivement à 400 fr. pour la première et à 600 fr. pour la seconde (art. 106 al. 1 CPC; art. 26 du règlement fixant le tarif des greffes en matière civile du 22 décembre 2010 [RTFMC]; art. 61 OELP). Ces frais sont couverts par les avances opérées par la recourante, lesquelles restent acquises à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimé sera en conséquence condamné à rembourser 750 fr. à la recourante.

Pour le surplus, les parties garderont à leur charge leurs propres dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/8206/2013 rendu le 13 juin 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/79/2013-4 SML.

Déclare irrecevables les pièces nouvelles produites par A______ et les allégués de faits s'y rapportant.

Au fond :

Admet le recours.

Annule le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______ à concurrence de 38'360 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance à 400 fr. et ceux de recours à 600 fr.

Dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies par A______ qui restent acquises à l'Etat.

Met ces frais à la charge des parties à raison de 3/4 pour B______, soit 750 fr. et de 1/4 pour A______, soit 250 fr.

Condamne en conséquence B______ à rembourser 750 fr. à A______.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Véronique BULUNDWE, greffière.

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

La greffière :

Véronique BULUNDWE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.