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Décisions | Chambre civile

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C/1740/2018

ACJC/1184/2021 du 14.09.2021 sur JTPI/15542/2020 ( OO ) , RENVOYE

Recours TF déposé le 07.01.2022, rendu le 18.01.2022, IRRECEVABLE, 4A_550/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1740/2018 ACJC/1184/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 14 SEPTEMBRE 2021

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 décembre 2020, comparant par Me Nicolas GENOUD, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, Case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, GRANDE-BRETAGNE, intimé, comparant par Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners Sàrl, rue du Général-Dufour 20,
1211 Genève 11, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/15542/2020 rendu le 14 décembre 2020, reçu par A______ le 16 décembre suivant, le Tribunal de première instance a condamné celui-ci à verser à B______ 2'266'675.75 EUR avec intérêts à 5% dès le 29 juin 2017 (ch. 1 du dispositif) et 1'680'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 7 décembre 2016 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 65'200 fr., compensés avec l'avance fournie par B______ et mis à la charge de A______, condamné celui-ci à verser à B______ 65'200 fr. à titre de frais judiciaires et 68'000 fr. à titre de dépens (ch. 3 et 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de Justice le 1er février 2021, A______ a appelé de ce jugement, sollicitant son annulation.

Cela fait, il a conclu à ce qu'il soit constaté que le Tribunal doit instruire la preuve de tous les faits qu'il a invoqués pour contester l'existence des créances invoquées par B______, se prononcer sur l'objection de compensation qu'il a soulevée et instruire les faits qu'il a allégués, propres à constater l'existence des créances qu'il a invoquées en compensation, leur quotité et les conditions. Sur quoi, il a conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal afin qu'il reprenne la procédure et procède à l'instruction de l'entier des faits de la cause, y compris les faits invoqués par A______ pour contester l'existence des créances invoquées par B______ à l'appui de sa demande, pour fonder la compensation de ses propres créances basées sur les accords passés avec B______ avec les éventuelles créances de B______.

b. Dans sa réponse du 8 mars 2021, B______ a conclu au rejet de l'appel.

Il a allégué des faits nouveaux et déposé des pièces non soumises au Tribunal.

c. Dans leur réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

À l'appui de sa duplique du 3 mai 2021, B______ a allégué des faits nouveaux et déposé des pièces non soumises au Tribunal.

d. Par courrier du 5 mai 2021, la Cour a transmis la duplique de B______ à A______ et l'a informé de ce que la clause était gardée à juger.

e. Par observations du 12 mai 2021, A______ s'est déterminé sur la duplique de B______.

f. B______ s'est déterminé sur ces observations le 27 mai 2021.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. C______ SA en liquidation, dont la raison sociale était C______ SA jusqu'au 31 mars 2010, puis E______ SA jusqu'au 14 mai 2010 (ci-après E______ SA) avait pour but la fourniture de services et conseils financiers.

b. A______ et B______ étaient actionnaires de E______ SA. Ils ont conclu le 7 novembre 2007 une convention d'actionnaires comportant notamment une clause relative à l'engagement de chaque associé de prendre à sa charge une part proportionnelle au financement nécessaire à la société.

La convention comportait une clause compromissoire dont la teneur était la suivante :

"La présente convention est soumise au droit suisse.

Tout litige survenant au sujet du présent contrat ou en rapport avec lui sera tranché définitivement par un arbitre unique selon le règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Genève. L'arbitre aura compétence pour ordonner des mesures provisionnelles ainsi qu'en cas d'urgence, toutes mesures permettant d'assurer le respect de la présente convention. En cas de blocage de décisions sociales l'arbitre pourra par voie provisionnelle prendre toutes mesures permettant d'assurer la continuation des affaires, telles que nomination d'un administrateur spécial chargé de mener les affaires courantes."

c. Dans le courant du mois de juin 2016, A______ a demandé à B______ d'émettre une garantie bancaire en sa faveur destinée à couvrir ses engagements vis-à-vis de F______.

B______ a accepté.

d. Le 30 juin 2016, [la banque] G______, auprès de laquelle B______ avait un compte, a émis une garantie indépendante à première demande en faveur de [la banque] F______ pour un montant maximum de 2'500'000 EUR couvrant les engagements de A______ vis-à-vis de F______.

G______ disposait d'une créance récursoire contre B______ qui était garantie par les avoirs en compte de ce dernier dans l'hypothèse d'un appel de garantie par F______.

e. Le 7 décembre 2016, B______ et A______ ont conclu un contrat de prêt aux termes duquel B______ accordait à A______ un crédit d'un montant de 2'750'000 fr., montant qui a été versé à celui-ci le même jour. Le prêt devait être remboursé le 31 janvier 2017.

f. Selon un avenant du 6 février 2017, A______ devait rembourser une première tranche de 1'070'000 fr. le 15 février 2017 et une seconde tranche de 1'680'000 fr. le 15 juillet 2017. L'intéressé a acquitté la première tranche le 13 février 2017, mais n'a jamais versé la seconde tranche.

g. Le 22 juin 2017, F______ a fait appel à la garantie émise par G______ à concurrence de 2'266'675.75 EUR, A______ n'ayant pas honoré ses obligations envers la banque.

h. Le 27 juin 2017, A______ a informé B______ que la garantie bancaire avait été appelée par F______ et lui a assuré que le montant de la garantie lui serait remboursé au 7 juillet 2017.

i. Le 28 juin 2017 G______ a débité le compte de B______ de 2'266'675.75 EUR.

j. Par courriers du 24 novembre 2017 et du 13 décembre 2017, le conseil de B______ a mis en demeure A______ de s'acquitter du remboursement de la garantie appelée, à savoir 2'266'675.75 EUR et du remboursement de la deuxième tranche du prêt de 1'680'000 fr., avec suite d'intérêts.

k. Par courrier du 11 janvier 2018, A______ a contesté les prétentions de B______ et s'est prévalu de leur compensation avec des dettes de celui-ci envers A______ au titre de sa participation aux charges de E______ SA.

l. Par demande du 15 janvier 2018, déclarée non conciliée le 11 juin 2018 et introduite devant le Tribunal le 1er octobre 2018, B______ a conclu à ce que A______ soit condamné à lui payer 2'266'675.75 EUR avec intérêts à 5% dès le 29 juin 2017 et 1'680'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 7 décembre 2016.

Il a notamment allégué que les parties avaient convenu que, dans l'éventualité où la garantie bancaire serait appelée, A______ rembourserait immédiatement les frais occasionnés à B______. Il a offert, à titre de preuve, l'interrogatoire des parties.

Il a également allégué que le 27 juin 2017, A______ avait assuré à B______ que le montant de la garantie lui serait remboursé le 7 juillet 2017 ("La somme te sera remboursée en date d'opération du 7 juillet sur ton compte G______ Londres").

m. Par mémoire de réponse et demande reconventionnelle du 15 février 2019, A______ a conclu sur le fond à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions et condamné à lui payer 1'603'936 fr. 69 avec intérêts à 5% depuis le 1er mars 2019 au titre d'une participation aux charges de E______ SA.

A______ a admis la mise en place et l'exécution de la garantie bancaire; il a contesté l'allégué de la demande selon lequel les parties avaient convenu d'un remboursement dans l'hypothèse où la garantie était appelée. En revanche, il a admis la teneur de son courriel du 27 juin 2017. Il a de son côté allégué que la garantie avait été mise en place par B______ "à raison de ses propres engagements envers [A______]".

Il a également admis la conclusion du contrat de prêt du 7 décembre 2017 et de l'avenant du 6 février 2017, ainsi que le remboursement intervenu le 13 février 2017. Il a allégué que les parties avaient convenu de renoncer au remboursement du prêt "dans la mesure où [B______] était débiteur de [A______]" et que les documents contractuels avaient été établis à des fins de documentation pour la banque de B______.

Enfin, A______ a allégué que les avances de B______ avaient été compensées par ses dettes envers lui.

n. Par mémoire du 18 avril 2019, B______ a excipé de l'incompétence du Tribunal pour statuer sur la demande reconventionnelle, celle-ci étant soumise à la compétence d'un Tribunal arbitral en vertu de la clause contenue dans la convention d'actionnaires du 7 novembre 2007. Il a en outre demandé que la procédure soit limitée à cette question.

o. Dans ses observations du 3 juin 2019 A______ a indiqué que même si le Tribunal devait arriver à la conclusion que la demande reconventionnelle devrait être soumise à l'arbitrage, la procédure allait devoir porter sur l'existence et le montant de la dette de B______ envers A______ en tout cas à hauteur du montant invoqué de sa propre créance.

p. Par ordonnance du 18 juin 2019, le Tribunal a limité la procédure à la question de sa compétence pour statuer sur la demande reconventionnelle.

q. Dans sa réponse limitée à la question de l'exception d'arbitrage du 20 août 2019, B______ a notamment conclu à ce que A______ soit débouté de toutes ses conclusions prises dans sa demande reconventionnelle du 15 février 2019.

r. Dans sa réponse limitée à la question de l'arbitrabilité des prétentions reconventionnelles du 14 octobre 2019, A______ a admis que "les prétentions reconventionnelles et la compétence pour en juger soient soumises à un tribunal arbitral nommé selon la convention d'actionnaires."

s. À l'audience de débats d'instruction du 13 décembre 2019, B______ a indiqué que le retrait de la demande reconventionnelle du fait de la clause arbitrale emportait pour lui le retrait de tous les allégués concernant la compensation figurant dans la réponse du 15 février 2019, de sorte que le litige portait uniquement sur les créances qu'il faisait lui-même valoir. A______ a indiqué qu'il faisait valoir des montants en compensation des créances réclamées par B______ et que ce n'était que pour les montants excédant la compensation qu'il lui appartenait de saisir un tribunal arbitral. Sur ce, B______ a requis du Tribunal un nouvel échange d'écritures pour se déterminer sur les allégués de la réponse du 15 février 2019 dans l'hypothèse où le Tribunal examinerait la compensation.

À l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné un second échange d'écritures.

t. Dans sa réplique, B______ a persisté dans ses conclusions.

u. Dans sa duplique, A______ a conclu à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions.

Concernant le prêt du 7 décembre 2016, il a allégué qu'il "n'était pas de l'intention des parties de rembourser au-delà de ce que [B______] devait [à A______]".

A______ a précisé accepter que le solde de ses créances contre B______ non couvert par la compensation soit soumis à arbitrage.

v. À l'audience de débats d'instruction du 28 août 2020, la question de la compétence du Tribunal pour statuer sur l'existence d'une créance qui est du ressort d'un tribunal arbitral, invoquée en compensation à hauteur du montant de la demande principale, a été évoquée. Se posait notamment la question du pouvoir d'examen du Tribunal sur la créance compensatrice (son caractère liquide ou non et la pertinence de ce critère) et celle de savoir si, cas échéant, elle devrait l'objet d'une taxation.

À l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti aux parties un délai pour se déterminer sur ces questions et a indiqué garder la cause à juger sur ces points, une fois le délai écoulé.

w. Dans ses déterminations du 30 septembre 2020, B______ a rappelé que lors de l'audience du 28 août 2020, le Tribunal avait imparti un délai aux parties pour se déterminer sur deux questions : d'une part sur la compétence du Tribunal pour statuer sur l'existence d'une créance invoquée en compensation; d'autre part, sur la question de l'éventuelle taxation de la contre-créance de A______. Pour B______, le Tribunal était incompétent pour statuer sur la créance invoquée en compensation.

Par écriture du même jour, A______, qui a limité ses déterminations aux questions soulevées à l'audience du 28 août 2020, a conclu à ce que le tribunal statue sur l'objection de compensation soulevée, l'invocation de la compensation n'entraînant pas d'émoluments dont l'avance de frais pourrait être demandée.

Les parties ne se sont pas prononcées sur le bien-fondé des créances invoquées par B______.

D. Dans son jugement, le Tribunal a considéré qu'il ne pouvait connaître ni du principe, ni de la quotité de la créance excipée en compensation en raison de la clause d'arbitrage, de sorte que l'exception de compensation était irrecevable.

À propos des prétentions principales, il a retenu que A______ avait admis être débiteur de B______ à hauteur de 2'266'675.75 EUR au titre du remboursement de la garantie bancaire appelée par F______ en date du 22 juin 2017 et à hauteur de 1'680'000 fr. au titre du remboursement de la deuxième tranche du prêt que B______ lui avait accordé par contrat du 7 décembre 2016, complété par un avenant du 7 février 2017.

Dès lors que les prétentions invoquées par B______ avaient été établies par pièces et entièrement admises par A______, le Tribunal a considéré que la cause était en état d'être jugée sans qu'il ne soit nécessaire d'administrer de preuves supplémentaires. Il a donc alloué à B______ l'entier de ses conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel, interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 ainsi que 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.3 Les parties ont déposé des observations spontanées après que la cause a été gardée à juger le 5 mai 2021, à la suite de la transmission de la duplique à l'appelant.

1.3.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend également le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au Tribunal, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 I 189 consid. 3.2; 138 I 484 consid. 2.1; 137 I 195 consid. 2.3.1).

Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 138 I 484 consid. 2.4). A cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à vingt jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé au droit de répliquer. En d'autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d'une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision (parmi plusieurs, arrêts du Tribunal fédéral 5A_17 2020 du 20 mai 2020, consid. 3.2.2; 1B_214/2019 du 25 juin 2019 consid. 2.1 et les références).

1.3.2 En l'espèce, la duplique a été remise à l'appelant le 6 mai 2021; ses observations ont été déposées moins de dix jours après, le 12 mai 2021, et transmises à l'intimé le 21 mai 2021. Celui-ci a répliqué à son tour moins de dix jours plus tard, le 27 mai 2021. Les écritures, déposées en temps utile, sont recevables.

1.4 L'intimé produit des pièces nouvelles et allègue des faits nouveaux.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

S'agissant des pseudo-nova, soit des faits qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait n'a pas pu être introduit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 42 consid. 4.1). Il en va de même pour la production de moyens de preuve nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_339/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1).

1.4.2 En l'espèce, les pièces déposées par l'intimé dans sa réponse à l'appel se rapportent au complexe de faits entourant la prétention invoquée en compensation par l'appelant.

Les pièces 68 à 72, 74 et 76 à 78 sont postérieures au 30 septembre 2020, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger sur la question de la recevabilité de l'objection de compensation. Elles sont par conséquent recevables.

La pièce 73, un bilan de E______ SA au 31 décembre 2018, est antérieure au 30 septembre 2020. L'intimé n'expose pas de raison qui l'aurait empêché de la produire en première instance. Elle est par conséquent irrecevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant.

La pièce 75, un extrait du grand livre de E______ SA de l'exercice 2019, est antérieure au 30 septembre 2020. L'intimé n'aurait toutefois pas été en mesure de la produire plus tôt, car elle n'a été déposée à l'office des faillites que le 30 novembre 2020 et l'intimé, qui n'occupait pas de fonction d'organe au sein de cette société, n'aurait pas pu se la procurer directement. Elle est par conséquent recevable.

Les faits que l'intimé allègue en lien avec ces pièces sont pour certains antérieurs à la date à laquelle la cause a été gardée à juger (sur les questions soulevées). Ils sont quoi qu'il en soit sans pertinence pour le traitement de l'appel, de sorte que la question de leur recevabilité peut rester indécise.

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'objection de compensation qu'il avait soulevée était irrecevable au motif que la créance compensante qu'il a invoquée était soumise à une clause compromissoire.

Dans un premier temps, l'appelant soutient que l'intimé a procédé au fond sur les prétentions que celui-là avait invoquées en compensation, acceptant ainsi tacitement la compétence du Tribunal pour en connaître.

2.1 Aux termes de l'art. 61 CPC, lorsque les parties ont conclu une convention d'arbitrage portant sur un litige arbitrable, le tribunal saisi décline sa compétence, à moins, notamment, que le défendeur ait procédé au fond sans émettre de réserve (let. a). Cette disposition doit s'appliquer mutatis mutandis aux prétentions invoquées à titre reconventionnel, lorsque le demandeur principal procède sans émettre de réserve à leur égard.

2.2 En l'espèce, dans sa réponse limitée à la question de l'exception d'arbitrage, l'intimé a contesté la compétence du Tribunal pour connaître des prétentions que l'appelant a élevé à titre reconventionnel dans sa réponse. Dans sa propre écriture limitée à la question de l'exception d'arbitrage, l'appelant a accepté et admis que les prétentions reconventionnelles et la compétence pour en juger soient soumises à un tribunal arbitral.

À l'audience de débats d'instruction du 13 décembre 2019, l'intimé a soutenu que le retrait de la demande reconventionnelle de l'appelant emportait le retrait de tous les allégués concernant la compensation, de sorte que l'objet du litige était désormais limité aux créances invoquées dans la demande, ce que l'appelant a contesté. Dans l'hypothèse toutefois où le Tribunal examinerait la question de la compensation, l'intimé a demandé à pouvoir se déterminer sur les allégués de l'appelant relatifs à la créance excipée en compensation. On ne saurait déduire de ce comportement que l'intimé a renoncé à se prévaloir de l'exception d'arbitrage. Dès lors, le Tribunal ne pouvait pas admettre sa compétence sur la base de l'art. 61 let. a CPC.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait que le Tribunal ait d'abord fixé un délai aux parties pour répliquer et dupliquer puis ait abordé à nouveau la question de sa compétence pour connaître de la créance excipée en compensation lors de l'audience du 28 août 2020 n'a pas d'incidence sur ce constat. En effet, bien que le tribunal doive en principe examiner les conditions de recevabilité aussitôt que possible, avant le traitement de la demande au fond (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4), il ne lui est pas interdit de le faire à un stade plus avancé de la procédure (ATF 140 III 355 consid. 2.4; Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 3 ad art. 60 CPC).

3. L'appelant soutient que le Tribunal était tenu d'examiner les prétentions litigieuses dans la mesure où elles étaient invoquées dans le cadre d'une compensation. Il se prévaut du principe "le juge de l'action est le juge de l'exception" ainsi que de l'art. 377 CPC, qui traite de l'invocation de la compensation devant les tribunaux arbitraux et qui devrait, selon l'appelant, s'appliquer également aux tribunaux étatiques.

3.1 Selon l'art. 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles. Le débiteur peut compenser sa dette avec sa créance même si la créance est contestée (art. 120 al. 2 CO).

3.1.1 La compensation nécessite une déclaration du débiteur (art. 124 al. 1 CO). La déclaration de compensation nécessaire selon l'art. 124 al. 1 CO est un acte unilatéral soumis à réception. Elle n'est assujettie à aucune exigence de forme et elle peut résulter d'actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2018 du 27 septembre 2019 consid. 7.3; 4A_27/2012 du 16 juillet 2012 consid. 5.4.1). La compensation peut être signifiée avant la litispendance (auquel cas il faut l'alléguer et la prouver comme n'importe quelle communication d'une partie à l'autre antérieure au procès) ou opérée par une affirmation en procédure, pour autant qu'elle intervienne à un stade permettant encore d'invoquer des faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2020 du 10 février 2021 consid. 4.2.1; Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 26 ad art. 222 CPC). La compensation peut aussi n'être invoquée qu'à titre éventuel. Il en va ainsi lorsque le compensant conteste la demande et, pour le cas où ses arguments seraient rejetés, fait valoir subsidiairement la compensation déclarée antérieurement ou dans le procès comme moyen supplémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2007 du 10 décembre 2007 consid. 8.3.1).

3.1.2 En procédure, la compensation est un moyen de défense par lequel le débiteur nie l'existence du droit invoqué par le créancier. Partant, il incombe en principe à l'autorité chargée de statuer sur la prétention principale de se prononcer sur l'existence de la créance opposée en compensation, selon l'adage "le juge de l'action est le juge de l'exception (ATF 124 III 207 consid. 3b/bb; 85 II 103 consid. 2b). En effet, dès le moment où le débiteur a déclaré son propre droit en compensation, celui-ci est éteint jusqu'à due concurrence (art. 124 al. 2 CO), et ne peut plus, dans cette mesure, être l'objet d'un procès indépendant (ATF 85 II 103 consid. 2b).

Ce principe ne vaut cependant pas de manière absolue. Ainsi, avant l'entrée en vigueur du code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), la jurisprudence du Tribunal fédéral admettait qu'une juridiction cantonale se déclare incompétente pour se prononcer sur l'objection de compensation et renvoie le défendeur à agir devant un autre tribunal du même canton. Le cas échéant, le tribunal saisi de l'action devait soit différer sa décision jusqu'à ce que le tribunal de l'exception ait statué sur la contre-réclamation, soit suspendre jusqu'à ce moment le caractère exécutoire de son jugement (ATF 85 II 103 consid. 2b; cf. ég. arrêt du Tribunal fédéral 4A_429/2008 du 24 novembre 2008 consid. 1).

Le CPC ne contient pas de disposition relative à l'attitude que doit adopter le tribunal lorsque la partie défenderesse invoque en compensation une prétention qui ne relève pas de sa compétence. En l'absence de réglementation, il n'y a pas lieu de considérer que le principe "le juge de l'action est le juge de l'exception" serait devenu absolu après l'entrée en vigueur du CPC (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_100/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6.3).

3.1.3 Selon une jurisprudence ancienne, les tribunaux civils ne sauraient examiner le bien-fondé d'une créance compensante soumise à une clause compromissoire (ATF 23 I 774 consid. 5). En effet, en invoquant la compensation, le défendeur fait valoir une créance propre et la force de chose jugée du jugement s'étend à cette prétention. Or, en soumettant une prétention à une clause compromissoire, les parties manifestent précisément la volonté de la soustraire à la juridiction étatique (ATF 23 I 774 consid. 5; Aepli, Zürcher Kommentar, 1991, n. 130 ad rem. prél. aux art. 120 à 126 CO), ce qui justifie l'exception au principe selon lequel le juge de l'action est le juge de l'exception (ATF 63 II 133 consid. 3c).

3.1.4 En matière d'arbitrage interne, l'art. 377 al. 1 CPC prévoit que le tribunal arbitral est compétent pour statuer sur l'objection de compensation même si la créance qui la fonde ne tombe pas sous le coup de la convention d'arbitrage ou fait l'objet d'une autre convention d'arbitrage ou d'une prorogation de for. L'hypothèse inverse, à savoir l'invocation, devant le tribunal étatique, d'une créance compensante soumise à une clause compromissoire, n'est pas explicitement réglée dans le CPC.

La loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique).

Les travaux préparatoires seront toutefois pris en considération seulement lorsqu'ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu'ils ont trouvé expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b/aa).

Le texte de l'art. 377 al. 1 CPC paraît clair dans la mesure où il n'évoque que l'hypothèse de l'invocation de la compensation devant les tribunaux arbitraux. Cependant, le message relatif au code de procédure civile indique, à propos de cette disposition, qu'une prétention qui fait l'objet d'une convention d'arbitrage doit pouvoir être compensée devant un tribunal étatique, tout en se référant à la jurisprudence contraire du Tribunal fédéral (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile, FF 2006 7007). La majorité des commentaires du CPC reproduit l'interprétation proposée par le Conseil fédéral (Habegger, in Basler Kommentar, Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n. 4 ad art. 377 CPC; Netzle, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd. 2016, n. 24 ad art. 377 CPC; Brunner, in Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2016, n. 4 ad art. 377 CPC; Stacher, in Berner Kommentar, 2014, n. 17 ad art. 377 CPC; Berger, in Berner Kommentar, 2012, n. 57 ad art. 17; cf. ég. Müller, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, n. 3 ad rem. prél. aux art. 120-126 CO), bien qu'elle n'ait pas été traduite dans le texte de la loi.

Il ressort des travaux préparatoires que l'art. 377 CPC visait à éliminer un objet de critique majeur de l'ancien concordat du 27 mars 1969 sur l'arbitrage (RO 1969 1117), qui statuait l'obligation pour le tribunal arbitral de suspendre la procédure arbitrale jusqu'à décision sur la créance compensante par la juridiction compétente (Message précité, loc. cit; Département fédéral de justice et police, rapport explicatif relatif à l'avant-projet de loi fédérale de procédure civile, p. 163, 176; Classement des réponses à la procédure de consultation relative à l'avant-projet de loi fédérale sur la procédure civile suisse, p. 22). La problématique inverse n'a pas été évoquée dans l'avant-projet et son rapport explicatif, et n'a fait l'objet d'aucune prise de position dans le cadre de la procédure de consultation (cf. Rapport explicatif, loc. cit.; Classement des réponses à la procédure de consultation, loc. cit.). La genèse de l'art. 377 CO révèle ainsi que cette disposition a vocation à régler un point précis jugé problématique pour l'attractivité de l'arbitrage interne, et non à exprimer un principe susceptible d'être généralisé (cf. Zellweger-Gutknecht, Berner Kommentar, 2012, n. 304 ad rem. prél. art. 120-126 CO; contra : Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, n. 27 ad art. 222 CPC).

Plus largement, la volonté du législateur était de dissocier les règles relatives à l'arbitrage du reste de la procédure civile. Le message relatif au CPC indique ainsi qu'on ne saurait en principe tirer aucune conclusion pour la procédure d'arbitrage des règles applicables aux tribunaux étatiques et que la 3e partie du CPC doit être appliquée comme une loi indépendante (Message précité, p. 6999). L'argument systématique, appuyé par les travaux préparatoires, parle également en défaveur d'une interprétation extensive de l'art. 377 CPC.

3.1.5 Pour le surplus, les motifs qui ont guidé la jurisprudence du Tribunal fédéral restent valables aujourd'hui : il n'est pas contesté que la créance invoquée en compensation, sur laquelle le juge de l'action doit se prononcer, est englobée dans l'autorité de la chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2014 du 26 février 2015 consid. 1.3.3; Bohnet, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 124 ad art. 59 CPC et les références citées), ni que la clause compromissoire est une convention aux termes de laquelle les parties s'engagent à soustraire le litige à la juridiction étatique (Girsberger/Voser, International Arbitration, 4e éd. 2021, n. 265; Göksu, Schiedsgerichtbarkeit, 2014, n. 595). L'on ne voit pas en quoi l'invocation de la prétention par voie de compensation plutôt que par une demande reconventionnelle devrait permettre d'échapper à cet engagement (contra : Zimmerli, Die Verrechnung im Zivilprozess und in der Schiedsgerichtsbarkeit, 2003, p. 220 s.). L'exercice de la compensation s'en trouve certes rendu plus difficile (cf. Pittet, Compétence du juge et de l'arbitre en matière de compensation, 2001, n. 98), mais cette difficulté résulte de la volonté des parties.

Il n'y a par conséquent pas lieu de s'écarter de la jurisprudence selon laquelle le tribunal saisi de l'action principale ne peut pas statuer sur une prétention invoquée en compensation par le défendeur si celle-ci est soumise à une clause compromissoire. Le cas échéant, le tribunal doit soit suspendre la procédure jusqu'à ce qu'un tribunal ait statué sur la créance compensante, soit suspendre jusqu'à ce moment le caractère exécutoire de son jugement (consid. 3.1.3 supra; Aepli, op. cit., n. 131 ad rem. prél. aux art. 120 à 126 CO).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la prétention que l'appelant invoque en compensation est soumise à une clause compromissoire en vertu de la convention d'actionnaires du 7 novembre 2007.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, c'est à juste titre que le Tribunal a déclaré irrecevable l'objection de compensation; ni l'adage "le juge de l'action est le juge de l'exception", ni l'art. 377 CPC ne permettent de parvenir à un autre résultat. Cette disposition ne règle en effet pas l'hypothèse dans laquelle le défendeur invoque en compensation, devant un tribunal étatique, une prétention soumise à une clause compromissoire. La problématique étant manifestement connue du législateur au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral citée plus haut (consid. 3.1.4), l'on ne saurait non plus admettre l'existence d'une lacune sur ce point, qu'il faudrait combler en appliquant l'art. 377 CPC par l'analogie. Le grief de l'appelant tiré de la compétente du Tribunal pour statuer sur l'exception de compensation sera par conséquent rejeté.

Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal (consid. 4 infra), il n'y a pas lieu de s'interroger ici sur une éventuelle suspension de la procédure ou une suspension du caractère exécutoire du jugement. Il est quoi qu'il en soit relevé que l'appelant n'a formulé aucune requête en ce sens et n'allègue pas avoir entrepris de démarche en vue de saisir un tribunal arbitral, alors même qu'il a, dans sa réponse limitée à la question de l'exception d'arbitrage, accepté que sa prétention reconventionnelle soit soumise au tribunal arbitral nommé selon la convention d'actionnaires.

4. L'appelant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu et de son droit à la preuve ainsi que des règles sur le déroulement de la procédure de première instance. Il reproche au Tribunal d'avoir statué sur le fond du litige et fait droit aux prétentions du demandeur, sans administrer aucune preuve, et ce alors qu'il avait gardé la cause à juger sur la question de la compétence pour connaître de la créance invoquée en compensation. Ce faisant, le Tribunal l'avait empêché d'apporter la preuve des faits qu'il avait allégués, se rapportant aussi au fondement juridique de la garantie et du prêt fournis par l'intimé.

4.1.1 La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). Par conséquent, dans les litiges dont l'objet est à la libre disposition des parties et qui sont soumis comme en l'espèce à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), les faits expressément admis par la partie adverse n'ont pas à être prouvés, sous réserve de la faculté laissée au juge par l'art. 153 al. 2 CPC de faire administrer d'office la preuve d'un fait non contesté lorsqu'il existe des motifs sérieux de douter de sa véracité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_111/2019 du 23 juillet 2019 consid. 4.2.2 et les références citées).

Les faits allégués peuvent être reconnus expressément ou tacitement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 4.2.1). Le défendeur peut en principe se contenter de contester les faits allégués, puisqu'il n'est pas chargé du fardeau de la preuve et n'a donc en principe pas le devoir de collaborer à l'administration des preuves (ATF 144 III 519, consid. 5.2.2.2 et les références citées); en particulier, il n'a pas à donner les raisons de sa contestation (Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 20 ad art. 222 CPC; Willisegger, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n. 21 ad art. 222 CPC). Une contestation en bloc est toutefois insuffisante (ATF 141 III 433 consid. 2.6).

4.1.2 Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve désormais une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 138 III 374 consid. 4.3.1). Il confère au justiciable le droit de faire administrer les moyens de preuve adéquats qu'il propose régulièrement et en temps utile à l'appui de faits pertinents pour le sort du litige (ATF 140 I 99 consid. 3.4; 133 III 295 consid. 7.1; 129 III 18 consid. 2.6). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 141 I 60 consid. 3.3; 138 III 374 consid. 4.3.2; 129 III 18 consid. 2.6).

4.1.3 Le tribunal ne peut rendre un jugement final, mettant fin à la procédure, que lorsque la cause est en état d'être jugée (art. 236 CPC), ce qui implique qu'il dispose de l'ensemble des éléments de décision pour pouvoir statuer sur le bien-fondé de la prétention invoquée, ou prononcer un jugement d'irrecevabilité. Cela implique que le tribunal estime que l’instruction a été procéduralement correcte et que rien ne s’oppose à une décision immédiate (Tappy, op. cit., n. 11 ad art. 236 CPC). Le tribunal ne peut en principe pas rendre une décision sur le fond sans avoir tenu une audience de débats principaux, qui est en principe publique (arrêt du Tribunal fédéral 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 2.2). Cela étant, les parties peuvent d'un commun accord renoncer aux débats principaux (art. 233 CPC; ATF 140 III 450 consid. 2.2).

4.1.4 Selon l'art. 1 al. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté. Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO). Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le tribunal doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2). Le tribunal doit tout d'abord rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2, ATF 132 III 626 consid. 3.1 p. 632; ATF 131 III 606 consid. 4.1). Si le tribunal ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il doit rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (ATF
144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 4A_339/2020 du 10 juin 2021 consid. 6.2).

4.2 En l'espèce, à l'audience du 28 août 2020, le Tribunal a indiqué que la cause serait gardée à juger sur la question de la compétence du Tribunal pour statuer sur la compensation et sur l'éventuelle taxation de la contre-créance, après détermination des parties sur ces points.

Ce faisant, le Tribunal a limité l'instruction de la cause à deux points spécifiques, mettant en perspective un jugement séparé sur ces questions. Les parties n'ont de leur côté pas renoncé à la tenue de débats concernant les prétentions réclamées par le demandeur, ni à l'administration de preuves, et n'ont pas été interpellées par le Tribunal à ce sujet.

Cette violation des droits procéduraux des parties ne saurait être justifiée par le fait que celles-ci s'étaient déjà déterminées par écrit sur les prétentions invoquées par l'intimé dans sa demande, et ce d'autant moins que l'on ne pouvait considérer d'emblée que les faits allégués par l'intimé étaient intégralement admis.

S'agissant de la garantie, l'intimé a allégué dans sa demande que les parties avaient convenu que l'appelant rembourserait immédiatement les frais occasionnés à l'intimé si la garantie venait à être appelée; il a offert en preuve l'interrogatoire des parties. Cet allégué a été contesté par l'appelant, de sorte que le Tribunal ne pouvait pas considérer que les faits étaient sans autre admis sur ce point.

S'agissant du contrat du 7 décembre 2016, dont la conclusion et l'exécution par l'intimé n'est pas contestée, l'appelant a allégué dans sa réponse que le prêt avait été octroyé à raison des dettes de l'intimé envers lui. D'après l'appelant, le contrat avait été mis en place en raison d'exigences formulées par le service de compliance de la banque de l'intimé et le remboursement intervenu le 13 février 2017 avait servi à équilibrer les dettes respectives des parties. Dans sa duplique, l'appelant a par ailleurs explicitement allégué que l'intention des parties n'était pas que le prêt soit remboursé au-delà du montant dont l'appelant s'estimait débiteur envers l'intimé. L'on ne saurait ainsi retenir, comme l'a fait le Tribunal, que l'appelant n'avait pas contesté être débiteur de l'intimé à hauteur du montant non remboursé du prêt.

Eu égard à ces considérations, la cause n'était pas en état d'être jugée sur les créances principales, de sorte que le Tribunal a violé le droit d'être entendu des parties en rendant un jugement complet sur l'ensemble des prétentions, après avoir gardé la chose à juger sur la seule question de la compétence pour connaître de la créance opposée en compensation. Le jugement attaqué sera par conséquent annulé et la cause renvoyée en première instance.

5. Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final de première instance (art. 104 al. 1 CPC).

6. 6.1 Aux termes de l'art. 106 CPC, les frais – qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) – sont mis à la charge de la partie succombante (al. 1) ou sont répartis selon le sort de la cause, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (al. 2).

Le principe selon lequel les frais doivent être répartis selon l'issue du procès repose sur l'idée qu'ils doivent être supportés par celui qui les a occasionnés, étant présumé qu'il s'agit de la partie qui succombe (ATF 145 III 153 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 7.1).

Selon l'art. 107 al. 1 let. f CPC, le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable.

6.2 En l'espèce, les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 58'500 fr. (art. 95 et 105 al. 1 CPC; art. 17 et 35 RTFMC).

L'appelant a conclu en appel à ce qu'il soit constaté que le Tribunal était tenu d'instruire la preuve de tous les faits qu'il avait invoqués pour contester l'existence des créances invoquées par l'intimé, se prononcer sur l'exception de compensation et instruire les faits pertinents à cet égard. Il a ensuite conclu à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal afin qu'il reprenne la procédure et procède à l'instruction de l'entier des faits de la cause, y compris ceux relatifs à la compensation. L'intimé a de son côté conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, le Tribunal ayant à juste titre considéré que les faits n'étaient pas contestés et que la cause était en état d'être jugée s'agissant des prétentions principales.

L'appelant obtient gain de cause sur le principe du renvoi, mais pas sur son grief relatif à la compétence du Tribunal pour examiner l'existence de la créance compensatoire. Compte tenu du travail qu'a occasionné l'examen de cette question par la Cour, il se justifie de répartir les frais judiciaires d'appel par moitié entre les parties.

L'appelant étant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part des frais sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 122 et 123 al. 1 CPC; art. 19 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale [RAJ; E 2 05.04]).

L'intimé sera en conséquence condamné à verser 29'250 fr. à l'Etat.

Pour le surplus, compte tenu de ce qui précède, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er février 2021 par A______ contre le jugement JTPI/15542/2020 rendu le 14 décembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/1740/2018.

Au fond :

Annule le jugement attaqué.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance dans le sens des considérants du présent arrêt.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 58'500 fr. et les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Dit que la part des frais de A______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 29'250 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.