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C/2387/2021

ACJC/1140/2021 du 10.09.2021 sur JTPI/8432/2021 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.80
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2387/2021 ACJC/1140/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 10 SEPTEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance le 24 juin 2021, comparant par Me Anca APETRIA, avocate, AF Partners, Boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8432/2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté A______ des fins de sa requête en mainlevée définitive (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 200 fr., mis à la charge de la précitée, laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'Assistance juridique (ch. 2), a dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens (ch. 3) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que le jugement rendu par le Tribunal le 27 juillet 2020 sur mesures protectrices de l'union conjugale valait titre de mainlevée définitive. Cela étant, A______ ne disposait pas d'un tel titre s'agissant des allocations familiales. Par ailleurs, en l'absence de précisions quant au montant réclamé en poursuite, la somme effectivement due par B______ ne pouvait pas être examinée.

B. a. Par acte expédié le 8 juillet 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 1 de son dispositif. Elle a conclu à ce que la Cour prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (recte 2______), les frais du recours devant être mis à la charge de l'Etat.

b. A______ a préalablement requis la suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise.

Par arrêt ACJC/955/2021 du 20 juillet 2021, la Cour a ordonné que le séquestre ordonné le 24 juin 2021 par le Tribunal au préjudice de B______ demeure en vigueur jusqu'à droit jugé sur le recours formé.

c. Dans sa réponse du 23 juillet 2021, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de détermination spontané, les parties ont été avisées par plis du greffe du 19 août 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______ et B______ se sont mariés le ______ 2019 et sont les parents de l'enfant C______, né le ______ 2020.

b. Par jugement JTPI/9289/2020 du 27 juillet 2020, le Tribunal de première instance a notamment condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, une somme de 3'100 fr. à titre de contribution à l'entretien de l'enfant C______ (ch. 7 du dispositif).

Par arrêt ACJC/1798/2020 du 11 décembre 2020, la Cour a entre autre annulé ledit chiffre 7 et, statuant à nouveau, a condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales déduites, la somme de 2'800 fr. du 1er au 31 août 2020, puis la somme de 3'100 fr. dès le 1er septembre 2020, à titre de contribution à l'entretien de l'enfant C______.

Aucun recours au Tribunal fédéral n'a été formé contre cet arrêt.

c. Le 25 novembre 2020, A______ a requis le séquestre, au préjudice de B______, de divers comptes bancaires du précité, à concurrence de 4'850 fr.

Le procès-verbal de séquestre n'a pas été versé à la procédure.

d. Le 17 décembre 2020, A______ a déposé à l'Office cantonal des poursuites une requête de poursuite en validation du séquestre susmentionné.

e. Le 12 janvier 2021, l'Office a notifié à B______ un commandement de payer, poursuite n° 2______, auquel celui-ci a formé opposition.

Dans la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation" figure ce qui suit : "1. Jugement JTPI/9289/2020 du 27 juillet 2020 CHF 4'850.00; 2. Dépens procès-verbal séquestre 3______ CHF 270.00; 3. Coût procès-verbal séquestre 3______ CHF 324.90".

f. Par requête du 5 février 2021, A______ a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité.

A l'appui de sa demande, elle a produit, outre la poursuite en cause, le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale, un arrêt sur effet suspensif rendu par la Cour le 20 août 2020 (rejetant la requête d'effet suspensif concernant la contribution d'entretien), des échanges de correspondances entre les conseils des parties, une requête de séquestre du 25 novembre 2020 et l'arrêt rendu par la Cour le 11 décembre 2020.

A______ a fait valoir que la contribution concerne les mois d'août et septembre 2020, ainsi que les allocations familiales des mois d'août, septembre et novembre 2020. Elle n'a donné aucun détail chiffré relativement au montant de 4'850 fr.

g. A l'audience du Tribunal du 4 juin 2021, A______ a persisté dans ses conclusions, précisant que le montant requis en poursuite s'élevait à 4'550 fr. à la suite du prononcé par la Cour de l'arrêt du 11 décembre 2020.

B______ a contesté "les calculs" dès lors qu'il avait payé la totalité des loyers [de l'appartement] et du garage en août et en septembre 2020.

A______ a déclaré avoir tenu compte desdits paiements dans le cadre de la requête.

Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite, le recours est recevable en l'espèce.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1).

1.4 La procédure de mainlevée définitive, comme la procédure de mainlevée provisoire, est d'ailleurs une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire: le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblables des exceptions (arrêts du Tribunal fédéral 5D_195/2013 du 22 janvier 2014 consid. 3.1; 5A_339/2011 du 26 août 2011 consid. 4; ATF 139 III 444 précité; 136 III 583 consid. 2.3 et 132 III 140 consid. 4.1.1).

2. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.

2.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition (al. 1). Sont assimilés à des jugements les décisions des autorités administratives suisses (al. 2 ch. 2).

Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée ("formelle Rechtskraft") - qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral -, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire ayant un effet suspensif de par la loi (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).

La mainlevée définitive de l'opposition n'est accordée que si le jugement condamne le poursuivi à payer une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit vérifier que la prétention déduite en poursuite ressort du jugement qui lui est présenté. Il ne lui appartient toutefois pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement. En particulier, il n'a pas à examiner les moyens de droit matériel que le débiteur pouvait faire valoir dans le procès qui a abouti au jugement exécutoire (ATF 142 III 78 consid. 3.1; 140 III 180 consid. 5.2.1; 124 III 501 consid. 3a).

Saisi d'une requête de mainlevée définitive, le juge doit notamment vérifier si la créance en poursuite résulte du document produit (jugement ou titre assimilé). Pour constituer un titre de mainlevée définitive, ce document doit clairement obliger définitivement le débiteur au paiement d'une somme d'argent déterminée. Le juge de la mainlevée doit seulement décider si cette obligation en ressort. Certes, il peut prendre en considération à cette fin d'autres documents, dans la mesure où le titre y renvoie. En revanche, il n'a ni à revoir, ni à interpréter le titre qui lui est soumis (ATF 143 III 564 consid. 4.3-4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_183/2018 du 31 août 2018 consid. 6.1.2).  

Le juge de la mainlevée doit également vérifier d'office la question du caractère exécutoire du jugement, la preuve de celui-ci devant être apportée par le poursuivant (ATF 141 I 97 consid. 7.1; 5D_178/2020 du 26 janvier 2021 consid. 4.3.2; Abbet, in La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 73 ss ad art. 80 LP). 

2.2 Les contributions pécuniaires fixées par le juge en procédure de mesures protectrices de l'union conjugale peuvent être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC, applicable dans le cadre de l'organisation de la vie séparée selon l'art. 176 CC; ATF 115 II 201 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_454/2017 du 17 mai 2018 consid. 4.1 non publié aux ATF 144 III 377; 5A_932/2015 du 10 mai 2016 consid. 4.3.2), sous imputation des avances d'entretien éventuellement effectuées par le débirentier pendant cette période (ATF 138 III 583 consid. 6.1.2; 135 III 315 consid 2.3).

2.3 Le poursuivant doit encore indiquer le "titre de la créance", par exemple un jugement ou une décision condamnatoire, un contrat ou un document intitulé "reconnaissance de dette", etc. (Gillliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, 1999, n. 75 ad art. 67 LP); le titre doit être accompagné de l'indication de sa date, par quoi il faut entendre le jour de la naissance de la créance, et non de son échéance (qui peut être multiple ou périodique) ou de son exigibilité (ATF 78 III 12 consid. 1; 44 III 102). A défaut de titre, le poursuivant doit mentionner la "cause de l'obligation", à savoir la source de l'obligation. Le but de cette exigence n'est pas de permettre à l'office de procéder à un examen de l'existence de la prétention, mais de répondre à un besoin de clarté et d'information du poursuivi quant à la prétention alléguée afin de lui permettre de prendre position; toute formulation relative à la cause de la créance qui permet au poursuivi, conjointement aux autres indications figurant sur le commandement de payer, de discerner la créance déduite en poursuite suffit. En d'autres termes, le poursuivi ne doit pas être contraint de former opposition pour obtenir, dans une procédure de mainlevée subséquente ou un procès en reconnaissance de dette, les renseignements sur la créance qui lui est réclamée (ATF 141 III 173 consid. 2.2.2; 121 III 18 consid. 2; 95 III 33 consid. 1; 58 III 1 p. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_861/2013 du 15 avril 2014 consid. 2.2, in Pra 2014 n. 70 p. 516; Gillliéron, op. cit., n. 77 ad art. 67 LP).

Lorsque la poursuite tend au recouvrement de prestations périodiques (contributions d'entretien, salaires, loyers, etc.), la jurisprudence exige que la réquisition de poursuite indique avec précision les périodes pour lesquelles ces prestations sont réclamées; même si elles dérivent d'une même cause juridique ("Rechtsgrund"), elles ne sont pas moins des créances distinctes, soumises à leur propre sort (ATF 141 III 173 ibid; arrêt du Tribunal fédéral 5A_861/2013 précité consid. 2.3; arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 16 mars 2012, in BlSchK 2013 p. 32, Staehelin, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2e éd. 2010, n. 40 ad art. 80 LP et la jurisprudence citée).

2.4 Dans le présent cas, il n'est pas contesté que le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 27 juillet 2020 constitue un titre de mainlevée définitive sur lequel s'est fondé la recourante pour requérir la poursuite de l'intimé le 17 décembre 2020.

La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle n'avait fourni aucun détail sur le montant réclamé. Ce grief tombe à faux. En effet, comme rappelé ci-avant, il appartenait à la recourante de préciser, tant dans le commandement de payer que dans sa requête les périodes pour lesquelles les prestations étaient réclamées. Or en l'espèce, le commandement de payer fait uniquement mention du jugement rendu par le Tribunal en juillet 2020, sans autre précision. Par ailleurs, si la requête de mainlevée mentionne le montant de 4'850 fr. réclamé en poursuite, relativement aux mois d'août et de septembre 2020, ainsi que les allocations familiales pour ces mêmes mois, ainsi que pour le mois de novembre 2020, aucune explication n'a été donnée quant à la somme de 4'850 fr. Le débiteur ne pouvait ainsi pas savoir à quoi s'en tenir. En effet, la somme des contributions des mois d'août et de septembre représente 6'200 fr., montant auquel s'ajoutent les allocations familiales de 900 fr., soit un total de 7'100 fr. Enfin, le Tribunal n'avait pas à rechercher, dans la requête de séquestre produite par la recourante, le détail de la créance.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a retenu qu'il n'était pas en mesure de vérifier que le montant sollicité en poursuite était effectivement dû par l'intimé.

2.5 Infondé, le recours sera rejeté.

2.6 Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant l'argumentation de la recourante relative à la violation de l'art. 279 LP (validation de séquestre).

3. 3.1 Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP) et mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant qu'elle a fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

3.2 Au vu de l'issue et du contexte familial du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 106 al. 1 et 2 et 107 al. 1 let. C et f CPC), étant relevé qu'en tout état les démarches effectuées par l'intimé ne le justifient pas.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/8432/2021 rendu le 24 juin 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2387/2021–13 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.