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Décisions | Chambre civile

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C/8776/2017

ACJC/407/2019 du 15.03.2019 sur JTPI/11179/2018 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : CONTRAT D'ENTREPRISE ; APPEL EN CAUSE ; CONSTATATION DES FAITS
Normes : CPC.17
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8776/2017 ACJC/407/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 15 MARS 2019

Entre

1) A______ SA, sise ______ [ZH], comparant par Me Olivier Wehrli, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

2) B______ SA, sise ______ (BE), comparant par Me Serge Rouvinet, avocat, rue
De-Candolle 6, case postale 5256, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

recourantes et intimées contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le 13 juillet 2018,

et

1) C______, sise ______ (GE), intimée, comparant par Me Michel D'Alessandri, avocat, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

2) D______ SA, sise ______ (GE), autre intimée, comparant par Me Sirin Yuce Giess, avocate, rue De-Candolle 12, 1205 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.


 

 

EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/11179/2018 du 13 juillet 2018, reçu le 19 juillet 2018 par A______ SA et B______ SA, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a déclaré recevables les appels en cause formés par D______ SA à l'encontre de A______ SA (chiffre 1) et B______ SA (ch. 2), réparti les frais judiciaires - arrêtés à 1'200 fr. - par moitié entre A______ SA et B______ SA, compensé ces frais avec l'avance fournie de même montant par D______ SA, condamné A______ SA et B______ SA à verser la somme de 600 fr. chacune à D______ SA (ch. 3), condamné A______ SA et B______ SA à verser à
D______ SA chacune la somme de 1'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Le jugement indique qu'il "peut faire l'objet d'un appel [...] dans les 30 jours qui suivent sa notification".

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après: la Cour) le 16 août 2018, B______ SA "appelle" de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation des ch. 2 à 4 de son dispositif, sous suite de frais judiciaires et dépens, concluant principalement, à l'irrecevabilité de l'appel en cause formé par D______ SA à son encontre en raison de la tardiveté du dépôt des conclusions chiffrées d'appel en cause.

b. Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 août 2018, A______ SA a également formé recours contre le jugement du 13 juillet 2018, dont elle sollicite l'annulation, sous suite de frais judiciaires et dépens, concluant principalement à l'irrecevabilité de l'appel en cause formé à son endroit.

Subsidiairement, elle conclut à ce qu'il soit "ordonn[é] au Tribunal de première instance de procéder à l'audition de M. E______ en qualité de témoin ".

A l'appui de son recours, elle invoque notamment une constatation manifestement inexacte des faits, le Tribunal n'ayant pas retenu qu'elle avait envoyé à trois reprises à D______ SA la liste de prix de ses produits, lesdites listes se référant toutes à ses conditions générales de vente, qui contenaient une élection de for en faveur des tribunaux zurichois. Elle allègue également une violation de son droit à la preuve, le Tribunal ne s'étant pas prononcé sur sa requête d'audition du témoin E______.

c. Dans ses écritures responsives, D______ SA conclut à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Dans leurs déterminations sur le recours de l'autre,B______ SA et A______ SA s'en sont rapportées à justice.

e. Egalement invitée à se déterminer, C______ s'en est également rapportée à justice s'agissant des deux recours.

f. A______ SA a répliqué, persistant dans ses conclusions.

g. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du greffe de la Cour du 11 février 2019.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. Le 15 août 2017, la [fondation immobilière] C______ (ci-après: C______ ou la Fondation) a déposé une demande en paiement à l'encontre de D______ SA pour un montant de 650'852 fr. 16 avec intérêts à 5% l'an dès le 25 juin 2013, fondée sur la garantie pour défauts de la Norme SIA 118 en lien avec la pose de parquets.

b. Dans sa réponse du 10 novembre 2017, D______ SA a formé une demande reconventionnelle et sollicité l'appel en cause, non chiffré, de B______ SA et A______ SA, invoquant s'être fournie auprès de ces dernières s'agissant du matériel pour poser les parquets litigieux (colle, barrière anti-humidité et vernis), de sorte qu'elle pourrait faire valoir une action récursoire à leur encontre.

c. Par courrier du 4 décembre 2017, reçu par A______ SA et B______ SA le lendemain, le Tribunal leur a notifié le mémoire réponse de D______ SA et imparti un délai au 8 janvier 2018 pour se déterminer sur l'admissibilité de l'appel en cause.

d. Le 6 décembre 2017, D______ SA a déposé au Tribunal ses conclusions chiffrées à l'encontre de A______ SA et B______ SA, qui les ont reçues par pli simple du Tribunal daté du 8 décembre 2017.

e. B______ SA a constitué son conseil le 15 décembre 2017 et A______ SA le sien le 21 décembre 2017.

f. A la demande du conseil de B______ SA, le Tribunal a prolongé le délai qui lui avait été imparti pour se déterminer sur l'admissibilité de l'appel en cause au
15 février 2018.

g. Dans ses déterminations du 13 février 2018, B______ SA a notamment invoqué l'irrecevabilité de l'appel en cause en raison de l'absence de conclusions chiffrées dans le mémoire réponse de D______ SA du 10 novembre 2017.

h. Dans ses déterminations du 14 février 2018, C______ s'en est rapportée à justice.

i. Dans ses déterminations du 15 février 2018, A______ SA a invoqué l'irrecevabilité de l'appel en cause en raison de l'incompétence ratione loci du Tribunal, compte tenu de l'élection de for en faveur des tribunaux zurichois contenue dans le contrat de vente la liant à D______ SA.

En substance, A______ SA a exposé avoir été en relation d'affaires avec D______ SA pendant de nombreuses années. Les relations contractuelles entre les deux parties étaient notamment régies par des conditions d'achat particulières, lesquelles étaient négociées chaque année et confirmées en début d'année par A______ SA à D______ SA par l'envoi d'une confirmation des conditions d'achat. C'est ainsi qu'en 2011 une confirmation du prix d'achat d'un produit de collage avait été envoyée à deux reprises à D______ SA, puis encore à une reprise en 2012 et deux fois en 2013. Ces confirmations prévoyaient systématiquement que les conditions générales de A______ SA faisaient partie intégrante des offres.
Or, lesdites conditions générales, accessibles sur internet, prévoyaient notamment, dans leur version de 2012, la compétence des tribunaux du siège de A______ SA, situé dans le canton de Zurich. C'était par conséquent sur la base de ces
conditions que D______ SA avait commandé auprès de A______ SA les produits, notamment les colles, utilisés sur le chantier litigieux, de sorte qu'elle ne pouvait l'attraire à une procédure pendante devant un tribunal genevois.

j. Lors de l'audience de débats d'instruction du 4 juin 2018 ayant eu pour objet la recevabilité de l'appel en cause, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, D______ SA considérant que l'élection de for n'était pas valable et que les conclusions avaient été chiffrées le 6 décembre 2017, de sorte que les demandes d'admission d'appel en cause étaient recevables.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a notamment considéré que les conclusions chiffrées par D______ SA le 6 décembre 2017 l'avaient été à temps, puisqu'elles avaient pu être transmises à A______ SA et B______ SA avant que celles-ci aient constitué leur conseil respectif les 15 et 21 décembre 2017 et avant qu'elles se soient déterminées par écrit sur l'admissibilité de l'appel en cause.

S'agissant de l'élection de for en faveur des tribunaux zurichois, le Tribunal a estimé qu'elle n'avait été validée par aucun accord écrit de D______ SA, de sorte qu'elle n'était pas valable et ce en dépit du fait qu'elle figurait dans les conditions générales (Edition 2012) auxquelles se référait un fax de A______ SA à
D______ SA du 13 février 2013.

Pour ces raisons, le Tribunal a déclaré les appels en cause recevables.

 

EN DROIT

1.             1.1
1.1.1
Par économie de procédure et vu leur connexité, les deux recours
seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC). Par souci de clarté, D______ SA sera désignée ici comme l'intimée, B______ SA et A______ SA comme les recourantes.

1.1.2 En vertu de l'art. 82 al. 4 CPC, la décision d'admission de l'appel en cause peut faire l'objet d'un recours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_191/2013 du 1er novembre 2013 consid. 3.1).

Cette disposition renvoie à l'art. 319 let. b ch. 1 CPC, qui dispose que le recours est recevable contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance lorsque la loi le prévoit (Haldy, in Code de procédure civile commenté, 2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 82 CPC; Gasser/Rickli, Schweizerische Zivilprozess-ordnung (ZPO) Kurzkommentar, 2014 2ème éd., n. 8 ad art. 82 CPC; Göksu, DIKE-Kommentar, 2016, n. 15 ad art. 82 CPC).

La loi prévoit que le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 321 al. 1 CPC). Le délai est de 10 jours pour les décisions prises en procédure sommaire et les ordonnances d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (al. 2).

Selon un auteur, la décision sur l'admissibilité de l'appel en cause constitue une ordonnance d'instruction, de sorte que le délai de 10 jours prévu à l'art. 321
al. 2 CPC est applicable au recours contre cette décision (Schwander, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2013, n. 24 ad art. 82 CPC). D'autres auteurs considèrent cette décision comme une ordonnance d'instruction, voire comme une ordonnance d'instruction qualifiée, sans en déduire expressément que le délai abrégé de 10 jours serait applicable au recours contre cette décision (Gasser/Rickli, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO) Kurzkommentar, 2014 2ème éd, n. 8 ad art. 82 CPC; Domej, Kurzkommentar ZPO, 2014 2ème éd, n. 9 ad art. 82 CPC).

On déduit du principe général de la bonne foi que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une indication inexacte des voies de droit
(ATF 117 Ia 297 consid. 2). Seul peut toutefois bénéficier de la protection de la bonne foi celui qui ne pouvait pas constater l'inexactitude de la voie de droit indiquée, même avec la diligence qu'on pouvait attendre de lui (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_878/2014 du 17 juin 2015 consid. 3.2 et 4A_35/2014 du 28 mai 2014 consid. 3.2).

1.1.3 En l'espèce, les recourantes ont déposé leurs recours dans un délai de
30 jours suivant la notification du jugement entrepris, conformément aux indications données dans celui-ci.

La question de savoir si la décision querellée doit être considérée comme une ordonnance d'instruction soumise à un délai de recours de 10 jours (art. 321 al. 2 CPC), ou plutôt comme une "autre décision" au sens de l'art. 319 let. b
ch. 1 CPC, soumise au délai de 30 jours, peut en l'espèce demeurer indécise. Dans la décision attaquée, le premier juge a en effet indiqué que celle-ci pouvait être contestée dans les 30 jours auprès de la Cour. A supposer que cette indication soit erronée s'agissant du délai, il apparaît que ni la lecture de la loi ni même celle de la doctrine ne permettaient aux recourantes de la rectifier spontanément. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, les recourantes pouvaient dès lors de bonne foi se fier à cette indication, de sorte qu'il faut admettre que les recours sont recevables quant au délai.

1.2 Interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) en temps utile et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 321 al. 1 CPC) par des parties qui y ont un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC) les recours sont tous deux recevables.

Le fait que l'une des recourantes ait intitulé son acte "appel" ne fait pas obstacle à sa recevabilité, celui-ci pouvant être traité comme un recours (ATF 134 III 379 consid. 1.2; ATF 131 I 291 consid. 1.3), seule voie ouverte en l'espèce (cf.
ci-dessus consid. 1.1.2).

2.             A______ SA invoque tout d'abord une constatation manifestement inexacte des faits. Le Tribunal avait en effet constaté que A______ SA n'avait fait référence aux conditions générales de vente que le 13 février 2013, alors qu'à trois reprises elle avait fait part à l'intimée du fait que toute commande était soumise aux conditions générales de vente et ce avant la commande en cause, qui était intervenue le 29 août 2012.

2.1 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

La Cour doit ainsi conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par le premier juge et ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2).

La constatation manifestement inexacte des faits équivaut à l'arbitraire, soit lorsque la constatation des faits ou l'appréciation des preuves est manifestement insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, ou encore repose sur une inadvertance manifeste ou heurte de façon choquante le sentiment de la justice (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2509 et 2938 p. 452 et 519 et réf. citées).

Le recourant doit exposer avec précision en quoi un point de fait a été établi de manière manifestement inexacte; il ne peut se borner à opposer sa propre version des faits à celle du premier juge (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307 p. 422, n. 2510 p. 452 et n. 2515 p. 453; Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, in SJ 2009 II p. 257 ss, n. 16). Il n'y a lieu à correction des faits taxés d'arbitraire que si cette correction est susceptible d'influer sur le sort de la cause; en d'autres termes, ces faits doivent être pertinents pour l'issue du litige et conduire de la sorte à un résultat insoutenable (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2019 2ème éd., n. 5 ad art. 320 CPC; Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale, in SJ 2009 II p. 257 ss, n. 15).

2.2    En l'espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal ne s'est pas fondé, pour déclarer inapplicable l'élection de for figurant dans les conditions générales 2012 de A______ SA, sur le fait que la première mention desdites conditions générales aurait figuré dans un fax du 13 février 2013, en omettant de retenir les renvois aux conditions générales faits antérieurement. Le Tribunal a, en réalité, tout d'abord constaté l'existence, dans les conditions générales (édition 2012), d'une clause d'élection de for en faveur des tribunaux zurichois; puis il a retenu qu'aucun accord exprès de l'intimée à ce propos n'était établi, cette dernière n'ayant pas accepté ladite clause par une déclaration écrite, raison pour laquelle A______ SA ne pouvait s'en prévaloir.

C'est par conséquent à tort que A______ SA a retenu, sur ce point, une constatation inexacte des faits; ce premier grief doit être écarté.

3.             A______ SA soutient par ailleurs que le Tribunal a violé l'art. 17 CPC en déclarant que l'élection de for n'était pas valable. Elle se plaint par ailleurs d'une violation de son droit à la preuve et de son droit d'être entendue, en lien avec sa requête d'audition du témoin E______, le Tribunal étant resté silencieux à propos de cette offre de preuve dans le jugement attaqué.

3.1
3.1.1
A teneur de l'art. 16 CPC, le tribunal compétent pour statuer sur l'action principale statue aussi sur l'appel en cause.

Selon les cas, l'appel en cause contraint ainsi le tiers appelé à mener le procès à un for "étranger" (ATF 139 III 67 consid. 2.2 publié in SJ 2013 I 533).

Tel est le cas lorsque le for ordinaire de la prétention invoquée à l'encontre de l'appelé n'est ni impératif, ni semi-impératif, ni ne fait l'objet d'une clause de prorogation de for. Autrement dit, lorsque l'un de ces trois cas de figure est réalisé, l'appelé en cause ne peut être attrait au for de l'action principale (Frei, Basler Kommentar ZPO, 2017 3ème éd., ad art. 16 n. 5-6 ; Haldy, CPC Commenté, 2019 2ème éd., ad art. 16 n. 3-4).

3.1.2 A teneur de l'art. 17 CPC, sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d'un for pour le règlement d'un différend présent ou à venir résultant d'un rapport de droit déterminé. Sauf disposition conventionnelle contraire, l'action ne peut être intentée que devant le for élu (al. 1). La convention doit être passée en la forme écrite ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte (al. 2).

Les exigences de forme doivent être appliquées avec rigueur car l'élection de for déroge au principe général du for du défendeur (art. 10 CPC). Elles sont destinées à empêcher qu'une clause d'élection de for ne soit incluse dans le texte d'un contrat à l'insu des parties; il faut donc, pour que l'une d'elles puisse se prévaloir d'une pareille clause, que les parties soient effectivement convenues de choisir le for et, cumulativement, que leur volonté commune ait été concrétisée dans la forme mentionnée à l'art. 17 al. 2 CPC (ATF 131 III 398 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_272/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5.1 publié in
SJ 2008 I 205 p. 208).

Il n'est pas nécessaire que la clause d'élection de for soit revêtue de signatures manuscrites. La convention correspondante peut résulter d'un échange de lettres. La volonté d'accepter une clause que l'autre partie propose par écrit doit être exprimée de manière claire et, aussi, par écrit; le support utilisé importe peu. Le silence de l'un des cocontractants n'offre pas la garantie sérieuse d'une acceptation consciente; c'est pourquoi la clause d'élection de for insérée dans une confirmation de commande écrite n'est pas censée convenue simplement parce que le destinataire ne s'y est pas opposé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_592/2014 du
25 février 2015 consid. 2.1 et 2.2, comm. Heinzmann/Grobety in DC 2015 343; ATF 131 III 398 consid. 7.1.1 publié in JdT 2006 I 315 et SJ 2005 I 473; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 4A_323/2013 du 29 novembre 2013 consid. 4.3.3).

Cela étant, si le cocontractant est expérimenté en affaires et en droit, son contractant peut en règle générale considérer qu'il a consciemment renoncé à son for naturel, pourvu que les conditions générales aient été jointes à l'offre de contracter, ou que leur contenu et leur application aient été déjà connues du cocontractant par les relations d'affaires précédentes des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2011 du 10 août 2011 consid. 2, note Bohnet in RSPC 2012,
p. 35 ss; ATF 118 Ia 294 consid. 2a; 104 Ia 278 consid. 3 publié in
JdT 1979 I 154; confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 4C_282/2003 du
15 décembre 2003 consid. 3.1). L'acceptation d'une offre qui mentionne des conditions générales, sans les annexer, ne peut de bonne foi être considérée par son auteur comme valant renonciation du destinataire aux fors légaux, même si l'offre indique que les conditions générales sont à disposition sur demande (Bohnet in RSPC 2012, p. 35 ss).

3.1.3 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst., le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 137 II 266 consid. 3.2; ATF 136 I 229 consid. 5.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 IV 81 consid. 2.2; 133 III 235 consid. 5.2).

3.1.4 Même dans le cadre d'un recours au sens strict, une violation du droit d'être entendu peut être guérie, lorsque elle ne concerne que des questions de droit - et non des allégués de fait que le tribunal cantonal ne peut pas examiner librement, en raison de la limitation de sa cognition (art. 320 CPC). En ce cas, le tribunal cantonal peut renoncer à renvoyer la cause, dès lors que ce renvoi ne serait qu'une vaine formalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.2.4).

3.2 En l'espèce, c'est à raison que le Tribunal a considéré inapplicable l'élection de for en faveur des tribunaux zurichois contenue dans les conditions générales (édition 2012) de A______ SA, faute d'un accord écrit de l'intimée sur ce point.

En effet, s'il n'est pas contesté que les documents transmis par A______ SA à l'intimée en 2011, 2012 et 2013 renvoyaient aux conditions générales de cette dernière, lesquelles contenaient une élection de for en faveur des tribunaux zurichois, A______ SA n'allègue pas avoir remis à l'intimée un exemplaire desdites conditions générales, mais s'est contentée d'indiquer qu'elles étaient accessibles sur internet. Il est par ailleurs établi que l'intimée n'a jamais manifesté formellement et par écrit son acceptation de la clause de prorogation de for. Le simple fait que l'intimée ait, le cas échéant, accepté les offres de A______ SA, qui renvoyaient à des conditions générales non transmises, ne saurait être considéré comme suffisant pour admettre une acceptation de la clause litigieuse.

Le dossier ne contenant aucun élément permettant de retenir l'existence d'un accord répondant aux exigences de forme de l'art. 17 al. 2 CPC portant sur la clause d'élection de for en faveur des tribunaux zurichois invoquée par A______ SA, l'audition de E______, sollicitée par cette dernière, n'était pas susceptible de modifier cet état de fait, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal a renoncé à l'ordonner.

A supposer que le Tribunal ait violé le droit d'être entendu de A______ SA en ne motivant pas son refus de donner suite à son offre de preuve, le renvoi de la cause au Tribunal pour qu'il motive sa décision ne serait qu'une vaine formalité au vu des explications qui précèdent.

Partant, ce grief sera rejeté à l'instar du grief de violation de l'art. 17 CPC, le Tribunal ayant retenu à juste titre que l'élection de for incluse dans les conditions générales (édition 2012) de la recourante n'était pas valable. A défaut de for impératif ou semi-impératif en cas de litige entre l'intimée et A______ SA, cette dernière pouvait être attraite devant un for "étranger", à savoir le for de l'action principale, soit à Genève.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qui concerne A______ SA.

4.             La seconde recourante, soit B______ SA, estime quant à elle que le Tribunal aurait dû considérer le dépôt des conclusions chiffrées de l'intimée tardif et ainsi déclarer l'appel en cause irrecevable.

4.1
4.1.1
Selon l'art. 81 al. 1 CPC, le dénonçant peut appeler en cause le dénoncé devant le tribunal saisi de la demande principale en faisant valoir les prétentions qu'il estime avoir contre lui pour le cas où il succomberait. La demande d'admission de l'appel en cause doit être introduite avec la réponse ou avec la réplique dans la procédure principale et le dénonçant doit énoncer les conclusions qu'il entend prendre contre l'appelé en cause et les motiver succinctement (art. 82 al. 1 CPC).

A teneur du Message relatif au code de procédure civile suisse, l'appel en cause ne doit pas entraver de quelque manière un procès proche de son dénouement, raison pour laquelle il doit être déposé dans la réponse ou la réplique au plus tard (FF 2013 6841ss, p. 6898).

La recevabilité d'un appel en cause est soumise aux conditions particulières des dispositions précitées et également aux conditions générales de recevabilité de l'art. 59 CPC, qui valent pour toutes les demandes (arrêts du Tribunal fédéral 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2; 4A_164/2016 du 18 octobre 2016 consid. 3.2; ATF 142 III 102 consid. 3; 139 III 67 consid. 2.4).

Les conclusions d'un appel en cause doivent ainsi être chiffrées et ne doivent pas être subordonnées à l'issue de la procédure principale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.2; 4A_164/2016 du 18 octobre 2016 consid. 3.2; ATF 142 III 102 consid. 3 à 6).

4.1.2 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (art. 29 al. 1 Cst).

Cet article consacre l'interdiction du formalisme excessif. Il y a formalisme excessif lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5; 128 II 139 consid. 2a; 127 I 31 consid. 2a/bb; 125 I 166 consid. 3a; 121 I 177 consid. 2b/aa; arrêt du Tribunal fédéral 5P_389/2004 du 9 mars 2005 consid. 2.2 publié in SJ 2005 I 579).

4.2 En l'espèce, il convient d'admettre, avec le Tribunal, que l'intimée a formé en temps utile sa demande d'admission d'appel en cause, celle-ci ayant été incluse dans le mémoire réponse de l'intimée.

Certes, l'intimée n'a pas chiffré d'emblée ses conclusions alors qu'elle aurait été en mesure de le faire, puisqu'elle n'a finalement fait que reprendre, dans ses conclusions chiffrées, l'intégralité du montant qui lui était réclamé dans l'action principale. Toutefois, elle les a chiffrées spontanément le lendemain de la notification par le Tribunal aux recourantes du mémoire réponse du 10 novembre 2017 et lesdites conclusions chiffrées leurs sont parvenues moins d'une semaine plus tard. En outre, force est de constater que suite à la réception des conclusions chiffrées, les recourantes ont pu bénéficier d'un délai d'un mois, prolongé d'un mois supplémentaire - à la demande de B______ SA elle-même - pour se déterminer sur l'admissibilité de l'appel en cause. La procédure n'a ainsi pas souffert de retard inadmissible dû au décalage entre le dépôt du mémoire réponse non chiffré et celui des conclusions chiffrées, contrairement aux cas sur lesquels s'est penché le Tribunal fédéral - à savoir lorsque les conclusions n'avaient été chiffrées à aucun stade de la procédure - qui ne peuvent à l'évidence pas être comparés au cas d'espèce. Enfin, comme l'a soulevé le Tribunal, au moment de la notification des conclusions chiffrées, les recourantes n'avaient pas encore constitué leur conseil respectif ni entrepris de démarches pour mettre en place leur défense. Les recourantes ne peuvent ainsi faire valoir aucun intérêt digne de protection à une application stricte de l'art. 59 CPC puisqu'elles n'ont subi aucun préjudice - qu'elles n'allèguent d'ailleurs pas.

Dans ce contexte, déclarer la demande d'appel en cause irrecevable pour cause de tardiveté violerait le principe de l'interdiction du formalisme excessif.

Au vu des éléments qui précèdent, le grief soulevé par B______ SA sera également rejeté et le jugement querellé intégralement confirmé.

5.             5.1 Les recourantes, qui succombent, seront condamnées aux frais judiciaires des recours, arrêtés au total à 2'000 fr. et répartis par moitié entre elles (art. 104 al. 2, 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC; art. 13, 20 et 41 du Règlement fixant le tarif des greffes en matière civile [RTFMC; E 1 05.10]). Ils sont entièrement couverts par les avances de 1'000 fr. chacune opérées par les recourantes, qui restent acquises à l'État de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

5.2 Les recourantes seront en outre condamnées à verser à l'intimée un montant de 900 fr. chacune à titre de dépens (art. 95 al. 3 let. a et b, 104 al. 2, 105 al. 2 et
106 al. 1 CPC; art. 85, 87 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1 et 25 LaCC).

Il n'y a par contre pas lieu d'allouer de dépens à la C______, qui a répondu aux deux recours par une simple lettre.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les recours interjetés le 16 août 2018 par B______ SA et le 27 août 2018 par A______ SA contre le jugement JTPI/11179/2018 rendu le 13 juillet 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8776/2017-20.

Au fond :

Rejette ces recours.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 2'000 fr., les répartit par moitié entre B______ SA et A______ SA et les compense avec les avances de frais effectuées par celles-ci d'un montant de 1'000 fr. chacune, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne B______ SA à verser à D______ SA le montant de 900 fr. à titre de dépens.

Condamne A______ SA à verser à D______ SA le montant de 900 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Pauline ERARD et
Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra MILLET, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra MILLET

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.