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Décisions | Chambre civile

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C/4478/2021

ACJC/1449/2022 du 08.11.2022 sur JTPI/4824/2022 ( OO )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4478/2021 ACJC/1449/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 8 NOVEMBRE 2022

 

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance le 20 avril 2020 et requérant sur mesures provisionnelles, comparant par Me Damien BLANC, avocat, place de l'Octroi 15, case postale 1007, 1227 Carouge, en l'Etude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, Genève, intimée et citée sur mesures provisionnelles, comparant par Me Marie BERGER, avocate, BRS BERGER RECORDON & DE SAUGY, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile.


Attendu, EN FAIT, que A______, né le ______ 1965, et B______, née le ______ 1979, se sont mariés le ______ 2006 à C______ (France);

Qu'ils sont les parents de D______, né le ______ 2009, et de E______, née le ______ 2014;

Que, par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 23 juin 2020, le Tribunal de première instance, saisi par l'épouse, a attribué aux deux parents, à compter du 24 août 2020, la garde alternée de leurs enfants, s'exerçant une semaine sur deux, sauf du mardi soir au mercredi matin réservé à l'autre parent, et durant la moitié des vacances scolaires, fixé le domicile légal des enfants auprès de la mère, condamné le père à verser en mains de la mère une contribution mensuelle de 1'000 fr. à l'entretien de l'aîné et de 900 fr. à celui de la cadette, allocations familiales en sus, et condamné l'époux à verser jusqu'à fin août 2020 une contribution mensuelle de 2'100 fr. à l'entretien de l'épouse;

Que le 9 mars 2021, A______ a déposé devant le Tribunal une demande unilatérale de divorce;

Que les époux ont convenu qu'ils continueraient d'exercer la garde de leurs enfants de manière alternée comme prévu sur mesures protectrices;

Que, par jugement JTPI/4824/2022 du 20 avril 2022, reçu le lendemain par A______, le Tribunal a prononcé le divorce de celui-ci et de B______ (chiffre 1 du dispositif), statué sur le partage des prestations de prévoyance professionnelle des époux (ch. 2) et donné acte à ceux-ci de ce qu'ils ne formulaient l'un contre l'autre aucune prétention au titre de l'entretien après le divorce ou de la liquidation des rapports patrimoniaux (ch. 3);

Que le Tribunal a dit que la garde alternée convenue s'exercerait, sauf accord contraire des parents, selon les modalités suivantes : le père aurait les enfants une semaine sur deux du lundi dès la sortie de l'école au lundi suivant le retour à l'école, à l'exception du mardi dès la sortie de l'école au mercredi 18h qui serait attribué à leur mère; la mère aurait les enfants une semaine sur deux du lundi dès la sortie de l'école au lundi suivant le retour à l'école, à l'exception du mardi dès la sortie de l'école au mercredi 18h qui serait attribué à leur père; les années paires, le père aurait les enfants la totalité des vacances de février, la deuxième moitié des vacances de Pâques, la deuxième moitié des vacances d'été (août) et la première moitié des vacances de Noël, et la mère pour le solde de leurs vacances; les années impaires, le père aurait les enfants la première moitié des vacances de Pâques, la première partie des vacances d'été (juillet), la totalité des vacances d'octobre et la deuxième semaine des vacances de Noël, et la mère pour le solde de leurs vacances (ch. 4);

Que le Tribunal a en outre fixé le domicile légal des mineurs auprès de B______ (ch. 5), ordonné le partage par moitié, entre A______ et B______, de la bonification AVS pour tâches éducatives, au sens des art. 29sexies LAVS et 52fbis RAVS (ch. 6) et condamné A______ à verser en mains de B______, par mois et d'avance, allocations familiales en sus, une contribution de 700 fr. à l'entretien de D______ jusqu'au 31 mars 2024, puis de 675 fr. jusqu'à sa majorité ou au-delà si ses besoins de formation l'exigent, mais jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans au plus, et une contribution de 600 fr. à l'entretien de E______ jusqu'au 31 mars 2024, puis de 675 fr. jusqu'à sa majorité ou au-delà si ses besoins de formation l'exigent, mais jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans au plus (ch. 7);

Que le premier juge a également dit que les frais et besoins extraordinaires imprévus des mineurs (dentiste, lunettes, etc.) seraient pris en charge par A______ et B______ à raison de la moitié chacun (ch. 8);

Qu'il a enfin statué sur les frais (ch. 9 et 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11);

Que, par acte expédié le 23 mai 2022 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre le jugement précité;

Qu'il a conclu, principalement, avec suite de frais, à l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif dudit jugement, à l'attribution à lui-même de la garde des deux enfants, avec un droit de visite en faveur de la mère, à exercer un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, à la fixation du domicile légal des enfants auprès du sien, à l'attribution à lui-même de l'entier du bonus éducatif, à la constatation que les allocations familiales lui seraient entièrement versées et à la condamnation de la mère à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales en sus, une contribution à l'entretien de D______ de 1'079 fr. jusqu'à l'âge de 16 ans et 1'300 fr. de 16 à 18 ans, ainsi qu'une contribution à l'entretien de E______ de 1'012 fr. jusqu'à l'âge de 16 ans et 1'300 fr. de 16 à 18 ans;

Que, subsidiairement, A______ a conclu, avec suite de frais, à l'annulation du chiffre 7 du dispositif du jugement attaqué et à ce que la Cour constate et dise qu'il n'avait pas à verser, en mains de la mère, de contribution alimentaire pour les enfants, que les parents prendraient à leur charge les enfants lorsqu'ils en ont la garde et que les allocations familiales seraient versées à parts égales entre les parents;

Que A______ a allégué que B______ avait décidé de déménager dans le courant de l'été 2022 dans le canton de Neuchâtel, où elle développait une activité de podologue; que, vu la distance géographique, il n'était plus possible d'exercer une garde partagée, même si les deux parents méritaient d'obtenir la garde; que le choix devait donc se baser sur des critères objectifs;

Que A______ a ajouté que, si la mère restait domiciliée à Genève, la garde alternée pouvait être maintenue; que, cependant, B______ était en mesure de prendre à sa charge la moitié des coûts des enfants, de sorte qu'aucune pension alimentaire ne devait être versée par l'une ou l'autre des parties; qu'en effet, à son avis, B______ pouvait réaliser, à Genève et en travaillant comme lui à 90%, un revenu mensuel brut de 8'570 fr. dans le domaine bancaire et de 6'970 fr. comme podologue;

Que, dans sa réponse du 7 juillet 2022, B______ a conclu au rejet des conclusions d'appel de A______, avec suite de frais, et a formé un appel joint, qu'elle a retiré par la suite, ayant finalement abandonné son projet de s'installer à Neuchâtel;

Que, dans une écriture du 12 septembre 2022, A______ a conclu, sur mesures provisionnelles, avec suite de frais, à l'attribution à lui-même de la garde des enfants, avec un droit de visite en faveur de la mère à exercer un week-end sur deux et durant la moitié des vacances scolaires, à la fixation du domicile légal des enfants auprès du sien, à l'attribution à lui-même de l'entier du bonus éducatif, à ce qu'il soit dit que les allocations familiales lui seraient entièrement versées, ainsi qu'à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, jusqu'à l'âge de 16 ans, une contribution de 1'079 fr. à l'entretien de D______ et de 1'012 fr. à l'entretien de E______;

Qu'il a allégué que le 7 septembre 2022 D______ avait "informé sa mère de sa décision, prise seul, de rester dorénavant avec son père" et souhaiter que sa garde soit entièrement confiée à celui-ci; que, le même jour, D______ était "retourné vivre chez son père"; que E______, "bien que très hésitante, a[vait] dû rester avec l'intimée";

Que B______ a conclu au rejet des conclusions sur mesures provisionnelles de A______;

Qu'elle a contesté les allégations de son ex-époux et a soutenu que celui-ci ne protégeait pas les enfants du conflit parental; qu'en particulier, D______ adressait "à sa mère depuis quelques semaines les reproches formulés par l'appelant"; que l'enfant subissait d'ores et déjà "les effets néfastes du conflit de loyauté" auquel il était exposé par son père; que la garde alternée exercée depuis 2018 devait être maintenue pour "préserver l'équilibre des enfants"; qu'elle souhaitait initier avec le père "une guidance parentale";

Que les parties ont été informées le 22 septembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles;

Que la Cour a tenu le 3 novembre 2022 une audience, lors de laquelle elle a procédé à l'interrogatoire des parties;

Qu'il est établi que D______ ne voit plus sa mère depuis le 7 septembre 2022;

Que, lors de l'audience précitée, le père a conclu, sur mesures provisionnelles, au maintien de la garde alternée sur la mineure E______;

Que les parents ont conclu de manière concordante à ce que la Cour ordonne "la mise en place immédiate d'une reprise de lien thérapeutique entre leur fils D______ et sa mère, avec participation du père, par le premier thérapeute compétent disponible", par exemple auprès de F______, G______ ou H______, et ordonne une curatelle
ad hoc pour ce faire;

Que les parents ont admis qu'il était important d'entendre leur fils D______ avant de prendre sur mesures provisionnelles une décision le concernant;

Qu'à l'issue de l'audience, la Cour a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles;

Considérant, EN DROIT, que parmi les mesures de protection de l'enfant prévues de manière générale à l'art. 307 al. 1 CC, le juge peut notamment, en application de l'art. 307 al. 3 CC, donner des instructions aux père et mère ou à l'enfant et, en particulier, ordonner la mise en place d'une thérapie (cf. aussi art. 273 al. 2 CC; ATF 142 III 197 consid. 3.7; arrêts du Tribunal fédéral 5A_415/2020 du 18 mars 2021 consid. 6.1; 5A_887/2017 du 16 février 2018 consid. 5.1 et les références; 5A_615/2011 du 5 décembre 2011 consid. 4);

Que, selon l'art. 308 CC, lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité de protection de l'enfant - respectivement le juge (art. 315a al. 1 CC) - nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l'enfant (al. 1); que le curateur peut se voir conférer certains pouvoirs tels que la surveillance des relations personnelles (al. 2); que l'institution d'une curatelle au sens de l'art. 308 CC suppose d'abord, comme toute mesure de protection de l'enfant (cf. art. 307 al. 1 CC), que le développement de celui-ci soit menacé; qu'il faut ensuite, conformément au principe de subsidiarité, que ce danger ne puisse être prévenu par les père et mère eux-mêmes, ni par les mesures plus limitées de l'art. 307 CC; qu'enfin, selon le principe de l'adéquation, l'intervention active d'un conseiller doit apparaître appropriée pour atteindre ce but (ATF 140 III 241 consid. 2.1 et les arrêts cités); que le principe de la proportionnalité est la pierre angulaire du système de protection civile de l'enfant, la mesure ordonnée devant notamment être apte à atteindre le but de protection visé et nécessaire à cette fin (principe de la proportionnalité au sens étroit; arrêts du Tribunal fédéral 5A_415/2020 du 18 mars 2021 consid. 6.1; 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 9.1 et les références);

Qu'en l'espèce, la mesure de protection que les parents envisagent conjointement apparaît apte à permettre la reprise de la relation mère/fils et proportionnée;

Qu'il y a donc lieu, sur mesures provisionnelles, de donner acte aux parents de leur engagement à mettre en place immédiatement ladite mesure, d'instaurer une curatelle
ad hoc et de transmettre la présente décision au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, afin qu'il nomme le curateur, qui sera chargé d'organiser la mise en place et de surveiller la reprise du lien mère/fils par l'entremise d'un thérapeute spécialisé;

Que compte tenu de la présence d'enfants mineurs, les maximes d'office et inquisitoire illimitée sont applicables (art. 296 CPC), le juge n'étant pas lié par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC);

Que l'instance d'appel peut administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC);

Qu'en vertu de l'art. 298 al. 1 CPC, les enfants sont entendus personnellement et de manière appropriée par le tribunal ou un tiers nommé à cet effet, pour autant que leur âge ou d'autres justes motifs ne s'y opposent pas;

Que l'enfant doit, en principe, être entendu à partir de six ans révolus (ATF 133 III 553 consid. 3; 131 III 553 consid. 1.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_983/2019 du 13 novembre 2020 consid. 5.1; 5A_454/2019 du 16 avril 2020; consid. 3.2; 5A_554/2014 du 21 octobre 2014 consid. 5.1.2);

Que le juge a l'obligation d'entendre l'enfant dans l'ensemble des procédures matrimoniales qui le concernent, à moins que de justes motifs ne s'y opposent, une requête des parents à cet égard n'étant pas nécessaire (Helle, in Droit matrimonial, commentaire pratique, 2016, n. 10 ad art. 298 CPC);

Qu'en cas de circonstances particulières, notamment en raison de l'âge de l'enfant, de conflit familial aigu ou de divergences profondes entre les parents, l'audition peut être effectuée par un spécialiste de l'enfance, par exemple un pédopsychiatre ou le collaborateur d'un service de protection de la jeunesse (ATF 133 III 553 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_971/2015 du 30 juin 2016 consid. 5.2; 5A_50/2010 du 6 juillet 2010, consid. 2.1);

Qu'en l'espèce, les enfants sont âgés respectivement de 13 et 8 ans;

Qu'aucun motif sérieux ne s'oppose à leur audition;

Qu'il convient de confier cette audition à un collaborateur spécialisé du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP), compte tenu de leur âge et du contexte familial dans lequel ils évoluent;

Que ce contexte particulier rend nécessaire l'établissement d'un rapport d'évaluation sociale complet par ce Service;

Que le SEASP sera chargé d'évaluer la situation des mineurs D______ et E______ sur le plan familial, scolaire et psychologique, après avoir entendu ceux-ci, leurs parents, ainsi que tout tiers utile;

Qu'il sera invité à communiquer ses recommandations en matière de garde et/ou de relations personnelles;

Qu'un délai au 16 décembre 2022 lui sera imparti pour remettre son rapport à la Cour;

Que la suite de la procédure est réservée;

Que la fixation des frais sera renvoyée à la décision finale (art. 104 al. 1 CPC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures provisionnelles :

Donne acte aux parties de ce qu'elles s'engagent à mettre en place immédiatement une reprise thérapeutique du lien entre le mineur D______, né le ______ 2009, et sa mère B______, avec la participation du père A______, par l'entremise d'un thérapeute spécialisé dans un centre tel que F______, G______ ou H______.

Instaure une curatelle ad hoc afin d'organiser ladite mise en place et de surveiller la reprise du lien mère/fils.

Transmet la présente décision au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, afin qu'il nomme le curateur et l'instruise de sa mission.

Statuant préparatoirement :

Invite le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) à auditionner les mineurs D______, né le ______ 2009, et E______, née le ______ 2014, à évaluer leur situation sur le plan familial, scolaire et psychologique et à remettre son rapport à la Cour de justice d'ici au 16 décembre 2022.

Réserve la suite de la procédure.

Sur les frais :

Dit qu'il sera statué sur les frais de la présente décision dans l'arrêt final.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.